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c h a p i t r e  4 

Le murmure du béton

La lumière grise du matin traverse les volets mal fermés, projetant des traits lumineux sur le mur décrépi de mon salon. Le silence est lourd, presque étrange. Je déteste les matins, mais celui-là est différent. Un bon différent.

Adria dort toujours à côté de moi, sa respiration douce et régulière. Elle a fini par s’endormir comme une gosse, blottie contre moi, ses cheveux éparpillés sur mon torse nu. Une mèche est coincée sur le coin de sa bouche, et un sourire léger étire mes lèvres. Son grain de beauté près de sa pommette ressort encore plus dans cette lumière pâle. C’est une de ces petites choses qui rendent son visage unique, comme si tout chez elle avait été dessiné avec soin.

Je glisse doucement mes phalanges dans sa tignasse, faisant attention de pas la réveiller. Mes doigts effleurent ses mèches encore emmêlées de la veille, et je laisse échapper un petit sourire en repensant à tout ce qu’on a fait. Putain, c’était intense. Elle me rend fou, dans tous les sens du terme.

Je tourne la tête pour regarder l’horloge accrochée au mur. 8h14. Déjà trop tard pour traîner, mais j’ai pas envie de bouger. Ça me surprend moi-même, cette envie de rester planté là, à profiter de ce moment. C’est pas mon genre. D’habitude, je me lève direct, café, clope, journée qui commence. Mais là… j’ai l’impression que si je bouge, tout va s’effondrer.

J’sens Adria bouger légèrement contre moi. Elle laisse échapper un petit grognement en enfouissant son visage dans le creux de mon cou, sa main venant s’agripper à mon torse.

— T’es réveillé ? murmure-t-elle, sa voix encore endormie.

— Depuis un moment, ouais.

Elle lève la tête pour me regarder, ses paupières encore lourdes. Ses yeux sombres, toujours un peu plus brillants que ceux des autres, croisent les miens, et je ressens ce truc bizarre dans la poitrine. Le genre de truc qui te rappelle pourquoi t’arrives pas à la lâcher. Elle passe une main dans ses cheveux, essayant de les dompter, avant de se redresser légèrement pour s’asseoir à mes côtés. Le drap glisse sur sa peau nue, révélant la courbe de son dos et ses épaules fines. Son teint tanné par le soleil capte les rayons du matin, la rendant presque irréelle.

— T’as bien dormi ? je demande, ma voix encore éraillée du matin.

Elle me regarde, un sourire amusé sur les lèvres.

— T’en penses quoi ?

Je souris malgré moi, secouant légèrement la tête. Adria. Toujours à chercher à me provoquer, même au réveil. Elle se penche pour attraper mon t-shirt posé sur la table basse et l’enfile rapidement. Ça me fait marrer de la voir nager dedans.

— T’as un truc à faire aujourd’hui ? demande-t-elle en cherchant sa vapote dans son sac posé à terre.

Je me passe une main sur le visage, avant de me redresser à mon tour.

— Le taf, comme d’hab. Et toi ?

Elle allume sa clope électronique tirant dessus longuement avant de souffler la fumée en l’air.

— Rien de prévu. Peut-être que je vais passer voir les filles tout à l’heure. Ou rester là.

Son regard glisse sur moi, et je la sens me fixer même si je dis rien. Elle me connaît par cœur, assez pour sentir quand je commence à me refermer. J’attrape mon jogging posé à terre et l’enfile rapidement, avant de me diriger vers la cuisine pour préparer un café. Le silence me suit, et je sais qu’elle va pas laisser passer.

— Ales. Sa voix me stoppe net dans mon mouvement.

Je me retourne pour la regarder. Elle est debout au milieu du salon, une main posée sur sa hanche. Mon t-shirt trop grand flotte autour d’elle, et la lumière grise du matin dessine des ombres légères sur son visage, soulignant ce grain de beauté sur sa joue. Elle est belle, même comme ça. Trop belle pour moi, sûrement.

— T’as quoi, là ? demande-t-elle, son regard planté dans le mien.

Je hausse les épaules, comme si c’était rien.

— Rien.

— T’es sérieux ? Tu t’es levé, t’as direct tiré la gueule.

