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CHAPITRE 31

Jeudi 21 octobre 2020, 7 h 45.

Miranda garda le silence de longues minutes après que Connor eut terminé son récit. Maintenant qu'elle le connaissait presque en intégralité, certaines choses faisaient plus de sens. Son comportement étrange, ses secrets... Elle devait reconnaître qu'elle l'avait peut-être jugé trop rapidement. Cependant, ça n'excusait pas tout, et certainement pas la manière dont il avait perdu Louise quelques jours après l'avoir laissée seule avec lui.

Elle soupira, cherchant ses mots.

— Je suis désolée pour ta fille, finit-elle par lâcher.

C'était un premier pas comme un autre. Ça n'excusait pas toutes les saloperies qu'elle lui avait lancées au visage, mais c'était un début.

Connor hocha la tête, amer.

Miranda se tourna vers la jeune femme qui les braquait toujours avec son arc. Elle l'avait légèrement baissé le temps que Connor raconte son histoire, mais elle s'était de nouveau tendue lorsque l'attention s'était portée de nouveau sur elle. La jeune femme l'ignora pour le moment.

— Ça ne nous dit pas d'où vient la balise, réalisa-t-elle. Tu as dit que tu l'avais arraché du vaisseau ?

— Je ne suis pas sûr. Quand je me suis réveillé, elle traînait à terre. J'ai supposé que le vaisseau avait explosé et qu'il a plu des débris pendant que je me remettais de mes émotions. Elle traînait sur un tas de déchets. Je me suis dit que c'était mieux si elle ne tombait pas entre de mauvaises mains. J'ai vu beaucoup de séries US, j'avais peur que le gouvernement... Enfin, c'était avant que je me rende compte qu'il n'y avait plus de gouvernement. Plus de villes. Plus rien, en fait. À part ces saloperies de légumes géants, les mêmes du vaisseau. J'ai peur que... Ce soit moi qui ai relâché le gaz dans l'atmosphère et provoqué une aggravation de la situation. Je n'en suis toujours pas certain.

Il releva la tête vers l'archère, qui semblait pensive. Miranda hésita l'espace d'une seconde à profiter de sa distraction pour lui arracher l'arc des mains. Elle dut s'en rendre compte puisqu'elle fronça soudain des sourcils et resserra la prise sur son arme. Elle lui paraissait aussi méfiante qu'elle l'était elle-même. Miranda décida de rester prudente et de ne pas lui faire confiance. Son instinct lui hurlait qu'elle n'était pas fiable. Ou peut-être avait-elle quelque chose contre les personnes qui avaient voyagé dans l'espace.

— Et toi ? demanda Connor à l'inconnue. C'est quoi ton histoire ?

L'expression faciale de l'inconnue se durcit. De toute évidence, elle n'avait pas envie de discuter.

— Pas tes affaires, répondit-elle sur un ton glacial.

Connor en perdit ses mots, confus. Miranda ne s'en étonna pas trop. Le carillonneur s'était ouvert pour essayer de trouver des points communs avec son histoire, mais il avait négligé le fait qu'il ne connaissait rien de la femme ou de ses possibles réactions.

Miranda fit un signe discret aux jumelles et à Frédéric de rester en arrière au cas où les choses tournaient mal. Blanche tira sa sœur derrière les buissons, en retrait.

— Si tu ne veux pas parler, c'est ton problème, grogna Miranda. On en a fini. Laisse-nous partir.

— Je vous tiens toujours en joue, je te conseille de ne pas faire de vagues, cow-girl.

— Ah ouais ? Tu as vu combien on est ? Tu crois que tu as tes chances si l'on décide tous de t'attaquer ?

L'inconnue lança un coup d'œil dédaigneux aux autres membres de son groupe hétéroclite. Bon... Elle devait reconnaître qu'il n'était pas forcément le plus impressionnant, entre les jumelles, dont une qui retenait ses larmes, Frédéric et sa main bandée ou Connor qui... Enfin, il ne ressemblait pas vraiment à Rick Grimes dans The Walking Dead, plutôt à un bureaucrate maigrichon en burn out qui n'avait pas dormi depuis deux mois. Niveau guilde de héros postapocalyptiques, on avait déjà vu mieux. L'importance restait d'y croire.

La femme ne répondit pas. Elle se contenta de relever son arme et de la braquer sur le visage de Miranda, l'air sévère. La jeune femme eut un léger mouvement de recul.

