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Carmina-Xu
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38

Alan sortit de la voiture, une cigarette aux lèvres. Il aurait bien fait hurler Hugo en l’allumant dans l’habitacle, mais il ne supportait pas l’odeur dans un espace fermé. Il souffla sa première bouffée en même temps que son ami le rejoignit. Il avait géré son coup, estima-t-il en le regardant prendre les devants. Il l’avait prévenu jeudi et samedi soir, il se trouvait dans le centre du Berlin pour aller dans un vieux bar bien planqué rencontrer son contact. Il vit un sourire moqueur s’étirer sur le visage d’Hugo :

— Ça casse tout la canne avec le style racaille !

— Je peux te la mettre dans la tronche si tu veux, ça correspondra mieux.

— Tu sais que tu deviens violent ? ironisa-t-il.

— Tu dis ça, mais t’as vite compris qu’il fallait pas me gonfler à la coloc !

— Pourtant ça m’en empêchait pas. T’as vraiment un sale caractère à tes heures perdues.

— Et toi, tu es un emmerdeur à temps plein, renvoya Alan en ne se retenant pas de rire.

— Parfaitement ! Et j’assume ! Allez, magne-toi.

Il termina rapidement sa cigarette avant de remettre son masque sur le nez et baisser la visière de sa casquette. Il avait préféré s’habiller pour se sentir à l’aise, loin de l’image du Passeur pour devenir moins reconnaissable. De plus, Hugo lui avait certifié que l’établissement ne s’avérait pas très regardant sur l’identité des clients. C’était bien pour cette raison qu’il avait choisi ce lieu. Il regrettait juste d’avoir changé sa canne pour une plus classique, il s’était habitué à son poids depuis le temps, sans compter son appareil auditif. Il avait troqué le numérique pour un électronique simple. Il entendait beaucoup de bruit parasite que son modèle habituel supprimait. Néanmoins, c’était mesure nécessaire. Il commenta ce qui le travaillait depuis jeudi :

— Je suis perplexe. Ces personnes-là sont des fantômes aux yeux de la société en général.

— « En général », répéta Hugo. Ghost l’est aussi, mais à sa manière.

— « Fantôme », recherché comme nom, se moqua-t-il.

— En même temps, il est capable de se faire passer pour n’importe qui. Caméléon, ça lui irait bien aussi.

— T’as l’air de bien le connaitre, releva Alan.

Hugo devint muet de gêne. De toute évidence, ça devait être le cas, mais ça ne l’intéressait pas. Justement, moins il en savait, plus ça l’arrangeait. Après l’affaire Karlsson, il ne se leurrait pas. Ses souvenirs allaient être passés au peigne fin si on le prenait. Son ami avait connaissance de ce fait, mais il le suivait quand même. Avant de rentrer dans le bar, il lui rappela :

— Argumente bien ta proposition et surtout donne-lui envie.

Il ne répondit pas, mais il gardait bien ce propos en tête. Hugo l’avait déjà prévenu que Ghost était plus intéressé par le challenge que par la récompense à moins que celle-ci soit très élevée. Il se laissa guider à travers l’établissement que son ami paraissait très bien connaitre. Il salua même un des serveurs de loin. Alan aurait trouvé l’endroit génial si les escaliers n’étaient pas devenus sa bête noire à cause des vertiges. Il le suivit vers le sous-sol qui était composé en majeure partie de salon privé. L’air empestait le tabac, remarqua-t-il avec dégout. Clairement, il n’y avait pas que l’identité dont le bar ne se souciait pas, les règles également. Il s’en moquait même si l’odeur l’insupportait. Il allait s’y habituer en peu de temps.

Lorsque Hugo ouvrit un des salons, Alan tira davantage sa casquette pour mieux voiler son regard. En entrant, il découvrit un homme qui avait opté pour la même méthode. Son masque le fit quelque peu déglutir, un sinistre sourire aux longues dents pointues. Ce n’était pas celui qui le hantait, mais ça le dérangeait tout autant. En revanche, son style vestimentaire détonnait et ne passait que peu inaperçu, une sorte de mélange de punk et de vintage. Malgré ses cheveux rasés court, leur teinte rousse restait immanquable. Étrangement, ça il lui rappelait quelqu’un…

En s’installant, il imita son ami qui sortit son téléphone et qui activa le mode avion pour couper toute onde. Bien évidemment, c’était une demande de celui qu’ils rencontraient. Il demeura silencieux tandis qu’ils commencèrent à discuter ensemble en anglais. Alan tiqua à nouveau. Cet homme n’était ni Anglais ni Allemand, à son léger accent, il devinait qu’il était francophone. Même si voix était étouffé par son masque, c’était certain, Il l’avait entendu quelque part. Ghost s’adressa à lui :

— Et si l’on rentrait dans le vif du sujet ? Vous avez une affaire susceptible de vraiment m’intéresser ?

