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I.

Ce soir encore, le ciel semblait contrarié ; c’était le douzième jour de pluie continue et la population commençait à s’en inquiéter. Les journaux ne parlaient plus que de ça, les unes les plus alarmistes évoquant un possible déluge. Dans la ville, les rues étaient mornes et leurs pavés trempés. Bientôt, le port serait inondé.

Un jeune homme marchait sous la pluie en quête d’une victime potentielle. Ses yeux noirs, bien que gênés par les gouttes, sondaient la rue à la recherche du clinquant, du brillant, du cher

Azraël était voleur.

On ne peut que faire les poches quand on n‘a plus rien à soi. Orphelin à l’âge de treize ans, il avait dû grandir à vitesse grand V, vivant de petits larcins sans trouver sa place dans la société. Il avait bien essayé, au début, de travailler honnêtement, mais très vite on s’était rendu compte qu’il n’avait pas sa place derrière un comptoir, ou tout simplement au contact des autres. Il avait ce qu’on appelait la mélancolie, faute d’un nom plus approprié. La vie ne faisait pas sens, les gens n’en faisaient pas plus et il ne lui restait plus qu’à survivre de son mieux en toute marginalité. Dans la ville, il était loin d’être le seul à la rue, mais il n’avait pas d’amis pour autant, menant une existence solitaire et risquée. Ces derniers temps, avec les intempéries, les nuits étaient froides, les jours humides et ses vêtements trop fins.

Il jeta son dévolu sur la chaîne d'une montre : elle dépassait de la poche d’un homme bien habillé. Son manteau à lui seul valait sûrement une centaine de pièces d’or, au vu de l’étoffe splendide, un import certain de la Compagnie des Indes. Mais la montre était plus facile à tirer, évidemment. Azraël lui emboita donc discrètement le pas, prenant garde à ne pas patauger pour éviter d’attirer l’attention. Tapis dans l’angle mort de l’inconnu, il attendit que les quelques autres passants se soient éloignés, puis pressa le pas pour se rapprocher de sa cible. Arrivant à sa hauteur, il prit une respiration, empoigna la chaîne en or, et déguerpit en courant, la montre arrachée à son propriétaire.

Alors que ce dernier hurlait derrière lui, Azraël ne put empêcher un sourire fier. Il accéléra autant qu’il put, échappant de justesse à un homme planté sur son chemin pour l’arrêter, sûrement alerté par les cris de la victime. Dans un saut agile, il renversa un étal vide qui se trouvait sur le chemin, juste pour éviter qu’on ne le poursuive. Lancé à pleine vitesse, la pluie fouettait son visage et il redoubla d’efforts pour ne pas s'arrêter tant qu’il ne serait pas sûr à cent pourcents d'être en sécurité.

Le moment vint finalement lorsqu’il s'engouffra dans une énième ruelle et déboucha sur le port. Autour de lui, les marins étaient trop occupés à débarquer leurs chargements avant la nuit pour lui prêter attention. Le jeune voleur souffla longuement pour reprendre ses esprits, contemplant enfin le butin doré qu’il serrait dans sa main. Parfaite. Elle était parfaite. La montre trottait les secondes avec une précision ravissante, cerclée d’or et gravée aux initiales de son propriétaire sur la coque extérieure. Toujours à bout de souffle, Azraël se demanda si la gravure baisserait le prix de revente… Mais après tout, qu’importe, ce serait sans aucun doute suffisant pour manger. Rassuré, il se mit à marcher le long du port, indifférent à l’eau froide qui continuait de tomber du ciel.

Autour de lui les hommes s’activaient, montant et descendant des bateaux dans un brouhaha sonore. Coffres et caisses étaient posés bruyamment sur les pontons mouillés, les hommes criaient des ordres à leurs collègues, d’autres des mises en garde car les planches étaient glissantes, certains étaient dans les cordages et repliaient les voiles en tirant sur des bouts. Le jeune homme se surprit à observer les marins. Et puis son regard tomba sur l’horizon.

Lui n’avait jamais quitté sa ville natale. Qu’y avait-il de l’autre côté de la mer ?

Pas le temps d’imaginer. Une clameur grandissait dans son dos, il le remarqua de justesse. Merde, déjà ?

Il se remit à courir, tandis que les miliciens déboulaient sur les docks. Pour vol, Azraël risquait le bannissement, ou pire : le gibet. Encore fallait-il qu’on l’attrape ! Il bifurqua à nouveau dans les ruelles, zigzagant au hasard dans l’espoir de semer ses poursuivants mais, inlassablement, il tombait nez à nez avec d’autres assaillants et devait changer de chemin. Combien y en avait-il, au juste ? Au moins une dizaine, ce qui était plus que surprenant.

Les miliciens étaient des hommes bénévoles qui aidaient à maintenir l’ordre dans la ville, mais ils n’étaient pas soldats, la plupart étaient des pères de famille ; boulangers, tailleurs, maréchaux patrouillaient après leur journée de travail sous prétexte d’un civisme très malvenu, mais sans jamais faire d’excès de zèle, contrairement à ce soir.

La victime ne devait pas être n’importe qui.

Bifurquant à nouveau pour éviter un homme élancé au bout de l’allée, il dut se rendre à l’évidence. Il n’allait pas pouvoir leur échapper éternellement s’il ne trouvait pas rapidement un abri. Tandis qu’il fonçait, la panique s’installa dans son ventre, y créant des nœuds… et soudain, l’idée s’insinua dans son esprit.

Il y avait bien la maison de sa mère.

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