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Chapitre 4

Le voyage dura plusieurs heures, sans savoir combien exactement, durant lesquelles Selina s'assoupit quelques fois. Elle se réveillait en sursaut, croyant que son évasion relevait du rêve et non de la réalité. Après s'être assurée qu'elle était bien assise dans un train en direction d'Édimbourg, elle se replongeait dans l'observation du paysage à travers la fenêtre. Malgré ses quelques moments d'absence, elle avait savouré chaque minute de ce trajet, s'extasiant devant l'horizon qui s'offrait à elle. Les sifflements de la locomotive l'avaient bercé alors qu'une diversité de panorama se succédait, révélant leur beauté inégalable.

Bien loin du tableau morne et grisonnant que Londres peignait, Selina était subjuguée par les décors chatoyants de l'Écosse. À travers les campagnes pittoresques, les vallées reposantes, les montagnes imposantes qui recelaient de mystères, les rivières scintillantes s'écoulant harmonieusement, le train rugissait dans sa course effrénée vers sa destination.

Le souffle coupé, Selina désirait s'abreuver davantage de ces splendeurs sans être certaine de pouvoir toutes les contempler à leur juste valeur. L'angoisse liée à sa situation s'était peu à peu évaporée pour faire place à l'excitation que lui procurait ce voyage vers l'inconnu.

À son arrivée à la gare d'Édimbourg, elle fut chamboulée par les disparités entre la ville qu'elle venait de fuir et celle qui lui promettait de l'accueillir à bras ouverts, les pays étaient si proches et pourtant lorsqu'elle scrutait les personnes qui l'entouraient, elle était étonnée par cet environnement si éloigné de celui qu'elle connaissait. Traversant la foule pour quitter le quai, elle ressentait la désagréable sensation de ne pas être à sa place, la faute notamment à ses vêtements. Elle pressa le pas pour atteindre l'extérieur et humer l'air environnant.

Elle prit une grande inspiration en découvrant les bâtisses qui se dressaient devant elle. Les descriptions faites dans ses livres ne leur rendaient pas justice. Tout était encore plus merveilleux. Encore ce matin, elle se sentait condamnée malgré ses plans d'évasion. Mais ce soir, la liberté semblait à portée de main, elle était parvenue à franchir la frontière. Un nouveau chapitre pouvait s'écrire, si toutefois, elle se montrait prudente et précautionneuse. Elle n'avait pas parcouru tous ces kilomètres pour commettre une erreur maintenant.

Kate l'avait mise en garde en lui confiant le document avec les noms et adresses de ses proches. Quitter Londres ne serait que le début. Jusqu'à présent, Selina avait grandi dans un monde protégé, choyé depuis sa naissance, certes, elle avait développé quelques capacités d'astuce et d'intelligence, mais sa servante l'avait vite refréné, cela ne serait pas suffisant pour passer d'une aristocrate à qui tout était dû à une jeune femme ordinaire qui se doit de travailler pour obtenir ce qu'elle souhaite. Outre cela, Kate avait également rappelé que son père ainsi que le comte Suthmeer ne cesseraient pas leurs recherches avant de l'avoir retrouvé. Si Selina voulait leur échapper définitivement, elle devait procéder avec la plus grande attention pour paraître invisible à leurs yeux.

La première étape consistait à se fondre dans la masse, ainsi Selina devait devenir une véritable  Écossaise.

Elle tâtonna dans ses poches à la recherche du feuillet contenant les renseignements nécessaires que lui avait laissé Kate. Elle la déplia, inspectant soigneusement tous les noms écrits. Elle trouva celui résidant dans la ville et lut l'adresse. Sans aide, elle ne pourrait pas aller bien loin. Elle jeta un regard circulaire tout autour d'elle, espérant dénicher un individu lui inspirant confiance. Tous les passants s'afféraient à leurs activités, si bien que personne ne semblait remarquer cette jeune femme, l'air hagard, perdue au milieu de la foule. Au début, elle avait espéré attirer leur regard, priant pour que quelqu'un l'interpelle sans qu'elle n'ait besoin de héler un individu. Très vite, son esprit l'avait ramené à la raison, elle ne pouvait plus se permettre d'agir comme une enfant gâtée, si elle avait pris sa vie en main, ce n'était pas pour abandonner à la première difficulté. Elle savait qu'elle pouvait se débrouiller seule. Maintenant, elle avait enfin la possibilité de le démontrer.

