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Chapitre 1

Dyre ne s’était pas fait prier pour rester hors du chemin des matelots. Les premières minutes du voyage, il s’était amusé à les observer de loin, intéressé par l’harmonie brutale qu’il y avait parmi les hommes et les femmes. Un ballet entrecoupé de cris et de jurons colorés pour maintenir l’énorme navire qui mettait cap sur le large, faisant peu à peu disparaître Riverseal dans leurs dos.

C’était la première fois qu’il voyait la ville de ce point de vue. Il avait embarqué sur l’embarcation arrimée sur le large canal, surnommé les Portes de Seal, le protecteur des navigateurs, qui traversait la cité. De là, le jeune homme avait eu une vue imprenable sur les grandes tours et la coupole qui abritait le hall royal et, sous celui-ci, le hall administratif, où il s’était enregistré avant l’embarquement. La coupole bleu et blanc n’était plus visible, mais il pouvait toujours voir les tours, où il n’avait jamais mis les pieds, en tant que membre du peuple commun. Il savait vaguement que l’académie des mages de la ville se trouvait dans l’une d’elles.

Avant que la grande capitale humaine ne s’évanouisse à l’horizon, Dyre en avait profité pour faire un geste obscène dans sa direction. Il était quasi sûr de revoir Riverseal un jour, mais il ne trépidait aucunement d’impatience à cette pensée. Pour la première fois de sa jeune vie, il partait à l’aventure, et il n’avait aucun regret. La ville et ses habitants n’avaient jamais été tendres avec lui, que ce soit pour l’orphelin qu’il avait été les cinq premières années, ou lorsqu’il était revenu sporadiquement aux côtés de ses parents adoptifs par la suite.

Oldfall lui manquerait cependant. Le petit village côtier l’avait vu grandir et Dyre y avait été en sécurité la majeure partie du temps, même si son père lui avait révélé, une fois plus âgé, que son arrivée impromptue et son adoption avaient fait jaser à l’époque. Ses oreilles pointues et ses yeux noirs irisés de bleu n’étaient pas commun dans leur coin de pays. Ou nulle part ailleurs, pas depuis presque cent ans. Il se souvenait vaguement des murmures inquiets et des visites nocturnes de voisins, qui venaient faire des messes basses avec son père et sa mère, conversations qu’il n’avait pas le droit d’écouter.

Ses parents, de braves commerçants, étaient cependant suffisamment respectés pour qu’il soit laissé tranquille, puis qu’il soit accepté au sein de la communauté. Le sort qu’on lui avait tatoué sur la nuque pour dissimuler ses traits atypiques l’avait aidé à se faire des amis. Il avait passé l’âge des jeux d’équilibre sur les quais et les embarcations de pêche auprès de ses camarades, mais c’était le genre de souvenirs que Dyre chérissait et qui le faisaient sourire encore aujourd’hui.

Alors pourquoi se retrouvait-il sur le Kistna aujourd’hui ? Malgré la vie confortable qu’il y aurait pu avoir, cela faisait des années qu’un étrange appel résonnait dans son esprit. Un appel qui le destinait à plus, et qui avait alimenté la brutalité de son sang farouche et ancien, le faisant trépider d’impatience à l’idée d’atteindre sa majorité - et, plus important, de vivre son Intégration.

Heureusement, celle-ci avait eu lieu neuf mois après le passage de ses 18 ans, lisant avec soulagement le message qui était apparu devant ses yeux. Pendant un temps, il avait cru être dans cette situation qu’il avait entendue parler où l’Intégration se produisait des années après la majorité, et il en avait eu des sueurs froides. Pour beaucoup de ses camarades, ce n’était pas la fin du monde, puisque la plupart désiraient rester à Oldfall et reprendre le commerce ou l’atelier de leurs parents. Ainsi, pour eux, l’Intégration n’avait pas vraiment d’importance. Mais pour lui… Il avait eu l’impression de se noyer pendant neuf mois, avant de pouvoir prendre sa première vraie bouffée d’air.

Dyre avait accepté d’attendre quelques semaines, à la demande de ses parents inquiets, avant de se rendre à Riverseal pour se renseigner sur les expéditions prochaines; il n’avait pas pu tenir plus longtemps. La vision des visages défaits de ceux qui avaient pris soin de lui et qui l’avaient protégé d’un destin des plus funestes lui avait pincé le cœur, mais sa décision était prise. Son sang chantait pour plus. Et puis, une autre de ses raisons de partir était qu’il voulait redonner à cet homme et cette femme chers à son cœur tout ce qu’ils lui avaient offert par le passé. Le sort sur sa nuque leur avait coûté une fortune et ils avaient failli perdre leur magasin. Et cette expédition, et surtout son paiement, était la première étape pour s’assurer qu’ils n’aient plus jamais à vivre ce genre de période sombre.