— Je ne pense pas qu'on ait besoin d'en arriver là, intervint Connor. Et si vous commenciez par nous donner votre nom ?

Elle hésita, ne quittant pas du regard Miranda.

— Lucrèce, se présenta-t-elle finalement.

— D'accord, c'est un bon point de départ. Moi, c'est Connor. Elle, c'est Miranda. Et voici Frédéric, Blanche et Rose. Nous ne voulons pas de problèmes. En fait, je pense même que vous pourriez nous aider.

— Connor... s'inquiéta Miranda. On ne sait pas qui c'est. C'est même pas sûr qu'elle soit vraiment allée dans l'espace !

Il leva une main pour la faire taire. La jeune femme sentit tous ses poils se hérisser de mécontentement. Comment osait-il ?

— Nous sommes en route vers un laboratoire pour essayer de trouver une solution et sauver une personne chère à mon amie. Et... peut-être arrêter cette fin du monde absurde au passage, si tout se passe comme prévu. Si vous avez vécu la même chose que moi, vous savez de quoi ils sont capables. Il y a de plus en plus de lumières dans le ciel. On n'aura peut-être pas la possibilité d'agir une autre fois s'ils nous envoient une deuxième monstruosité sur la tête.

— C'est bien, tu n'as pas le syndrome du héros, toi, se moqua la jeune femme. Qu'est-ce qui me dit que tu vas pas me traîner dans une embuscade ou me zigouiller à la première déconvenue ? Ta gonzesse, là, elle n'a pas l'air du genre commode. Je veux pouvoir dormir sur mes deux oreilles.

— Elle s'y habituera. Elle l'a fait avec moi, alors que ce n'était pas gagné à la base.

Miranda leva les yeux au ciel. Ce n'était toujours pas le cas, mais Connor n'avait pas forcément besoin de le savoir. Elle avait accepté d'enterrer la hache de guerre pour le moment. Elle ne l'acceptait pas, mais plutôt le tolérait dans son espace vital tant que leurs objectifs coïncidaient. Qui savait pour encore combien de temps. Dans des moments comme cela, elle mourrait d'envie de le planter là au milieu de nulle part et continuer la route seule.

— L'état de vos ressources ? Il est comment ? demanda Lucrèce.

— Pas tes affaires, répondit Miranda, l'imitant sans gêne. Suffisantes pour nous quatre. Toi, tu te débrouilles.

— J'ai quelques réserves, je peux partager, la contredit Connor. Si vous êtes prête à mettre en commun ce que vous avez.

Miranda tiqua, et fit les gros yeux à son compagnon qui l'ignora copieusement. Elle avait l'impression de voir se répéter le cirque de l'irruption de Connor dans sa vie bien organisée avec Louise. Tout lui échappait décidément ces derniers jours. Elle réprima sa frustration. De toute évidence, elle n'aurait pas le dernier mot, une nouvelle fois.

Lucrèce réfléchit quelques secondes, puis baissa son arc pour de bon. Miranda relâcha ses épaules, rassurée. C'était au moins ça de pris. Elle ne risquait pas d'attenter à leur vie dans l'immédiat.

— D'accord, je marche. Ça fait des semaines que je n'ai pas bougé. Sortir un peu de ce village miteux ne peut que me faire du bien.

— Merci, répondit Connor. Remettons-nous en marche, dans ce cas.

Lucrèce retira la capuche de son gilet, laissant une épaisse chevelure rousse lui tomber sur les épaules. La jeune femme réunit ses cheveux et les attacha en queue de cheval pour éviter qu'ils ne recouvrent son visage.

Quelqu'un n'avait pas eu la chance d'avoir Louise comme coiffeuse improvisée ces deux dernières années. Miranda espérait au moins qu'elle n'avait pas de poux. Ces saloperies s'introduisaient partout et s'en débarrasser était une plaie maintenant que tous les insecticides avaient disparu ou étaient devenus inefficaces naturellement. Il restait les bonnes vieilles recettes de grand-mère à base de plante, mais là également, les résultats peinaient à convaincre.

Miranda ravala sa rancœur. Connor avait au moins raison sur un point : elle pourrait s'avérer plus utile qu'elle si des extraterrestres venaient à se mettre sur leur chemin. Deux personnes avec de l'expérience ne pouvaient pas faire de mal. Elle l'espérait, en tout cas.

