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Prologue

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Nul n’avait vécu sur ces dunes froides depuis l’arrivée d’Essie, et nul n’y vivrait plus après son départ. C’est ce que je lui murmurai à l’oreille tandis qu’elle dégringolait dans le sable gris. Devant nous, le désert laissait place à une mer désespérément calme.

« C’est ici », dis-je.

Essie laissa tomber son sac et s’agenouilla sur le sable mouillé, le creusant de ses mains.

Elle creusa fiévreusement, à s’en meurtrir les doigts, et si longtemps que je m'étais dissipé·e quand elle me souffla :

« Je l’ai trouvé, Ojiji. »

Alors l’ombre que j'étais se reforma pour observer derrière les yeux de la jeune femme la trouvaille : un petit coffre de bois, gravé de runes magiques, avec une serrure rouillée dont nous n’avions pas la clé.

Qu’à cela ne tienne, sans même une demande de ma part, Essie l’avait déjà forcée avec son couteau : le métal était si endommagé qu’il céda tout de suite, révélant les derniers parchemins dont nous avions besoin pour le rituel.

Si j’avais eu un visage, je lui aurais souri, je le jure. Mais il y avait bien longtemps que je l’avais perdu, visage comme le reste, et qu’il ne restait qu’une ombre, qu’une voix dans la tête de ma protégée. Cela faisait maintenant quinze ans qu’Essie avait accepté de m’accueillir en son sein ; une alliance qui nous permettait à toutes les deux de survivre dans ce monde aride et terne, loin du monde véritable. C’est elle qui m’avait donné mon nouveau nom, l’ancien ayant disparu de ma propre mémoire avec le temps : Ojiji, l’ombre, dans sa langue.

Elle et moi étions liées pour toujours désormais, j’avais les connaissances, elle avait la force. Et ensemble, nous quitterions ce désert meurtrier et solitaire avant qu’il ne soit trop tard.

Essie rassembla fébrilement les pages jaunies et les parcouru une à une. Le rituel était compliqué et impliquait le tracé de symboles complexes dans le sable, ainsi qu’un don de sang. Nous y étions préparées.

Cela prit près de quatre heures. Quatre heures à chanter les paroles consacrées, quatre heures à ouvrir régulièrement sa peau pour faire couler le sang sur les runes. Quatre heures de tourmente pendant lesquelles il lui fallut demeurer assise en tailleur au centre de son cercle magique, malgré les assauts du vent qui s’était soudain levé, et les piqûres des scorpions qui la prenaient pour cible. Essie garda les yeux rivés sur les pages, la voix ferme, les bras forts. Concentrée.

Enfin, le ciel s’assombrit et il se mit à pleuvoir pour la première fois. À travers les gouttes, nous pûmes voir l’air s’effriter et la mer craqueler. Les vagues de plus en plus agitées semblaient se défaire sur elles-mêmes, formant un amas d’écume.

« C’est le moment. » annonçais-je à Essie.

Alors elle se leva, frissonnant sous la pluie qui tombait plus drue encore sur sa peau nue. Ses pieds entrèrent dans l’eau noire, puis ses jambes, ses cuisses, ses hanches… Et bientôt, ce fut tout son corps qui fut englouti. Nous disparûmes dans les flots, laissant derrière nous une terre stérile pour rejoindre le monde des vivants.

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