Un sourire en coin, Dyre observait donc les matelots du Kistna, comprenant à moitié ce qu’ils se hurlaient par la tête. Il avait vécu au bord de l’eau la majeure partie de sa vie à Oldfall, mais il était surtout habitué aux bicoques de pêche. Rien comparé à cette beauté de bois et de voiles, ainsi restait-il à l’écart pour ne pas gêner. Il n’était pas le seul flâneur sur le pont. La plupart restait cantonné dans les quartiers communs en dessous, mais le jeune homme était sûr d’avoir entendu quelqu’un gratter des notes de musique quelques minutes plus tôt, avant de disparaître il ne savait où.

Un soupir d’aise fusa d’entre ses lèvres, alors qu’il s’étendait sur le dos pour observer le ciel. La caisse en bois qui avait été son perchoir jusqu’à présent n’était pas des plus confortables, mais le sentiment de liberté qui lui étreignait le cœur valait toutes les courbatures du monde.

L’expédition dans laquelle il s’était embarqué était plutôt habituelle; il n’avait pas eu de mal à la trouver. Un riche d’une famille noble de Riverseal voulait qu’un groupe d’aventuriers se charge de nettoyer un donjon du coin, dans le but de récolter ses trésors, tout en restant dans le confort de son manoir.

C’était commun, et un des moyens les plus lucratifs pour des gens du peuple comme lui de se faire un petit pactole. Bon, il était au plus bas de l’échelle, donc il allait sûrement devoir participer à plusieurs expéditions pour atteindre son objectif, mais c’était un bon début. Maintenant qu’il était majeur et avait eu son Intégration, il pouvait être engagé par n’importe qui. C’étaient les deux conditions pour y participer, les larges groupes comme celui qu’il avait rejoint acceptaient tout le monde, peu importe leurs compétences.

Dyre balaya l'espace au dessus de son visage, faisant apparaître la fenêtre translucide devant ses yeux. La fiche-système, comme elle s’était nommée, s’était révélée à lui plusieurs années auparavant, durant son adolescence, mais les informations s’étaient étoffées depuis son Intégration quelques semaines plus tôt.

DYRE D’OLDFALL | Âge : 18 ans | Race : Fae

Classe : Mercenaire | Niveau : 1

— Statistiques —

Armes légères : 3 | Armes lourdes : 1 | Armes à distance : 0

Santé : 2 (100) | Force : 2 | Endurance physique : 3

Régénération vitale : 1 (20/heure)

Magie : 3 (150) | Force mentale : 4 | Endurance mentale : 3

Régénération magique : 3 (60/heure)

Réflexes : 4 | Rapidité : 4

— Aventurier —

Nombre d’ennemis tués : 0 | Guilde : aucune | Compagnon : aucun

— Compétences —

[…]

Son regard n’alla pas plus loin. Ses compétences de combat étaient assez classiques pour quelqu’un de son âge qui envisageait de partir de son petit village. Ses parents, bien qu’inquiets face à cette pulsion de liberté qui continuait de grandir en lui, avaient toujours voulu qu’il sache se défendre. Tout le monde dans leur village savait au moins manier une arme de poing, de par leur proximité de zones dangereuses. Ils n’avaient pas les mêmes moyens de défense que les grandes cités-états telles que Riverseal.

De par la relative pauvreté de leur communauté, ils pouvaient rarement se permettre des armes telles que des épées de la même qualité que celles des miliciens. Dyre avait donc porté son attention sur une lame courte suffisamment maniable pour à la fois détacher les raksteus, ces crustacés de la taille de son avant-bras aux pinces acérées, de la coque des bateaux que pour repousser leurs pinces douloureuses. Mais il avait eu quelques entraînements avec une vieille épée rouillée auprès du vieux Rio, le forgeron qui avait toujours considéré les enfants du village comme les siens, Dyre ne faisant pas exception.

Ainsi, il pouvait se débrouiller. Clairement, Dyre ne faisait pas partie du haut du panier de cette expédition. Lorsque le choix lui avait été présenté à son Intégration, il avait choisi la classe mercenaire. C’était la décision la plus logique pour lui. Il ne faisait pas partie d’une grande famille, n’avait pas les moyens d’entrer dans une école pour devenir un mage compétent, et n’avait certainement pas envie d’entreprendre la formation stricte des chevaliers - trop de discipline, et trop de secrets à garder de son côté.

