Comme l’avait expliqué Thyrn, Dyre se retrouva bien vite groupé avec les autres niveaux inférieurs à cinq, au centre de la formation. Ils étaient accompagnés par des mages et d’autres aventuriers dont les classes ne leur donnaient pas une grande défense, dans le cas où ils subiraient une attaque de monstres avant d’avoir atteint le donjon.
La forêt était dense, mais il n’avait entendu qu’une fois l’alerte être brièvement levée; la créature qui avait tenté d’attaquer un des guerriers, un chevalier de niveau supérieur, n’avait pas fait long feu. Pendant un instant, le jeune homme avait trépigné sur place, un peu déçu de ne pas avoir pu assister au bref combat. Toutes les inquiétudes qui lui étaient passées par la tête s’étaient évaporées, contrairement aux visages angoissés de ses pairs aussi débutants que lui.
C’était la première fois qu’il voyait des professionnels en action, lui qui n’avait que les quelques aventuriers de passage dans son village au fil des années à se mettre sous la dent. Certains s’étaient amusés à conter leurs aventures à la bande de gamins qu’ils étaient, mais ça s’arrêtait là, que des histoires épiques et lointaines.
Il voulait plus.
L’air se densifiait, ils avaient quitté les berges depuis quelques heures déjà, devant faire des détours pour emprunter des voies praticables pour un groupe aussi larges qu’eux. Certains matériels pour établir le camp étaient trop volumineux pour entrer dans des sacs-éthers, et leur commanditaire n’avait pas jugé bon leur donner suffisamment de moyens pour se permettre des sorts de transport ou autres sceaux de compression.
Ce serait complètement différent s’il y avait quelques célébrités dans le groupe. Il y avait quelques noms qui étaient sur la voie de faire partie des grands, mais aucune classe-sublime qui faisait parler d’elle par delà les royaumes. En fait, si ça avait été le cas, ils ne feraient pas un donjon d’aussi bas niveau.
Dyre ne pouvait espérer rencontrer de telles célébrités à son niveau; ce n’était pas comme s’il le cherchait activement, mais sa curiosité serait définitivement piquée s’il en avait l’occasion. En fait, la seule idée de la quantité de puissance qui devait se dégager de tels aventuriers faisait chanter son sang d’une manière qu’il n’était pas tout à fait sûr d’apprécier, par moment. Surtout quand il voyait les regards inquiets de ses parents. Mais il n’était plus sous leur garde, maintenant.
Un changement dans la tension du groupe se fit sentir, et quelques secondes plus tard, le mot se passa : ils étaient arrivés. Ils débouchèrent sur une petit clairière, à l’autre extrémité de celle-ci se dressait une structure comme le jeune homme n’en avait jamais vue.
Elle semblait à la fois sortir de nulle part et avoir sa place. Douze mètres de haut, elle était incrustée dans la paroi d’une falaise rocheuse qui surplombait la clairière. La roche, brute tout autour, semblait avoir été taillée, pour former deux colonnes gigantesques montées d’une arche du même matériau formée de silhouettes de créatures que Dyre n’avait jamais vues ou entendues parler.
Des escaliers rocheux menaient à une ouverture en son centre, laissant penser que l’endroit était destiné à être emprunté par un groupe d’explorateurs, alors que, tout autour, la nature était intouchée. Deux membres du groupe, que Dyre supposait être des mages de quelque sorte, de par leur accoutrement et leur air suffisant, s’avancèrent pour examiner l’entrée. Ils dialoguaient en langue elfique, du coup Dyre se désintéressa rapidement de la conversation, reportant son attention sur les préparatifs qui s’étaient mis en branle.
Ils n’avaient pas encore le feu vert des mages éclaireurs qui, accompagnés d’un chevalier et d’un guerrier-bouclier d’expérience, devaient faire les premiers pas dans le donjon pour déterminer s’ils établissaient le camp à l’intérieur ou à l’extérieur. S’ils devaient rester dans la nature, le groupe se diviserait pour former une barrière protectrice entre l’entrée et la forêt sauvage. Dyre n’avait pas peur de dormir à la belle étoile, habitué au peu de confort - ou plutôt, sachant comment en trouver - mais sa curiosité quant au donjon ne cessait de s’accroître.
Plutôt que de faire du surplace, il cherche Colbyran des yeux. Il trouva facilement la chevelure rousse; cette fois il n’était pas entouré de ses admirateurs et admiratrices. Il semblait absorbé dans ses pensées. Dyre s’approcha et prit place à ses cotés, s’attirant un sourire chaleureux de la part de son ami.
— Qu’est-ce que tu penses qu’on va y trouver ? lui demanda Dyre, pointant l’entrée du menton.
— De quoi alimenter mes prochaines chansons, j’espère, ricana le barde, faisant lever les yeux au ciel le fae.
