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Vivi_red
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Chapitre 4

🌺

"𝙴 𝚑𝚘'𝚘𝚙𝚒𝚕𝚒 𝚒 𝚔𝚊 𝚖𝚊𝚗𝚊𝚠𝚊."

T𝚛𝚊𝚍𝚞𝚌𝚝𝚒𝚘𝚗 : 𝚂𝚊𝚒𝚜𝚒𝚜 𝚕𝚎 𝚖𝚘𝚖𝚎𝚗𝚝, 𝚒𝚕 𝚗𝚎 𝚛𝚎𝚟𝚒𝚎𝚗𝚍𝚛𝚊 𝚙𝚊𝚜.

Kuʻu mōʻīwahine (Kou mou-i-va-hi-né = ma princesse), hurle papa derrière.

La voiture commençait à s'éloigner lentement, mais je n'avais pas quitté du regard tout ce que je laisse derrière moi. La tête à moitié dehors, la gorge nouée, la main posée sur ma poitrine, paume ouverte, je lui réponds :

Mai hopohopo, e pāpā. Kāne pū me aʻu.

(Mai hoh-po-hoh-po, é pā-pā. Kaa-né pou mé a-ou. Ne t'inquiète pas, papa. Kāne est avec moi.)

Son visage, tendu jusqu'à présent, s'adoucit enfin. Un souffle léger le traverse, comme si ses angoisses se dissipaient dans l'air chaud de cette fin d'été.

Les larmes montent, mais je les retiens. Pas maintenant. Pas ici. Sinon je vais le faire regretter d'avoir accepté de me laisser partir.

Anne prend un virage en douceur, et la dernière image que je garde d'eux tous ensemble est celle-ci : Brandon, tout sourire, Sayarah et tante Lani, les mains levées en signe d'au revoir, et papa, debout, la main sur la poitrine, fier et calme.

Soupir.

Je me redresse dans la voiture, jette mon sac à dos sur la banquette arrière, sans même jeter un regard en arrière.

Ce matin, quand je me suis levée, lance Anne. Un frisson de bonheur m'a traversée, maman ne faisait que me coller. J'en revenais pas, elle a jamais été aussi collante. Je trouve que tonton est plus relax, parce que même papa, il y a quelques jours, me souhaitait tout le bonheur du monde, mais il m'a regardée comme une petite chose abandonnée sur le bord de la route.

Ah ouais ? dis-je surprise.

Ouais !

Connaissant Robert, je n'aurais jamais cru qu'il en serait capable. Il est tellement froid, je pensais pas que des émotions comme celles-là pouvaient émerger de lui. Mais bon, je suppose que tout ce qui touche à sa fille finit par l'affecter.

Anne vire vers la gauche, juste devant la supérette de Madame Dickson, un pincement au cœur me frappe. Comme un dernier arrêt symbolique.

Tu te souviens quand Madame Dickson nous poursuivait avec son balai parce qu'on goûtait les bonbons en cachette ? lance Anne, avec un sourire malicieux.

Et qu'on disait que c'était pour "vérifier la qualité"... rigole-je.

Elle nous a quand même filé des glaces gratuites quand t'as gagné ton concours de cuisine, rajoute-t-elle avec une moue un peu triste.

C'est vrai... Je pense qu'elle était fière, mais discrètement. marmonnée-je.

Je jette un coup d'œil à la supérette, son enseigne décolorée sous le soleil, annonçant "Bienvenue chez les Dickson". La voix d'Anne me tire de mes pensées.

On s'arrête ? me demande-t-elle soudainement, prise d'une envie irrésistible de sortir.

Elle ralentit et gare devant le magasin.

On a dit au revoir à tout le monde, sauf à cette vieille pie de Madame Dickson.

On descend toutes les deux, lentement. L'air lourd de chaleur nous frappe. Il fait 35°C, mais il y a quelque chose de réconfortant dans cet instant, comme si c'était un dernier adieu.

Madame Dickson est là, assise sur son tabouret, le dos courbé et concentrée sur son tricot, ses lunettes en équilibre sur son nez.

Le bruit de la rue et le vent dans les arbres me rappellent à quel point ce coin de Fallon est familier, confortable. C'est chez elle que j'ai appris à cuisiner, à apprécier la simplicité des petites choses. Le souvenir de ce plat à base de sardines et de tomates séchées me revient en tête, un régal.

Madame Dickson ! lance Anne, sa voix pleine de chaleur.

Elle lève les yeux de son tricot et sourit, un sourire qui grandit à chaque instant, comme si notre arrivée illuminait sa journée.

Oh ! La petite Mexicaine et la petite Hawaïenne...

