Alan quitta la clinique qui assurait son suivi en allumant une cigarette. Une vaine tentative pour digérer et organiser tout ce qu’il venait d’entendre. Il était sorti un peu plus tôt que prévu, son chauffeur n’était pas encore arrivé. Il souffla sa fumée et regarda les nuages qui s’épaississaient depuis le début de matinée. C’était une bonne nouvelle que les médecins lui accordent la possibilité d’être opéré une deuxième fois, une neurotomie vestibulaire… Quel nom barbare ! Comme pas mal de choses en dans ce domaine à ses yeux. En plus, ça n’allait même pas totalement faire disparaitre ses vertiges, mais juste les réduire de moitié selon les estimations… Enfin, c’était mieux que rien. Il apprécierait s’il ne devait plus se maintenir immobile à chaque fois qu’il se levait. Cependant, ça restait une intervention lourde les robots de chirurgie. Dire qu’il pouvait se retrouver avec une paralysie faciale ou perdre le peu d’audition qui lui restait au moindre problème… Quitte à choisir, il préférait ce deuxième cas. Ce n’était pas comme s’il en avait déjà une diminution quatre-vingts pour cent.
En revanche, ce qui le dérangeait dans cette histoire, ce n’était pas tant le risque, mais la semaine d’hospitalisation totale ainsi que le mois minimum d’arrêt maladie. Il ne supportait déjà pas de rester chez lui à tourner en rond et en plus il avait besoin de focaliser son attention sur autre chose que ce qui l’obsédait. Cependant, il allait découvrir du paysage prochainement. Hugo se lamentait de ne pas pouvoir le suivre durant ses déplacements, il avait toujours rêvé de visiter l’Italie. Il prit son téléphone pour le repasser en sonnerie et il s’étonna de voir qu’il avait justement reçu un message de lui :
— C’est moi ou la HDC est très énervée ces derniers temps ?
— De quoi tu parles ? Lui répondit aussitôt Alan. Ah… Je pense savoir, ajouta-t-il dans un second message après un instant de réflexion.
— Regarde les infos dans cinq ou dix minutes, ça va bientôt être diffusé, indiqua Hugo qui devait avoir son téléphone sous la main pour répondre aussi vite. Je sens que je vais m’éclater comme un petit fou avec le député que je vais interviewer, s’amusa-t-il de préciser. J’vais faire exprès d’être en retard pour qu’il monte dans les tours avant tiens.
— Toi aussi t’es énervé quand tu t’y mets, releva Alan après avoir ri tout seul car il sait qu’Hugo le fera vraiment.
— C’est pour ça que mon taff m’adore !
Alan pouffa à nouveau, mais quel gamin insupportable quand il s’y mettait. Sa voiture arriva peu de temps après qu’il eut terminé sa cigarette et il s’installa sans attendre. Ce n’était pas Warren qui le prenait en charge aujourd’hui et il trouvait que ce n’était pas plus mal. Hormis lui, les chauffeurs ne parlaient que très peu. Ça lui permettait de se concentrer sur ce qu’il avait prévu une fois qu’on l’aura déposé chez lui. Il pensait d’ailleurs que ce dernier point devenait de plus en plus pénible. La HDC programmait le moindre de ses déplacements et demander un arrêt pour passer à un bureau de tabac s’avérait complexe suivant la personne qui le conduisait.
Il jeta un œil à l’heure en arrivant à mi-chemin de son trajet, l’information dont parlait Hugo était sûrement consultable maintenant. Il lança son application et il se décomposa en lisant la majorité des gros titres. Il avait vu juste, Mathias Karlsson était condamné à de la prison ferme sans réduction de peine possible. Ce qu’il avait aperçu l’avait rendu fou, mais en défilant les nombreux articles, il se rendait compte qu’il n’avait observé que la surface de cette pourriture. Agression sexuelle, discrimination, xénophobie, trafic d’influence… Bien évidemment, la HDC s’était positionnée du bon côté en travaillant dans l’ombre avec les autorités. Elle avait fourni la majorité des preuves pour accabler le Passeur, dont sa décharge, comprit-il sans que ça soit précisé. Au détour d’un paragraphe sur le sujet, il découvrit que sa famille de ligné noble en faisait aussi les frais. « Une honte venant de l’une des familles les plus prestigieuses d’Allemagne », put-il lire.
Alan ne s’attarda pas davantage sur ce tsunami médiatique et de spéculations en rangeant son téléphone. Hugo rencontrait un député qui devait être un fervent opposant aux Dreamers pour que son interview l’emballe autant. Il pensait sincèrement que Mathias récoltait ce qu’il avait semé, mais il se sentait désabusé face à cette situation. Simon l’avait utilisé pour mettre le feu aux poudres… C’était aussi la première fois que son patron prenait de telles dispositions, à l’égale de plusieurs de ses associés depuis quelques années. L’affaire de l’Amplificateur ne payait pas de mine à côté de ça… Monsieur Polen n’avait pas fait dans la demi-mesure, il l’avait prévenu. Il ne préférait pas imaginer ce qui pouvait l’attendre s’il commençait à dangereusement jouer pour obtenir ses informations. Peu importe, il avait besoin de réponses.
Quand il rentra chez lui, il commanda aussitôt un VTC pour repartir dans une trentaine de minutes. Ce trajet-là, il ne voulait pas que la HDC en ait connaissance. Il alla se changer pour une tenue civile qui passera bien plus inaperçue. Il troqua son costume pour un jogging et sweat ainsi qu’une vieille paire de baskets. Il récupéra une casquette pour couvrir le plus possible sa tête et un masque chirurgical. C’était étonnant que ce truc, dont tout le monde plaignait pendant la pandémie dans les années 2020, était devenu courant maintenant. Il suffisait de dire qu’on était un peu malade et personne ne commentait. Avant de se relever du banc dans le dressing, il soupira en regardant sa canne. Ça par contre, ça n’était pas discret. Il devrait peut-être songer à en trouver une plus banale… Enfin, c’était sans compter sur Ayana. Même en prétextant que c’était une canne de secours, elle lui en fera une nouvelle sur mesure.