Ce dernier eut une hésitation, puis décida de se mettre les pieds dans les plats.
— Tu n’as pas peur pour ta vie ?
— Pourquoi ? N’ai-je pas l’air suffisamment féroce et puissant pour affronter le menu-fretin qui nous attend ? répondit le rouquin, faisant mine de bomber le torse en imitant le phrasé du chevalier présentement en repérage avec les mages, qui avait passé la traversée à aboyer sur ceux qu’ils considéraient inférieurs et fait le paon devant les plus jeunes aventuriers.
Dyre souffla du nez pour ne pas éclater de rire, mais passa une main hésitante dans sa tignasse. Pendant le voyage, ils n’avaient pas vraiment cherché à se connaître davantage, plus pressés de prendre du bon temps pour tromper l’ennui. Mais maintenant que le jeune fae avait ouvert la bouche, il se surprenait à être un peu inquiet, non pas pour lui, mais pour ce qui pouvait arriver au barde.
Colbyran sembla lire dans ses pensées, son sourire se faisant malicieux :
— Aurais-tu peur que je me fasse croquer par une des bestioles qu’il y a là dedans ?
Sa main chercha une mèche brune de son comparse, l’entortillant autour de son doigt alors qu’il lui faisait les yeux doux. D’un geste qui était tout à fait calculé, le barde frôla son oreille en pointe, envoyant inévitablement une décharge dans tout le corps du jeune mercenaire.
Ses traits fins et la forme de ses oreilles avaient été les seuls traits que le sort sur nuque lui avait laissé. Ses parents avaient jugé bon de ne pas le faire passer pour un humain, puisque la magie dissimulatrice ne pouvait pas l’empêcher de démontrer d’une force et une agilité supérieures à celle de leurs semblables. Ainsi, il passait facilement pour un demi-elfe, et ça lui convenait. Et ses particularités physiques semblaient tout à fait plaire au barde humain.
Dyre se dégagea en grommelant, ne pouvant néanmoins empêcher un sourire amusé de poindre sur ses lèvres.
Colbyran posa son instrument sur ses genoux, son regard se dirigea à nouveau vers l’entrée, plus songeur.
— Plus sérieusement, il s’agit certes de mon premier donjon, mais j’ai quelques… expériences dans mes bagages. Ne t’en fais pas pour moi, je sais me débrouiller.
Vu le léger changement de ton à la mention de son expérience, Dyre jugea préférable de ne pas pousser sa curiosité plus loin. Colbyran retrouva son sourire contagieux en tournant la tête vers lui :
— Crois-moi, je vais te sauver les fesses plus que tu ne le crois !
— J’ai bien hâte de voir ça, lui rétorqua le jeune homme sur le même ton joueur.
Ils papotèrent quelques temps, et Dyre profita du calme avant la tempête pour faire un inventaire de ce qu’il possédait sur lui. Outre ses deux armes, qu’il avait bien aiguisées, il avait deux potions de soin mineur, tout ce qui pouvait se permettre avec les économies que lui avaient laissées ses parents adoptifs.
Mais il avait aussi amené de son village des plantes qui avaient certaines vertus, notamment pour soigner certaines piqûres d’insectes, anesthésier, et réduire des saignements qui n’étaient pas trop graves. Le jeune fae avait fait très attention à séparer ces plantes d’une en particulier, qui avait été soigneusement rangées dans un pot hermétique : il s’agissait d’un champignon vénéneux.
À onze ans, il avait fait une sacrée frayeur à ses parents adoptifs, après avoir ingéré une baie empoisonnée qui poussait dans les environs d’Oldfall : c’était un pari stupide fait avec ses amis. Ils l’avaient ramené au village, se tordant de douleur, et aucun de ses camarades n’avaient voulu cracher le morceau sur la connerie qu’ils avaient faite.
Pendant un instant, les parents de Dyre avaient eu peur que les origines de leur enfant aient été dévoilées et qu’un esprit tordu avait décidé de lui faire subir le même sort que ses ancêtres, la famille royale fae ayant été empoisonnée lors du massacre de toute la population. Après tout, les menaces au détour d’une taverne entre deux ivrognes, telles que “Je vais te faire subir la même mort que ces bâtards de Caelum”, étaient depuis longtemps communes.
Heureusement, ce n’avait été que le jeu stupide d’une bande de jeunes adolescents qui s’ennuyaient. Dyre avait été malade pendant plus d’une semaine puis s’était porté comme un charme. Mais la peur était restée dans un coin de l’esprit de ses parents, et ce n’est que quelques années plus tard que Dyre s’est laissé gagner par celle-ci, à mesure qu’il comprenait mieux sa situation.