Je soupire, passant une main dans mes cheveux décolorés, sentant les racines brunes commencer à apparaître. Ça m’énerve qu’elle lise en moi aussi facilement. J’sais même pas ce que j’ai, c’est ça le pire. Une nuit comme celle-là, ça me fout toujours en vrac. Parce que ça me rappelle que c’est pas mon monde, tout ça. Que moi, j’ai toujours une galère qui m’attend dehors.

— J’ai juste des trucs en tête, Adria. Lâche l’affaire.

Elle me fixe encore, ses yeux ambrés brûlaient d’un feu discret, cherchant à m’arracher une réponse. Puis elle secoue la tête, un sourire amer sur les lèvres.

— T’es relou, Ales. Toujours à tout garder pour toi.

Je la regarde sans rien dire, incapable de trouver les mots pour la rassurer. Parce que j’sais pas quoi dire. Mais elle finit par soupirer.

— C’est bon. Fais ton café.

Elle tourne les talons pour retourner dans la salle de bain, et je reste là, planté au milieu du salon, un poids lourd sur la poitrine. Elle a raison. Je suis relou. Toujours à fuir quand les choses deviennent trop simples, trop belles.

Mais c’est pas elle le problème. C’est moi. Toujours moi.

Je reste planté au milieu du salon pendant quelques secondes, la cafetière qui tourne dans un silence presque assourdissant. J’entends Adria dans la salle de bain : le bruit de l’eau qui coule, ses mouvements à peine perceptibles. Elle a pas claqué la porte, mais le son de son “relou” résonne encore dans ma tête. Elle a pas tort.

Je secoue la tête, essayant d’effacer ce sentiment d’étouffement qui me colle depuis ce matin. J’ai l’impression d’être bloqué entre deux mondes. Le mien, avec mes galères, mes embrouilles, mes routines qui puent l’ennui. Et le sien, où elle débarque toujours avec sa bonne humeur, son sourire, et ce truc qui me fait tout oublier le temps d’une nuit. Mais au réveil, les emmerdes sont toujours là, à m’attendre bien sagement.

La cafetière s’arrête dans un bruit sec. Je me sers un mug et tire une clope de mon paquet. Le goût de la première taffe est rude, mais ça me calme direct. J’allume mon téléphone posé sur la table, l’écran qui s’éclaire d’un coup. Deux appels manqués de Mathias et un message.

Math: Mec, rappelle-moi vite. T’as vu l’heure ? On doit bouger pour l’affaire.

Je soupire. L’affaire. J’avais presque oublié. J’sais même pas pourquoi je traîne encore dans ces histoires, pourquoi j’arrive pas à dire non quand les gars m’appellent. Peut-être parce que c’est tout ce que je connais, peut-être parce que dans le fond, ça me rassure. Au moins, là-bas, tout est clair : tu gagnes ou tu perds, mais tu fais pas semblant. Ici, avec Adria, je sais jamais où j’en suis.

La porte de la salle de bain s’ouvre, et Adria revient dans le salon. Ses cheveux sont encore humides, tombant en vagues sur ses épaules. Elle porte toujours mon t-shirt, avec un vieux legging à elle qu’elle a dû trouver dans mes affaires. Elle me regarde en silence, ses yeux s’arrêtant sur la clope que je tiens entre les doigts.

— Déjà en train de cramer ton stress ?

Je hausse les épaules, avalant une autre taffe.

— Math’ m’a appelé. Je dois bouger.

Elle fronce les sourcils, croisant les bras sur sa poitrine. Je sais déjà ce qu’elle va dire. Elle aime pas quand je traîne avec les gars du quartier. Elle sait très bien ce qu’on y fait, même si j’évite d’en parler.

— T’as vraiment besoin de ça ? Sa voix est calme, mais y’a cette pointe d’inquiétude derrière.

— C’est rien, Adria. Juste un truc rapide.

Elle soupire, passant une main dans ses cheveux.

— Un truc rapide. C’est toujours la même excuse. Et si t’y restes un jour, ce sera rapide aussi ?

Je la regarde, incapable de répondre. Elle marque un point, mais j’ai pas la tête à ça. Je tire une dernière bouffée entre mon pouce et mon index avant d'éteindre ma clope dans l'évier et me dirige pour aller chercher ma veste a capuche et ma casquette posée sur le dossier d’une chaise. Elle me suit du regard, et quand je passe à côté d’elle pour enfiler mes Air Max, elle finit par parler, d’une voix plus douce.

