« Ma sensualité est mon pouvoir, et je l'utilise pour bousculer ce monde. » — Dita Von Teese
Nova Núxta
Ψίθυρος, Grèce
L'air est saturé de parfums lourds et enivrants, d'alcool fort et d'une moiteur sensuelle qui colle à la peau.
L'éclairage tamisé du cabaret caresse les corps, sculpte les ombres, dévoilant juste assez pour attiser le désir, jamais assez pour combler la curiosité.
Je me tiens là, drapée dans ma fourrure sombre, une coupe de vin effleurant mes lèvres, les notes langoureuses d'un saxophone glissant sur ma peau comme un souffle enivré d'amour. Derrière moi, Luce, lointaine mais inévitable, sa présence est une dévotion silencieuse.
Elle est un contraste saisissant à mes côtés. Sa chevelure blonde, lissée avec une perfection insolente, capte les reflets des lustres au-dessus de nous.
Elle porte un tailleur cintré d'un blanc éclatant, son soutien-gorge délicatement visible sous le tissu, flirtant avec la naissance de sa clavicule. Élégante, raffinée, mais tranchante comme une lame dissimulée sous du velours.
— Tu es sûre de toi ? Souffle-t-elle en portant son verre à ses lèvres, son regard glissant avec la lenteur d'un soupir maitrisé vers la pièce privée au fond du cabaret.
Je n'ai pas besoin de suivre son regard. Je sais qui m'attend derrière ces rideaux de velours bordeaux : Un homme puissant, persuadé que ce soir, il savourera la compagnie d'une femme sublime. Il n'a pas tout à fait tort. Il m'aura, hélas pas de la manière qu'il espère.
Je pose mon verre sur la table, glissant un doigt le long du cristal dans une sensualité exquise.
— Depuis quand ai-je besoin de répondre à ce genre de question, γλυκιά μου ?
( Ma douce )
Un soupir lui échappe. Elle n'aime pas ça. Elle n'aime pas la violence. Mais l'injustice, elle la supporte encore moins, surtout lorsqu'elle émane d'un homme qui pense que le monde se couche à ses pieds.
D'un pas calculé, je me lève, mes talons claquent sur le sol avec une élégance musicale, hypnotique. À mesure que j'avance, la foule semble s'écarter en une révérence inconsciente. Ma silhouette attire, trouble, hypnotise.
Le cuir noir de ma combinaison épouse chaque courbe, le décolleté profond trace une ligne qui ne demande qu'à être suivie du regard. Mon bandeau en dentelle noire dissimule mes yeux, ne laissant que mes lèvres, rouges comme un baiser interdit, capter l'attention.
La porte s'ouvre.
Il est là, dans un fauteuil de velours, l'alcool ambré tournant lentement dans son verre. Son regard s'accroche à moi, glisse sur mes courbes comme une possession déjà acquise.
— Nyx, souffle-t-il du bout des lèvres.
Je referme la porte derrière moi, la clé glissant entre mes doigts en un claquement sec, scellant son destin.
— Quelle délicieuse audace, venir seule jusqu'ici..
Je ne réponds pas. Il ne mérite pas mes mots. Je laisse le silence parler à ma place.
J'avance lentement, chaque pas amplifié par l'intimité oppressante de la pièce. L'effluve du cuir mêlé à celui du tabac flotte dans l'air, alourdissant l'atmosphère.
— Vous avez demandé une nuit inoubliable, soufflé-je, d'une voix traînante, sucrée comme le poison.
Il s'adosse au fauteuil, un rictus satisfait, savourant la vue. Certain que la nuit lui appartient.
— J'aime les femmes qui savent ce qu'elles veulent.
Un sourire carnassier effleure mes lèvres.
— Moi aussi.
Je m'approche, me penche, mes doigts effleurant le col de sa chemise, en un mouvement irrésistible.
Un frisson le parcourt. Pathétique.
— Que désirez-vous ? murmurai-je contre sa joue, mon souffle effleurant sa peau, l'enveloppant dans une douceur mensongère.
Son halètement se fit plus profond, emporté par sa propre illusion.
— Toi.
Pauvre imbécile.
Il ne réalise même pas que la mort l'embrasse déjà.
D'un geste aussi élégant que fatal, mes doigts se referment sur la poignée de ma dague. Son manche sculpté est un chef d'œuvre : des roses enlacent un serpent, entrelacement de séduction et de danger. Il ne voit pas la lame. Pas encore.
— Fermez les yeux.
Il obéit, aveuglé par l'orgueil, par l'illusion de ce qu'il croit saisir.