Elle se redressa, soulevant le menton comme lui avait appris son précepteur, serrant dans ses doigts agiles le feuillet contenant toutes les adresses, des informations qui tenaient la réussite de sa fuite. Elle inspecta à nouveau tout autour d'elle et vit à quelques pas d'elle, une vieille femme, assise sur un banc fixant la devanture de l'échoppe de l'autre côté de la rue. Prenant quelques inspirations d'abord, Selina se lança et s'approcha de la vieille femme.

- Madame. Commença l'Anglaise doucement.

La vieille tourna ses yeux vitreux vers elle en fronçant les sourcils. Se faire importuner par une passante ne la ravissait pas. Toutefois, elle garda le silence, Selina le prit comme une invitation à poursuivre sa requête.

- Je vous prie de m'excuser de vous déranger, j'aimerais me rendre quelque part, néanmoins, j'ignore où aller. Exposa Selina, priant intérieurement pour que la langue ne soit pas une barrière.

Même si l'Écosse était sous domination britannique et que l'anglais était une langue répandue, le gaélique était toujours bien présent, il était totalement raisonnable de penser que certains n'avaient pas les rudiments de bases pour la langue anglaise.

La vieille femme tapota la place à côté d'elle sur le banc, intimant Selina de s'y asseoir. Prenant cela comme une incitation à ce qu'elle termine d'exposer son souci, Selina épela l'adresse qu'elle avait mémorisé un peu plus tôt. La vieille femme n'eut pas besoin de réfléchir et désigna vaguement, d'un geste de la main, une direction à l'opposé du banc où les femmes se situaient. Puis, la vielle femme se renfrogna en retournant à la contemplation du paysage que Selina avait interrompue. Elle sut qu'elle ne tirerait pas plus d'indications. Elle la remercia, ce qui fut reçu avec silence.

L'aristocrate se remit en route vers le chemin qu'on lui avait désigné, elle trouverait bien quelqu'un sur la route qui pourrait la guider à nouveau. Du moins, elle l'espérait.

Elle profita de sa déambulation sur les pavés grisés de la ville pour admirer les édifices qui l'entouraient, les passants qui la frôlaient, les échoppes qui proposaient mille produits à la vente dont elle ne connaissait rien. Elle écoutait avec attention les bruits de cette fourmilière en effervescence, les hennissements des chevaux qui dissuadaient les flâneurs de leur passer devant alors que leurs sabots s'écrasaient avec fracas sur le sol, les cris des artisans louant les bienfaits de leurs marchandises, les cloches des églises appelant à la messe ou encore les paroles gaéliques qui résonnaient, étrangement, comme un chant mélodieux aux oreilles de la jeune femme.

Malgré les embûches qui parsemaient sa route, sa condition d'étrangère anglaise en terrain hostile, sa solitude nouvellement acquise, sa peur de ne pas parvenir à trouver l'individu qu'elle cherchait, Selina prenait plaisir à se mêler à ce tableau écossais qui se peignait devant elle. Son père lui aurait dit qu'elle était une inconsciente, têtue et désobéissante, son beau-père à ne jamais en devenir l'aurait méprisé en la traitant de sotte, Kate l'aurait sermonné en lui rappelant les privilèges auxquelles elle avait renoncé pour un soi-disant caprice et son fiancé n'aurait sûrement rien dit. Trop occupé à séduire les jeunes célibataires, invitées à leur mariage.

Selina était consciente d'être tout cela à la fois. Qui n'aurait pas aimé être à sa place ? Porter les dentelles les plus raffinées, se parer des bijoux les plus scintillants, danser avec les gentlemen les plus séduisants, épouser le célibataire le plus convoité de Londres. Vivre dans le luxe et la facilité jusqu'à la fin de ses jours. Ne se préoccuper que des futilités d'une aristocrate, conviée à toutes les réceptions royales. La jeune femme aurait volontiers cédé sa place à n'importe qui lui demandant, nul besoin de l'implorer, elle aurait tout donné rien que pour avoir l'opportunité de prendre ses propres décisions. Elle ignorait ce que lui réservait l'avenir, jusqu'où elle pourrait aller par ses propres moyens, comment elle subviendrait à ses besoins ou bien dans quel lieu lugubre elle s'endormirait ce soir. Peu lui importait, car être enveloppée des fumées épaisses provenant des centaines de cheminées de la ville, qu'on surnommait Auld Reekie, lui suffisait.

