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1/2. Todoroki Shoto

☔︎

— "Est-ce que ça va, avez-vous besoin d'aide ?"

Je lève le menton, assis comme un sans-abri sur une banquette d'un arrêt de bus, un passant m'avait interpellé. Le hasard, pensai-je.

— "Monsieur, vous n'avez pas bonne mine. Est-ce que ça va ?"

Qu'est-ce que ça peut te faire, au juste ? Tu n'es qu'un inconnu après tout, je ne te connais même pas. Je baisse de nouveau la tête, je sens son regard persistant sur moi. Me juge-t-il derrière ses yeux verts ?

— "Ah, je suis désolé, je m'en vais."

Sa voix semblait attristée et quelque peu gênée, je n'ai pas pu m'empêcher de m'en vouloir un chouia sur le moment. Mon ventre se tord quand j'entends ses pas s'éloigner peu à peu. Ma bouche s'ouvre, mais aucun son ne sort. Tant pis, adieu, on ne se reverra probablement jamais.

Soudain, les clapotis de l'eau se firent de plus en plus entendre. La pluie se déverse rapidement sur le paysage sinistre de la nuit, l'astre nocturne est caché par les nuages invisibles. Je contracte mes doigts sur mes cuisses, ça fait déjà une bonne heure que j'attends ici sans raison.

Je n'aurais peut-être pas dû sortir de chez moi sans réfléchir, j'avais espéré que nos disputes cessent après ce déménagement, mais c'est comme d'habitude, heureusement que mon téléphone portable est fourré dans la poche de mon jean. Sans lui, je n'aurais pas de GPS et donc pas de moyen de rentrer chez moi.

Je me lève après avoir rassemblé mon courage, et ce fut sans grand encombre que, sous la pluie de l'automne, je fus de retour dans mon appartement. Une semaine au moins s'était écoulée depuis le petit accident.

— "Shoto, je crois que tu as reçu un email, viens voir !"

Je ferme le livre que je feuilletais. Arrivé au salon, je vois ma sœur affalée sur une chaise de bureau devant l'ordinateur familial, munie d'un large sourire, elle me fait signe de venir la rejoindre.

— "Je crois que ça vient de la fac pour laquelle tu as postulé." M'informe-t-elle en cliquant sur la souris.

— "Fais voir."

Une page s'ouvre, le silence s'installe entre nous alors que nous restons immobiles. Mon frère eut l'occasion de passer derrière nous en sifflotant un air connu, mais nous restons toujours de marbre. Ses sifflotis cessent, il se rapproche de nous et dépose une main sur mon épaule, visiblement intrigué par notre silence plutôt anormal.

— "Qu'est-ce qui se passe dans l'espace ?" Nous demande-t-il d'un ton joyeux, je remarque qu'il a une bière dans la main.

— "Sérieux Natsuo, tu avais dit que tu arrêterais, avec l'autre... on va finir à la rue à force !" Grogne ma sœur le visage boudeur. "En tout cas, Shoto a été pris dans la fac de son choix, ce genre d'occasion n'arrive pas tous les jours, ça doit se fêter !" S'est-elle exclamée en tapant des mains.

— "Non merci, je vais plutôt aller me préparer, appelez-moi quand le dîner sera prêt."

— "Sérieux Shoto, t'es pas drôle à casser l'ambiance comme ça." Geint Natsuo le coude sur la tête de ma sœur qui approuve sa remarque.

Je hausse les épaules et j'échange un dernier regard avec eux, puis, rentre dans ma chambre et range le livre que j'avais sorti quelques minutes plus tôt. Les cours commenceront lundi à huit heures tapantes, je devrais peut-être commencer à chercher le meilleur itinéraire pour m'y rendre, l'université est loin de chez moi, quarante minutes de trajet avec la voiture, ce n'est pas rien. Je n'en possède pas en plus, du moins pas encore, mon frère lui en a une, mais loin de moi l'idée de dépendre de quelqu'un.

Je devrai donc prendre le bus.

C'est en partie à cause de mon choix d'université qu'on a déménagé dans cette ville, on est passés d'une grande maison à deux étages dans le sud à un petit appartement de cinq pièces à la capitale. L'air était mille fois mieux dans mon village, là, il est juste nauséabond.

Les toilettes et le bain ne sont pas séparés, et le pire, c'est que je partage la même chambre que Natsuo. Lorsqu'il dort, il ronfle comme une locomotive, et encore, une locomotive est beaucoup moins bruyante que lui. Ne parlons même pas de son bordel, heureusement que ce n'est que de son côté.

C'est la sonnerie de la porte d'entrée qui me fait sortir de mes plaintes, j'entends ses pas lourds sur le carrelage et je crains le pire. Qu'est-ce qu'il va nous faire aujourd'hui ? Va-t-il encore se plaindre à cause de son travail ? Lèvera-t-il la main sur l'un d'entre nous ? Ou va-t-il s'enfermer pour cette fois ?

Je préfère de loin la dernière option, certes elle reste plutôt bruyante, mais elle est beaucoup moins douloureuse et plus facile à supporter.

La porte claque d'une violence déchirante. Paniqué, le premier réflexe que j'eus est de prendre mon téléphone portable, puéril je sais, mais j'ai pris l'habitude maintenant. Je mets mes écouteurs noirs, comme ma vie en ce moment, et à l'aide de la musique j'oublie le monde qui m'entoure. Mais cette atmosphère d'un calme irréel fut de courte durée, car il entra dans ma chambre sans frapper, cet enfoiré.

☂︎

— "La chance ! Comment t'as fait pour l'avoir ? Il était en édition limitée !" S'égosille une inconnue de bon matin à l'arrêt de bus, elle parle trop fort.

Je regarde mon téléphone et à travers mes écouteurs je n'écoute rien en particulier, je ne veux tout simplement pas que les gens viennent m'interpeller.

Je remarque que c'est le même arrêt de bus où je m'étais assis pendant le petit accident, il y a toujours cette affiche du nouveau tome d'un manga plutôt populaire sorti récemment, tout le monde en parle. Je n'ai que le tome un, je crois, et je dois avouer qu'il m'a plu.

— "Excusez-moi."

Après un léger sursaut je regarde de qui provient cette voix, quand j'eus tourné la tête, mon ventre se tordit comme la dernière fois.

— "C'est vous qui étiez à l'arrêt de bus la semaine dernière, pas vrai ?" Me demande-t-il, perplexe.

Mon regard plonge dans ses yeux verts émeraudes, ils pétillent d'une certaine lueur hypnotisante, je surprends mon cœur à battre plus vite que la normale.

— "Je... je crois." Je dis, hésitant pendant un millième de secondes, reprenant mes esprits, je gratte ma joue en redéposant mes yeux sur l'affiche.

Je crois qu'il suit mon regard, je le contemple de nouveau détachant mes yeux du papier jaune, son visage est constellé de plusieurs tâches de rousseurs, ses joues sont plutôt rondelettes, il doit être au lycée, peut-être au collège. Mais, qu'est-ce que je suis en train de faire ? Si je m'intéresse de cette façon à tous les inconnus que je croise dans mon chemin, je deviendrai vite fou.