Le choix de sa classe était une de ces conversations que le jeune homme avait eues avec son père, ces dernières années. Ce dernier ne voulait pas que son fils ait des attentes hors de sa portée, et encore moins certaines qui le mettraient définitivement en danger, comme c’était souvent le cas avec une classe-élite.

La société était divisée en trois catégories de classes, qui techniquement étaient accessibles à tous et toutes grâce au Système mais, dans les faits, avaient fini par diviser la population : près de 90% de celle-ci était composée de classes-ouvriers, qui étaient la force de travail des villes et des villages, ceux et celles qui n’avaient presque aucunement besoin de l’Intégration pour gagner leur vie. Le reste était composé par les classes-piliers, ces aventuriers, guerriers et érudits qui utilisaient les cadeaux que le Système leur avait donnés pour devenir puissants. Une petite partie de ceux-ci arrivaient à obtenir la dernière catégorie de classes, les classes-élites, parfois appelées classes-sublimes. Les conditions pour ces dernières n’avaient jamais été très claires.

Être mercenaire était un peu le seul moyen pour Dyre de ne pas faire partie de cette organisation. Bien qu’il était considéré comme faisant partie des classes-piliers, avec le mercenariat, cette voix le faisait naviguer hors des attentes strictes de chacune des autres classes. Il n’obtiendra certainement pas la même puissance qu’un mage ou un chevalier, mais il pouvait faire ce qu’il voulait avec les dons que lui donnerait le Système.

Ce n’était pas sa seule option, ceci dit : son affinité avec l’eau était quelque chose qu’il n’avait ni exploré par le passé ni mis de l’avant lors de son embauche, mais qui aurait pu le mener au moins à une autre classe-pilier. Dyre était amplement satisfait de faire partie du menu fretin avec d’autres, même s’ils étaient presque considérés comme de la chair à canon, à ce stade.

En revenant en haut de sa Fiche-Système, son regard s’attarda sur un mot, à côté de son âge. Par réflexe, son cœur s’emballa sous la pression d’une peur ancestrale. Heureusement, personne ne pouvait avoir accès à sa Fiche. La seule indication de son actuelle majorité, de sa classe et de son statut d’Intégré était cette aura qu’ils étaient tous capables de percevoir une fois qu’ils passaient à travers cette étape de leur vie.

Il se souvenait de la peur qui lui avait envahi la tête et le corps le jour où la fenêtre était apparue devant ses yeux, à peine âgé de quinze ans. Ses parents et lui avaient réussi à garder le secret de ses origines depuis toutes ces années; du moins, leurs voisins avaient fini par volontairement oublier. Son père l’avait rassuré en lui expliquant qu’il serait le seul à voir sa Fiche-Système, à moins qu’il ne consentisse à la partager. Il en avait aussi profité pour renforcer à Dyre que peu importe où il se trouvait, de Riverseal jusqu’au delà des Terres Humaines, qu’il devait éviter de demander ces informations à quiconque. Et qu’il était en droit de refuser si quelqu’un lui posait la question.

Dyre n’osait imaginer si ce n’était pas le cas… Il n’aurait jamais survécu aussi longtemps si certaines têtes pensantes avaient eu vent de la présence d’un fae à Oldfall. Peut-être même qu’il n’y aurait plus d’Oldfall aujourd’hui. La haine associée à la simple mention de ses origines pouvait aller dans ces extrêmes, si la simple idée que son village ait volontairement caché un bâtard de Caelum.

Un bâtard de Caelum.

Son sourire se teinta d’amertume, alors qu’il se redressait pour laisser son regard se perdre dans les vagues. C’était une dénomination qu’il avait entendue par-ci, par-là. Jamais dite à son intention, bien qu’il n’ait que peu de souvenirs avant ses cinq ans, mais qui teintait tout de même son esprit. Mais pouvait-il vraiment leur en vouloir ? Il était définitivement trop jeune pour avoir été témoin du massacre de son peuple, mais il en avait entendu, des histoires.

Son peuple avait été la lie de cet Âge. Il y avait peu de traces du Premier, gardées farouchement par les Elfes, mais le Deuxième avait été teinté par la violence et la débauche de la royauté Fae. Ils n’avaient jamais réussi à entretenir de bonnes relations avec leurs voisins. Ils avaient même été la cause directe de la quasi extinction des Pixies, et n’avaient jamais arrêté de provoquer le royaume Humain.

