Partie 5
La première fois
De mon lit d’hôpital, où que je puisse poser le regard, je pouvais sentir le printemps s’efforcer de balayer les derniers vestiges de l’hiver. L’air embaumait le frais du renouveau et partout autour, la nature se démenait pour faire sortir de terre tout ce qu’elle pouvait contenir de graines en attente de germination.
***
Lors de ma première mission avec l’armée, nous avions pu suivre l’itinéraire prévu sans dévier, pour se ravitailler, mais les dernières étapes furent passablement compliquées. Les vivres vinrent à manquer trois jours avant la fin de la patrouille malgré notre rationnement drastique. Heureusement pour nous, les abords de Templelune, ville frontière du duché où nous devions terminer notre périple, étaient une zone qui restait riche en vie animale et certains de nos gars réussirent à chasser un peu de gibier. C’était toujours ça de pris même si c’était insuffisant. En plus, les fermes à l’extérieur de la cité consentirent à se séparer d’un sac de grain ou deux contre argent. Si bien que lorsque nous arrivâmes à destination, nous avions encore l’air d’une troupe de l’armée, non d’une bande de loqueteux hargneux et sur les dents prêt à sauter sur la moindre nourriture et se battre pour elle.
N’étant pas prête alors à revoir qui que ce soit de la guilde, je prolongeais mon contrat pour une patrouille supplémentaire. Cette fois-ci nous prîmes la route du sud, jusqu’aux alentour de l’ancienne capitale dont nous fîmes le tour à plusieurs reprises, avant de gagner la côte plein est et de la remonter pour finalement atteindre le Roc, loin au nord.
La première ville du royaume, P’ranganos, était devenue un bastion de mort-vivant, une enclave ennemie loin des lignes de front. Il devait bien y en avoir un demi-million cloîtré derrière ses murs. Une telle concentration d’énergie négative donnait naissance à des créatures effroyables régulièrement en son sein. Toutefois, ils restaient inertes tant qu’on les laissait tranquilles. Personne ne comprenait pourquoi ils agissaient ainsi dans l’ancienne capitale. Par contre, cette zone semblait servir d’attracteur pour les zombies en maraude aux alentours, comme un phare dans l’obscurité attirant à elle les papillons nocturnes. Alors, ils se rassemblaient autour de la cité, mais ne pouvaient y entrer, les murs de la ville étant toujours solides et les portes fermées. Cela nous força à longuement patrouiller tout le secteur, le nettoyant des monstres que nous pouvions croiser. J’espérais fortement que le royaume avait un plan pour contrer cette force-là le jour où elle se mettrait en branle. Mais j’en doutais fort, et ça n’augurait rien de bon.
Depuis le Roc, je signais pour une nouvelle mission qui nous emmena à quadriller les plaines brumeuses à la façon d’un serpentin, notre destination finale étant La Guilde. C’est durant cette patrouille-là que j’eus droit à mon premier réel combat magique digne de ce nom.
Nous avions repéré une véritable horde en maraude, au niveau d’une enfilade de collines. Une estimation entre quinze et vingt mille ennemis. De quoi réunir toutes les compagnies pour les affronter, et même pour plus de sûreté, envoyer un messager au Roc, ville la plus proche pour peut-être recevoir le renfort de quelques aventuriers ou troupes voisines. Nous avions établi un camp retranché avec palissade et tout. Les abords en direction de la force zombie se retrouvèrent constellés de pièges, tranchées, fosse à pieux et autre chausse-trappe, sur un périmètre de plus en plus étendu alors que les jours passèrent. Nous avions divisé l’armée en trois groupes qui alternaient entre repos, entrainement au milieu de nos défenses et constructions de nouveaux obstacles. Nous nous relayâmes, le capitaine, le lieutenant et moi et nous voulions que chaque homme connaisse l’emplacement du moindre brin d’herbe et maîtrise les mouvements de nos différentes tactiques à la perfection.
Lorsque les messagers revinrent du Roc, nous étions prêts et plus que prêts au combat. La ville forteresse avait promis de rediriger vers nous une compagnie de mercenaires montés sauf qu’ils étaient actuellement en patrouille. Même si la date prévue pour leur retour était proche, il n’y avait aucune garantie qu’ils puissent ensuite se mettre en route pour nous rejoindre dans un délai acceptable.
Le capitaine ordonna donc dans l’instant le déploiement des rabatteurs pour attirer l’ennemi jusqu’à nous. La force adverse était à quelques jours de distance, il faudrait bien une semaine voir un peu plus pour les mener sur nous. De quoi permettre aux renforts d’arriver, sinon nous devrions faire sans.