Mon autre main glisse dans ses cheveux, douce, presque tendre. Puis vient la morsure froide du métal, effleurant sa gorge en une légère égratignure, à peine perceptible.
Il ouvre les yeux, surpris, mais il est déjà trop tard. L'aconit danse déjà dans ses veines, une caresse invisible mais dévastatrice.
Il voulait une nuit inoubliable.
Il l'a eue.
Son souffle se fragmente dans un râle désespéré. Ses pupilles dilatées se rivent aux miennes, noyées d'une terreur muette. Il tente de parler, mais sa langue se fait lourde. La lenteur de la mort l'étreint, aussi cruelle que délicieusement mortelle.
Je me redresse lentement, laissant l'agonie faire son œuvre, chaque seconde s'étirant dans un plaisir exquis.
— Shhh.. murmuré-je en posant un doigt contre ses lèvres tremblantes. Je t'offre une dernière caresse..mortelle.
Un dernier râle, un ultime spasme. Puis, le silence.
D'un geste délicat, presque amoureux, je sors un pétale de rose de mon décolleté, là où il repose, dissimulé entre mes seins.
Entre mes doigts gantés de cuir noir, je le caresse avec une langueur calculée, savourant sa texture soyeuse contre le cuir.
Puis je le dépose sur ses lèvres.
Un dernier baiser.
Un adieu empoisonné.
D'un pas mesuré, je quitte la pièce, refermant la porte derrière moi comme si rien ne s'était passé.
Luce m'attend, adossée contre un mur, les bras croisés.
— C'est fait.
Elle ne pose aucune question. Elle sait.
Son regard glisse vers moi, un sourire en coin se dessinant sur ses lèvres.
— Nyx, murmure-t-elle.
Je lève un sourcil, amusée.
— Mmh ?
— La mort te rend irrésistible.
Un rire bas m'échappe, suave et envoûtant.
— Je sais.
Je saisis son bras et l'entraîne hors du cabaret. La nuit nous attend, sombre et affamée.
Et moi, je suis prête à me perdre dans ses bras.
La rue s'étire devant nous comme un soupir ancien, une promesse effleurée du bout des talons. Les pavés sous nos pieds chantent la chanson des nuits perdues.
Le marbre pâle, veiné d'or et de silence, miroite sous les réverbères aux halos voilés, caressant les pavés d'une lumière tiède et ambrée, presque liquoreuse.
L'air est lourd, saturé de chaleur nocturne, cette moiteur intime qui enlace la peau comme une amante invisible.
Chaque pas semble éveiller le parfum alangui des fleurs sauvages : jasmin brûlé, tubéreuse insolente, et ce soupçon de sel, arraché aux lèvres de la mer, qui vient s'accrocher à nos souffles.
Le port murmure tout près, soupirs d'écume et de cordages bercés, ses embruns iodés glissant sur nos joues comme une bénédiction oubliée.
Les murs, blanchis à la chaux, écaillés par le désir et les saisons, renvoient la lumière en reflets d'opaline, comme si la nuit elle-même y déposait ses caresses.
Nos ombres se dessinent là, longues, effilées, spectrales. Deux silhouettes en clair-obscur, glissant entre rêve et vertige, comme des figures d'un tableau volé à un peintre obsédé par la beauté interdite.
— Tu flirtes avec la mort comme d'autres avec l'amour, Nyx.
Un sourire carnassier effleure mes lèvres.
— La mort, tout comme l'amour n'est qu'une danse délicate, Luce. La différence, c'est que la première est inévitable, et l'autre..toujours incertaine.
Elle s'arrête, comme si la nuit elle-même retenait son souffle.
Je tourne lentement le visage vers elle, la dentelle de mon bandeau ondulant sous la caresse nocturne.
Mes traits restent dissimulés, mais mes lèvres, teintées d'un rouge profond et voluptueux, accrochent la lumière comme un secret prêt à glisser contre une peau nue.
— Tu sais ce qu'elle m'a soufflé, la Mort ? Dis-je d'une voix basse, veloutée, qui s'étire comme un soupir.
Luce exhale lentement, et la fumée s'élève entre nous, fine et lascive, comme un voile de soie suspendu dans l'air.
— Murmure-le-moi, souffle-t-elle, comme un secret qu'on redoute autant qu'on désire.
Je m'avance, lentement, jusqu'à effleurer son souffle. Mon parfum s'insinue dans l'air, dense et chaud.
Mes doigts gantés effleurent sa mâchoire avec une lenteur presque lascive, glissant sur sa peau comme un murmure qui ne demande qu'à s'égarer.
— « Embrasse-les avant de les tuer. Qu'ils confondent le désir avec l'agonie. »