Lorsque le Système était apparu, 90 ans plus tôt, le fragile équilibre n’avait pas tenu. Dyre se souvenait des contes racontés dans son village.

La peur que ce peuple au sang destructeur augmente en puissance avait mis le feu aux poudres. L’Histoire n’avait pas retenu l’auteur du plan qui avait mené au massacre de la royauté Fae et aux chasses de la population fautive jusqu’à son extinction. Certains disaient qu’il s’agissait d’un plan commun. Que tous étaient coupables. Ou bien des héros, ça dépendait des points de vue.

De la musique le sortit de ses pensées qui prenaient une tournure morose. La distraction fut bienvenue ; il sauta de son perchoir pour se diriger vers la source. Cette fois, le barde avait pris soin de trouver un endroit un peu plus tranquille. L’activité sur le pont avait aussi perdu de sa frénésie, la mer était devenue calme maintenant qu’ils avaient atteint le large. Trois ou quatre membres de l’expédition s’étaient déjà rassemblés nonchalamment autour du jeune homme et Dyre fit de même, prenant soin de rester un peu plus en retrait tout en étant à portée de l’instrument de musique.

Il n’était pas très familier de celui-ci. Au village, leurs fêtes étaient surtout agrémentés de tambourins. Peut-être d’un instrument à corde défraichi, jusqu’à ce qu’il rende l’âme deux étés plus tôt. Mais ce que tenait le barde était à la fois robuste et délicat, et semblait avoir été fait de la main d’un maître artisan. Le lustré de son bois renvoyait presque leur reflet. Et celui qui le tenait habilement n’était pas en reste.

Un humain, peut-être un ou deux ans de plus que lui, souriait à pleines dents en faisant glisser ses mains sur son instrument. Dyre laissa glisser son regard sur sa mâchoire carré qui contrastait avec la douceur de ses yeux verts. Sa chevelure rousse semblait indomptable, mais de manière volontaire. Tout était soigneusement à sa place chez ce type, c’en était presque troublant.

Dyre sortit de sa rêverie observatrice en remarquant enfin la musique entraînante qui semblait enlever tout ennui du visage des spectateurs en manque de divertissement. La chanson grivoise lui tira une grimace amusée et étonnée, ne s’attendant pas à ce que de tels mots écorchent la bouche raffinée du musicien.

La distraction eut l’effet escompté sur ses pensées ombragées, quelques minutes plus tard, il se laissa entraîner, chanta aux côtés de ses compagnons en se perdant dans des fous-rires contagieux. L’après-midi passa ainsi, et le groupe finit par se séparer, certains se dirigeant vers la cantine à l’arrière du navire, pour se mêler aux marins au repos.

Le pont se vida peu à peu, mais Dyre profita de la fraîcheur qui s’installait doucement avec la disparition du soleil à l’horizon. Ce voyage de trois jours lui paraissait moins pénible, finalement. Il avait plus que hâte de mettre le pied à terre pour découvrir ce que leur réservait le donjon, sentant son sang bouillonner à cette perspective, mais il pouvait bien profiter un peu du voyage.

Et en parlant d’en profiter… Son regard capta l’étincelle d’un rayon du soleil mourant se reflétant sur une surface lisse. Il tourna la tête dans cette direction et croisa le regard du barde, qui venait de ranger son instrument. Le fae ne put empêcher un sourire de poindre sur ses lèvres, n’ayant pas passer à côté des coups d’œil de plus en plus équivoques de l’artiste, Colbyran de son nom, à son encontre.

Sans une hésitation, Dyre se leva et se dirigea vers lui, lui emboîtant le pas, bien décidé à profiter de l’heure du repas pour explorer un autre partie du navire, abandonnée à cette heure par les ventres affamés des autres passagers.

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3 Comments

1 month ago
Ce premier chapitre est vraiment agréable à lire. L'exposition est longue mais n'est pas ennuyante. L'aperçu du Système est intrigant, on se demande comment cela marche et pourquoi tout le monde ne souhaite pas devenir surpuissant !
Et la fin est amusante et distrayante !
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1 month ago
Merci :D Ça me rassure, j'avoue que je ne suis pas encore satisfaite à 100% de ce premier chapitre, j'avais peur avec l'exposition (et le manque de dialogues) qui prendrait trop le dessus et ne laisserait pas la place pour découvrir la personnalité du personnage !
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26 days ago
Merci :D Ça me rassure, j'avoue que je ne suis pas...
Je suis toujours pour plus de dialogue, moins de 'tell' et plus de 'show' ! A voir dans une autre réécriture !
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