De manière basique, malgré l’accroissement drastique du nombre de monstres, nos tactiques de combats ne variaient guère. La concentration de soldats sur une position défensive servait d’appât pour l’ennemi qui avancerait sur elle en ligne droite. Nous n’avions plus qu’à opérer ensuite un repli progressif le long de nos lignes, laissant la stupidité des zombies lui occasionner le maximum de pertes en s’embourbant dans nos pièges, fosses, et autres murs de lances dans son acharnement à foncer droit sur nous.
La plus grande crainte que nous avions était, non pas le nombre de monstres en lui même, mais la perspective d’intervention d’un chef dans le cours de la bataille. Risque allant croissant selon la quantité de zombies impliquée.
Il y avait aussi la possibilité que la seule concentration d’énergie négative donne naissance à un mort-vivant plus évolué capable de commander, mais si c’était le cas, les rabatteurs s’en rendraient compte aussitôt et nous aurions le temps de réagir. Non, le réel danger restait bien l’intervention directe d’un général téléporté jusqu’ici depuis les territoires du grand chef ennemi que j’appelais affectueusement le sac d’os. Et si je vous parle de tout ça, c’est bien parce que c’est arrivé dans cette bataille là.
***
Sept jours plus tard, les guetteurs sonnèrent l’alerte alors qu’à l’horizon une masse mouvante approchait, quittant le défilé pour se diriger droit sur nous. Nous prîmes position à la périphérie de notre système défensif puis rongèrent notre frein les heures suivantes, observant la lente progression des monstres en une longue colonne, plus ou moins effilée. Visiblement, les rabatteurs avaient dû avoir du mal à canaliser l’ennemi parce que cette colonne, elle me semblait bien large, mais bon, le terrain de vallée tortueuse et de ravines avait dû transformer leur tâche en un cercle des enfers, sans exagérations.
Rapidement, nos éclaireurs déboulèrent au galop puis se glissèrent par les ponts et passages entre les pièges et fosses pour faire leur rapport au capitaine que je ne lâchais pas d’une semelle. J’étais désormais la seule mage de cette armée, l’autre gamin ayant démissionné au Roc à l’issue de la seconde patrouille. Il avait préféré payer pour être transporté dans un convoi vers la Guilde plutôt que prolonger son contrat qui l’aurait mené au même endroit, un peu plus tard certes, mais avec plus de sous. Dorénavant, le capitaine me considérait comme le second lieutenant de son armée avec Tierfeuille. Officiellement, je restais une mage mercenaire engagée afin de fournir un soutien magique. Plus d’une fois, j’avais pu prouver que cette confiance n’était pas usurpée et j’en tirais une certaine fierté bien malgré moi. Ça faisait un bien fou pour une fois que d’être estimée pour ces actes et non tout un fatras d’apparences, voire de la même manière qu’un pion dans un jeu politique ridicule. C’était simple et direct, mais ô combien satisfaisant.
Dans un premier temps, la bataille se déroula sans accrocs, les zombies se comportant tels de bons petits zombies sans cervelles comme on les aime. Ils subirent des pertes énormes par stupidité comme il se doit. Cette horde-là incorporait un faible contingent de squelettes branlant, guère plus dangereux que les zombies sinon que certains portaient encore l’équipement qu’ils pouvaient posséder de leur vivant et le cas échéant, savait s’en servir de manière instinctive. Ils étaient aussi plus rapides. Cela pouvait constituer un risque s’ils étaient regroupés en unités spécialisées. Là, mélangés et perdus dans la masse, je dirais même constamment gênés par les autres créatures, ils se démarquaient suffisamment pour qu’on puisse les voir venir de loin et les éliminer un par un avant qu’ils ne deviennent une réelle menace.
Il y avait aussi un contingent de nécrophages, principalement des goules. Elles, elles pouvaient se montrer bien plus dangereuses. Elles ne brillaient pas par leur intelligence, mais comparé aux zombies, ça en faisait de vrais génies. Les goules tendaient à se regrouper en larges bandes qui se dissimulaient dans la force adverse, jusqu’au moment où elles estimaient pouvoir fondre sur l’ennemi par surprise. Toutefois, les rabatteurs avaient repéré depuis longtemps ce type de monstre et des guetteurs gardaient spécialement un œil dessus. Aussi quand les goules quittèrent leur escorte pour tenter de prendre à partie notre flanc gauche de tirailleurs, nous fûmes prévenus à temps, de quoi leur préparer un accueil en grande pompe. Ce groupe-là fut éliminé avant même d’avoir pu arriver au contact.
