Défi n°6 - Les mots imposés, du 31/05 au 14/06 2025
Liste 1 : Dromadaire - Plongeur - Assombrir - Épicé - Mutinerie
Liste 2 : Grille - Pauvre - Astuce - Obligatoire - Olympique - Tapisserie - Carnaval - Gramme - Anesthésie - Malheur
Liste 3 : Chirurgien - Stylo - Relatif - Exploiter - Dilemme - Collier - Filtre - Oiseau - Âge - Queue - Rectangle - Amende - Kangourou - Gouvernement - Confiance - Maïs - Pointu - Interrupteur - Heure - Singulier
Je n’aime pas les avions. C’est grand, c’est bruyant et ça crashe. Et pourtant me voilà devant la porte d’embarquement, mon billet à la main et presque en route pour le pays des kangourous. Ça va bien se passer. Cette phrase, je me la répète en boucle depuis ce matin, depuis que tout est devenu subitement si réel.
Est-ce que j’ai déjà dit à quel point on ne peut pas faire confiance aux avions ? On est enfermé à 20 000 pieds au-dessus du sol dans une boîte métallique sujette non seulement aux aléas du climat, mais aussi terriblement facile à détourner. Il suffit que quelques personnes mal intentionnées s’embarquent sous couvert de vacances et BAM ! Mutinerie. Oui, bon, c’est vrai. Dans ce cas-là on ne parle pas vraiment de mutinerie, plutôt de détournement, mais le résultat est le même : tout le monde panique, le gouvernement envoie l’armée et s’ils se plantent on a un nouveau 9/11 dans l’heure qui suit. Charmant.
Peut-être que j’aurais dû imprimer cette grille de bingo que m’a envoyée Maude, histoire de garder un souvenir de tout ce qui va mal se passer durant le vol… sauf qu’évidemment, les stylos sont interdits à bord. Une historie d’encre et de pression atmosphérique, je crois. Et puis en plus, c’est dangereux. Ça peut servir d’arme ces machins-là, avec leur mine pointue. Mais quelle idée j’ai encore eu… En plus le vol est long, si long, plus de la moitié d’un tour de cadran et la moitié d’un tour du monde. Il va falloir manger à bord, et avec la chance que j’ai on va nous servir un plat épicé qui va me brûler aussi bien la langue que l’estomac et je vais être malade. Ou du maïs, cette chose infâme que je ne digère pas. Oh my– J’espère vraiment ne pas être malade pendant le vol.
Tout ça parce ma soeur n’a pas pu s’empêcher de tomber amoureuse d’un chirurgien australien. Si encore il pouvait m’anesthésier pendant toute la durée du vol, peut-être que ça irait… ou peut-être pas. Peut-être que, plongé dans un délire dû à l’anesthésie, je ne pourrais pas me rendre compte de ce qui se passe et mourir dans d’atroces souffrances parce que l’avion s’est crashé ou un autre malheur du même acabit.
Je ne sais pas ce qu’il se passe, mais la queue n’avance pas. Cela fait presque vingt minutes qu’on nous a appelés pour embarquer et je suis toujours planté au même endroit, une bande de mariachis prêts pour le carnaval plantée dans mon cul… euh en train de me coller au train. Qu’est-ce qu’ils sont bruyants ! Je fouille mes poches à la recherche de bouchons d’oreille et laisse échapper un soupir de soulagement quand je sens la bosse de l’étui sous mes doigts : sortir sans eux m’est impensable et je si je veux avoir rien qu’une faible chance de survivre à ce vol, leur utilisation m’est obligatoire.
Heureusement que je ne suis pas une célébrité en vrai, ou un champion olympique forcé de prendre l’avion tout le temps pour aller d’une compétition à l’autre, ça me tuerait certainement. Après, je n’aime pas vraiment prendre le train non plus. Ou le bateau. Ou la voiture. N’importe quel mode de transport en fait. Je suis sûr que même un voyage à dos de dromadaire me déplairait.
Ah ! Enfin ! La ligne se met en branle et j’avance assez pour distinguer le rectangle de la porte d’embarquement entre les têtes de la foule qui me précède. Si le hall de l’aéroport est lumineux, le couloir qui conduit à l’avion s’assombrit rapidement, lui. Je le vois d’ici. Ça va être une plongée dans les ténèbres. La ligne s’arrête encore, puis avance de nouveau, puis s’arrête. C’est comme si quelqu’un jouait avec un interrupteur et ma patience commence à s’amenuiser.