— Autant dire que tu aurais même du mérite si tu y arrives, commenta Alan.

— Me prends pas pour le premier guignol qui se prétend hacker, renvoya-t-il. Je vais juste vérifier un truc avant.

Ghost sortit de sa veste un petit boitier et après quelques secondes à le regarder, il remarqua d’un ton sévère :

— J’avais prévenu que je voulais rien qui émette des ondes pour ce rendez-vous.

— Détends-toi, soupira Alan. C’est ça que tu dois capter, indiqua-t-il en pliant son oreille pour montrer son appareil auditif. Je vais l’éteindre le temps de ta mesure et je le rallume après. Sinon j’vais pas l’entendre, précisa-t-il en désignant Hugo à sa gauche.

Il s’exécuta en appuyant sur le bouton et d’un coup, un silence déstabilisant. C’était presque agréable de ne plus supporter ces sortes de grésillement en permanence. L’homme finit par lui attester en rangeant son boitier :

— Ok c’est bon.

— Quelle merde ce truc, râla-t-il en rallumant sa prothèse.

— Tu passes bien inaperçu pour un Français du sud, commenta soudainement Ghost.

Alan releva la tête avec surprise en l’entendant parler dans sa langue natale. Cet accent belge et ces intonations… Putain ! Il retira sa casquette avant de la jeter rageusement devant lui et de se débarrasser de son masque. Il s’écrasa davantage dans la banquette en sortant son étui à cigarettes pour en prendre une. Il allait faire une exception devant l’ironie de la situation. Pour dire, il y avait même un cendrier sur la table basse. Hugo lui remarqua d’un air perplexe :

— Je croyais que tu voulais pas montrer ta tête.

— Parce que je pensais que je le connaissais pas ! pesta-t-il en l’allumant.

— Maintenant que je vois la tienne, c’est clair que je sais qui tu es et ce que tu fais, souligna Ghost. D’où tu me connais ?

— Josh dit le Belge, le chouchou d’Hugo. Je rasais tellement les murs à cette époque que tu m’as jamais remarqué quand tu passais à l’appart.

Ce fut au tour de Ghost de retirer son masque, tout aussi dépité que lui. Hugo était vraiment sérieux de lui faire rencontrer une de ses vieilles conquêtes ? Josh remarqua :

— Merde… C’était toi le français ?

— Ouai et manque de chance, j’ai une très bonne mémoire, c’est bien pour ça que je suis spécialisé dans la recherche d’informations.

— Aussi bonne soit-elle, il te manque environ deux semaines depuis ton accident et tu veux les retrouver, rétorqua Josh.

— Je vois que tu es bien renseigné, observa-t-il en penchant la tête pour regarder Hugo.

— Il fallait bien qu’il m’appâte pour que j’accepte de venir ici, indiqua-t-il avec flegme. Personnellement, ce que je me demande dans l’immédiat, c’est : est-ce que le jeu en vaut la chandelle ? J’offre pas mes services aux premiers venus. Soit ça m’intéresse et je fais un prix, soit la note est salée… Enfin, j’imagine que ça, tu t’en fous.

— Donne-moi une idée de tes capacités et je te le dirais. Après tout, la HDC est le pire défi qui existe pour ta communauté. Cependant, si Hugo s’est donné du mal pour nous, c’est qu’il pense qu’on peut aboutir à un accord.

— Pas faux. Au moins, tu as la tête sur les épaules ! C’est appréciable. Depuis la fac, mon passe-temps c’est de faire sauter les réseaux pédophiles et de balancer un maximum d’informations anonymes aux autorités. En revanche, mon gagne-pain, c’est d’offrir mes compétences aux entreprises pour ruiner leur système afin qu’il puisse corriger leur faille et leurs sécurités.

— Si tu faisais que ça, tu ne prendrais pas la peine d’entretenir plusieurs identités, supposa Alan.

— Effectivement… Je trouve ça ironique que ce soit toujours les affaires illégales les plus lucratives. Le recèle de données sensibles, ça rapporte gros !

— C’est ça ce que je veux justement, des informations sous haute sécurité, révéla-t-il avec intérêt. Outre le fait d’arriver à forcer le système de la HDC, qui me dit que tu peux atteindre ce que je veux alors que l’assistante même de Polen n’en possède pas l’autorisation ?