Alors, ils étaient venus avec une solution… peu orthodoxe. Avec l’apparition des balbutiements des futurs cadeaux du Système, qui n’arriveraient à maturité que vers ses dix-huit ans, ils avaient proposé de faire en sorte qu’il ait une protection supplémentaire : pouvoir contrecarrer toutes sortes de poisons dans le futur pouvait lui être utile. Alors, depuis ce jour, le jeune homme avait bâti sa résistance aux poisons, en ingérant des doses de différentes substances toxiques.
Tout le processus avait été monitoré par ses parents, mais ça avait été loin d’une partie de plaisir. Le fait qu’il n’avait pas eu son Intégration avait rendu ralenti sa progression, mais maintenant, il était sûr de pouvoir se bâtir une solide résistance face à ce danger qui pouvait être mortel.
Dyre laissa le champignon bien sagement dans son sac, pour ne pas éveiller la curiosité de quiconque. Évidemment, un donjon n’était définitivement pas la place pour faire ses petites expériences glauques, mais il comptait bien s’y remettre une fois de retour à Riverseal.
***
Les nouveaux Intégrés et les bas niveau avaient dû attendre que les aventuriers plus expérimentés s’engouffrent dans le donjon avant de pouvoir y mettre les pieds.
Dyre siffla devant la vision qui s’offrit à lui, le nez levé dans les airs. Ils étaient dans un grand hall, suffisamment grand pour que tout le groupe puisse s’y installer. Et il restait encore de la place.
Sa stabilité interne vacilla momentanément lorsqu’il se rendit compte que le plafond rocheux était beaucoup plus haut qu’il ne devrait l’être. C’était comme si l’espace à l’intérieur était plus grand que ce que laissait supposer la structure vue de l’extérieur. Une sorte de magie dimensionnelle était à l’œuvre, à nouveau un de ces mystères apportés par le Système.
Le hall était majoritairement entouré de parois rocheuses brutes, mais en plissant les paupières, le jeune homme pouvait apercevoir les mêmes arabesques travaillés qu’à l’extérieur.
Une épaule le bousculant le ramena brusquement à l’instant présent. Un des deux mages recherchistes lui jeta un regard agacé en marmonnant en elfique. Devant l’air perdu de Dyre, son rictus se transforma en dédain. Le plus jeune remarqua alors ses oreilles en pointe, comme lui. Il n’avait pas les traits typiques d’un elfe, donc Dyre supposa qu’il était un demi-elfe.
Ceux-ci étaient généralement regardés de haut par la haute race elfique. Le même air que lui lançait maintenant le mage, qui semblait avoir pris en grippe le fait que le plus jeune ne parle pas un mot elfique. Dyre prit une seconde puis décida de s’en foutre, levant les yeux au ciel avec un soupir immature, avant de continuer sa route.
Son attention se reporta ensuite sur leur situation. Enthousiaste, il aida à défaire le matériel, aux côtés d’autres nouveaux aventuriers comme lui. Ils restaient la main d’œuvre, après tout. Heureusement, il vit Thyrn mettre autant d’efforts qu’eux au lieu de déambuler avec un air supérieur comme plusieurs autres.
Une heure plus tard, il s’était rassemblé avec les autres deux-huit aventuriers. Ils formaient un demi-cercle autour d’un homme à grande carrure. Dyre ne l’avait que très peu vu sur le navire, puisque l’homme à la tête de l’expédition avait préféré rester auprès du capitaine pendant tout le voyage. Maintenant, il pouvait mieux le détailler.
Grand et fier, il avait un air concentré sur le visage. L’absence d’air suffisant plut aussitôt au jeune fae, même si le chevalier semblait considérer chacun d’entre eux comme un outil, ou une arme, prêt à être utilisé dans la tâche à accomplir. C’était peut-être mieux ainsi, il savait ce qu’il faisait.
— Nos éclaireurs ont rapporté que les deux voies sont praticables, nous nous diviserons donc en deux.
Dyre tourna la tête d’un air interrogatif. Il avait tellement été impressionné par la prestance des lieux qu’il n’avait pas remarqué les deux ouvertures, une de chaque côté de la salle. Elles étaient plus petites et se fondaient presque entièrement dans les parois.
Les mages avaient posé les protections magiques nécessaires autour du campement, puis Dyre avait suivi les instructions. Un groupe se retrouvait dirigé par le meneur de l’expédition, Dasra, et le second, par Thyrn.
Dyre espérait se retrouver sous les ordres de ce dernier, mais se retrouva dans le premier groupe. Il fut plus qu’heureux d’être aux côtés du barde - bien qu’il chercha à garder une mine neutre, ne provoquant qu’un coup de coude moqueur de Colbyran.
Outre la tête de l’expédition et Colbyran, il se retrouva avec deux autres membres expérimentés, le mage demi-elfe recherchiste qui l’avait mal regardé plus tôt et le guerrier-bouclier, dont l’énorme bouclier semblait pouvoir se matérialiser et disparaître à sa guise grâce au bracelet qui lui enserrait l’avant-bras.