Pourquoi je fais ça déjà ? Ah oui ! Je le fais pour mon ingrate de soeur qui n’hésite pas à exploiter mon amour pour elle. Quelle idée de se marier aussi loin de sa famille et de tous nous forcer à la rejoindre dans ce pays bizarre. Même les oiseaux n’ont aucun sens là-bas – comment ça le kiwi pond un oeuf qui fait 20% de son poids et 1/5 de sa taille ? Elle ne pouvait pas rester avec ce plongeur qu’elle a rencontré à Marseille ? Bon d’accord, le type était un peu bizarre, mais il était gentil. Et il avait le mérite d’habiter dans le même pays, lui. Pas comme ce chirurgien australien sorti je ne sais d’où à l’accent singulier.
C’est enfin à mon tour de faire valider mon billet et de marcher le long du couloir escamotable – sombre, comme prévu – jusqu’à l’oiseau de fer. Et c’est long, bon sang ! Heureusement, quand j’arrive à la machine le personnel est là pour m’accueillir et je trouve ma place sans problème grâce à ses indications. Mon bagage cabine rentre tant bien que mal dans le compartiment au-dessus des sièges et grâce à ma place fenêtre je me retrouve face au dilemme de ferme le rideau du hublot – pour dormir – ou de le laisser ouvert, tout en sachant que je n’ai pas envie de voir les mêmes paysages défiler pendant des heures.
J’espère que je n’aurais pas de voisin de siège, je me dis, et je regrette de ne pas avoir retenu cette pensée puisqu’immédiatement un homme vient s’asseoir à côté de moi. Beau garçon, entre deux âges comme moi, et avec un collier d’opale boulder australienne autour du cou et un chapeau à larges bords. Ne manque que la chemise hawaïenne et voilà un symbole du bon goût australien.
Je me retrouve à triturer l’attache de ma ceinture pendant qu’il finit de sortir ses affaires et de s’installer. J’en profite pour l’examiner du coin de l’oeil et je me dis qu’avec trois grammes dans le sang j’aurais peut-être assez de courage pour lui dire bonjour.
— Attendez, il y a une astuce pour attacher la ceinture.
Sa voix me sort de ma contemplation et mon regard suit ses mains pendant qu’elles s’approchent de l’attache – si proches – qu’il sécurise lui-même. J’en reste muet de le savoir si près, plaqué contre la tapisserie de mon siège comme si je pouvais fuir en passant au travers.
— Je, euh… euh, je… merci, finis-je par articuler tant bien que mal et on dirait que j’ai vraiment trois grammes dans le sang.
La honte. Pauvre de moi, laissé comme deux ronds de flan par un inconnu avec qui je vais partager les prochaines dizaines de milliers de kilomètres, maudits soit ma soeur et son chirurgien.
— Première fois en avion, n’est-ce pas ?
J’acquiesce dans un état second. Les hommes comme lui ne parlent pas aux hommes comme moi, oui, enfin, tout est relatif parce que celui-là semble déterminer à papoter pour l’entièreté du vol puisqu’il ne cesse de me relancer, même une fois que nous avons décollé et que nos voisins et voisines sombrent peu à peu dans une somnolence bienheureuse que je me mets aussitôt à jalouser. Je veux dormir, j’ai envie de lui crier, mais comme je suis trop poli, je m’abstiens.
Oui, en fait, le seul avantage à voyager par avion, c’est que tu ne risques pas de te prendre une amende.
Liste 1 (5 mots) : Dromadaire - Plongeur - Assombrir - Épicé - Mutinerie
Liste 2 (10 mots) : Grille - Pauvre - Astuce - Obligatoire - Olympique - Tapisserie - Carnaval - Gramme - Anesthésie - Malheur
Liste 3 (20 mots) : Chirurgien - Stylo - Relatif - Exploiter - Dilemme - Collier - Filtre - Oiseau - Âge - Queue - Rectangle - Amende - Kangourou - Gouvernement - Confiance - Maïs - Pointu - Interrupteur - Heure - Singulier
Hehe, bon courage à notre ami australien parce que monsieur n'est pas facile, facile (mais oui, c'était l'idée hehe)