Après avoir déambulé durant une centaine de mètres, la jeune Anglaise jugea opportun de s'arrêter pour se renseigner sur sa destination, mais cette fois-ci, elle décida de changer de stratégie. Au lieu d'aborder un inconnu choisi au hasard, elle jeta son dévolu sur une taverne d'où provenait de nombreux cris. Il lui serait peut-être plus facile d'être aidée. Avant de pousser la porte de l'établissement, elle prit une longue respiration pour se donner du courage. C'était la toute première fois qu'elle allait pénétrer dans un lieu pareil. En tant que jeune fille de la société britannique, il était inconcevable qu'elle puisse rendre dans un commerce aussi mal fréquenté et la réputation plus que douteuse. Certes, elle ne l'avait jamais vu de ses propres yeux et s'était mal vu d'en faire un sujet de conversation à l'heure du thé, mais dans le secret des boudoirs, les jeunes filles pouvaient aussi se montrer curieuses et parfois indiscrètes.

Toutefois, rien ne l'avait préparé à la réalité du "Likeable Sea". Un désordre irréel avait pris possession de l'endroit, des hommes en pagaille hurlaient des mots incompréhensibles, leurs chopes de bière une fois vidées étaient immédiatement remplacés par des jeunes femmes, qui par leur port de tabliers, étaient identifiées par Selina comme des serveuses. Certaines ne recevaient même pas un regard des clients alors que d'autres, au contraire, avaient le droit à des œillades très insistantes, tandis que quelques-unes récoltaient des mains baladeuses que Selina jugea scandaleuses. Elle fut étonnée de l'absence de réaction de ces femmes, c'était terriblement inconvenant et pourtant aucune d'elles n'avaient réagi. À la place, elles récupéraient les verres vides et vaquaient vers d'autres tables qui attendaient d'être servies.

Selina se rendit compte de sa naïveté, elle, l'enfant choyé et protégé par les grilles de Thompson Hall. Elle, qui fuyait un destin qu'elle jugeait inacceptable et intolérable, alors que n'importe laquelle de ces femmes se seraient jetées à ses pieds pour échanger leurs vies. Décidément, elle n'était en fin de compte qu'une enfant capricieuse, trop égoïste pour voir que son existence était un cadeau du ciel. Que faisait-elle là ? Prendre la fuite, vers un autre pays, pour échapper à un mariage qui lui offrait richesse et stabilité, protection et une situation que tout le monde jugeait plus que convenable. Comment pouvait-elle se permettre toutes ses plaintes, ses colères, cette désobéissance alors que tout lui était offert sur un plateau d'argent ? Pouvait-elle réellement supporter de vivre dans ce bas monde, celui où on ne s'adresse plus à elle avec déférence, celui où on la bouscule ? Elle ferait peut-être bien de rebrousser chemin et d'implorer à genoux le comte de Suthmeer, était-il possible qu'il lui pardonne et que le mariage puisse malgré sa sottise, se réaliser.

Selina fit quelques pas en arrière, sa main prête à saisir la porte pour sortir de cet établissement et courir pour rattraper ses erreurs. Ce qu'elle avait pu être stupide à élaborer ses plans d'évasions.

- T'es perdue ma petite ? T'es plantée devant ma porte, à gêner mes clients. l'interpella le tavernier alors qu'il astiquait sa vaisselle pour faire disparaître toutes gouttes de liquides.

Il avait parlé en anglais, toutefois, son fort accent écossais hachait ses mots, empêchant la jeune femme à tout comprendre avec clarté. Elle le fixa sans répondre, surprise qu'on se soit adressée à elle, d'autant plus que la détermination dont elle avait fait preuve depuis le début de son périple semblait peu à peu la quitter. Elle hésitait à s'enfuir pour mettre fin à cette farce dont elle était devenue l'héroïne ou à poursuivre dans cette voie malgré toutes les désillusions qui l'assaillaient peu à peu face à sa nouvelle condition.

- T'as avalé ta langue, gamine ? insista le patron derrière son comptoir. Il avait posé le verre propre et s'appuyaient de ses deux mains sur le bar tout en la regardant.

- Si tu veux, Murray, je connais un moyen pour la faire crier ! lança un ivrogne bedonnant au bout du comptoir, ses cheveux gras lui retombaient devant les yeux alors que ces derniers dévisageaient de la tête au pied la jeune Anglaise.