Les surnoms. Toujours les mêmes, mais avec cette tendresse qui nous touche à chaque fois. La mère d'Anne a des quelques origines Mexicaines et mon père Hawaïen. Madame Dickson, avec ses mots, nous rassemble dans un héritage qu'on porte fièrement.

Vous partez déjà ? demande-t-elle, l'air surpris mais pas déçue.

À 79 ans, son Alzheimer lui fait parfois oublier certaines choses, mais elle, elle ne nous oublie jamais, et j'aimerais que ça dure encore.

Je hoche la tête, la gorge serrée. Ce moment semble à la fois interminable et trop rapide.

Oui, on part... je réponds, ma voix presque tremblante.

Un instant de silence, puis elle se lève lentement, je me rapproche d'elle pour essayer de l'aider. Mais elle lève sa main pour me retenir, malgré chaque geste demandant énormément d'effort, elle semble toujours vouloir garder son autonomie.

je ne suis pas si vielle que ça !

Avant que je puisse dire quoi que ce soit, Anne se rapproche d'elle et la prend dans ses bras, se baissant à sa hauteur. Madame Dickson ferme les yeux, un sourire sage se dessine sur ses lèvres, celui d'une personne qui sait que tout a une fin.

Je n'hésite pas. Je la rejoins, mes bras enveloppant son dos, et nous nous serrons toutes les trois dans une étreinte longue et silencieuse. C'est un câlin lourd de sens, d'émotion, et de tous ces moments partagés dans sa supérette.

Faites attention là-bas. Les hommes sont là juste pour vous déconcentrer de vos objectifs, dit-elle d'une voix protectrice mais pleine de tendresse.

On éclate de rire. Avec elle, la conversation peut partir dans tous les sens. Une minute on parle de tacos, la suivante elle nous explique pourquoi les talons sont un complot du patriarcat.

On fera attention, je promets, murmure Anne, dans ses cheveux.

Elle se détache de notre étreinte.

non mais je dis ça parce que moi aussi j'ai quitté mes parents toute ma famille pour le travail y avait des hommes qui ... qui...

Anne et moi on se regarde.

bon je vous épargne tout ça ! Attendez-moi là ! susurre-t-elle.

Je m'esclaffe de rire quand je vois son sourire, Anne se rapproche de mon oreille et murmure:

elle allait encore nous raconter comment elle a connu son mari... rigole -t-elle.

On la regarde entrer précipitamment dans la supérette. À travers les vitres, son fils Donovan nous fait un coucou, que nous lui rendons immédiatement.

Je soupire, même dans un moment pareil je ne peux m'empêcher de penser à ce qui m'attend à Emeryville. Comment sera la vie là-bas?

Elle ressort avec un tupperware de bonbons, un sourire taquin sur les lèvres.

Je vous jure que je vais pleurer, marmonne-je. Mais fallait pas...

Mais Anne se jette déjà dans ses bras.

Mamiieee... pleure-t-elle, tout en la serrant fort.

Oh, ne pleure pas, lui répond-elle en tapotant doucement son dos.

Madame Dickson nous a tendu les bonbons, les yeux brillants derrière ses lunettes roses :

« Ne les mangez pas tous d'un coup, vous m'entendez ? »

On a ri, mais je voyais bien qu'Anne avait la gorge nouée. Moi aussi, d'ailleurs.

Madame Dickson nous a ensuite prises dans ses bras, l'une après l'autre. C'était un câlin lourd de souvenirs, d'amour, de ces samedis passés dans sa supérette à grignoter des bonbons volés avec son accord tacite. Une larme s'échappe, mais je la réprime vite, avec le dos de ma main.

Prenez bien soin de vous, ajoute-t-elle d'une voix émue, mais pleine de sagesse. Une amitié comme la vôtre, ça n'existe plus, donc restez toujours aussi proches, hum !

On lui répond en chœur : "Promis."

Allez, filez maintenant, sinon les Coyotes pas sympas vont vous manger.

On rigole tellement qu'on en oublie presque le départ. Ces légendes de Coyotes qu'on inventait pour empêcher Madame Dickson de partir à Vegas, c'est elle maintenant qui nous les raconte pour nous effrayer.

Anne dépose un baiser sur son front, et je fais de même.

On retourne lentement à la voiture, mes yeux se posant sur la silhouette de Madame Dickson qui disparaît dans sa routine. C'est un dernier adieu à Fallon, à cette petite ville qui, malgré tout, nous a forgées.

elle va me manquer, lance Anne encore en proie à l'émotion.

à moi aussi, répond-je la gorge nouée.

Un silence lourd de souvenirs nous envahit, j'aurais jamais cru dire ça un jour. Mais je suis fière d'avoir connu tout ce petit monde.

Jusqu'à ce qu'on passe devant Larry's Diner, avec son enseigne clignotante à moitié brûlée.

