Asmar 

*

Ma survie relève du miracle. Aussitôt l’alerte lancée, j’ai voulu me précipiter pour aller récupérer la lampe. C’était sans compter le groupe de crétins qui a cru bon de me pousser dans la salle de trône et m’y enfermer.

Je rage, moi qui aurais pu m’illustrer au combat.

— Sultan, l’ennemi a été mis en échec.

Mon cœur crie à la vengeance. Je ferai plier l’Émirat d’Argent sous le poids de ma volonté. Layla à mes côtés, j’anéantirai mes opposants jusqu’au dernier.

— Sultan ?

Mes yeux se lèvent sur … Je ne sais plus comment il s’appelle. Il faut dire que nous passons plus de temps à boire qu’à parler stratégie. Son nom de scène est Nejma[1], je crois. Inutile de l’embarrasser avec ça. Présentement il est couvert de sang, glorieux défenseur de ma Capitale et de mon palais.

— Puis-je sortir, maintenant ? Je dois trouver l’imbécile qui a donné l’ordre de m’enfermer ici.

— C’était pour votre sécurité, Sultan.

— C’était toi ?

Oh Nejma…

— Cela ne relève pas de mon autorité, Sultan.

Mes mains claquent l’une contre l’autre. Je me compose un sourire ravi alors que j’ai envie de tous les tuer :

— Toutes mes félicitations, je suis en vie ! Sur ce, messieurs…

Je me précipite vers la sortie de la salle du trône dont les portes s’ouvrent sur Alban, le Scribe supérieur. Sa lenteur est mortifère, pas exactement ce dont j’ai besoin en ce moment.

J’ai envie d’aller informer Layla de sa nouvelle mission, pas me farcir un inventaire barbant.

—  Alban, pas maintenant.

— Votre favorite est portée disparue, Sultan, annone l’érudit. Avec votre bouffon.

Je me fige sur place.

— Que dis-tu ? lancé-je par-dessus mon épaule.

Il ne prend même pas la peine de répéter, il sait que j’ai compris.

Traîtres.

— J’ai bien peur qu’il y ait autre chose, Sultan.

J’attrape les battants, restés entre-ouverts, de la porte de bronze et m’y cramponne. Ma nuque bascule en arrière. J’expulse ma frustration et je retiens tant que faire se peut d’exploser.

— Quoi, Alban ?

Une seule chose pourrait être pire que de savoir ma Nouriya partie à l’aventure avec mon bouffon. Peut-être l’a-t-il enlevée ?

— Votre prisonnier aussi.

J’ai mal compté, ça fait deux choses qui ne pouvaient pas être pires que la première annonce.

Sans un regard en arrière, je lâche les battants et repends ma route. La porte se referme dans un éclat sans que personne n’y ait touché, puisque mes ombres viennent de s’en charger.

Layla.

[1] « Nejma » signifie « Étoile » en arabe.