Rouge, les mains dans les poches, je déplace de nouveau mes pupilles sur un autre point au hasard. Pitié, faites qu'il ne remarque rien.

— "Vous connaissez le manga ?" Questionne-t-il de nouveau, d'une gaieté déconcertante.

— "On peut dire ça, oui." Je réponds simplement, mais je ne suis même pas sûr de vraiment le connaître.

— "Vraiment ?!" S'exclame-t-il un peu plus fort. "Vous en êtes où ?!"

Je le regarde, son sourire est large jusqu'aux oreilles, ses yeux me fixent avec enthousiasme et beaucoup de curiosité, ce qui n'arrange rien pour mon organe vital. On dirait une théière qui risque d'exploser à tout moment, pourvu que mon œil droit soit préservé cette fois.

— "Le tome un, et pourquoi tu me vouvoies au juste ?"

— "Euh..." ses joues prennent une teinte colorée et il se gratte nerveusement les cheveux. "Vous êtes un adulte, c'est comme ça, non ?" Il relève la tête.

— "Je n'ai que dix-neuf ans."

Cette fois, c'est tout son visage qui s'empourpre. Ses doigts gigotent entre eux, ils sont entourés de pansements, je ne me pose pas plus de questions, après tout ce n'est pas comme si je le connaissais.

Il s'excuse du malentendu et se prosterne devant ma personne dépassée, personne ne fait ça en temps normal. Super, tous les passants nous regardent maintenant. Je frissonne de tout mon long, agacé. Moi qui voulais qu'on ne me remarque pas pour aujourd'hui, c'est raté.

— "C'est bon. Relève-toi." Dis-je d'un ton sec.

Le bus arrive et me sauve la mise, ce premier jour fut tout à fait normal, sauf quand j'ai découvert qui suivait les mêmes cours que moi. J'ai essayé de l'esquiver pour éviter une deuxième grande scène en public. Qu'est-ce qui ne tourne pas rond chez lui ? Heureusement, il n'est pas venu m'interpeller, au moins une fois, mais je l'ai envoyé bouler.

☂︎

Le soir, allongé sur mon lit, je regrette amèrement mes préjugés et la façon dont je lui ai tourné le dos. Après tout, je n'étais pas le mieux placé pour parler. Moi aussi je suis bizarre, et je pense que c'est mille fois pire que lui qui n'a fait que se prosterner. J'ai été dans l'excès, beaucoup plus qu'il ne l'était ce matin. Demain, j'essaierai de me rattraper. C'est alors que l'image de ses yeux pétillants me revient à l'esprit, sacré garçon.

À six heures et demi, réveillé et préparé, en me chaussant à l'entrée j'entends la télé parler de la météo. De fortes pluies sont prévues pour toute la semaine, j'attrape donc mon parapluie.

À l'arrêt de bus, je m'assis et regarde le ciel. Les nuages sont grisâtres et se fondent parfaitement avec la couleur azurée du ciel, la météo disait donc vraie.

Je ressens énormément d'émotions en ce moment même, mais je ne sais pas les déceler, elles sont tellement étranges.

Je serre un peu plus fort le parapluie entre mes mains et je regarde l'affiche. Je chuchote lentement syllabe par syllabe le titre du manga qui m'avait bercé dans mes pires souvenirs :

— "My hero academia."

— "Bonjour !"

Cette voix m'avait surprise et je m'étais stoppé net de tout mouvement, quand j'avais levé les yeux, il était devant moi un doux sourire collé sur son minois.

Allez Shoto, parle lui, ne fais pas comme hier. Mais qu'est-ce que je peux bien lui dire au juste ?

— "Il est super bien ce manga."

Abruti, autant rester silencieux si c'est pour déballer un truc aussi con.

— "Tu parles de My hero academia ? Mais oui, t'as vu ?! All might est vraiment trop fort c'est mon personnage préféré surtout au championnat il a eu une idée de dingue dans la première épreu..."

Il s'arrête dans sa crise d'hystérie, et son sourire disparut. Ses poings qui étaient levés vers l'avant, se baissèrent lentement, il détourna le regard.

— "C'est vrai que tu n'as que le tome un, je suis désolé, je me suis encore laissé emporter pour rien."

Encore ? Il doit faire référence à l'humiliation d'hier, alors il a remarqué que son geste n'était pas très commode. Peut-être est-il japonais ? J'ai réfléchi à cette hypothèse hier avant de m'endormir, parce que je l'étais aussi, à moitié, mais je me suis familiarisé avec les habitudes européennes.

— "Mais, si tu veux, je peux te prêter la suite !" Me propose-t-il généreusement.

— "Non merci, je risque de les abîmer." Et tu as l'air d'y tenir alors... ces pensées ne franchirent pas la barrière de mes lèvres.

Il restait silencieux et s'était assis à côté de moi, son odeur mélangée à celle d'un matin après la pluie produit un effet étrange dans tout mon corps. Si seulement il pouvait s'éloigner un peu plus, peut-être que ce sentiment que je ressens s'arrangerait.

Je ne savais pas comment engager la conversation et lui non plus, alors on est restés dans le silence. Ce qui ne me déplaît pas, car il est paisible, je me sentais bien. Mon âme est comme ces feuilles mortes sur le trottoir grisâtre ; c'est ce que je me répétais chaque automne en voyant les feuilles orangées virevoltant avec le rythme du vent, mais cette fois, ça aurait sonné comme un mensonge.

C'est fou qu'un inconnu ait le pouvoir de te faire sentir si bien, je suis étrangement apaisé, ce garçon aux cheveux en bataille je ne le connais même pas, et pourtant, je commence déjà à apprécier sa compagnie.

☂︎

À la fin des cours du matin, la sonnerie qui annonce le début de la pause déjeuner retentit, les élèves se précipitent tous dehors comme de pauvres gamins excités. Je respire un bon coup, je n'aime pas le bruit, ça m'irrite, me rend anxieux et ça me rappelle de très mauvais souvenirs.

Je fourre ma main dans la poche de mon sweat et j'en sors de l'argent, plus qu'assez pour m'acheter un sandwich à la boulangerie en face de mon université. Mais je vais attendre encore un peu, elle doit être bondée de monde à l'heure qu'il est.

J'entends le crissement d'une chaise contre le carrelage, le garçon du bus s'est levé et se dirige vers moi. Mais il s'arrête, se triture les doigts et marmonne dans sa barbe. Puis il reprend sa route et s'arrête encore une fois cette fois recroquevillé au sol. Et il reprend de plus belle, pendant au moins cinq bonnes minutes. Je voudrais bien attendre encore un peu pour qu'il crache le morceau mais c'est déjà l'heure, alors je me dirige vers la sortie, j'ai faim.

— "A... attends ! Todoroki, c'est ça ?" Balbutie-t-il alors que je l'entends se diriger vers moi, quelque peu hésitant.

Je me retourne et le regarde du coin de l'œil, comment connaît-il mon nom de famille ? Pourtant, je ne le lui avais encore rien dit. Je comptais bien le faire, mais quand lui aurait révélé le sien. Il a dû voir la feuille accrochée à l'entrée de l'établissement, celle qui indique dans quelle salle nous serons avec une photo de nous juste à côté de notre nom et prénom, ou peut-être qu'il a tout simplement demandé à un professeur.