Nous venions juste de faire retraite derrière une des innombrables fosses de ce champ de bataille lorsque je le sentis, comme un léger picotement et une vague de chair de poule. De la magie. Me dressant sur mes étriers, j’en cherchais la provenance chez la force zombie. Là ! Loin, loin derrière, des volutes de magie s’assemblèrent et dans un tourbillon déchaîné, elles crachèrent un monstre, puis deux, puis trois, puis quatre.
« Capitaine ! Téléportation magique sur l’arrière de l’ennemi, quatre entités. »
Je marmonnais un sort pour améliorer ma vue et clignait furieusement des yeux le temps qu’ils s’adaptent.
— J’ai… un bâton, trois couronnes. Les trois devraient être sur nous d’ici à quelques minutes, la dernière… commence à regrouper les zombies autour d’elle et à les organiser.
— Une bonne chose que nous venions juste de reculer et ne soyons pas au contact. Yuki ! File à la tour de guet, et n’oublie pas de fuir au besoin ! Lieutenant, retraite par la droite avec ton bataillon, je prends la gauche, et en ordre !
Il n’avait pas fini de parler que j’étais déjà en route, talonnant ma jument. Ma cible trônait en plein milieu de nos défenses. C’était une simple tour en bois, mais elle dominait le terrain à presque six mètres de hauteur.
Dans mon dos, les officiers commencèrent à aboyer leurs ordres, pour organiser le repli au travers de nos fortifications jusqu’à une position, un rien en retrait de ma tour, par la gauche et la droite. C’est un plan que nous avions convenu en cas d’apparition de généraux adverses.
Oh, en passant, les termes de bâton et couronne représentent des catégories d’ennemis, ici en l’occurrence, une liche et sa grande capacité magique, le bâton donc, et trois squelettes en armure, maniant une large épée à deux mains. Ils portaient en guise de casque un bandeau métallique, telle une couronne de fer. J’appelais ça un roi-squelette, parfois il s’agissait d’un roi-zombie, ou d’une autre version évoluées d’un mort-vivant standard. L’idée c’est que ce sont des généraux sans magie, donc une simple couronne.
Les zombies sont lents, ils sont faciles à fuir, le problème c’est qu’ils ne s’arrêtent pas la nuit, eux, ni ne fatiguent, ce qui n’est pas notre cas. Cela rendait une retraite de longue haleine très compliquée si l’ennemi se mettait en tête de nous poursuivre.
Le second souci, c’est que même si la horde adverse s’étalait sur des kilomètres et qu’il faudrait au moins une demi-journée à la liche pour regrouper et organiser toute la troupe, les forces en présence déjà à notre portée étaient suffisamment nombreuses pour nous occasionner de très lourds dégâts.
Autant un stupide zombie est facile à tuer, même par milliers, autant un zombie intelligent, autrement dit, guidé, contrôlé par un général, n’a plus rien à voir. Tout notre système défensif devient quasi inutile si l’ennemi ne se contente plus d’avancer en ligne droite. Nos tactiques ne riment pas à grand-chose s’il ne craint ni les blessures ni la mort et peut se faire embrocher dans le seul but de désarmer un homme ou d’offrir une ouverture à un de ses alliés pour frapper pile pendant cette attaque. Sans même parler de la soudaine coordination entre les monstres qui fait que désormais ils s’entraident, plutôt que se gêner mutuellement dans leur progression. Nous n’affrontions plus des zombies, mais des soldats, certes sans armes et très lent, mais sans peur, résistants, et dotés d’une force prodigieuse.
Le plan était donc de voir si je pouvais détruire par surprise lesdits généraux depuis la tour pour rendre à l’adversaire sa stupidité. Les trois rois squelettes en priorité puis la liche plus tard, enfin, si plus tard il y avait et si le capitaine n’avait pas décidé de fuir aussi vite que possible vers le roc. Et qui sait, peut-être croiser les mercenaires normalement en route pour nous renforcer. Beaucoup de si.
Je me concentrais pour monter l’échelle et gagner la plate-forme en haut de la tour de guet. Cette tour faisait une cible magnifique, mais l’ennemi ne possédait aucune arme à distance, si ce n’est la magie de la liche, présentement hors portée. Une fois à son sommet, j’eus une vue imprenable sur tout le champ de bataille.