— La HDC, c’est les réseaux les plus protégés. Ceux de certains gouvernements sont en carton en comparaison, informa Josh. Tu te souviens de l’attaque du ministère de la Justice qui les a poussés à revoir tout leur système ?

— Ouais, affirma-t-il en pensant connaitre la suite.

— Et bien, je me suis amusé comme un petit fou, précisa-t-il avec un grand sourire satisfait. Leur soi-disant système blindé était une vraie passoire !

C’était bien lui ! s’étonna Alan en ne parvenant pas à totalement contenir sa surprise. Le gouvernement avait attesté qu’il s’agissait d’une attaque groupée et pourtant Josh s’en attribuait le mérite. Il avait si bien joué son coup qu’on ne le soupçonnait pas ? Ce n’était pas faute de moyens déployés pour retrouver les auteurs… La perte et le vol de données qui en avait découlé avaient déclenché un véritable scandale au point que ça avait créé un mouvement de contestation. Ça avait même abouti aux premiers attentats des transports à Berlin et Munich… Enfin, il se garda de lui rappeler ce dernier point. Ça devenait évident, il avait besoin de lui. Il admit :

— Je me fais une bonne idée de toi… Tu parais prétentieux, mais t’as matière à l’être : t’es un géni dans ton domaine. Tout semble n’être qu’un jeu pour toi malgré les risques. Qui de mieux que la HDC pour améliorer ta notoriété ? Démontrer que même la multinationale la plus puissante qui existe et qui détient le plus de données sensibles n’est pas à l’abri d’une attaque ? Tu pourras bien faire ce qui te plait de tout ce que tu trouveras car honnêtement,  je m’en branle. Tout ce que je veux, c’est mon dossier qui est anormalement sous haute sécurité… Évite de vendre celui de ma femme, j’apprécierai. Si tu y parviens, c’est tout à fait évident que tu seras le premier que je recontacterai si j’ai de nouveau besoin de ce type de service.

— Et combien tu serais prêt à me payer pour ça ? s’enquit Josh après un instant de réflexion.

— Tu permets le temps d’une manip ? demanda Alan en pointant du doigt son téléphone.

Josh l’autorisa d’un signe de tête et il le prit en repassant en ligne. Il alla aussitôt sur son application qui gérait son compte de cryptomonnaies et lui réclama un QR code pour une transaction. L’homme lui montra son écran avec le code-barre, non sans une certaine méfiance. Alan rentra un chiffre qui lui paraissait dérisoire, mais qui représentait une fortune en vérité. Il valida sa démarche et Josh baissa les yeux sur son téléphone. Il releva le regard sur lui avec incompréhension avant de relire une nouvelle fois en s’exclamant :

— Nan, mais t’es sérieux ? Tu te rends compte de la somme ?

— Oui, je le sais très bien. Vois ça comme un acompte pour ce que je te demande ou bien juste un remerciement pour avoir accepté de me rencontrer. En tout cas, ça te laisse imaginer ce que je suis capable de lâcher si tu parviens à tes fins.

— Vous êtes des furieux les Passeurs, marmonna-t-il.

À côté de lui, Hugo se pencha sur son épaule pour jeter un œil à son écran et il ne prit pas la peine d’être discret. Son ami savait à quel point il pouvait se montrer sérieux quand il parlait d’argent et là, le laisser vérifier le solde ne sera qu’un appui de plus pour Josh. Hugo blêmit en lisant le chiffre et lui demanda :

— Al’, ça fait combien de temps que tu investis ?

— Un peu plus de trois ans. Sur plusieurs comptes d’ailleurs, ajouta-t-il comme si ce n’était rien. Celui-là, c’est pas le principal.

— Putain, mais y’a presque six chiffres !

— C’est que mes primes de missions à l’étranger.

— J’accorde que tu as de bons arguments, lança Josh en riant.

— En soi, c’en est un pour beaucoup de monde, rappela Alan avec lassitude.

— Tu as beaucoup insisté par rapport à ce que je risquais, mais toi ? Tu n’es franchement pas mieux logé ! Quand je vois l’affaire Karlsson…

— Ne me parle pas de lui, siffla Alan. Polen m’a piégé au moment de reprendre mes fonctions et j’ai effectué une immersion avec lui… J’ai découvert ce que cet enfoiré faisait contre ma volonté ! Le PDG avait même prévu le coup pour obtenir des preuves.

— Oh merde… Tu le savais déjà quand je t’ai prévenu avant que l’info soit diffusée ? réalisa Hugo. Tu pouvais pas me le dire ?

