Je n'ai jamais rêvé de vivre dans un château.
Les pierres froides, les couloirs trop silencieux, les regards figés derrière des sourires polis...
Ce n'était pas mon monde. Ce n'était pas celui de ma mère non plus. Mais c'est là qu'on a atterri.
Je ne sais pas exactement à qui appartenait l'héritage. Un oncle éloigné ? Un cousin de mon père que je n'ai jamais connu ? Peu importe. Ce qui comptait, c'est que, pour la première fois depuis longtemps, on avait un toit. Et quel toit... des tours, des jardins à perte de vue, des murs ornés de portraits si anciens qu'ils semblaient me juger.
Mon père était mort depuis des années. Maman ne parlait pas trop de lui. Juste ce qu'il fallait pour que je garde son nom en vie. Mais tout ce qu'on avait construit, toutes nos habitudes simples, elles se sont dissoutes en une seule journée, le jour où la lettre est arrivée.
Une semaine plus tard, on nous a invitées au premier bal. Enfin... invitées. C'était plus un test. Un défilé. Le genre d'endroit où tout le monde vous regarde sans vraiment vous voir.
Je n'avais jamais mis les pieds dans un bal. Encore moins dans une robe qui valait probablement plus que toutes celles que j'avais possédées réunies. Et pourtant, j'y étais. Mal à l'aise. Trop raide. Trop honnête.
Heureusement, il y avait elle.
Ma gouvernante. Pas la même que celle de ma mère, non, bien sûr que non. La mienne était plus jeune, plus stricte. Une femme de l'ombre, comme sortie d'un vieux roman. Elle m'a appris à marcher sans bruit, à parler sans dire grand chose, à danser sans perdre pied. Elle m'a aussi appris à mentir sans ouvrir la bouche.
Car ici, tout est apparence.
Et moi, je n'étais qu'une étrangère.