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ZOLA : LE PREMIER PRIX

16 h 40 : Elle aurait préféré esquiver la capsule de voyage, mais le point de ralliement se trouvait à l’autre bout des souterrains. Lancée à pleine vitesse dans le dédale de tunnels, Zola se cramponnait à ce qu’elle pouvait pour éviter de s’écraser contre les parois de la capsule. Les LED éclairant les galeries défilaient devant ses yeux, émettant une lueur légèrement bleutée. 

Quand elle parvint à destination, l’afflux de population contraignit la capsule à piler pour se stopper avant l’arrêt prévu. Zola se doutait bien qu’en arrivant au dernier moment, elle se retrouverait dans cette situation, coincée au milieu d’idiots désorganisés. Malheureusement, son dernier test sur le piratage informatique avait traîné, l’obligeant à partir plus tard.

À la queue leu leu derrière une dizaine de capsules, Zola ne pouvait qu’observer l’immense place centrale qui l’attendait. La planète sculptée en son cœur, haute de plusieurs mètres, brillait pour l’occasion. La terre de jadis, moins bleue qu’aujourd’hui, se composait des anciens continents, chacun représentant un secteur des souterrains. Les neuf couloirs fondamentaux prenaient racine à cet endroit, menant à des zones possédant chacune sa propre spécificité. Elles avaient été construites sur des bases réelles, de sorte qu’au Moyen-Orient, il faisait plus chaud qu’en Europe de l’Est. Elles comportaient chacune leurs végétations, sports nationaux, spécialités culinaires et atouts majeurs. 

Zola avait passé son début de journée dans la zone « Asie orientale », berceau des principales formes de technologies. Elle pouvait également y manger de la nourriture asiatique et pratiquer du ping-pong ou du badminton. L’endroit lui plaisait, bien que rien, à ses yeux, ne pouvait détrôner l’Amérique du Sud. La chaleur ambiante l’apaisait et elle adorait y déguster des empanadas, puis danser sur de la samba. Ainsi, le choix d’installer son préfabriqué dans cette zone s’était imposé comme une évidence. 

17 h : Le sentiment d’infériorité qu’elle ressentait en approchant de l’immense sphère la mettait mal à l’aise, et Zola n’aimait pas ça. Adepte de l’excellence et de la suprématie, elle écartait, dès qu’elle le pouvait, ce genre de situation. Mais aujourd’hui, c’était pour la bonne cause.

Lorsque l’écran géant s’alluma, ses semblables se pressèrent telles des bêtes affamées sur des carcasses. Les traits banals et rassurants d’une quarantenaire apparurent, les cheveux impeccablement coiffés dans un chignon bas. Depuis toujours, ce visage représentait celui de la communication. Chaque message, consigne ou recommandation sortait de la bouche parfaite de cet avatar. Zola aimait l’appeler Jennifer. Sa douce voix résonna brusquement dans ses oreilles.

— Bienvenue, néophytes et membres de l’escouade. Aujourd’hui marquait le dernier jour du programme de formation de la 26e division de néophytes. Le niveau des tests de sélection a été particulièrement élevé, cette fois-ci. Le néophyte sélectionné pour rejoindre l’escouade est Zola. Félicitations. Vous pouvez vous avancer pour saluer vos nouveaux camarades, vos consignes vont vous être transmises. 

Nullement étonnée, Zola s’approcha fièrement sous les applaudissements de ses congénères. Elle s’était imaginée tant de fois gravir ces marches qu’elle ressentait l’étrange impression de se mouvoir de nouveau dans un de ses rêves. Elle prit le temps de savourer chaque instant et de graver dans sa mémoire cet instant de gloire attendu depuis si longtemps, heureuse que ses semblables puissent admirer son charisme naturel. Leurs applaudissements résonnaient au loin, combinés avec la voix de Jennifer, qui continuait son intervention, sans égards au tourbillon d’émotions transportant Zola.

— Les autres néophytes de la 26e division, avancez-vous. 

Des lumières au sol définirent des colonnes numérotées de un à cinq. Les candidats se retrouvèrent tous en ligne devant l’écran, attendant leur verdict. Sans surprise, il restait toujours le même. 

— Vous avez le choix. Si vous souhaitez recommencer le programme pour espérer rejoindre l’escouade, vous pouvez avancer sur le 1. Si vous préférez abandonner, voici vos alternatives. 2 : ingénierie, 3 : recherche, 4 : développement, 5 : logistique. 

Sur les quatre-vingt-dix-neuf membres restants, les trois quarts se placèrent dans la première colonne. Les deuxième et quatrième colonnes obtinrent quelques volontaires, la troisième un peu moins. Comme d’habitude, la cinquième remporta la dernière place avec seulement deux néophytes. 

Même si Zola comprenait l’importance de la logistique pour leur survie, elle ne pouvait s’empêcher de les considérer comme les ratés du système. Plutôt mourir que de finir là-bas. 

— Les coordonnées GPS de vos prochains lieux de rendez-vous sont en ce moment téléchargées par vos compagnons, ainsi que vos nouveaux programmes. Merci de votre attention, et n’oubliez pas, « Devenir grand c’est commencer petit ».

Zola bomba le torse en entendant cette devise qui résonnait enfin en elle. Elle pouvait à présent le dire, elle avait réussi, elle était devenue grande. 

Mawee, le petit robot rouge perché sur son épaule qui lui faisait office de compagnon, émit un bip sonore. Les membres de l’escouade saluèrent la foule silencieuse en frappant leur coude droit avec la paume de leur main gauche, et pivotèrent vers une large porte en métal. Zola s’autorisa un dernier coup d’œil à ses anciens camarades, bien qu’elle n’en connaissait aucun. Ici, tout le monde était en compétition avec tout le monde. Une compétition arbitraire, mais implacable, pour le premier prix : faire partie de l’escouade. Les néophytes ne pouvaient prétendre à cet honneur qu’à la fin de leur programme de formation, en obtenant les meilleurs résultats de leur division. Dans la course à l’escouade, Zola s’était parfaitement positionnée, en l’intégrant lors de son premier coup d’essai. Certains néophytes avaient tenté le programme plusieurs fois, en vain.

Lorsque la foule se dissipa, quelques-uns de ses nouveaux coéquipiers la félicitèrent. Zola n’essaya même pas de faire bonne figure, imperméable à leurs encouragements. Xavi hocha la tête dans sa direction. La dernière arrivée, Yume, s’approcha suffisamment pour lui murmurer à l’oreille.

— Bienvenue dans l’échiquier, Zola de la 26e. Tu peux t’avancer. 

L’échiquier… De quoi parle-t-elle ? 

Elle observa la fameuse porte métallique, celle qui l’avait intriguée toute sa vie. Quand cette dernière s’ouvrit, Zola se hissa sur la pointe des pieds pour espérer entrevoir ce qu’elle cachait, sans succès. Dans son imaginaire, elle renfermait une sortie vers l’extérieur, les membres de l’escouade étant les seuls autorisés à rejoindre la surface. Pour Zola, cela représentait l’ultime récompense.

Xavi la poussa vers l’avant. Elle lui lança un regard noir puis s’avança doucement vers la porte, consciente que les réponses à ses questions l’y attendaient. Ses pas paraissaient plus lourds, tout à coup, comme si le temps s’était figé, comme si elle devait encore prouver qu’elle était assez pour l’atteindre. Assez forte, assez intelligente, assez naïve. 

Elle ne prit pas la peine de toquer et tourna la poignée, aussi déterminée qu’excitée.

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