Mais dans quoi je me suis fourrée... OUI je sais, Kimora m'a déjà rassurée, mais je n'arrive pas à me sortir cette idée de la tête. OUI, ça ne devrait pas m'inquiéter plus que ça... mais tout de même.
Mon téléphone sonna, me tirant brutalement de mes pensées. C'était Travis.
— Allô ?
— Euh... c'est bien ma petite amie au téléphone ?
Je soupirai.
— Bien sûr, qui d'autre sinon ?
— Hum...
— Je me demandais juste pourquoi tu m'appelles maintenant, après une semaine sans une seule nouvelle. Tu aurais pu au moins répondre à mes SMS.
Il mit quelques secondes à répondre, puis reprit la parole sur un ton plus joyeux.
— Chérie, j'étais juste occupé par le travail. Mais devine quoi ? J'ai une petite surprise pour toi !
— Attends, tu crois vraiment que ça justifie une sem-
La sonnerie de ma porte retentit. Je mis l'appel en pause et allai ouvrir.
Et là, je le vis.
— Oh mon Dieu, que fais-tu là ?!
Il me prit dans ses bras et m'embrassa, avant d'entrer et de refermer la porte derrière lui.
— Tu me manquais... Je ne supportais plus de ne pas te voir.
Je souris face à sa surprise.
— Ça ne te pardonne pas pour autant, hein.
Je fis semblant d'être fâchée, ce qui fonctionna : il se mit à me supplier de le pardonner.
— Bon Irina, pour me faire pardonner... et si on allait dîner ce soir, rien que tous les deux, dans un super resto ? T'as peut-être un peu grossi mais- hum hum...
Je ferais mieux d'ignorer cette remarque.
— Eh bien, je vois ça comme un pot-de-vin de ta part. Mais je suis de bonne humeur, alors j'accepte.
Je pris sa valise et la posai dans un coin.
— Je remarque qu'elle est bien lourde... Tu comptes rester combien de temps ?
— J'ai pris deux semaines de congé. On aura tout le temps de s'amuser, tous les deux... si tu vois ce que je veux dire...
C'est quoi, cette phrase remplie de sous-entendus ? Sérieusement ? Une semaine sans nouvelles, et il pense directement à ça ?
— Hum... je vois pas du tout ce que tu veux dire. Et puis, contrairement à toi, je bosse. Je travaille sur un nouveau projet, ça me fatigue rien que d'en parler.
Il afficha une mine déçue mais ne répondit rien. Pas un mot pour me soutenir ou pour me demander comment je vais. Rien.
⸻
L'heure du dîner approchait. Je m'étais préparée avec soin. Une élégante robe bleu marine, ajustée à la taille, avec une jupe qui s'évasait jusqu'aux genoux. Des motifs floraux brodés sur le corsage. Des bretelles fines. Une tenue sublime. J'avais l'impression de briller.
Putain, cette robe m'a coûté un rein ! J'avais trop envie de la porter. Je n'allais pas la laisser pourrir dans mon dressing.
Je me regardai dans le miroir. Et, franchement, sans vouloir me lancer des fleurs, je me trouvais canon. Je prends petit à petit confiance en moi, et aujourd'hui, c'était un grand pas.
Peut-être que c'était la robe... ou le maquillage ? Peu importe. J'étais fière de moi.
Je rejoignis Travis, attendant patiemment qu'il me fasse un compliment. Il ne disait rien.
— Enfin mon amour , combien de fois je dois te dire que tu es bien mieux dans une robe rouge ? Ne gâche pas tes cheveux blonds avec cette couleur. Tu devrais porter que du rouge. Et ce maquillage... horrible. Il ne te va pas du tout. Et cette robe est beaucoup trop voyante au niveau de tes bras. T'as perdu du poids, ouais, mais t'as pas encore assez changé pour t'exhiber comme ça.
Je n'arrivais pas à croire ce que je venais d'entendre.
Toutes ces méchancetés, ces phrases... sortaient bien de sa bouche ? De la bouche de Travis, mon petit ami ?
Comment il peut oser me faire ça encore et encore ?! J'ai toujours eu l'impression d'être une putain de poupée, ou de la pâte à modeler qu'il pouvait façonner comme bon lui semble. Et je l'ai laissé faire tout ce temps.
Pourquoi c'est maintenant que ça me révolte autant ?
Je me sentais belle aujourd'hui. Vraiment jolie. Et je n'ai pas envie de mettre une autre robe.
NON.
— Sors de chez moi.
Je ne sais pas d'où m'est venue la force de dire ça. Parce qu'à ce moment-là, tout ce que j'avais envie de faire, c'était m'effondrer en larmes. Il contrôlait tout. Mes tenues. Mes coiffures. Même mes ongles.
— Mais mon amour ? Tu ne vas quand même pas me dire de sortir maintenant ? Tu plaisantes, là ? Qu'est-ce qui ne va pas chez toi ?! Je voulais juste-
— SORS DE CHEZ MOI, PUTAIN DE MERDE !
— Je comprends pas Irina, pourquoi tu fais ça ? Tu deviens folle ou quoi ? T'as oublié comment je t'ai retrouvée ? Tu faisais le double de ton poids et-
Je me redressai brusquement. Ma voix redevint calme.
— Pour l'amour de Dieu, sors. Maintenant.
Il se décida enfin à bouger. Mais avant de franchir la porte, il se retourna et me lança en ricanant :
— Personne ne fera jamais pour toi ce que MOI j'ai fait. Personne ne prendra des congés pour une fille aussi pathétique que toi, incapable d'écouter une critique.
Et il partit.
Je m'effondrai sur le sol. En larmes. Incapable de respirer correctement.
Je pleurai. Longtemps. Beaucoup trop longtemps.
Mon corps tout entier était secoué de sanglots.
J'avais l'impression que ma gorge se serrait, que ma poitrine allait exploser, que j'allais me noyer dans ma propre tristesse.
Les mots de Travis résonnaient encore dans ma tête, comme un poison injecté à chaque battement de cœur.
"Une fille pathétique incapable d'écouter quelques critiques."
"Tu faisais le double de ton poids actuel."
"Personne ne fera jamais ce que moi j'ai fait pour toi."
Chaque phrase tournait en boucle, comme un disque rayé, jusqu'à m'en donner la nausée.
Je me sentais... sale. Dégoutante. Pas à cause de lui. Mais parce que je l'avais laissé faire.
Trop longtemps. Trop souvent.
Je repensais à toutes les fois où j'avais mis la robe qu'il aimait. Où je changeais de coiffure pour lui plaire. Où je ne disais rien, même quand ses remarques me déchiraient de l'intérieur.
Et aujourd'hui encore, j'avais hésité à dire non.
Quelle blague.
Je n'étais pas en colère contre lui.J'étais en colère contre moi.
Contre celle que j'étais devenue à ses côtés.
Je ne me sentais même plus jolie. Cette robe dans laquelle je me trouvais "canon" il y a encore une heure me semblait maintenant ridicule.
J'avais envie de l'arracher, de me cacher sous les draps, d'effacer cette soirée entière de ma mémoire.
Mais je ne pouvais pas. Parce que c'était réel.
Et que je devais affronter cette vérité : Travis ne m'aimait pas. Il ne m'avait jamais aimée.
Il aimait le pouvoir qu'il avait sur moi.
Je serrai les dents. Les larmes ne coulaient plus, mais un vide immense me remplissait.Un froid glacial.Presque paralysant.