Sur ma gauche et ma droite en contrebas, les soldats reformaient les rangs. Deux fois deux rectangles, l’un derrière l’autre, murs de boucliers posés et verrouillés à l’avant, tirailleurs sur l’arrière, occupés à défoncer les caisses de munitions réservées aux urgences, tous s’armant plus lourdement que lors des petites escarmouches usuelles. À quoi bon conserver les munitions si nous devions les abandonner pour fuir plus rapidement peu après ? Cette fois-ci, les arbalètes et autres flèches à pointes d’acier seraient de la bataille. Ce n’est pas non plus comme si nous en avions des milliers, mais ce que nous avions sera utilisé, surtout pour tenter d’éliminer les généraux morts-vivants à la moindre occasion.
Avec moi sur la plate-forme, un guetteur relayait les mouvements de l’ennemi aux officiers en contrebas. En l’occurrence, les rois squelettes avaient rassemblé leurs troupes pour constituer trois unités de huit cents monstres chacune qui avançaient désormais sans entraves parmi nos pièges et autres fossés, empruntant les mêmes passages et ponts que nous précédemment. Ça leur avait bien pris une heure pour se réorganiser, le temps que les zombies s’extirpent des différentes fosses puis forment les rangs.
La liche restait loin en retrait. Parfait ! Je supposais que leur plan à eux était de nous maintenir en place avec les forces en présence, pendant qu’elle mobilisait assez de morts-vivants pour ensuite lancer un assaut qui nous balayerait complètement, une fois diminué par le combat contre les rois squelettes. Le bon point dans tout ça, c’est que les généraux ennemis seraient forcés d’accompagner leurs troupes, ce n’était pas comme si leur contrôle mental pouvait s’étaler sur des centaines de mètres alentour. La liche avait un pouvoir bien plus étendu, et c’était bien pour cela qu’elle rassemblait autour d’elle les milliers de monstres restant au fur et à mesure de leur arrivée.
À trois cents mètres, les zombies s’arrêtèrent une bonne minute, puis ils reprirent leur progression, se divisant en deux, l’un des groupes partis attaquer le bataillon de Tierfeuille, manifestement pour le tenir occupé, pendant que les deux autres agresseraient celui du capitaine. La situation était parfaite de mon point de vue. Visiblement, l’ennemi ne soupçonnait pas ma présence, sinon ils n’auraient pas agi ainsi ni n’auraient abordé la tour de manière si désinvolte.
Je retins ma magie, pas encore assez proche, toujours pas, toujours pas. Je visais le roi de droite avançant vers Tierfeuille, une cible idéale. Il était deux mètres derrière ses forces, progressant pas à pas, s’accordant à leur rythme lent. Si j’arrivais à l’abattre, son groupe redeviendrait stupide, trop éloigné des autres rois pour qu’ils puissent les contrôler, Tierfeuille n’aurait aucun mal à en venir à bout. Il ne lui resterait plus ensuite qu’à frapper dans le dos une des deux autres troupes ennemies. Ce ne serait pas aussi efficace que sur une armée humaine ou le moral est un facteur décisif, mais la prise en enclume avec l’unité du capitaine augmenterait les chances de tuer le général si je ne l’avais pas fait moi-même d’ici là. Et puis, ça soulagerait la pression sur le bataillon du capitaine.
Toujours est-il que désormais, les projectiles filaient par-dessus les têtes des soldats, allant frapper les zombies. Les tirs se polarisaient sur la zone qu’occupaient les rois squelettes, mais de mon point de vue, cela ne suffirait pas à les abattre. Allez, petit-petit, avance encore un peu ! Je pointais mon bâton sur la cible. On y était presque !
Oh, en passant, il s’agissait d’un nouveau bâton, tout neuf, acheté au Roc. Rien d’extraordinaire, il était simple, sans fioritures, aux bouts renforcés d’acier pour le combat rapproché. L’enchantement qu’il contenait permettait de parfaire la concentration de son propriétaire en plus de faciliter la construction des schémas mentaux. Ce dernier point est un peu compliqué à expliquer, mais dans une grande majorité des sortilèges, on va retrouver certains éléments identiques, toujours présents. C’est d’autant plus vrai pour des magies de même nature ou école. Des composants fondamentaux si l’on peut dire. Le charme sur le bâton accordait à son possesseur ces éléments-là au moment idoine de la création du schéma mental, améliorant sa vitesse d’élaboration tout en réduisant d’un rien la fatigue qu’il engendrera. L’effet réel était à peine discernable, surtout pour moi dont la nature de ma magie différait souvent par trop de celle locale, mais gagner une fraction de seconde ici et là, quand la survie est en jeu, ça vaut bien la dépense, celle de toutes mes économies s’entend. Et ma dette ? Shush !
