Il pleura beaucoup, le pauvre petit chou. Il avait été fait beaucoup trop sensible. 

Comme prévu, il se mura dans une sorte de déni rassurant, se berça d'illusions pour ne pas affronter la terrible réalité. Mais l'absence était là, la solitude remplissait son cœur et noyait son esprit.

Il se chercha ensuite un coupable, il se créa un Dieu responsable de tout ça. Il se tourna vers moi. Sans me savoir coupable, il me pointa du doigt. Il déversa sa haine, s'arma de tristesse.

Il souffrait, bon sang, et c'était enivrant. Je me délectais de ses sanglots, me baignais dans ses larmes. Un plaisir. 

Et je ne serais pas le seul ! Quand la nouvelle se propagera, les gens seront, eux aussi, touchés. La grande majorité compatirait à la peine du pauvre Antoine et se liguerait contre moi, mais qu'importe ? Je sais que certains seront de mon côté. Parce qu’Antoine est détestable. Il ferait un très mauvais héros.

Mais il avait été fait fort. Un grand sentimental niais au possible, mais fort malgré tout. Petit à petit, avec l'aide de ses amis, il se relèverait. Il rencontrerait d'autres gens, réussirait à aimer à nouveau, qui sait ? Et il serait à nouveau heureux. Et il aurait le droit à une fin heureuse, lui.

Je songeais alors à le séquestrer. À l'enfermer dans une cave sombre et humide, à lui faire endurer les pires supplices. Il pleurerait, il crierait... Mais jamais il ne me supplierait d'arrêter. 

Je pourrais faire de sa vie un enfer : m'arranger pour qu'il soit viré de son boulot, que sa maison prenne feu, qu'il se retrouve à la rue, capturer par un gang ou je ne sais quoi, mais ce serait prendre le risque de glisser dans le grand n'importe quoi... Dans l'acharnement. 

Je ne pouvais pas non plus user de magie, pas ici, ce serait trop évident... Trop facile.

Et pourtant, j'aurais voulu qu'il soit encore plus fort, plus débrouillard. Plus ambitieux, aussi. Qu'il aille au bout des choses, qu'il n'ait pas peur d'aller de l'avant. Alors que là, il avait toujours besoin qu'on l'accompagne, qu'on lui dise quoi faire. Qu'on soit derrière lui. Tout le temps.

Un vrai gosse à chouchouter, à élever, à guider. 

Mais je n'ai pas l'âme d'un père ou d'une mère, moi.