La jeune femme se détourna de la nouvelle venue et sortit la carte de son sac. Maintenant qu'ils n'étaient plus en danger de mort immédiat, ils pouvaient bien se poser quelques minutes pour décider de l'itinéraire à suivre. Comme Miranda s'en doutait, ils ne se trouvaient plus très loin de la ville, à seulement quelques heures de marche. Elle ramassa un peu de boue sur le sol pour effectuer un tracé grossier de la direction qu'ils devaient emprunter. Connor valida d'un signe de tête.

— Remettons-nous en route avant que le groupe d'hier nous retrouve dans ce cas, dit-elle froidement. D'ailleurs, d'où ils sortent ?

— Ils viennent d'un camp établi dans un village tout près. Ils sont une vingtaine, lui décrivit Lucrèce. Vous n'êtes pas les premiers à tomber dans une de leurs embuscades, c'est leur spécialité. Ils sont dangereux ensemble, mais seuls, ils ne font pas le poids. Pas de quoi s'en inquiéter plus que ça.

— Qu'est-ce qu'on fait s'ils nous attaquent encore ? demanda Frédéric, qui n'avait pas dit un mot depuis l'arrivée impromptue de Lucrèce.

— Ils n'attaqueront pas. Ils ont peur de ce que je pourrais leur faire, se moqua-t-elle.

Son petit rictus ne plut pas à Miranda. On ne craignait pas une survivante esseulée sans raison. Si elle avait réussi à les effrayer, elle devait être sacrément douée. Malheureusement, dans le monde dans lequel ils vivaient, cela pouvait être une bonne comme une très mauvaise chose. Ce n'était pas le fait qu'elle soit capable de violence qui l'inquiétait, ils l'étaient tous, mais davantage son imprévisibilité.

La main de Rose se glissa dans la sienne. Miranda baissa les yeux sur elle. La petite fille n'avait pas l'air rassurée.

— Tout va bien se passer, tenta-t-elle de l'apaiser. On sera bientôt arrivée à destination, d'accord ?

— D'accord. Je te fais confiance.

Son aveu la toucha plus qu'elle ne l'aurait cru.

Miranda chercha Blanche du regard. La jumelle observait les environs un peu plus loin, l'air indifférent face à tout ce qui venait de se produire. La jeune femme fit de son mieux pour ne pas frissonner devant ce manque de réaction. Quelque chose n'allait pas avec cette gamine. C'était une certitude à présent. Elle regrettait de toujours devoir remettre à plus tard la discussion qu'elles auraient dû avoir depuis longtemps.

Le groupe finit par se mettre en marche de façon désorganisée. Connor et Frédéric prirent la tête, suivi de Lucrèce. Miranda aurait préféré mettre les jumelles au milieu du groupe, mais elle ne faisait pas confiance à la nouvelle venue. Elle préféra les garder près d'elle à l'arrière, bien que le fait qu'elles se trouvent derrière la dérangeait. Si des assaillants visaient la queue du groupe, elles seraient en première ligne.

Ils longèrent la forêt sur deux bons kilomètres avant de décider de récupérer la route principale, sans signe d'une nouvelle attaque à venir. Les panneaux, plus visibles, les aidèrent à ne pas se perdre en chemin, d'autant plus que les noms de villes belges semblaient tous similaires à Miranda : imprononçables et inutilement compliqués. Elle se demandait bien comment on pouvait placer autant de « E » dans un mot et critiquer la langue française pour sa complexité dans le même temps. La Belgique était vraiment un autre monde*. Bon, d'accord, avec l'Alsace à égalité.

Au loin, les premiers signes de civilisations ne tardèrent pas à se faire sentir. De grands immeubles commencèrent à se détacher du paysage, ainsi que quelques commerces qui, comme les autres, avaient bien souffert de la Marée Rouge. Miranda n'osait pas imaginer les immondices qui pouvaient se cacher à chaque coin de rue. Elle distinguait déjà clairement des racines, enroulées le long des plus hauts bâtiments.

Il ne restait plus qu'à se faufiler, trouver le laboratoire... Et espérer que Connor réussisse à en tirer quelque chose, tant bien que mal. Même si l'avouer lui donnait envie de vomir, si leurs recherches menaient à des résultats, ils pourraient peut-être enfin reprendre un semblant de contrôle sur leur vie en transformant la menace des légumes en cauchemar du passé.

L'espoir était tout ce qu'il leur restait.

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* Chers lecteurs belges, ne venez pas me zigouiller, par pitié. De toute façon, c'est l'Apocalypsedonc si je veux vous raser de la carte, je peux le faire. Vous allez faire quoi ?

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