Instinctivement, elle resserra ses bras autour d'elle, elle n'était pas naïve au point d'ignorer les allusions graveleuses que venait de faire cet homme. Son regard lubrique se perdait sur les courbes de son corps, que sa robe cachait maladroitement.

- Pas de ça chez moi, Munro ! tonna le tavernier.

Munro se renfrogna, se courbant sur son tabouret et retourna à son mutisme, entrecoupé par des gorgées de whisky.

- Approche, petite. Sinon sors d'ici, tu ne te fonds pas dans le paysage.

Il ponctua sa phrase d'un haussement d'épaules avant de retourner à ses occupations, une serveuse venant de déposer un plateau rempli de verres vides sur le comptoir. Selina doutait de ce qu'elle devait faire. Depuis qu'elle avait pris la décision de s'enfuir, quelques mois auparavant, elle n'était pas sûre d'elle. Devait-elle s'aventurer encore plus loin sur ce chemin, au risque de ne jamais pouvoir renoncer ?

Selina eut une pensée pour sa mère. Qu'aurait-elle pensé de sa fille, en la voyant perdue dans une taverne écossaise, vêtue des habits de sa servante personnelle, seule, sans protection, à la merci de tous les vandales et autres criminels ?

La baronne de Thompson était une femme réputée pour sa grande sagesse et son sens de convenance lorsqu'elle faisait des apparitions publiques. Toutefois, dans l'intimité de leur propriété, sa mère agissait avec beaucoup plus de légèreté. Si sa mère avait été encore de ce monde, jamais elle n'aurait consenti au mariage de sa fille avec le futur comte de Suthmeer. Selina savait que sa mère aurait privilégié son bonheur avant l'étiquette. Alors, au fond de son cœur, elle espérait que sa mère comprenne son geste, car elle était persuadée de son soutien.

Non, il était hors de question d'abandonner maintenant. Plutôt mourir que d'aller implorer cet idiot de Basil Archer pour qu'il accepte tout de même de l'épouser. Elle, l'ingrate, qui l'avait rejeté.

Forte de ses convictions, elle s'approcha du comptoir pour parler avec le propriétaire du Likeable Sea. Concentré dans la recherche de bouteilles à déposer sur les plateaux pour ses clients, il ne l'avait pas vu.

- Monsieur, j'ai besoin de trouver quelqu'un. murmura-t-elle

Elle avait parlé si bas qu'elle douta qu'il ait pu l'entendre, n'observant chez lui aucun signe de réaction suite à sa prise de parole.

- Une petite Anglaise alors.

Le tavernier se retourna avec un sourire sur les lèvres, des dents manquantes brillaient par leur absence. Selina lui répondit, l'homme grisonnant ne semblait pas si brusque que ce qu'elle avait pensé lorsqu'il s'était adressé à elle un peu plus tôt.

- Files moi son nom, j'en vois passer du monde ici.

Elle épela le nom du parent que Kate lui avait donné ainsi que l'adresse où il habitait, elle avait retenu de mémoire durant sa marche à travers la ville.

- T'as bien de la veine, ma petite. C'est un client fidèle de mon établissement. D'ailleurs, j'crois bien l'avoir vu. Ginny, aboya-t-il à l'une des serveuses, elle ne devait pas être plus âgée que Selina et pourtant, elle semblait en faire bien plus. Va me chercher le vieux McKay, une demoiselle le cherche.

L'aristocrate n'en revenait pas, la chance lui souriait plus qu'elle ne le croyait. Il devait s'agir d'un pur miracle pour qu'elle puisse rentrer dans le même établissement que l'oncle de Kate. Maintenant, elle espérait qu'il puisse être aussi accueillant que ce que sa servante lui avait promis. Tout reposait sur lui.

Bientôt, Ginny revint vers eux, suivie de près par un vieil homme, cheveux blancs, le corps svelte malgré l'âge avancé qu'il devait avoir. Il n'avait pas l'air de comprendre pourquoi une jeune femme pouvait être à sa recherche et Selina ne pouvait pas l'en blâmer. Kate avait refusé d'envoyer une lettre à ses proches pour les prévenir de l'arrivée de sa maîtresse. N'étant pas certaine que cette dernière parvienne jusqu'en Écosse, elle s'était dit qu'il était plus prudent pour elle et pour ses proches qu'ils ignorent tout des projets de fuite de la baronne de Thompson. Selina avait approuvé, la famille de la servante lui rendait déjà un grand service, elle ne pouvait pas en exiger plus que cela. Toutefois, Kate avait répété des centaines de fois qu'en expliquant simplement que Mademoiselle venait d'Angleterre par sa recommandation pour quitter le continent britannique suffirait à convaincre son oncle de lui venir en aide.