— Fais gaffe, Ales. Je te dis pas ça pour te faire chier, mais parce que…

Elle s’arrête, hésite, comme si elle cherchait ses mots. Je m’arrête aussi, relevant la tête pour la regarder.

— Parce que quoi ?

— Parce que je tiens à toi, bordel. J’ai pas envie de te perdre pour une connerie.

Ses mots me frappent plus que je veux l’admettre. Je reste silencieux, le regard planté dans le sien. Puis, sans rien dire, je m’approche et passe une main dans ses cheveux encore humides. Je l’attire doucement vers moi et pose mes lèvres sur son front.

— Je fais gaffe, promis.

Elle me fixe, sceptique, mais finit par hocher la tête. J’sais qu’elle me croit pas vraiment, mais elle me laisse filer quand même. Parce que c’est comme ça entre nous : elle me laisse partir même quand elle voudrait me retenir.

Je récupère mes clés, mon téléphone. 

Je sors de mon bâtiment, la porte qui grince derrière moi et résonne dans les escaliers vides. La cité est encore calme, presque endormie, mais ça va pas durer. Dans quelques heures, y’aura les petits qui traînent en bas, les mamans avec leurs poussettes, et les anciens assis sur les bancs à refaire le monde. Mais pour l’instant, c’est moi et cette paix fragile qui flotte dans l’air.

Je descends les marches en tirant ma capuche sur la tête. Les murs sont tagués de partout : des initiales. Je reconnais les signatures des gars, des graffitis qu’ils laissent comme des empreintes pour marquer leur territoire. “ICI, C’EST NOUS.” Ça a toujours été comme ça, et ça changera pas.

Le téléphone vibre dans ma poche alors que j’approche du point de rendez-vous. C’est Math’.

— T’es où, frère ? Ça fait deux heures que j’t’attends !

— J’arrive, calme-toi. C’est bon, j’vais pas t’planter.

— J’espère. J’ai besoin de toi pour ça. On va voir les autres là-bas, t’oublies pas.

Je raccroche, mon cœur qui se serre légèrement. Les autres. Je sais très bien qui il veut dire, et ça me plaît pas du tout. Mais j’ai pas le choix. Pas aujourd’hui.

Je serre les poings dans les poches de ma veste et accélère le pas. Les galères dorment jamais, et elles m’attendent toujours au tournant.

***

Dehors, l’air est frais. Le ciel est gris, un gris métallique qui menace de pleuvoir. Les barres d’immeubles s’étendent devant moi, massives et fatiguées. Les fenêtres s’alignent en rangs serrés, la plupart avec des volets cassés ou des rideaux jaunis. Je jette un œil à ma gauche : les garages sont fermés, mais je sais que dans quelques heures, certains vont s’ouvrir pour laisser place aux gars qui bricolent, qui vendent, qui squattent. C’est le rythme de la cité, le rythme qu’on connaît tous.

Je traverse la dalle centrale où les bancs en béton sont recouverts de tags. Une bouteille vide roule sur le sol sous l’effet du vent, et je souris en la voyant faire. C’est con, mais ça me rappelle des soirées ici avec les gars, des éclats de rire, des joints qui tournent, des plans foireux montés en vitesse.

Je m’arrête quelques secondes, mes yeux qui balayent l’horizon. Là-bas, sur le terrain de foot grillagé, y’a un gamin avec un ballon qui joue tout seul. Il tape dans le cuir avec force, répétant les mêmes gestes comme s’il s’entraînait pour un truc important. J’sais même pas d’où il vient, mais je reconnais ce regard. Déterminé, perdu. C’est celui qu’on avait tous à son âge.

T’as beau courir, la cité te rattrape toujours.

Je secoue la tête et continue ma route, mes baskets qui frottent contre le bitume fissuré. Je longe les voitures garées en vrac, la plupart cabossées ou rouillées. Ici, personne roule en neuf. Y’a que des BMW fatiguées, des Clio grises ou des Golf tunées qui ont trop de kilomètres au compteur.

Mon téléphone vibre dans ma poche, mais je le laisse sonner. Je connais déjà ce que Math’ veut me dire. C’est toujours la même chose : urgence, plan galère, besoin de renforts. Je soupire, les poings enfoncés dans ma veste. J’ai dit que j’y allais, mais je traîne. J’aime pas ça.