— Tu sais très bien que je dois garder le silence sur ce que je vois et entends pour le bien du peu d’entourages que j’ai, soupira-t-il.

— Et bien, ça ne fait que confirmer que la HDC n’est pas franchement réglo, ricana Hugo à son tour. Je ne peux pas utiliser ces mots car ce n’est pas une réelle preuve à mes yeux. Les paroles, ça s’arrange, je sais de quoi je parle. Je vais suivre cette affaire de près et mettre le souk à ma manière !

— Vous êtes aussi fêlée l’un que l’autre, chacun dans son genre, commenta Josh. Je comprends mieux pourquoi vous traîner toujours ensemble vingt ans plus tard. J’apprécie beaucoup d’ailleurs ! Par contre, j’ai une question. La HDC est réputée pour sa technologie de pointe et exclusive. J’en connais qui ont essayé, mais point de vue matérielle, c’est inviolable.

— C’est le cas, sinon j’aurais amené ma tablette pour que tu jettes un œil. En revanche, si tu touches le système de la flotte, tu auras probablement accès à tout.

— Ouais, je vois l’idée. Par contre, si je ne possède pas un point interne d’entrée à la HDC…

— Il y a bien plus d’ordinateurs classiques que tu l’imagines au siège. L’ensemble lié à l’Amplificateur entre autres, mais ils sont isolés du reste. La plupart du personnel fixe en utilise… Notamment Abigaïl, l’assistante de Simon. Elle possède un poste en plus de sa tablette. Si tu parviens à passer par elle, autant dire que c’est le gros lot. Tu auras accès à une grande partie du système. Ne te fie pas à son titre car elle est l’une des personnes les plus influentes en interne.

— Intéressant ça… Je garde l’information en tête, accepta Josh.

— Je ne vais pas te cacher que je suis curieux de voir le bordel que ça va provoquer si tu paralyses la HDC… J’en serais même au point d’espérer de me trouver au siège quand ça arrivera pour admirer les dégâts !

— Ça tombe bien, j’adore être tape à l’œil et créer des dysfonctionnements un peu partout pour détourner l’attention générale de mon objectif. J’accepte l’affaire, confirma-t-il après un petit temps de réflexion. Cependant, je préfère être clair. Si je me loupe, je disparais dans la nature. Si tu m’as vendu du rêve et que c’est trop facile, tu me reverras pas non plus.

— Comme tu veux, approuva Alan. Pour ce dernier point, si ça l’était vraiment, beaucoup t’aurait devancé juste pour les gains.

— Qui te dis que ce n’est pas le cas pour moi aussi ?

— Peut-être, mais tu n’aurais pas cherché à savoir si cette affaire en valait le coup. En plus, c’est Hugo qui nous a mis en contact, il te connait. Si tu tentes de me la faire à l’envers je l’apprendrai vite.

— Bon sang, comment un Passeur de rêve et un journaliste peuvent traîner ensemble dans le plus grand des calmes ?

— Tu me détrôneras jamais du cœur de notre blondinet préféré même si à son grand désarroi, je me marie dans l’année.

Hugo le regarda de travers car il avait bien compris qu’il parlait de lui juste avec le surnom qu’il lui donnait et Josh éclata de rire en même temps. Après que ce dernier reprit un semblant de calme, il affirma :

— T’es un furieux… Deal ! C’est bon pour moi ! Je préfère prévenir que je vais prendre mon temps, aussi bien pour me préparer que pour devenir imprévisible. Je compte bien sortir la batte pour faire un home run avec la ruche ! Je resterai en contact avec Hugo pour te prouver que je ne disparais pas.

— Marché conclu, approuva Alan. J’ai hâte de voir ça… Si tu as besoin d’informations sur la HDC, fais-le savoir, je te répondrai dans la mesure du possible.

— Ça serait bien de commander avant qu’il nous prenne pour des squatteurs, proposa Hugo.

— Je te préviens, je te ramène pas ! Ta voiture restera ici !

— Compte pas sur moi non plus, renchérit Josh.

Après un fou rire général, ils appelèrent un serveur pour fêter leur accord en quelque sorte. Finalement, ce n’était pas une mauvaise affaire qu’ils se connaissent, même de loin, jugea Alan. Ça lui avait un peu facilité la négociation. Maintenant, il n’avait plus qu’à voir ce que ça allait donner et les résultats qui en ressortiraient. Son temps, il le prenait depuis longtemps… Il commençait à vraiment comprendre quand Hugo lui disait que sa patience pouvait s’avérer flippante.

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