Il y avait aussi une jeune mage d’à peu près son âge, son uniforme élégant laissant présager qu’elle venait d’une école prestigieuse, un pisteur qui avait eu le mal de mer pendant toute la traversée et qui semblait nerveux, signe qu’il s’agissait de sa première sortie dans le monde extérieur, comme lui, un garde d’une vingtaine d’année - un des rares qui s’engageaient en dehors de la cité, en perspective de devenir chevalier - et un autre mercenaire. Dyre ne lui avait pas parlé du voyage, ce dernier avait mis un point d’honneur à rembarrer le peu qui avait voulu engager la conversation.
Le dernier membre de leur groupe était une jeune femme qui était l’apprentie du soigneur en chef. Pour qu’elle soit assignée comme seule soigneuse de leur groupe, il fallait qu’elle ait déjà quelques expéditions dans les pattes. Dyre ne s’inquiéta donc pas du fait que le soigneur confirmé se trouve dans le groupe de Thyrn.
Le jeune homme fut instruit de rester à l’arrière du groupe, formant une barrière de protection avec le guerrier-bouclier. Dyre fit la moue. Il aurait aimé être au devant du danger, aux premières loges. La situation aurait pu être pire, ceci dit. Il aurait pu être coltiné à la protection rapprochée de l’autre demi-elfe - c’était le garde, futur chevalier, qui avait eu cet honneur.
Dasra avait été clair. Ils avanceraient avec prudence, mais, par expérience, les premières instances d’un donjon de ce niveau étaient peu dangereuses. Les plus expérimentés laisseraient donc les plus jeunes et les plus bas niveaux se farcirent tout le travail pour économiser leurs forces. Ils les réservaient au moment où ils feraient face à des monstres plus difficiles, une certitude pour chaque donjon. Mais rien d’insurmontable, lui avait-on assuré. Les donjons vraiment dangereux étaient réservés pour des groupes parfois faisant le triple de la taille du leur… et le triple de leurs niveaux.
Dyre ruminait, espérant qu’on lui laisserait une chance pour mettre la main à la pâte malgré la formation solide devant lui, lorsqu’il se rendit compte que le guerrier à ses côtés tentait de lui parler. Le plus jeune tourna la tête vers lui, rencontrant son regard agacé. Le fae tenta de lui faire un grand sourire innocent pour se rattraper. Étonnamment, le stratagème fonctionna et il vit l’agacement disparaître des traits de l’aventurier.
— Je vais ramener vers toi les monstres, donc sois plus attentif…
— Oh ! trépigna le plus jeune, son regard s’illuminant soudainement. Merci !
L’homme roula des yeux.
— J’ai pas trop envie de me salir, gamin, j’aurais préf-
Dyre ne l’écoutait plus, fébrile et les sens en alerte.
L’avant du groupe était illuminé par la magie du mage illusionniste, mais la lumière n’atteignait presque pas l’arrière où se trouvaient Dyre et le guerrier. Ce dernier tenait une torche, bien qu’il n’en ait presque pas besoin, avec ses sens aiguisés.
Ainsi, Dyre ne vit pas très bien ce qui se passait à l’avant lorsqu’il entendit des bruits briser le quasi-silence monotone de leurs pas. Un éclat givré illumina le large couloir sombre qu’ils arpentaient depuis quelques minutes déjà.
Dyre dut se faire violence pour ne pas défier les ordres et s’élancer vers l’avant. Bien lui prit, car une exclamation sobre de la part du guerrier attira son attention. Ce dernier balaya l’air sur le côté avec sa torche, désignant une forme qui se mouvait sur le mur. Un gros rat, de la taille d’un chien de berger, sauta sur le sol et se dirigeait vers eux.
Le jeune homme vit le guerrier faire un pas en arrière, pour lui laisser le champ libre. Lorsque la bestiole ne fut qu’à quelques pas de lui, Dyre put la détailler davantage.
La vermine ressemblait à celle qu’on pouvait retrouver dans les caves de certaines des habitations mal entretenues de son village. Ils n’avaient jamais eu d’infestation, mais il avait entendu parler que c’était assez commun dans certains quartiers des grandes villes, notamment les quartiers plus pauvres sur le bord du canal.
Sauf que la créature qui se trouvait devant lui avait une taille qui rendait ses griffes et surtout ses dents dangereuses. Ses pattes étaient allongées et puissantes, avec des doigts acérés qui leur permettaient de s’agripper aux murs rocailleux. Debout, le rat au pelage grisâtre devait lui arriver à la cuisse.
Une petite fenêtre translucide apparut à la périphérie de son regard.
⌠FARDIAN IMMATURE, niveau 1⌡
Dyre eut un grand sourire qui fit froncer des sourcils son coéquipier du moment.
Que la partie commence !