— "Oui, qu'est-ce que tu veux ?"

Je parais sec, non, je suis sec. Quand j'étais au lycée, on me reprochait souvent mon manque de communication et ma froideur. Les filles me voyaient comme un prince charmant, pourtant, je sais que je n'en étais pas un et que je ne l'ai jamais été. Un prince charmant est souriant peu importe l'adversité, un prince charmant est riche et croule sous l'or et les diamants, un prince charmant a toujours une princesse qu'il aime comme un fou et qui lui est destinée, et moi les princesses je...

— "Tu veux déjeuner avec moi ? Euh, au fait, je m'appelle Midoriya, Midoriya Izuku ! Désolé pour l'autre jour à l'arrêt de bus, c'était gênant, j'avoue." Sa voix qui était forte au début baisse petit à petit de volume, il s'excuse dans un chuchotement presque inaudible, mais assez pour que je puisse l'entendre.

Ses yeux fuyaient incessamment les miens, ses joues étaient d'un rouge sang, je pouvais imaginer à quel point son cœur battait rapidement à cet instant, et le mien aussi chavirait follement. Je le trouvais mignon à balbutier de cette manière, je ne lui en voulais même plus pour l'histoire d'hier.

C'est trop rapide. À cette pensée je me ressaisis instantanément, devenant de nouveau le Shoto au visage impassible.

Midoriya retire ses mains de son visage, et lève ses brillantes pupilles sur mon minois. Je m'efforce de ne pas les admirer, certes, elles sont extrêmement envoûtantes.

— "Tu acceptes ?" Me demande-t-il d'une faible voix.

C'est bête, on a déjà perdu beaucoup de temps à discuter. Je respire un bon coup, m'apprêtant à suivre mes envies. Ce garçon n'a rien fait de mal pour que je refuse son invitation, alors j'accepte.

— "Super !" Avait-il dit comme s'il respirait de nouveau.

On se retrouve donc assis sur un banc dans la rue, accompagnés d'un silence paisible. Le sandwich est délicieux mais il était cher, je pensais qu'il me resterait au moins un peu de monnaie pour pouvoir m'acheter une glace plus tard.

Discrètement, je regarde Midoriya manger sa mini pizza qui est au-dessus d'un papier blanc tâché de gras. Il mange avec grand appétit, je continue de le regarder et il finit par le remarquer, il s'arrête de manger et me fixe à son tour. Ses yeux sont déstabilisants, c'est comme s'il pouvait lire dans mon âme. Je ne l'avais pas remarqué avant mais, il a de longs cils, met-il du mascara ? Ses lèvres légèrement entrouvertes et rosées, formèrent un sourire forcé.

— "Ça va ?" Me demande-t-il en basculant sa tête sur le côté.

Je me sens frémir, il y a de cela longtemps que je n'ai pas fixé un garçon de cette façon, j'aurais aimé que cette ancienne habitude disparaisse à jamais.

— "Oui." Je bredouille, la tête baissée pour cacher mes rougeurs.

— "Excuse-moi si je suis indiscret, mais, je me demandais, est-ce que c'est naturel ?"

Je relève la tête pour le voir, ses yeux clignent rapidement, il pointe de son doigt entouré d'un pansement blanc mes cheveux bicolores. Le vent fouette nos visages, et le papier sale de Midoriya s'envole, il essaie tant bien que mal de le rattraper, en vain, l'heure de retourner en cours frappe rapidement.

☂︎

Le soir-même, la pluie fait de violents clapotis sur le toit de l'arrêt de bus hors service. Il y a eu un accident, et il ne viendra pas avant demain matin. Désespéré, je m'engage pour la gare la plus proche. Je m'arrête quand je me souviens que je n'ai pas d'argent pour me payer un billet, foutu sandwich. Le seul moyen est de faire le trajet à pied jusqu'au prochain arrêt de bus. Le parapluie au-dessus de ma tête, je marche lentement contre le sens du vent.

C'est alors que l'unique moyen de me tenir au sec s'envole, je tends désespérément le bras pour le rattraper, en vain. Finalement, il se cogne contre le visage d'un passant. Je tremble, l'eau m'éclabousse de toutes ses forces, je me sens impuissant, cette sensation est désagréable, je déteste me mouiller.

— "Ouch... excusez-moi, c'est votre parapluie ? Oh, Todoroki-kun !"

Je relève la tête, il est là devant moi le nez ensanglanté, probablement là où le parapluie l'a percuté, il tient l'objet de ses deux mains tremblantes.

— "Midoriya..." Je chuchote et ma voix est plus grave que je le voulais. "Qu'est-ce que tu fais sans parapluie ? Tu vas tomber malade."

Ses yeux s'écarquillent puis il sourit de toutes ses dents, mon cœur s'enveloppe d'un cocon doux et chaleureux contrastant avec le temps froid qui fait trembler ma chair.

— "J'allais prendre le train, mon parapluie s'est volatilisé à cause du vent." Me dit-il, muni d'un doux regard.

Il me tend le mien et je le prends avant qu'un éternuement s'échappe de mes narines. Je tressaille de tout mon long, à ce stade-là, le parapluie ne me sert plus à rien.

— "Tu vas vraiment finir par tomber malade toi aussi ! Tiens, ma veste !" S'exclame le vert en retirant son unique moyen de se tenir au chaud.

Je n'ai d'autre choix que de refuser son offre, je n'ai pas envie de privilégier ma santé à la sienne, ce serait trop égoïste.

— "Laisse, ce n'est pas grave."

De mon tempérament toujours aussi froid comme cette soirée, je le quitte pour rentrer chez moi. Après avoir pris ma douche et bu de l'eau chaude, je m'affale sur mon lit en oubliant les tonnes de devoirs que j'ai à faire pour demain, préférant penser à lui, à sa gentillesse et surtout à son regard si bienveillant.

Le lendemain, on ne se parla pas, on prit le déjeuner ensemble puis on suivit toujours cette même routine ennuyeuse. Le jour d'après aussi, ce fut le même spectacle. Quand le week-end est arrivé, je suis resté chez moi, la météo prévoyait de fortes pluies pour la semaine prochaine et ça n'allait peut-être jamais s'arrêter.

Au fond, je leur ressemble, mon âme y est fortement similaire. Je suis tiraillé de l'intérieur, je ne sais plus si je suis réellement Shoto, peut-être que je ne le suis pas vraiment. Dans les histoires, je suis toujours attiré par les antagonistes, pourquoi ? Parce que je les comprends. À l'école primaire, on me trouvait bizarre, on critiquait mes yeux, mon comportement, mes origines et même si je ne m'étais jamais fait persécuter, leur regard en disait long sur ce qu'ils pensaient.

— "Shoto !" Crie ma sœur dans le couloir. "T'aurais pas vu ma cravate par hasard ? Je dois aller à un entretien, là, c'est urgent bon sang de bonsoir !"

Je me relève de mon lit, elle m'appelle toujours pour rien. Qu'est-ce que je pourrais bien faire avec cette cravate ? En plus, je n'aime pas trop ça, j'ai déjà été obligé de les porter pour des cérémonies mais ce n'est que dans ces cas-là que j'en mets.

