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Chapitre 4

Tout le monde était réveillé aux premières lueurs pour préparer leurs sacs de randonnée. Le soleil pointait à l’horizon, peignant le ciel dans des teintes orangées. Malgré le froid persistant, aucun nuage n’indiquait pour l’heure de potentielles chutes de neige à venir. Des oiseaux piaillaient au loin. La tempête était finie. Une belle journée s’annonçait. Jay contempla le paysage aux allures de carte postale. Les pins se dressaient en rangs serrés, leurs branches scintillantes de givre. Ironiquement, les lieux paraissaient plus perdus par rapport à hier soir, car tout ce qu’il voyait à perte de vue, c'étaient des arbres. 

Jay avait un peu de mal à réaliser qu’ils allaient passer leurs prochaines nuits dehors. Le camping, ça n’avait jamais été son truc. C’était plutôt la passion de son frère Charles et de son père, Edward, avant que la maladie ne l'affaiblit. Parfois, il s’en voulait de ne pas avoir fait d’efforts pour se joindre à eux lors de ces sorties quand ils étaient gamins, de ne pas avoir profité de son vieux tant qu’il était encore temps. Il serra amèrement les poings. Ils n’auraient probablement plus jamais l’occasion de vivre de tels moments de complicité. Les médecins étaient plutôt pessimistes, contrairement à son père qui était convaincu de vaincre le cancer. C’était bien lui, ça. Il se sentait au-dessus de tout. Même de la maladie. Jay ne lui avouera jamais, mais il penchait davantage pour l’avis des docteurs. Edward maigrissait de jour en jour et passait dorénavant plus de temps à dormir sous oxygène qu’à crapahuter dans la forêt. Il avait beau se mettre des œillères, ses poumons étaient fichus après toutes ces années de tabagisme, malgré une vie au grand air. Les yeux fermés, Jay huma les effluves de résine et de terre humide, se demandant ce que sa mère allait advenir, une fois son mari parti.

Une main se posa doucement sur son épaule.

— Ça va, toi ? s'enquit Hannah.

Jay sourit en voyant ses grands yeux débordant d’amour et d’inquiétude. Elle avait déjà le bout du nez rougi.

— J’étais perdu dans mes pensées.

Elle se haussa sur la pointe des pieds et l'embrassa sur la joue.

— Cesse de tirer au flanc et viens donc nous aider à préparer les bagages.

Elle se dirigea vers une table en bois sur laquelle se trouvaient cinq sacs à dos robustes et imperméables. Jay la suivit. Dans une lumière timide, Matthew comptait méticuleusement les bandages, les compresses et les médicaments de la trousse de secours, tandis que Kimberly testait leur équipement de survie. Amusée, elle fixa une torche autour de son front et l’alluma. Celle-ci clignota selon un motif précis : trois coups rapides, trois longs, et de nouveau trois rapides.

— Eh, mister l’angoisse, lança-t-elle à l’attention de Jay. Tu vois, on n’est pas si con. La mienne peut émettre un signal de détresse, au cas où le wendigo viendrait nous bouffer.

Sans un mot, Jay se dirigea vers la table basse. Si cette satané bestiole existait, ce n’était pas cette stupide lampe torche qui allait les sauver de ses crocs.

Des vêtements de rechange étaient pliés par tas distincts aux côtés de tentes et de duvets adaptés aux températures négatives. Il avait dû demander conseil à son père pour savoir où acheter le matériel nécessaire pour camper en plein hiver. Il n’y connaissait absolument rien. Une boule se forma dans sa gorge. Quand il lui avait annoncé qu’il partait camper dans la forêt de Red Pines en compagnie d’Hannah et de ses amis, il avait lu quelque chose d’étrange dans ses yeux ternes  : une sorte de mélange entre fierté et regret. Jay ne s’était jamais senti aussi mal. Il savait, au fond de son être, que son père aurait aimé partager une aventure comme celle-ci avec lui.

Il s’empara de ses affaires et de celles de sa petite amie, puis les fourra dans un sac.

— Eh le grincheux… Réflexe !

Jay attrapa la boussole en laiton usée que venait de lui lancer Kimberly.

— On en a trois. Je les ai chapardées à mon père, alors faites-y gaffe, sinon il me tuera si vous les abîmez ou les perdez. J’ai aussi apporté une carte de la région. Au moins, on ne risque pas de se perdre.

Au même moment, Alexander remonta de la cave, les bras chargés d’un réchaud et de cartouches de gaz.

— Je mets ça où ?

— Dans le mien, annonça aussitôt Jay, c’est moi qui porte la nourriture et l’eau.

— À vos ordres, général Cooper, répondit Alexander, qui manqua de tout faire tomber en imitant un salut militaire approximatif.

Ayant fini sa part de corvées, Hannah sortit son caméscope et se mit à filmer l’effervescence qui régnait dans le chalet en cette heure si matinale. Les rayons du soleil, qui s'infiltraient par les fenêtres, illuminaient les particules de poussière en suspension dans l'air. Matthew, fidèle à lui-même, rangeait les trousses de premiers secours, affublé de son casque audio. Quand elle passa devant Kimberly, Alexander agrippa les hanches de sa petite amie, puis se pencha sur ses lèvres pour l’embrasser goulument en décochant un clin d’œil à l’objectif.

— Pas de ça devant ma caméra, lança la jeune femme, qui se dirigea vers Jay, assis sur un fauteuil près de la cheminée éteinte. On tourne un reportage, pas un film X.

Derrière elle résonnaient les gloussements des deux tourtereaux.

— Vos premières impressions, monsieur Cooper ? Pensez-vous apercevoir le wendigo aujourd'hui ?

