La vie est semblable à un labyrinthe.
Le fait qu’il n’existe pas qu’un seul chemin qui nous mène à nos objectifs est épuisant.
En prenant une voie que l’on ne connaît guère, on peut se confronter à des difficultés qui nous dépassent.
C’est là l’essence même du monde dans lequel l’humain évolue.
C'est amusant au début, mais exténuant au fil des ans.
L'abandon est facile, dire de ne pas le faire l'est aussi …
… pourtant lorsque l'on pleure silencieusement les cris de tristesse qui émanent de nos cœurs
… il est délicat de ne pas choisir l'accessibilité afin de reposer nos esprits torturés.
De temps à autre, on peut avoir l'impression que l'on se bat dans le vide, que rien ne vient, rien ne se produit et pourtant…
Et pourtant…
L'odeur du fumier laisse place à celle du sang et des cadavres en début de décomposition. Seul le bruit des pelles et de la terre relevée se fait entendre. Les corps fraîchement dénués de vie, s'empilent mollement dans la fosse commune. Le soleil transperce fébrilement les nuages et bénit les soldats devenus fossoyeur de sa lumière. Les vainqueurs de cette dernière bataille continuent de travailler réunissant dans ce trou béant les amis et ennemis devenus méconnaissables. L’ambiance lourde laisse une pointe d’étrangeté animer les lieux, une question muette résonne jusque dans les entrailles de chacun : pourquoi la victoire a-t-elle la même saveur que l'échec ?
Des pupilles marron et livide rencontrent les prunelles bleues du commandant triomphateur. Son cœur est en proie à des sentiments divers et contradictoires, accentuant son teint blafard qui rivalise grandement contre celui du cadavre de sa défunte adversaire. La boue se tapit sur son visage ainsi que sur son armure donnant de la couleur à sa personne. En regardant de plus près, la vaincue et lui se ressemblaient physiquement et mentalement. Enfin, c'est ce qu'il pensait avant le début de ce conflit. Sur le sommet de sa chevelure dorée devenue grise par les précédents combats, il sent les premières gouttelettes de pluie. L’homme refuse de relever la tête vers le ciel de peur que les dieux - s’ils existent encore - se rient de lui. Le vide qui règne dans son âme l'effraie, incapable de penser correctement, le cerveau de l’homme se demande si la folie viendra le punir pour ce qu'il vient de commettre. Autour de lui, tout n’est que tristesse, colère, soulagement ainsi qu’épuisement. Ayant un poste à haute responsabilité, il ne peut se permettre de s'effondrer maintenant.
Tout ce qu'il retire de cette guerre est que les alliés d'hier deviennent les ennemis de demain. Ils se rapprochent de vous, créent des liens et appuient toujours là où ça fait le plus mal afin de mieux vous détruire plus tard. Vous leur donnez le ciel sans confession après leur avoir montré vos plus grandes faiblesses. Quelle erreur…
L'incompréhension et l’horrible sentiment de trahison arrachent le cœur du commandant, se demandant lui-même s’il est utile d’avoir des amis ou une famille si c’est pour finir par s’entretuer de la sorte. Dusirene, un royaume prospère est devenu un feu éternel. Désormais, seule la mort et la désolation accompagnent les habitants. L’avidité et la corruption les ont amenés à ce résultat. Un désastre sans nom à achever leur belle nation, les citoyens ne savent pas comment ils se relèveront de ce fléau.
Quant à l’ennemie, c’était une femme que le trentenaire a côtoyée par le passé et elle l’a vu grandir. La perdante était l'amie proche et l'allié de ses mères malheureusement, il s'est retrouvé face à elle afin de clôturer cet événement affligeant. Ils n'étaient pas si différents, cependant, c’est tardivement que tous ont compris qu’ils avaient des objectifs discordants. Cette amitié correspond au fait que l’on peut rencontrer la bonne personne, mais au mauvais moment.
— Commandant ?
Il se tourne vers sa subordonnée qui est dans le même état que lui.
— La fosse commune est pleine, il y a plus de morts que prévus devrions-nous en creuser une nouvelle ?
— Les récoltes d'automne ne pousseront pas sur des cadavres. Préparer les chariots et emmener ce qu'il en reste au crématorium du village voisin.
La jeune femme ainsi que les autres fossoyeurs acquiescent et chacun se remet au travail. La soldate se penche vers la défunte afin de l'emmener au lieu indiqué.
— Laisse, dit-il doucement. Je m'occupe d'elle.
Elle opine et part. Le commandant pose un genou au sol et place sa paume froide au-dessus des paupières du cadavre afin de les refermer.
— En quittant le monde des vivants les yeux ouverts, cela signifie que tes regrets sont grands. Demande la miséricorde aux divinités si ton âme y croit encore et voyons-nous à nouveau dans cette vie ou dans une autre, ma vieille amie.