Mes pensées dérivent sur lui, comment serait-il avec ? Non, je l'imagine plutôt porter un nœud de couleur rouge. Je suffoque, me voilà encore en train de songer à lui. Faudrait que je règle ce problème au plus vite, sinon ça va recommencer.

Je ne suis pas libre d'aimer qui je veux, je n'ai pas ce pouvoir.

Quelqu'un toque à ma porte, lentement, avec rigueur. Mes épaules sursautent. Je ne veux pas qu'il revienne, depuis le petit accident avec ma petite fugue et le jour où il est entré par effraction dans ma chambre, il ne m'a pas adressé la parole. Je reconnais sa façon de toquer, je sais qui c'est, je n'ai pas envie de le voir. Apeuré, je regarde du côté de la chambre de Natsuo, en espérant le retrouver là. Mais il est parti, il a un rendez-vous avec ses nouveaux amis, lui, il ne perd pas son temps.

— "Shoto." M'appelle-t-il de sa voix grave derrière la porte.

Je reste silencieux, je n'ai pas envie de te voir, dégage. À cause de toi, ils ne sont plus là.

— "Shoto." Répète-t-il, je vois son ombre, il semble avoir maigri.

La poignée de la porte bouge, il rentre dans la chambre avec ses pieds nus. Comme un gamin, je me mets sous ma couverture pour éviter la confrontation beaucoup trop soudaine.

— "Tu dors ?"

Pas un mot, je me retiens de respirer trop fort. Soudain, je sens sa main se poser sur mon crâne. Cette sensation m'est inconnue, mais elle me paraît étrangement agréable.

— "Je suis vraiment désolé, pour maman et pour papa."

Tes excuses ne valent plus rien, ils ne sont plus de ce monde maintenant. Et tout ça, à cause de toi.

— "Quand on m'a appelé pour m'annoncer la nouvelle, je n'étais pas bien, je te jure, je m'en suis voulu de vous avoir laissés seuls à la maison. Et puis quand tu m'as dit que t'aimais les garçons, ça m'a un petit peu mis sur les nerfs, je ne voulais pas que tu finisses comme moi, tu comprends ? Hein, dis-moi que tu me comprends Shoto !"

Non, je ne te comprends pas et je ne te comprendrai jamais. Pourquoi tu nous criais dessus ? Pourquoi tu sortais tout le temps ? Et puis, arrête de me secouer l'épaule.

Je sais, je sais ce que tu faisais quand tu étais sorti ce jour-là. Avec tes potes, c'est toi qui as causé l'incendie dans la montagne. Et dire qu'ils sont morts alors qu'ils allaient enfin se réconcilier.

Monstre.

— "Avant leur mort, j'ai eu une dispute avec papa quand il a su que je sortais avec un gars, Keigo si tu veux savoir. Il n'était pas ravi du tout, il m'a crié dessus et il m'a giflé, maman a essayé de l'arrêter avant que ça ne déraille mais elle a pris les coups à ma place, la pauvre. Quand j'y repense, il procédait toujours comme ça, pas vrai ?"

Je ne m'en souviens pas, j'ai mal à la gorge. Il était méchant, je m'en souviens de ça. Mais maman, je n'arrive pas à m'en rappeler. Elle était comment ? Il ressemblait à quoi son visage ? Est-ce qu'il avait une ressemblance avec le mien ?

— "Et puis ils sont partis, et pendant leur absence je me suis éclaté comme jamais et puis tu connais la suite, ils sont morts à cause d'un accident de voiture pendant le retour de leurs putain de vacances, on m'a dit que c'était le chauffeur d'un camion qui s'était assoupi, tu entends ? À cause d'un putain de chauffeur qui baisait sa femme la veille, nos parents sont morts."

Mais non... c'était leur chalet... leur chalet en montagne qui a brûlé à cause de toi.

— "Et puis, je ne savais pas que ça allait se passer comme ça, j'étais juste un peu en colère tu vois. Je suis désolé pour les coups, et qu'on ait dû déménager à cause de l'argent qui manque, ça me fait chier qu'on soit pauvres comme ça tu sais. Mais on n'y peut rien, non ? Shoto, depuis l'épisode avec ce garçon que tu fréquentais..."

— "Shoto !" Cette fois, c'est la voix de ma grande sœur. "Ah, Toya." Son ton autrefois joyeux devint frêle.

J'enlève légèrement la couverture pour voir, juste un peu, il a la tête retournée et ma sœur le regarde en fronçant les sourcils depuis le seuil de la porte, elle déclare :

— "Qu'est-ce que tu lui veux ?" Elle tremble, peu convaincue.

— "Fuyumi, je..."

— "Je rêve ou tu t'es encore défoncé ! Décidément, on va finir à la rue si tu ne fais que dépenser pour du liquide. Laisse Shoto dormir, il doit être super fatigué, tu sais les études c'est pas facile pour tout le monde, alors laisse-le respirer."

Il se lève du sol et sort de la pièce en titubant et en grattant ses cheveux blancs, c'est de famille malheureusement, ces cheveux. Et moi, comme la nature m'a toujours bien aimé, que ce soit socialement, économiquement ou familialement, elle m'a offert deux couleurs différentes qui font boules de glace sur ma tête qui sert de cornet.

Avant de s'en aller à son tour, Fuyumi me sourit tristement. Elle savait que je ne dormais pas, mais elle savait aussi que je ne voulais pas le voir.

— "Merci." Avais-je chuchoté avant de m'endormir pour de bon.

☂︎

Le lundi, Midoriya attendait à l'arrêt de bus comme d'habitude. Moi, j'étais anxieux. Je voulais lui parler, après l'épisode avec le parapluie je voulais vraiment m'excuser pour son nez. Mais je ne savais pas trop comment m'y prendre, parce que si je le faisais, ça montrerait que je m'intéressais à lui...

Ou peut-être que je me fais juste des films.

Discrètement, j'espère, je le regarde. Il se mord les doigts en contemplant son téléphone, il murmure quelque chose, je sais pas trop quoi. Je respire un bon coup, m'apprêtant à aller lui parler mais une fille brune vient l'interpeller et il lui sourit.

Ils semblent bien s'entendre tous les deux, mais moi aussi, je voulais le connaître. J'ai vite remarqué que si ce n'était pas lui qui faisait le premier pas, jamais je n'oserais l'aborder comme cette petite brune l'avait fait pour lui.

Et plus je le regarde, et plus je le trouve vraiment beau. Il y a une harmonie dans son visage, dans son regard mais pas dans son sourire. Son sourire, il n'est pas beau, il est forcé par moment.

Mais quand on parle de choses qu'il aime...

Ce n'est que pendant qu'on mangeait seul à seul notre déjeuner comme les autres jours, que j'ai osé lui demander :

— "Ça te dirait qu'on se voie en dehors des cours, ce soir ?"

Shoto, pourquoi as-tu dit une chose pareille ? On avait dit qu'on éviterait de penser à lui sous peine de revivre notre erreur, et qu'est-ce que tu fais ? Tu l'invites à sortir ?