Là ! Une cible parfaite ! J’entamais l’incantation de mon sort de destruction individuel le plus redoutable que je maîtrisais, je l’avais nommé projectile magique supérieur. Même concept que la version basique, mais plutôt que créer une poignée de projectiles, cette version pouvait en lancer une vingtaine. Chaque sphère d’énergie bleutée étant elle aussi bien plus puissante. Je n’avais jamais affronté ce type d’adversaire et je n’avais pas le droit à l’erreur. Je pris grand soin de former le schéma mental le plus parfait possible tout en réglant tous les paramètres au maximum et tant pis pour la fatigue en retour, surtout si je devais faire un overkill comme disent certains.
Du bout du bâton, à la fin de mon incantation, jaillit soudain en succession rapide une vingtaine de petites sphères lumineuses d’un blanc bleuté. Quasi dans l’instant, elles vinrent percuter le roi squelette, faisant tressauter son corps sous les impacts et le changeant en cendre avant même que le dernier projectile ne l’atteigne.
Prenant note de cette information, je me tournai pour faire face à ma cible suivante, le général ennemi le plus éloigné de moi dont les troupes étaient désormais proches d’arriver en contact avec celle du capitaine. Pointant mon bâton, j’incantais à nouveau une nuée de projectiles magiques supérieure. Là encore, à la puissance maximum, prenant grand soin de former le schéma mental le plus parfait possible. Évidemment, je perdis là du temps, mais rater un sort par précipitation ou voir son effet amoindri serais bien pire, surtout que ça restait une magie apprise très récemment, je n’en avais pas encore, et de loin, une maîtrise totale.
Pourquoi cette cible-là plutôt que l’autre ? Parce qu’il y avait bien plus de chance pour que la plus proche ait assisté à la mort du premier et ne prenne des mesures aussitôt, bien plus que celle étant la plus distante des trois ! Il y avait même les troupes de son homologue pour faire écran entre lui et ma première victime. Je devais en abattre le plus possible, autant assurer mes chances d’en tuer deux à coup sûr plutôt que parier sur un triplet et échouer.
Là encore, la nuée de projectiles lumineux quitta mon bâton pour se diriger en droite ligne vers ma cible. Celle-ci, passée un bref moment de surprise, eut juste le temps d’empoigner les zombies devant lui pour se protéger. Si j’avais partiellement raté mon sort ou utilisé une version amoindrie, cette défense aurait pu suffire. Mais présentement, les projectiles vinrent frapper les boucliers morts-vivants qui tombèrent aussitôt en poussière, bientôt suivis de la créature de commandement, les deux dernières sphères bleutées en surplus creusant de petits cratères dans le sol derrière elle.
Plus qu’un ! Comme prévu, celui-ci avait eu le temps de comprendre la situation, et un véritable mur de corps faisait désormais obstacle entre nous, peu importe. Au contraire des fantassins en contrebas, j’avais l’avantage de la hauteur. Je soufflais un bon coup, longuement, alors que des taches lumineuses tentaient d’envahir mon champ de vision. Je m’appuyais lourdement à la rambarde de ma plate-forme pour rester debout. Il n’y aurait pas de troisième projectile magique supérieur. Pas dans l’immédiat en tout cas. Inspiration, expiration, puis je me lançais dans l’incantation d’une boule de feu, prenant garde cette fois-ci plus à limiter ma fatigue qu’à garantir le succès. La jolie sphère ignée quitta mon bâton et vint splendidement incinérer le mur macabre faisant obstacle ainsi que tout ce qui se trouvait à 5 à 6 m alentour. Ma seconde boulle de feu fusa alors pour frapper le roi squelette directement, dont les frusques moisies, et les os roussis avaient déjà eu à subir l’assaut des flammes du sort précédent.
L’explosion projeta des morceaux de sa carcasse dans toutes les directions et ce qui restait de son corps mordit la poussière, calciné, fumant.
Et de trois ! je me laissais glisser au sol et fermais les yeux, épuisée. En contrebas retentirent quelques cris de victoires suivis des ordres du capitaine, restreignant l’utilisation des munitions non remplaçable pour revenir aux tactiques de combat classique.
Privé de contrôle, les zombies reprirent leur mode de fonctionnement instinctif et avancèrent sans réfléchir vers les hommes les plus proches. Le capitaine et le lieutenant aboyèrent leurs instructions, mais je ne m’en faisais pas pour eux, ce combat était désormais gagné d’avance. Restait la liche au loin. Elle, elle ne se ferait pas avoir aussi facilement.