Les hommes et femmes en armures étaient venus pendant la nuit, des morceaux de tissus autour de leurs armes pour étouffer autant que possible tout bruit pouvant trahir leur présence. Lorsque les villageois Faes avaient été alertés, il était trop tard. Une épaisse fumée avait déjà envahi les lieux, des flammes dévorant habitation sur habitation. Celles en hauteur furent les dernières à être touchées, mais leurs occupants n’eurent pas plus de chance que leurs voisins au sol. Les envahisseurs avaient cerné chacune d’entre elles, cueillant les fuyards apeurés avec le bout de leurs épées, de leurs flèches et des sorts de feu et d’électricité.
Des petites silhouettes avaient réussi à se glisser derrière un poulailler à demi-consumé. Une adolescente, un enfant dans les bras, faisait fi de la douleur que provoquaient ses pieds nus sur les monceaux calcinés. Son regard alerte, de grands yeux effrayés, fouillait les environs, cherchant un moyen de fuir sans qu’ils ne soient vus.
Lorsqu’elle avait entendu les cris, elle s’était précipitée à l’extérieur, exhortée par ses parents à fuir. Ils avaient été séparés à peine quelques secondes plus tard, se perdant de vue dans l’épaisse fumée de leur village en flammes. Le cœur battant, confuse au plus profond de son être, elle avait obéi et s’était servi de sa petite taille pour passer inaperçu. Pour une fois, elle pouvait se servir de cette caractéristique sans avoir honte de ressembler à une enfant alors qu’elle venait d’avoir 18 ans.
Les pleurs, qu’elle avait reconnus comme étant ceux du bambin de leurs voisins, l’avaient aussitôt orientée dans le chaos. Sans réfléchir à ses chances de survie, elle avait saisi l’enfant et courait avec lui dans ses bras depuis.
Autour d’elle, parmi les cris de terreur, de rage et de douleur, elle pouvait entendre des clameurs en langue commune et dialecte humain :
La famille royale n’est plus !
Mort aux bâtards et bâtardes de Caelum !
Mort aux Faes, mort aux Grands Persécuteurs !
Elle ne put retenir un sanglot terrorisé, comprenant qu’ils ne feraient aucun prisonnier. Son moment d’hésitation lui coûta. Une silhouette immense, un cavalier sur sa monture, passa devant elle, la bouscula avec assez de force pour qu’elle sent son épaule se disloquer. Au même instant, elle sentit la forme menue entre ses bras lui être arrachée. Un hurlement strident franchit sa gorge suffoquée, alors qu’elle essayait de reprendre l’équilibre et de chercher devant elle pour essayer de s’agripper au cavalier. Trop tard, il avait disparu. Elle n’entendit plus les pleurs du bambin.
Une douleur la parcourut brutalement, puis elle sentit une torpeur l’envahir. Hébétée, elle vit la lame qui lui traversait la poitrine, puis celle-ci disparut. Son propriétaire, dans son dos, la poussa pour qu’elle tombe au sol. En haletant, la jeune Fae roula sur le côté. Le guerrier ne lui accorda qu’un regard avant de l’enjamber et de s’éloigner.
La torpeur finit par envelopper tout son corps. Elle ne chercha plus à se relever, ne sentant plus aucun de ses membres. Ses yeux larmoyants cherchèrent à traverser l’épaisse fumée. Elle espérait voir le ciel une dernière fois. Mais ce souhait lui fut refusé, lorsqu’une fenêtre translucide apparut devant son regard éteint. Elle vit à peine les mots défiler ; la vie l’avait quittée avant qu’elle n’ait pu parcourir la fin du message.
“Intégration commencée…
…Veuillez patienter…
…La Fiche-Système est complétée…
…Intégration terminée.”