Tu es tellement contradictoire, Shoto.

Je le regarde plus attentivement, sa bouche qui voulait mordre son casse-croûte reste bloquée devant celui-ci.

Un ange passa.

— "Midoriya ?"

Il referme sa mâchoire et commence à toussoter en évitant mon regard, puis il me fixe les joues rosées.

— "Je voulais te le proposer aussi, je suis content que tu l'aies fait."

Je sens qu'il y a quelque chose entre nous, mais je préfère ne pas le savoir. Depuis que mes parents sont morts, je me suis enfermé dans un dédain de moi-même et j'ai merdé niveau sentimental. Je ne veux pas qu'il soit un bouche-trou, je ne veux pas qu'il comble le manque que j'ai, ça serait beaucoup trop égoïste.

— "J'ai peur que la pluie continue de tomber." Déclare Midoriya les yeux rivés sur ses chaussures. "Je ne pense pas qu'on puisse rester dehors, alors..."

Il ne continue pas sa phrase, de ses doigts, il écrase son déjeuner. Il veut me proposer d'aller à un certain endroit ?

— "En fait, tu pourrais... euh..."

Il lève le regard, mais ne le pose pas sur moi. Il me stresse à bégayer de cette manière, mais en même temps, je veux savoir, alors je reste attentif.

— "Euh... en fait, tu pourrais venir chez moi, 'fin, c'est comme tu veux, vraiment !"

Cette fois il me regarde l'air complètement paniqué, je n'ai pas vraiment envie de refuser, ce garçon m'intrigue et il y a une bonne affinité entre nous.

Et je suppose que c'est normal d'inviter un ami chez soi...

— "D'accord."

☂︎

Rapidement vient le soir, la pluie tombe du ciel, et on attend là, à l'arrêt du bus. Je préviens ma sœur, je suis assez anxieux, ça fait longtemps que je n'ai pas été invité chez quelqu'un.

— "Si tu veux au retour, je pourrai te raccompagner. J'espère juste que le ciel va se calmer, j'ai l'impression qu'en ce moment, il pleure beaucoup." Remarque Midoriya d'un regard attristé.

— "Le ciel peut pleurer ?"

— "Hein ? Ah non, en fait c'est un peu une métaphore."

— "Ah, je vois, désolé."

Un ange passe à nouveau, je ne me sens tellement pas bien. C'est sûrement dû au stress, c'est alors que je me rappelle d'une technique que mon compte Instagram m'a apprise.

— "Ça va, Todoroki ?"

— "J'écris "Homme" sur ma main en kanji pour faire semblant de l'avaler après, c'est une méthode contre le stress." Je l'informe tout en me concentrant sur l'exercice.

— "Ah, je suis désolé de te partager mon stress, Todoroki ! Je le suis aussi ! Mais, tu sais écrire en japonais ?"

Ses yeux si brillants d'admiration me déstabilisent, son visage est si proche.

Arrête Shoto, ne fais pas ça.

— "Todo...roki-kun."

Mon nez touche le sien alors que je dévore du regard ses belles prunelles. Ses cils sont longs et me chatouillent.

— "Tu te maquilles les yeux ?" Je chuchote alors que je sens son souffle entre mes lèvres.

— "Hein ? Tu veux dire, que je mets du mascara, c'est ça ?"

— "Ouais."

Éloigne-toi, Shoto, pitié.

— "J'ai honte de l'avouer, mais oui, je pensais que ça ne se... verrait pas."

Sa voix est si douce, j'aimerais l'enregistrer pour l'entendre encore et encore. Je sens comme une pression dans mon ventre, l'envie de me rapprocher encore plus, de plonger ma main dans ses cheveux en bataille.

Calme-toi, Shoto.

— "Todoroki, c'est assez bizarre."

Merci.

Précipitamment, je recule en plaçant ma main sur ma bouche.

— "Désolé."

J'ai réussi à encore plus plomber l'ambiance, merci, mon cher Shoto.

☂︎

Étant dans les vapes, je n'avais pas remarqué qu'on était enfin arrivés chez lui et dans sa chambre. Je suis assis sur son tapis devant sa table basse, je contemple les lieux avec beaucoup d'intérêt, c'est assez bien rangé en soi, on se sent en paix ici. Pourtant, je sens comme une lourdeur sur mes épaules. Ce garçon, il n'est pas commode, je crois que j'ai enfin trouvé quelqu'un comme moi.

Après avoir discuté, principalement sur le manga qui le passionne, j'ai découvert que ce n'était pas le premier tome que j'avais, mais le premier tome d'un bonus, alors Midoriya a eu la gentillesse de me prêter le vrai tome un et pendant que je le feuilletais, comme je ne pouvais pas me taire un peu plus, j'ai dit :

— "Tu penses quoi du pouvoir de l'amour ?"

Dans le manga, ils ont rapidement parlé du sujet alors...

— "Oh, c'est... un sujet assez délicat. Mais si je devais donner mon avis, je dirais que ce pouvoir est dans chacun d'entre nous, même si on le présente toujours d'une manière quelque peu différente. Je ne pense pas qu'on puisse dire qu'une personne est incapable d'aimer, parce qu'elle le fait en soit, exister par exemple, exister et rester en vie ça montre qu'on aime... non, laisse tomber."

Je reste bouche bée, pourquoi s'est-il arrêté dans son discours ? On reste longtemps dans le silence. Déstabilisé, je n'ai pas pu reprendre ma lecture.

— "Midoriya, ça va ?"

— "Ou... oui ! Désolé ! Tu sais, je t'aime bien Todoroki-kun, j'ai l'impression que malgré la première impression, tu ne me juges pas."

— "Pourquoi je le ferais ?"

— "Parce que je suis bizarre."

— "Je ne trouve pas, à mes yeux tu es quelqu'un de normal."

Tu es beau, sympa, tu as les mots, tu tiens la route dans ce monde de pacotille.

— "Mais non ! Comparé à toi, je ne suis rien, vraiment."

— "Comparé à moi ?"

Bon sang, qu'est-ce que j'ai de si spécial ?

— "Tu as l'air si sérieux, d'ailleurs tu l'es bien assez. Quand je te regarde en classe, je me dis que tu ne manques vraiment de rien, que tu es parfait. En plus tu es... beau."

Il commence à rougir et à cacher son visage en s'excusant. Ok, l'atmosphère n'est plus la même. Pourquoi on commence à s'avouer des choses gênantes à propos de nous, alors qu'on ne s'est jamais vraiment parlé, qu'on a fait que manger ensemble au déjeuner dans un silence de mort ?

— "M...merci."

Tant qu'on y est, autant tout avouer.

— "Mais je t'arrête tout de suite, je ne suis pas parfait, et je suis loin de l'être. Je suis très bizarre, et mes goûts amoureux..."

— "Tu es...?"

— "C'est ça, je suis gay."

Le vent vient frapper contre la vitre, faisant trembler les volets, je tressaille de tout mon long.

— "Je suis bisexuel, et je ne trouve pas ça bizarre du tout. Que tu sois gay ou pas, tu restes et resteras toujours Shoto."

Cette fois, il avait parlé sans bégayer et en élevant un peu plus la voix.