Tu te souviens du vieux Larry ? demande Anne sourire mélancolique aux lèvres. Le gars qui disait toujours "les milkshakes c'est pas pour les filles au régime..."

Et toi tu lui avais répondu "heureusement que j'suis pas au régime, papi."

Il m'a plus jamais regardée pareil après ça.

Normal, tu l'as traumatisé.

On éclate de rire. Un de ces rires bêtes, celui qui vient du fond du cœur. À l'époque, on avait entre dix ou sept ans, et Anne était un peu en surpoids en plus.

On le voit servir une table en dehors. On a klaxonné comme deux gosses. Contente de le voir, ce sexagénaire ancien militaire, nous voit et nous offre un large sourire qui étire les rides de son visage.

Sans un mot, on s'éloigne. On passe devant le terrain de baseball, juste à quelques mètres. Ce terrain qui garde nos plus grands souvenirs et bêtises.

Aïe, marmonne Anne. Là, c'est le lieu du drame.

Le moment où t'as voulu faire ton show devant Jalen Lewis et que t'as fini avec une cheville enflée comme une pastèque.

C'est pas drôle, j'ai boité tout l'été !

T'étais mignonne avec ta béquille rose et ton ego cassé.

Toi, t'avais le seum parce que t'étais amoureuse de Jalen aussi.

Faux ! (Pause.) Bon, peut-être un peu.

Puis Jalen et ses parents ont quitté la ville et on l'a plus revu.

On rit encore, plus doucement cette fois. Le passé semble si lointain, et en même temps si proche.

Enfin, on approche de la bibliothèque municipale, et du fameux lampadaire tordu.

Il a pas bougé, souffle Anne.

Incroyable. Ce truc a survécu à trois tempêtes et à ta tentative de le redresser avec ton skate.

J'étais persuadée que j'allais sauver la ville ce jour-là.

Fallon n'a jamais été prête pour ton héroïsme, en tout cas...

Je laisse échapper un léger rire, mais mes yeux sont fixés sur la route. Une émotion sourde monte en moi, que je tente de contenir.

Tu réalises ? lâchée-je, la voix un peu tremblante, trahissant la vague de sentiments qui m'envahit.

Anne, sans répondre, appuie un peu plus sur l'accélérateur, la voiture vrombissant sous nos pieds, et nous sentons toutes deux ce moment qui s'étire, comme suspendu dans l'air.

Ouais. Dire qu'avant, on était encore des petites filles, il y a quelques années... Maintenant, on trace notre propre chemin.

Les mots résonnent, mais je laisse mon regard s'échapper vers l'horizon. On passe devant le panneau "Welcome to Fallon", et quelque chose me serre la gorge. Ce simple panneau, ce petit bout de terre que j'ai toujours connu, qui m'a vue grandir, s'éloigne déjà. C'est réel. Je pars.

Ouuuuh ! hurle Anne soudainement, brisant le silence.

Elle lève les bras comme si elle saluait un dernier au revoir. Bye bye Fallon, roadtrip nous voilà !

Je tourne les yeux vers elle, et je vois un sourire sincère sur ses lèvres. Mais il y a aussi quelque chose d'autre, un éclat de complicité, comme un secret partagé : "C'est le début de quelque chose qu'on n'oubliera jamais."

Elle connecte son téléphone et, presque instantanément, "I Like It" de Drake éclate dans l'habitacle. La musique envahit l'air et l'atmosphère devient plus légère, plus joyeuse. On se laisse emporter par cette énergie nouvelle qui semble tout transformer.

Je n'hésite pas. J'ouvre la fenêtre de mon côté, et même si l'air est chaud, il m'envahit d'une sensation de liberté totale. Le vent, le rythme de la musique, cette liberté ... Tout semble possible. C'est tout ce qu'on avait besoin pour marquer ce départ.

On chante à tue-tête, nos voix se mêlant à celle de Drake. Nos bras se balancent au rythme de la chanson, et chaque mouvement semble nous libérer un peu plus des chaînes de l'ancienne vie.

Juste devant, la route s'étend à perte de vue. C'est une étendue presque désertique, vide, mais pleine de promesses. Une page blanche sur laquelle nous allons écrire notre propre histoire.

Je retire le titan autour de mon poignet droit, avec lequel j'avais prévu d'attacher mes cheveux pour faire une queue de cheval. Mes mèches ondulés qui m'arrivent à peine au niveau du cou se laissent prendre dans ma main.

Ensuite je dépose ma tête contre le dossier, mes yeux tombent aussitôt sur l'écran du GPS qui indique que la prochaine ville est à 18 miles. Fernley.

Première étape: Fernley. Mon cœur palpite.

Je m'en rends compte, c'est réel tout ça! On est parties.

~~~~~~~~~~~~~~~

🌺Alejandra.

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