Pourquoi j’y vais encore ? C’est la question qui me tourne dans la tête. Je sais même pas ce que j’y cherche. De l’argent ? De l’adrénaline ? Peut-être juste une raison de rester en mouvement, parce que si je m’arrête trop longtemps, j’ai peur de voir ce que je suis devenu.

Je passe devant un vieux lampadaire qui clignote. Sous ses pieds, une bande de chats errants fouille dans une poubelle renversée. L’odeur est infecte, un mélange de plastique brûlé et de nourriture moisie, mais je m’y suis habitué. C’est le quartier chaotique, bruyante, mais à sa façon, elle est chez moi.

Plus loin, j’aperçois des gars de mon âge qui squattent devant une voiture. Ils parlent fort, rient, et l’un d’eux me remarque.

— Ales, mon reuf ! Viens voir !

Je hoche la tête en signe de salut sans m’arrêter. Pas le temps. Pas aujourd’hui. Je sens leurs regards dans mon dos, mais je continue à marcher. La rue se vide lentement derrière moi, les bruits des conversations s’effaçant avec mes pas.

Je sors mes écouteurs de ma poche et lance une playlist. Du rap français, lourd et sombre, qui colle parfaitement à l’ambiance. Les basses frappent fort, et je me laisse porter par les paroles. Des textes qui parlent de nous, des galères, des choix pourris qu’on fait en croyant que c’est la seule solution.

Mes pensées dérivent vers Adria. Je me surprends à imaginer son regard quand elle m’a dit de faire gaffe. Elle sait pas à quel point j’aimerais la croire, lui dire que j’ai trouvé une porte de sortie. Mais c’est pas si simple. Pas quand t’es né là, quand chaque mec du quartier t’appelle pour que tu viennes poser tes mains sur un plan douteux.

Je m’arrête enfin devant la bouche de métro. Le RER A rugit au loin, le bruit de métal qui s’écrase contre les rails. Direction Nation, puis le reste. Je respire un grand coup avant de descendre les marches. Le vrai monde m’attend.

J’arrive devant la bouche de métro, le bruit des trains résonne jusqu’à la surface. J’hésite. Une seconde, pas plus. Le passe Navigo dans ma poche pèse lourd, comme un rappel de ce que j’avais prévu : prendre le RER A, descendre à Nanterre, me pointer à l’atelier avec ma gueule de déterré, et faire ma journée de taf. Comme si de rien n’était.

Mais je sais déjà que j’irai pas.

Mon téléphone vibre encore. Je le sors et vois Mathias m’appeler. Je souffle fort, mon regard qui s’attarde sur le quai désert en contrebas. Tout est silencieux, mais dans ma tête, c’est le bordel. J’appuie sur décrocher.

— Ouais ?

— Frère, t’es où ? On t’attend ! Bouge-toi, gros. J’te jure c’est sérieux cette fois.

Je fronce les sourcils, méfiant. Avec Math’, “sérieux” veut tout et rien dire. Je l’entends parler vite, son souffle court, sûrement en train de marcher.

— Sérieux comment ? je lâche, ma voix calme pour cacher ce que je pense.

— On a un plan, un vrai, avec de la thune à se faire. Mais on a besoin de toi. T’es encore à la bourre.

Je regarde autour de moi, la rue vide, les pigeons qui fouillent les sacs plastiques éventrés. Ça sent la merde et la pluie qui va tomber. Là, maintenant, je peux encore décider de monter dans ce foutu train, mais Math’ m’a déjà eu.

— J’arrive. T’es où ?

— Au parking derrière les blocs. Dépêche-toi.

Je raccroche. Je sais que j’fais une connerie. Que je vais encore me foutre dans un plan foireux. Mais Math’, c’est mon gars. J’ai grandi avec lui, on a tout partagé. Quand il m’appelle, c’est comme un ordre silencieux auquel je peux pas désobéir.

Je fais demi-tour, quittant la bouche de métro pour m’enfoncer dans les ruelles du quartier. Les immeubles gris se dressent comme des murs autour de moi. Les trottoirs sont encore mouillés de la pluie d’hier, et mes Air Max s’écrasent sur les flaques sans bruit.