L'oncle McKay se posta devant elle, les yeux plissés, attendant qu'on lui fournisse les explications nécessaires à ce qu'il ait fallu qu'on le fasse lever de sa table et de son verre. Selina n'eut pas le temps de débuter son récit qu'elle fut immédiatement coupé.

- Un veinard, le vieux McKay ! Il s'est déniché une petite Anglaise bien docile. On dit que les Anglaises sont toutes rigides à l'intérieur, je veux bien vérifier. L'homme, dénommé Munro se caressa l'entrejambe tout en prononçant ses paroles qui dégoûtèrent Selina. C'était la première fois qu'on s'adressait à elle avec autant d'obscénité.

Soudain, le tavernier frappa d'un coup brusque le comptoir.

- Munro, j't'ai prévenu, pas de ça ici ou tu dégages de chez moi !

Plusieurs clients avaient interrompu leur conversation après le rugissement du propriétaire de la taverne. De nombreuses mines interrogatrices dévisageaient, à présent, la jeune femme, responsable de toute cette agitation. Tous ces regards la déstabilisèrent, elle n'avait jamais apprécié être le centre de l'attention. Grâce à sa condition inférieure de fille de baron, elle avait échappé à la curiosité de tous au sein de la société. Quelques gentlemen l'avaient remarqué, et même certains l'avaient abordé. Toutefois, la jeune femme n'avait jamais répondu à ces insistances. Elle avait toujours trouvé que ces jeunes hommes manquaient cruellement d'intérêt. Pourtant, ce n'était pas faute d'avoir tout de même essayé. Essentiellement, ses essais étaient motivés par les demandes de son père. Ainsi, elle avait pu passer inaperçue durant les réceptions et bals auxquels elle avait assisté, et cela lui convenait à merveille.

Aujourd'hui, il était paradoxal pour elle, de se retrouver au centre de tous les regards, en tant que femme ordinaire, dans un pays étranger au sien qu'au sein de la société londonienne.

McKay dut ressentir son trouble puisqu'il la poussa l'écart, l'éloignant des regards curieux des intrigués de la taverne.

- Qu'est-ce que t'me veux, ma petite ? Souffla le vieillard.

Selina lui jeta un œil. Malgré un accoutrement rudimentaire, laissant présager une situation précaire, il paraissait être digne de confiance. Après tout, Kate ne l'aurait pas guidé vers un criminel. Même si son statut était bien inférieur à celui de sa maîtresse, l'Anglaise pensait avoir réussi à nouer, si ce n'était un lien d'amitié, au moins une sorte de confiance s'était instaurée entre les deux jeunes femmes.

- C'est Kate qui m'envoie. J'ai..quitté l'Angleterre et elle m'a dit que vous pourriez m'aider le temps que je trouve un endroit où aller.

Elle avait soufflé son monologue d'une traite, peur de ne pas parvenir à aller jusqu'au bout, si jamais elle s'arrêtait pour reprendre son souffle.

- Je sais que je suis une parfaite inconnue, mais je vous en supplie... si vous pouviez au moins me loger ce soir, je vous en serais très reconnaissante, monsieur. Je peux vous payer !

Selina ne souhaitait pas rentrer dans les détails de son aventure. Même si elle était en Écosse, elle n'était pas certaine que relater sa fuite avant son mariage avec un comte à ses trousses puissent attendrir McKay. Après tout, même pour lui, cela pouvait être un risque. Elle ne l'espérait pas.

Le vieil homme l'inspecta de la tête aux pieds, examina ses vêtements abîmés, lorgna sur son visage légèrement maquillé, s'interrogea sur ses mains délicates qui n'avaient jamais connu la difficulté du travail. Selina devina qu'il se questionnait sur son identité. Elle n'était pas une simple compagne de sa nièce. Elle était bien plus que ça. Et il s'en doutait.

Redoutant qu'il se refuse à l'héberger, la jeune femme se prépara à rebrousser chemin, en quête d'une autre solution pour poursuivre sa fuite rocambolesque.

- Très bien ma petite, je vais t'aider. Mais tout d'abord, il faut que tu deviennes une véritable  Écossaise.

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