— S’il te plait, Hannah. Je ne suis pas d’humeur.

En réponse, elle lui colla presque l’objectif au visage.

— Arrête de faire du boudin. Fais-moi plutôt un grand sourire, mon cœur.

Il se leva en soupirant puis alla se camper devant une fenêtre, les bras croisés sur son torse. Dehors, sa voiture avait presque disparu, ensevelie sous une importante couche de neige.

La jeune femme rabattit l’écran de sa caméra et le rejoignit.

— Qu’est-ce qui se passe, Jay ? Depuis ce matin, tu es distant. C’est toi qui as insisté pour venir. Si tu décides de rester au chalet finalement, tu peux. Il n’y a aucun souci. Je ne t’en voudrais pas. Je dois juste réarmer le disjoncteur pour l'électricité.

— Non, j’ai dit que je venais, alors je viens. Je ne vais pas me terrer au chaud, tandis que toi, tu gambades dans la forêt à la recherche d’un monstre imaginaire. Je pensais à mon père. C'est tout.

— Ça ne va pas mieux ?

— Non, son état se dégrade.

Depuis l’annonce de la maladie, il faisait régulièrement des aller-retour entre Minneapolis et Baudette — sa ville natale — pour lui rendre visite. Chaque fois, il craignait que ce soit la dernière. Hannah passa ses bras autour de son petit copain et déposa un baiser tendre entre ses omoplates. Ce geste d’affection sembla le détendre un peu.

— Je suis désolée, murmura-t-elle.

Jay resta silencieux un moment, ses mains posées sur celles, gelées, de sa petite amie.

— Tu sais… Tu dis que je ne parle pas beaucoup de mes parents ni de cet accident. Mais on ne peut pas dire que tu sois bavard sur le cancer de ton père.

Comme il ne répondit pas, elle resserra son étreinte, appuyant son front contre son dos.

— Ce petit séjour dans la forêt te fera du bien, j’en suis sûre. Tu as besoin d’air pur pour réfléchir.

Il tourna lentement la tête vers, affublé d’un léger sourire qui n’effaçait pas la tristesse de son regard. La pensée de la maladie, de son grand frère qui avait foutu le camp alors qu’il avait besoin de lui, tout ça le pesait. Dire que Charles n’était même pas venu passer Noël et Thanksgiving avec eux, alors qu’il s’agissait probablement des dernières fêtes de leur père. Il ne lui pardonnerait jamais son absence.

— Tu as raison.

Sa main dans la sienne, Hannah l’entraîna doucement vers le reste du groupe. Matthew, Kimberly et Alexander étaient justement en train de boucler leur sac. L’excitation de l’aventure se dessinait sur tous les visages. Les derniers préparatifs réglés, ils s’apprêtaient à sortir quand Hannah se frappa le front.

— Mince ! J’ai failli oublier de prendre de la corde.

— De la corde ? Pour quoi faire ? demanda Jay.

Mais déjà Hannah tourna les talons pour se rendre à la cave.

— T’es pas sérieux, Cooper, s’exclama Alexander, t’es jamais parti camper ou quoi ?

— Eh bien, explique-moi au lieu de jouer les êtres supérieurs.

— Pour suspendre nos provisions, expliqua Kimberly, ça permet d’éviter que les rongeurs ou les ours viennent voler notre bouffe en détruisant au passage nos tentes.

Jay fronça les sourcils, perplexe.

— Je pensais que les ours hibernaient.

Kimberly ricana. Jay avait de plus en plus de mal à supporter leur attitude moqueuse.

— Les ours hivernent. Ils n’hibernent pas, rectifia Matthew.

— OK et c’est quoi la différence ?

— Quand un animal hiberne, il est léthargique. Son métabolisme ralentit au maximum. Il peut rester des mois sans se réveiller. Quand il hiverne, il somnole seulement. Il peut sortir pour se nourrir, mettre bas, etcetera.

— Les ours ont un odorat incroyable, ajouta Kim qui se voulait faussement effrayante, ils peuvent sentir la bouffe à des kilomètres à la ronde.

Hannah réapparut. Elle glissa un rouleau de corde dans son sac qu’elle peina à remettre sur ses épaules. Lourd comme un boulet, celui-ci faillit la faire basculer en arrière.

— Donne-le-moi, proposa Jay, un brin amusé. Je vais le porter.

— Je ne suis pas en sucre, répondit-elle en enfilant ses gants. Je peux le faire. Tu as déjà le tien.

— Tu vas te casser le dos avec ça.

— Et ton dos à toi ? Ce n’est pas mon premier camping. Ça va, je t’assure.

— Comme tu voudras. C’est bon ? On a tout cette fois ? Pas d’envie pressante, Kimberly ?

— Haha, répliqua-t-elle en roulant des yeux.

Hannah attacha la boucle ventrale de son sac, puis lança joyeusement :

— Alors, c’est parti !

Elle claqua la porte et tous descendirent du perron. Leurs pas craquaient sur la neige fraîche, et le soleil commençait à percer à travers les branches.

— Attendez ! s’exclama Alexander.

— C’est pas vrai, râla Jay, quoi encore ?

Le blond lui tendit son Kodak

— Tu veux bien nous prendre en photo ?

— OK, souffla-t-il.

Il enroula un bras autour de sa petite amie, tandis que Matthew et Hannah se tenaient l’un à côté de l’autre, souriants.

— Oh et mets le flash, ajouta Alexander.

— On est en plein jour, rétorqua Jay.

— Fais confiance à l’artiste. Mets le flash quand même.

— Bien.

— Tout le monde dit : cheese, lança Kimberly.

— Cheeeeese

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