Le parking derrière les blocs, c’est notre QG à nous. Pas un vrai QG, juste un endroit où on sait qu’on sera tranquilles, loin des yeux curieux. Quand j’arrive, je les vois déjà. Math’, accroupi contre un muret, affiche cette allure nonchalante qui lui va si bien. Ses cheveux mi-longs, châtains et calés sous sa casquette, relever la tête pour me voir arriver. Son téléphone dans une main et une clope dans l’autre. Il relève la tête en me voyant arriver.

— Enfin. T’as cru t’avais l’temps ou quoi ?

— J’suis là, non ?

Je serre sa main rapidement, un salut de quartier codé. À côté de lui, Nino impose direct par sa carrure. Son jogging gris foncé épouse ses épaules larges et sa posture légèrement voûtée lui donne cet air de mec toujours prêt à en découdre. Ses cheveux noirs sont coupés très court, et son visage est marqué par un petit grain de beauté discret sur sa joue gauche, ce détail qui adoucit un peu son expression souvent dure. Sa capuche est relevée, mais on devine facilement ses traits anguleux et son regard perçant, presque toujours aux aguets. Il me salue d’un geste de menton.

— Alors, c’est quoi ton plan ? je demande, les bras croisés.

Math’ se redresse, son regard sérieux pour une fois. Ça me surprend presque.

— Y’a une livraison qui tombe ce soir, vers Colombes. Les mecs de la zone veulent pas s’en occuper parce que ça pue l’embrouille. Mais nous, on peut le faire vite fait.

Je fronce les sourcils. Une livraison. Ça veut tout dire et rien dire à la fois. Je sens déjà les problèmes derrière ce qu’il me raconte, mais Math’ enchaîne.

— On passe, on récupère, on dépose. C’est tout. T’as pas besoin de te salir les mains. Mais j’ai besoin de toi pour conduire.

Je souffle, passant une main sur ma nuque. Ça paraît simple dit comme ça, mais avec Mathias, rien est jamais simple. Je regarde Nino, dont les bras croisés mettent en avant la tension dans ses muscles. Il hoche la tête lentement, ses yeux sombres fixés sur un point invisible devant lui.

— T’y gagnes quoi ? je finis par lâcher.

— Une belle part pour chacun, frère. Juste ce qu’il faut pour souffler un peu.

Je regarde Math’ droit dans les yeux. Il est sérieux. Mais moi, j’ai cette boule dans le ventre qui me dit que je devrais dire non. Que je devrais rebrousser chemin, reprendre le métro et aller pointer comme prévu. Mais je sais aussi que la thune, j’en ai besoin. Les loyers qui tombent, les factures qui s’empilent, la galère qui te rattrape même quand t’essaies de faire bien.

— C’est où, le rendez-vous ?

Math’ sourit, ce sourire qui dévoile une fossette sur sa joue gauche et qui, malgré tout, me rappelle pourquoi je lui fais confiance, même quand j’devrais pas.

— À 19h, au dépôt derrière la zone industrielle. Sois à l’heure, Ales. On fait ça propre.

Je lui serre la main pour sceller l’accord. Mais alors qu’on se salue, y’a ce truc qui me reste en tête. Cette petite voix qui me répète encore et encore que je fais une connerie. Mais ici, dire non, c’est presque impossible. Les galères, elles finissent toujours par te trouver, même quand t’essaies de faire autrement.

— Vas-y, on s’capte tout à l’heure.

Je m’éloigne, laissant Math’ et Nino derrière moi. Derrière moi, j’entends Nino qui murmure quelque chose à Math’, sa voix grave à peine audible, mais je l’ignore. J’enfonce mes mains dans les poches de ma veste et je trace à travers les rues vides, le regard baissé. La pluie commence à tomber, des gouttes froides qui me piquent le visage. Je respire un grand coup.

Putain, Ales. T’as vraiment pas appris.


Si t’es encore là, c’est que t’as plongé dans l’univers de Huis Clos.
Alors... est-ce que t’es prêt(e) à plonger encore plus profond ?
Si t’as kiffé, n’hésite pas à lâcher un petit commentaire, ton ressenti, une vibe, un mot... Ça fait vivre l’histoire et ça motive à fond !
Merci d’être là. 🖤

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