Il m'a appelé Shoto.

Les battements de mon cœur deviennent plus intenses, plus indescriptibles. Je commence de plus en plus à apprécier Midoriya, j'ai enfin trouvé quelqu'un qui me comprend, qui m'écoute et qui détient un regard pur sans préjugés sur ma personne.

— "Merci."

J'aurais voulu développer un peu plus sur ce que je ressentais. Midoriya me sourit, et je me sens pour la énième fois, enveloppé d'une douce chaleur.

— "Mais..." Ma voix devient plus grave. "Tu disais que tout le monde avait le pouvoir d'aimer, c'est ça ? Je ne pense pas que ce soit mon cas, je sens qu'il y a et y aura toujours des gens sur cette terre qui ne pourront pas aimer ni être aimés."

Bien sûr, je fais référence à mon frère, au gars que j'ai aimé, à la vie tout simplement.

— "Pourquoi tu dis ça, Todoroki ?"

Je pose mes yeux sur lui, il sursaute. Qu'est-ce qu'il a mon regard ?

— "Parce que... quand j'étais au lycée bah, je suis sorti avec un mec."

— "Ah."

Je ne devrais vraiment pas lui en dire autant sur ma vie, mais tant pis, puisque je me suis lancé, je vais terminer.

— "En fait..." Je respire un bon coup. "Ce gars-là, en fait, je l'aimais beaucoup. Mais lui, il s'est contenté de se... vider. J'étais qu'une capote, bordel, je n'arrive pas à oublier. Mon frère n'a même pas pris la peine de me réconforter, il a juste sorti un « Je te l'avais dit », putain..."

La tête baissée, les doigts emmêlés dans mes mèches, je reprends mon souffle. Il faut que je lui dise, que je lui dise que j'éprouve de l'attirance pour lui. Comme ça, on ne se parlera plus jamais. Comme ça, il ne voudra plus me revoir.

L'amour n'est que douleur et souffrance.

— "Todoroki..."

Sa voix se fait plus basse, je sens ses mains attraper les miennes avec une douceur qui devrait être illégale.

— "Todoroki, tu m'entends ?" Je hoche la tête.

Ce que j'entends le plus, Midoriya, c'est les battements de mon cœur. Tu sens bon, tu sens le shampoing. Tu sais, ce n'est pas dans mes habitudes de faire attention à ce genre de détails. Mais toi, tu me fais perdre la tête.

— "Tu es une bonne personne Todoroki-kun. Tu es quelqu'un de gentil, tu es même très très gentil."

Arrête de dire n'importe quoi.

— "Je suis sûr que d'autres personnes auraient dit tout autre chose. Comme « Je le déteste » ou « Il me dégoûte », mais toi, tu t'es contenté de dire que ça t'a bien marqué. Je suis sûr que tu peux aimer, toi aussi."

Ses mains se resserrent sur les miennes, et moi aussi, discrètement, je les enlace.

— "Ce pouvoir, c'est le tien."

Pris au dépourvu je lève la tête, son front est contre le mien. Je ne peux pas dire qu'il a raison ou qu'il a tort, ma raison ne m'obéit plus, il n'y a que son corps et mon corps dans cette pièce chauffée par nos souffles.

— "Dis-moi Todoroki, pourquoi tu me dis tout ça ?"

— "Parce que je te fais confiance."

Il ricane.

— "Aussi vite ? Je croyais que tu étais l'intouchable et le plus sérieux de tout ce globe terrestre."

— "Pas avec toi."

Ses mains deviennent moites, c'est vraiment dégueulasse, ça casse toute la romance. Je me détache de lui, essayant de respirer à nouveau et normalement, enfin, j'espère.

— "Je suis spécial ?"

— "Quoi ?"

— "J'ai demandé, est-ce que je suis spécial ?"

— "Qu'est-ce qui te prend Midoriya ?"

Il ne dit plus rien. Bien sûr qu'il l'est, pourquoi aurais-je dit tout ça alors ? Ce n'était pas pour qu'il ait pitié de ma personne, mais parce que je crois que je me sens vraiment bien à ses côtés.

Peu importe si c'est de l'amour, de l'attirance ou juste de l'amitié. Midoriya a un pouvoir, celui de nous faire sentir si apaisés en sa présence. C'est une lumière, une inspiration pour les autres et un magnifique rayon de soleil.

Mais ce regard qu'il a, j'ai l'impression qu'il perd de sa couleur au fil des jours.

Vingt heures passées et je suis toujours allongé sur son lit, et lui aussi. On se contente d'observer le plafond côte à côte. Sincèrement, je ne veux pas partir, je suis bien ici.

— "Todoroki, vu que t'as parlé de toi, j'aimerais bien le faire moi aussi, mais je ne suis pas très doué à l'oral."

— "Ah vraiment ? Pourtant tu parles bien. Mais bon, écris ce que tu veux dire si tu y tiens tant que ça."

— "Écrire..." Il murmure d'une voix lasse. "J'écris pas mal, mais je ne suis pas sûr d'être très doué pour ça."

— "Alors qu'est-ce que tu fais pour t'exprimer ?"

— "Je ne le fais pas, enfin, le minimum. Mais internet aide vraiment à te déconnecter de tout, c'est fou, tu trouves pas ?"

Il soupire. Internet est une connexion de base, non ? Alors, pourquoi ça le déconnecte ?

Je sens une main tremblante venir attraper la mienne, je me sens très chaud, je dois prendre l'air.

— "Todoroki, je m'entends vraiment bien avec toi."

Moi aussi, Midoriya.

Soudainement, une idée me vient à l'esprit. Alors je l'expose à celui qui se tient à mes côtés :

— "Midoriya, et si on n'allait pas en cours demain ?"

— "Tu veux qu'on sèche ?!" Il s'exclame, surpris.

— "Ça doit être ça, ouais."

— "Mais... et si la pluie continue de tomber, on fait comment ?" Il ne semble pas très confiant.

— "On se mettra à l'abri." J'affirme, sûr plus que jamais de ce que j'avance.

Suite à ça, il a accepté après avoir longuement réfléchi et m'a donné son numéro de téléphone peu rassuré. On s'est arrangés pour l'heure du rendez-vous, et c'est Midoriya qui décidera pour le programme. Je suis rentré et je n'ai pas pu dormir, parce que malgré moi, j'avais hâte.

Si j'ai bien compris, demain à huit heures tapante au même arrêt de bus.

☂︎

— "Alors, j'ai prévu l'endroit où on devrait aller, j'espère que tu aimes la nourriture asiatique." Dit-il les yeux plongés sur son téléphone. Ce matin, il est habillé d'une veste rouge.

— "J'ai... jamais essayé."

— "Pourtant tu devrais, c'est super bon tu verras !" Sa voix emplie d'enthousiasme me fait quelque peu plaisir.

Sur ces derniers mots, on prit le bus, mais comme Midoriya a cru que j'avais emmené de l'argent, et qu'il avait tout juste assez pour le restaurant, nous fraudons, tout simplement. Assis près de la fenêtre, Midoriya panique totalement. Ses pieds tremblent, et il regarde dans tous les sens en espérant ne pas avoir la poisse de rencontrer un contrôleur. Je l'espère aussi, mais plus calmement.

