2022, Abu Dhabi, circuit de Yas Marina
Le rugissement des moteurs résonne dans mes oreilles, c'était le début, la dernière ligne droite. La dernière fois de la saison que je montais dans ma jolie monoplace rouge. La chaleur de la piste brûle sous mes pneus, l'odeur de l'essence et du caoutchouc fondu emplissent l'air. Je serre le volant, c'était le moment, mon premier titre mondial était là devant moi. Je n'avais pas le droit d'échouer, j'allais devenir la championne du monde, faire de Ferrari la meilleur team.
Les verts s'allument et je fonce, premier virage, je suis en tête et je le reste, mon premier arrêt et je reprends la tête de la course. Je voyais mon rêve, là à portée de main, cinquante-huit tours et j'étais au dernier. Mais au douzième virage et une ombre dans mes rétros. Un mouvement trop brusque. Contact...
Un choc brutal, mon corps se tend sous l'impact. Tout se brouille. Un crissement assourdissant. Des morceaux de carbone volent en éclats. Ma voiture pivote, se retourne, heurte violemment le mur et prend feu. Tout va trop vite. Trop fort.
Je veux freiner, arrêter ma voiture, mais impossible, plus rien ne répondait puis j'ai réagi trop tard. Mon corps est projeté violemment, mes mains lâchent le volant. Mon casque cogne même contre l'appui-tête. L'adrénaline brouille tout. Je ne sais plus où est le ciel, où est le sol. Le monde entier bascule. Mais j'arrive encore à entendre, j'entends qu'on éteint le feu puis un crissement de pneus. Une douleur vive dans mon torse. Puis plus rien. Le silence arrive trop vite. Un poids étrange m'écrase la poitrine, comme si je sombrais dans l'eau. L'air est lourd. Mes paupières se ferment, mais une lumière dorée filtre à travers.
- Astéria...
Une voix douce, familiale. J'ouvre les yeux et Lucas se tient devant moi.
Lucas...
Avant la course, il m'embêtait déjà...
- Prête à perdre ?
Il rit en ajustant son casque. Je fronce les sourcils. Un instant, plus tôt, mon cher frère jumeau, se faisait un vrai plaisir de me taquiner comme il aime tant le dire. Malheureusement pour lui, je n'allais pas le laisser gagner cette fois.
- Dans tes rêves Lucas, tu devras te battre comme tout le monde.
Lui dis-je un grand sourire aux lèvres, ce sourire qu'il aimait tant voir.
En retour, il me sourit aussi. Je pourrais jurer que j'entends le rugissement des moteurs en arrière-plan, que je sens encore l'odeur de l'essence et du bitume brûlé. Tout semble si réel.
Mais quelque chose cloche.
Je me souviens du choc. De la douleur.
Et du silence.
Mon cœur se serre. Ce moment... Ce n'est pas maintenant. C'est un souvenir. Un écho du passé.
J'ignorais encore que ce serait la dernière fois que je l'entendrai.