L'appartement sentait l’humidité, l’air stagnant chargé d’une odeur de vieux bois et de moisissure. Les murs, ternis par le temps, portaient des traces de décoloration là où la peinture avait cédé sous l’effet de l’humidité. La lumière, faible, filtrait à travers des rideaux sales, plongeant la pièce dans une pénombre froide. Ses poignets fermement liés aux barreaux du lit. Elle bougeait avec agitation, tentant de se libérer des chaînes qui l'entravaient. Ses yeux, brillants de frénésie, étaient fixés sur l'homme en face d'elle. Ses cheveux noirs collaient à sa nuque et à son front. Du sang séché était sûr sa lèvre inférieure lui donnant une allure monstrueuse. Son souffle était court, saccadé par l’effort et la colère.
— Libère-moi ! cria-t-elle avec rage.
Bart, de l'autre côté de la pièce, restait immobile, les bras croisés, un air calme sur le visage. Il l’observait comme un spectateur, presque indifférent à ses hurlements. Il se baissa de justesse alors que l’ampoule du plafond venait de s’écraser violemment contre le mur sur lequel il était appuyé une seconde plus tôt.
— On en a déjà parlé Béryl.
Béryl se redressa brusquement, tirant sur ses liens, son corps tendu par la lutte. Elle hurlait de frustration. Rapidement, la barre tenant les rideaux s’arracha du mur et fonça droit vers Bartolomé. Il soupira, se faisant la réflexion qu’il n’avait pas correctement vidé la pièce avant de l’enfermer là. Bart fit un pas en avant, toujours aussi détaché.
— Je vais te tuer !
— Heureusement que tu es attachée alors, roucoula-t-il un brin moqueur.
Elle le fixa, ses yeux débordant de défi. Tout son corps tremblait. Ses yeux autrefois noisette tiraient dangereusement sur le jaune d’une lueur inquiétante. Bart semblait parfaitement calme malgré les excès de rage de la jeune Sorel. Il s’approcha d’elle, levant une main pour dégager son visage des cheveux qui obstruaient la vue. Sans surprise, elle profita de sa proximité pour lui mordre violemment la main. Il se leva d’un bond en grimaçant. Béryl souriait pleinement, fière d’elle. Elle passa sa langue sur ses dents, le sadisme et la satisfaction se mêlant à son état critique. Bart masse sa main pour oublier la douleur de la morsure. Bien qu’il n’en montre rien, l’inquiétude et la fatigue l’habitaient.
— Je vais te laisser, souffla-t-il.
— C’est ça ! Fuis. T’es juste un lâche, beugla-t-elle en retour.
Elle hurla de nouveau, une dernière fois ; ce cri mourut dans l’air lourd de la pièce, sans réponse. Bart venait de refermer la porte derrière lui, le visage fermé.
Quelques heures plus tard, le silence dans la pièce était lourd, seulement perturbé par les bruits étouffés de la respiration haletante de Béryl. Sa tête reposait contre le matelas, le front brillant de sueur, les yeux fermés, son corps tremblant sous l’effort et l’épuisement. Les liens qui la maintenaient étaient toujours là, cependant sa lutte semblait s’être éteinte, comme une flamme qui se consume lentement. Bart, près d’elle, prit soin de défaire les chaines en prenant garde de ne pas toucher les brûlures sur les poignets frêles de Béryl. Il observa la jeune fille avec une expression qui semblait aussi concentrée qu'incertaine. Il s’absenta un instant. Sa silhouette se coupant dans la lumière de la fenêtre sans rideau. Dans ses mains, il tenait deux petites pilules et un verre d’eau.
Il s'agenouilla, l’installant doucement pour qu’elle puisse boire. Béryl leva des yeux fatigués vers lui, son regard flou, presque absent. Elle ne bougea pas, se contentant de fixer le verre comme si elle n’était pas tout à fait sûre de ce qu’il attendait d’elle.
— Aelis… murmura-t-elle faiblement.
Bartolomé lui mit les cachets sur le bord des lèvres, puis il porta le verre pour l’aider à les avaler. Un instant, il hésita. Ses yeux scrutèrent le visage de Béryl, s’attardant sur ses traits tendus, sa peau pâle, son corps sous tension malgré la position qu’il avait prise. Il ne disait rien, son geste était lent, presque maladroit. Il eut l’air de chercher ses mots pour rassurer l’enfant qu’elle était, au lieu de ça, il se pinça les lèvres.
Son corps trop fatigué pour réagir de manière plus énergique. Elle avala, ses mains glissant faiblement autour du verre qu’il lui tendait. Le liquide frais apaisa légèrement sa gorge, sans calmer la tempête à l’intérieur de sa tête. Elle referma aussitôt les yeux. Bartolomé la rallonge convenablement sur le matelas, la couvre, puis à l’aide d’un mouchoir humide, il efface les petites traces de sang qu’elle avait sur les lèvres. Sans un mot, observant attentivement Béryl comme s’il attendait un signe, un souffle de soulagement, cependant rien ne venait. Le simple fait de respirer était douloureux pour elle, il le voyait. Bien qu’habitué à la dureté de la situation, il ne semblait pas aussi implacable que d’habitude. Une lueur d'inquiétude traversait son regard, il n’avait pas les mots pour exprimer ce qui bouillait en lui. La scène, silencieuse et figée, laissait place à un malaise lourd, partagé entre eux.