— "Calme-toi Midoriya, on voit directement à ton visage qu'il y a quelque chose qui cloche."

— "Oh... pardon, c'est que j'ai tellement peur et je stresse trop. Je n'ai pas l'habitude de... de tout ça tu vois." Bégaie-t-il, fixant ses mains posées sur ses genoux.

Comment puis-je faire pour l'aider ? Il est tellement stressé que son problème va m'atteindre. Une idée m'effleure alors l'esprit.

— "Si tu stresses, écris sur ta main "Homme" en kanji puis fais semblant de le manger." Je lui explique tout en lui montrant les gestes à reproduire.

— "Ah, la technique que tu avais utilisée la dernière fois à l'arrêt de bus !"

Suite à ça, il s'exécute assez rapidement, reste silencieux, puis me regarde les yeux fermés d'un air totalement dépité. Je n'ai pas pu m'empêcher de sourire, puis, j'ai regardé par la fenêtre en cachant mes lèvres à l'aide de la paume de ma main droite.

— "Hey Todoroki, et si ça ne marche pas, on fait quoi ensuite ?!" Il effleure mon épaule d'un geste rapide.

Comme je l'ai un peu ignoré, il a commencé à légèrement secouer mon bras en me suppliant de lui répondre. J'ai crû devoir le faire, mais une voix m'interrompt alors que mes lèvres étaient sur le point de fournir une explication au vert.

— "Jeunes hommes." Fit une voix grave.

Je sens Midoriya tressaillir de tout son corps, il se retourne lentement.

— "Oh..." lâche-t-il tout simplement.

— "Hey, faites moins de bruit, mon fils dort à l'arrière. Vous le dérangez à brailler comme des primaires." fit l'homme en nous regardant de haut.

Midoriya souffle de soulagement, comme si ce qu'il venait de dire n'était rien, comme s'il était rassuré de le voir. Sans savoir vraiment pourquoi, cet homme m'énerve.

Baisse les yeux, abruti.

— "Oh, oui bien sû-

— "Non."

— "Todoroki !"

L'homme fronce les sourcils, croise les bras. Le visage renfrogné, il me toise du regard, je grince des dents.

— "C'est pas un dortoir ici, votre gosse, qu'il dorme ailleurs." Je lâche sans mesurer mes mots ni le ton de ma voix.

Ma mère, bien avant qu'elle ne meurt dans un horrible accident, suite à son éducation à la japonaise, m'a appris le respect des aînés. Les aînés, je les respecte toujours maman, mais lui, c'est pas un aîné, c'est un connard.

— "Hoho, mais c'est qu'on t'a pas appris les bonnes manières toi. Tes parents sont où ?"

Je serre les poings en fronçant les sourcils, Midoriya paniqué, s'agite devant moi en espérant me calmer.

Désormais, ma vision est concentrée à un seul endroit. Le regard de cet homme, il me rappelle tellement celui de mon père.

— "Oh, c'est qu'on est devenu muet. Conseil, la prochaine fois que t'ouvres ton bec, réfléchis, abruti."

— "Ohlala, c'est qu'on nous regarde, maintenant..." murmure Midoriya près de mon torse comme un lapin apeuré.

— "Je plains ta mère d'avoir mis au monde un fils aussi ingrat envers les adultes, quoique, elle doit être comme ça aussi."

C'est la goutte de trop.

Désolé, Midoriya.

Brusquement, je me lève. Et malgré le mouvement du véhicule, j'arrive tant bien que mal à attraper le col du foutu abruti fini qui se trouve devant moi.

— "Hola, Hola, on se calme. On s'est fâché parce qu'on a parlé de sa maman ? Tu sais, y a que la vérité qui blesse."

— "Dans ce cas, ta mère ne vaut pas mieux pour avoir éduqué un fils qui s'en prend à plus petit que soi et qui utilise des mots inappropriés devant son propre fils." Je crache ces mots alors que la fureur me submerge.

Et puis, ça s'est passé trop vite. Il a levé son poing, Midoriya s'est interposé entre nous après avoir crié mon nom. L'homme l'a mis au sol puis, sans même avoir une once de pitié, le crevard lui a écrasé les doigts. Le chauffeur s'est soudainement arrêté et nous a ordonné de nous calmer. Et comme mon corps ne m'obéissait déjà plus, mon poing est parti tout seul pour s'écraser contre la joue de l'homme puant la mort.

Mon seul regret est que cet enfant ait dû assister à cette vieille merde de dispute.

— "Bordel de youpi !" Lâche Midoriya alors que nous sommes sur le trottoir, expulsés du bus. "Sérieusement Todoroki, qu'est-ce qui t'a pris ?"

— "Il nous a mal parlé, il a insulté ma mère, il t'a frappé et écrasé les doigts, il pue."

Suivi de mes explications plus que sérieuses, je surprends Midoriya à pouffer de rire. Il n'était pas fâché contre moi il y a quelques secondes ?

— "C'est vrai... il schlingue."

C'est à mon tour maintenant, je souris malgré moi face à son air étrangement enjoué.

— "T'as de la chance, le restaurant est à dix minutes à pied. Ça nous fera un peu de sport, on y va ?" Dit-il en consultant son téléphone portable.

— "Ai-je vraiment le choix ?"

— "Justement, non."

D'un rire léger, il enjambe la marche le nez fourré dans son téléphone pour nous guider. Le point positif à cette mini bagarre est que maintenant, mes poumons peuvent enfin inhaler de l'air pur au lieu de la gueule de ce vieux croûton.

— "Je me demande, Midoriya..."

— "Oh, si tu veux savoir quand on arrive, on y est presque, Maps me dit qu'on a encore quatre minutes."

— "Non, pas ça."

— "Alors quoi ?"

— "S'il te plaît, regarde-moi quand je te parle."

Il lève les yeux de son portable et me fixe, en même temps, il s'arrête de marcher. Il semble si impatient, j'ai l'impression de le déranger et ça me met mal à l'aise.

— "Tes doigts, ça va ?"

— "Oui oui ! Ils ont l'habitude d'être malmenés ne t'en fais pas." Malgré ses mots, son sourire est bien fade aujourd'hui.

— "Désolé, si c'est que tu veux entendre."

— "Non, pas vraiment, t'as bien fait de lui casser la gueule. J'admire ton courage, j'aurais pas pu, même si on avait insulté ma mère et mes ancêtres." Il baisse le regard, jouant avec les pansements presque défaits qui entourent ses doigts.

— "Eh bien... Pourquoi ?"

Je ne suis pas non plus friand des disputes et de la bagarre, il ne faut pas croire, mais c'est qu'il m'a mis dans une colère noire celui-là. Je devrai plus me maîtriser à l'avenir.

— "Eh bien, je suis un infj, que veux-tu."

— "infj ?"

— "Oh, tu ne connais pas ?"

Alors, pendant tout le temps de trajet qu'il nous restait, Midoriya m'a parlé d'une chose qui le passionne depuis un petit moment, le MBTI. J'étais largué, c'est vrai, mais le voir si acharné sur un sujet qui l'anime, de ses yeux pétillants d'euphorie, et de son sourire plus que sincère, je n'ai fait qu'apprécier le moment, je l'ai adoré.

— "Du katsudon pour moi s'il vous plaît !... et toi Todoroki-kun, tu prends quoi ?"

— "Je ne sais pas, peu importe."

— "Hum... t'as une tête à manger du soba ! Choisis, froid ou chaud ?"

Une pensée m'est venue à l'esprit sans que je ne sache pourquoi : c'est vrai que j'adore les pâtes froides.

— "Froid."

Le serveur prend la commande de ce qui s'intitule "soba froid" et nous laisse seuls autour d'une table basse. Quelque peu, le style asiatique de ce petit restaurant me plaît, la chaleur et l'odeur des lieux me mettent dans un bien être incomparable.

Merci, Midoriya.

Rapidement, notre déjeuner, qui paraît plus être un petit-déjeuner vu l'heure, nous est servi. Midoriya, visiblement heureux, s'attaque rapidement à son bol.

— "Euh, comment on s'en sert, de ça ?"

Je tiens un bout de bois entre mes doigts, et je ne sais pas comment faire pour m'en servir. Tout à coup, je me sens mal à l'aise, je n'aurais pas dû demander de l'aide, de quoi ai-je l'air maintenant ?

— "Oh !" Lâche le brocoli la bouche à moitié pleine, il avale avant de m'expliquer : "Déboîte-le."

Le déboîter ? C'est-à-dire ? Je le casse ? Je m'exécute en le prenant à l'horizontale.

— "Non non, pas comme ça Todoroki ! Ne le casse pas !"

Alors là, je ne comprends visiblement rien. Je le regarde, complètement perdu. Il lâche son bol et s'approche de moi, je lâche la pression que j'avais mise sur le bâton. Ses cheveux sont si proches de mes narines, ils sentent si bon.

— "Voilà Todoroki, tu le prends à la verticale, comme ça."

Je tressaille avant de baisser les yeux sur ce qu'il fait, il tient mes deux mains.

— "Et tu tires sur le bâton pour que ça te donne des baguettes avec lesquelles tu vas manger ton soba." M'explique-t'il d'une douce voix réconfortante.

Je m'exécute, lentement mais sûrement, Midoriya applaudit doucement pour ne pas déranger les autres clients.

Il ne s'est pas fâché, il ne m'a pas jugé. Le fait que je ne sache pas utiliser ce qui me sert de cuillère, ça ne l'a pas dérangé plus que ça. Il m'impressionne.

— "Et donc, comment on utilise ces baguettes ?"

Tout le long du repas, l'atmosphère me semble paisible. J'ai appris à manger avec des baguettes, j'ai goûté un nouveau plat qui m'a énormément plu et, pendant un instant, j'ai oublié tous mes foutus soucis.

C'est tout nouveau, et le fait que ça m'arrive grâce à un étrange garçon que j'ai rencontré à l'arrêt de bus, me rappelle à quel point le destin peut se montrer aimable à certains moments.

Mais de retour chez-moi, tous mes soucis refont surface et derrière ma porte, les jambes contre mon torse, je prie pour que ce combat intérieur ne dure plus, qu'il disparaisse pour toujours.

Oui, disparais.

☂︎

Les quelques souvenirs de mon enfance sont peu, voire pas assez. D'après la psychologue de mon école primaire, un enfant a besoin d'appui, moi, je l'ai perdu bien trop tôt.

La mort de mes parents, mon incapacité à m'exprimer, mes problèmes avec mes professeurs.

Oui, eux, ne faisaient que me dicter ma conduite. Je n'aimais pas ça, je ne voulais pas juste rester assis sur une chaise, à regarder le tableau, alors je m'évadais dans ma tête.

J'étais mis à part, incapable de prononcer un mot sans bégayer, mes camarades ne voulaient pas de moi. Quand je voyais ces enfants accompagnés de leurs parents, j'étais triste, peut-être en colère ou même perdu.

Ce monde est bien trop étrange pour moi, je préférerais créer le mien, avoir un ami qui me comprend, et peut-être pouvoir aimer sincèrement quelqu'un et le lui prouver de toute mon âme.

Mais mon âme est triste, chagrinée comme la pluie de l'hiver.

Froide.

Glaçante.

Pitoyable.

— "Tu ne comprends pas, tu ne comprendras jamais Shoto ! Tu ne peux pas comprendre l'humain, tu es... tu es... tu es un DÉMON !"

Démon... démon... démon.

S'il te plaît, ne crie pas, ne te mets pas en colère contre moi. J'ai mal... énormément mal, c'est douloureux.

— "Grand-frère... Toya..."

J'ai tendu la main, et puis, j'étais seul dans le noir. Je me suis retrouvé à l'hôpital, isolé du reste du monde, un bandage blanc qui recouvrait mon œil gauche brûlé à cause de Toya. Je me rappelle encore de ce vide, accablant tout mon être, rongeant mon âme de l'intérieur. Je ne saurais pas décrire ce que j'avais pu ressentir, c'était tout à la fois, mais je crois que j'étais un peu plus en colère.

Un autre jour, sans que je ne puisse comprendre, il a giflé grande sœur. Tout était gris sans couleurs printanières. En dessous de moi, le sol se dérobait. Et pour la première fois ; j'avais osé exprimer ma colère, ma rancune qui pourrissaient jour après jour en moi. Et après, je ne m'en souviens plus.

Je ne veux pas m'en souvenir, ça fait mal, c'est dur, je ne veux pas souffrir. Je ne peux aimer personne, je n'en ai pas la capacité, ce n'est pas mon pouvoir. Désolé.

— "Ce pouvoir, c'est le tien."

Midoriya ?

☂︎

Je me réveille en sursaut, je m'étais assoupi un instant. Je me frotte les tempes pour reprendre connaissance. Mon dos me lance, j'aurais dû m'allonger sur mon lit.

Et lui, lui a-t-on déjà dit ces mots ?

Ce garçon aux cheveux verts, il hante sans cesse mes pensées. C'est peut-être à cause de ce sourire qui change d'humeur, de ce regard fuyard et quelquefois brillant ou encore de l'apaisement et de la douceur qu'il propage dans mon cœur.

Oui voilà, quand je suis avec lui, je suis en paix.

Je me relève rapidement, prends un large post-it qui se trouve dans un coin de mon bureau et j'écris quelque chose en grand. Je n'écris pas super bien, mais j'aurai essayé, non ?

Le lendemain à l'université, je me précipite pour mettre mon papier sur son pupitre. Quand sonne la cloche, le beau garçon s'assit à sa place, du coin de l'œil j'essaie de suivre ses mouvements.

Il attrape le papier délicatement sans le froisser, et tout d'un coup, ses pupilles brillent excessivement et quelques gouttes de pluie viennent se réfugier dans les recoins de ses yeux émeraude.

Rapidement, il tourne la tête vers moi. Il me sourit. Cette fois, c'est très sincère, je le sens et mon cœur s'emballe follement.

Un jour peut-être, je réussirai à t'aimer pleinement et à te le prouver. Attends juste un peu, Midoriya.

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Loïm

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