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Anya
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Chapitre 2: L’aube incertaine des Vacances

Le calendrier affiche enfin le début tant attendu des vacances d'été. Pour la majorité des élèves, cette transition sonne comme une libération joyeuse, une promesse de grasses matinées paresseuses, de rires partagés lors de sorties entre amis, une insouciance enfin retrouvée après la rigueur de l'année scolaire. Mais pour moi, Cléa, cette période, habituellement synonyme d'allégresse, s'enveloppe d'une atmosphère pesante, d'une tension sourde qui comprime ma poitrine. Le lundi matin qui pointe à l'horizon représente bien plus qu'un simple changement de routine : il incarne le jour fatidique du rendez-vous médical, une audience cruciale avec mon avenir. C'est le moment où je saurai, avec une clarté brutale ou un espoir fragile, si mes jambes pourront un jour me porter à nouveau, si le rêve de mes pieds effleurant le parquet d'une salle de danse est encore permis.

Cette unique pensée, tel un parasite insidieux, s'est nichée profondément en moi depuis les semaines suivant l'accident. Elle me pèse comme un fardeau invisible mais terriblement réel, une enclume émotionnelle qui écrase toute tentative de légèreté. La nuit écoulée a été un champ de bataille intérieur, une succession d'heures fragmentées où j'ai lutté sans relâche contre l'angoisse rampante, contre l'impérieuse envie de laisser couler les larmes longtemps retenues, contre les souvenirs intrusifs qui viennent frapper à la porte de ma conscience avec la brutalité de cambrioleurs sans scrupules. Pour moi, ce matin particulier, le début officiel des vacances ne signifie aucune échappatoire bienvenue, mais plutôt un vide angoissant, un précipice sombre au bord duquel je me sens dangereusement équilibrée, à deux doigts d'une chute vertigineuse.

PDV de Cléa

Un sursaut involontaire me secoue dans le silence ouaté de ma chambre. Mon cœur se met à tambouriner sauvagement contre mes côtes, et pendant quelques secondes interminables, je reste étendue, les muscles tendus, comme si mon corps tout entier refusait obstinément de répondre à l'appel du réveil. L'obscurité règne encore à l'extérieur, une nuit épaisse et paradoxalement rassurante, mais je sais pertinemment que la lumière crue du jour ne tardera pas à la déchirer, révélant l'imminence de cette journée redoutée. Machinalement, mon regard glisse vers le cadran lumineux de l'horloge posée sur ma table de chevet : 5h10. J'avais programmé mon réveil pour 5h30, dans une vaine tentative de grappiller quelques minutes de sommeil supplémentaires, mais mon esprit, lui, est déjà en ébullition, prisonnier des angoisses qui le harcèlent depuis des semaines. Encore une nuit écourtée, encore ce réveil prématuré qui me rappelle brutalement la réalité que je tente désespérément d'ignorer. Mon cerveau refuse obstinément de me laisser le moindre répit, tournant en boucle les scénarios les plus sombres.

Je prends une inspiration profonde, une tentative consciente de calmer le tumulte qui agite mes pensées comme une tempête sous mon crâne. J'étends la main et allume la lampe de chevet. La lumière chaude, d'abord perçue comme une agression contre mes yeux encore engourdis, devient rapidement un point d'ancrage, une réalité tangible à laquelle je peux me raccrocher. Avec une détermination apprise à la dure, je tends les bras, me positionne avec une précision douloureuse, puis effectue le transfert vers mon fauteuil roulant. C'est une chorégraphie silencieuse, une gymnastique nouvelle que mon corps a intégrée par la force des choses. Ce mouvement quotidien, autrefois impensable, est devenu une mécanique froide et répétitive, une routine nécessaire mais qui, parfois, réveille en moi une vive douleur, un coup de poignard lancinant dans mon orgueil blessé.

Dans un silence concentré, je rassemble mes vêtements pour la journée, les pliant avec une minutie presque militaire. J'essaie désespérément de donner un semblant d'ordre à mes gestes, d'imposer une structure rassurante à la panique sourde qui gronde en moi. Puis, dans le léger grincement des roues sur le parquet, je me dirige vers la cuisine, ce sanctuaire matinal où j'espère secrètement trouver un fragment de calme, une pause dans le tourbillon de mes appréhensions.

Mon père est déjà là, assis à la table, une tasse de café fumante entre les mains, tel un gardien silencieux veillant sur les premières heures du jour. Son visage, encore marqué par les vestiges du sommeil, irradie une tranquillité que je lui envie amèrement.

- Bonjour papa , murmuré-je doucement, ma voix à peine audible dans le silence de la pièce.

Il lève les yeux vers moi, une surprise peinte sur ses traits encore vaseux.

- Bonjour ma fille. Qu’est-ce que tu fais debout à cette heure ? Son ton est doux, empreint d'une inquiétude contenue.

Je hausse légèrement les épaules, incapable de formuler un mensonge crédible, mais tout aussi incapable d'énoncer la vérité crue et douloureuse qui me tenaille.

- J’arrivais pas à dormir. Les mots flottent dans l'air comme des aveux fragiles.

Il hoche lentement la tête, ses yeux sombres s'adoucissant d'une compréhension silencieuse.

- Stressée ? La question est posée avec une délicatesse infinie.

Je réponds par un léger hochement de tête, un mouvement à peine perceptible. Il n’a pas besoin d’en savoir davantage. Il perçoit l'orage qui gronde en moi, cette tempête intérieure que je m'efforce tant de dissimuler. Mon père fait partie de ces êtres rares qui savent quand les mots peinent à franchir la barrière de la gorge, quand le silence est plus éloquent que n'importe quelle explication.

- Je vais te préparer des crêpes. Avec du chocolat ? Il tente d'injecter une once de légèreté dans l'atmosphère pesante, et je lui en suis profondément reconnaissante pour cet effort discret.

- Oui, s’il te plaît. Avec beaucoup de chocolat. Un infime sourire étire mes lèvres, une tentative fragile de normalité.

Il se lève avec une lenteur tranquille et s'affaire autour du plan de travail. Le doux crépitement de la pâte versée dans la poêle chaude, l'arôme sucré qui commence à flotter dans l'air encore frais du matin… tout cela a quelque chose d'étrangement apaisant, une routine familière qui contraste violemment avec l'incertitude angoissante de cette journée qui s'annonce si lourde de conséquences.

Je l’observe en silence. Sa manière concentrée de retourner les crêpes avec une spatule, le léger sifflement qu'il émet machinalement. Mon cœur se serre d'une affection mêlée d'une tristesse profonde. J’aimerais pouvoir lui exprimer ma gratitude, pour tout ce qu'il fait, pour son soutien indéfectible. Mais les mots restent obstinément coincés quelque part dans ma poitrine, noyés dans la marée montante de mes peurs.

Il pose devant moi une assiette généreusement garnie de crêpes dorées, un verre de jus d’orange fraîchement pressé, un bol fumant de chocolat chaud. Je lui offre un sourire timide, un faible rayon de soleil perçant à travers les nuages de mon angoisse.

- Merci papa.

- Toujours à ton service, petite soldate. Sa réponse, douce et pleine d'affection, parvient brièvement à dissiper une partie de l'ombre qui m'enveloppe.

Je ris doucement à sa plaisanterie habituelle. Puis, je commence à manger, du bout des lèvres, chaque bouchée me semblant lourde et difficile à avaler. Mon estomac est noué par une tension palpable. Les souvenirs reviennent, insidieux et tenaces, s'immisçant dans le calme fragile de ce début de matinée.

Je revois en un éclair la surface luisante de la route détrempée par la pluie, la silhouette familière de la voiture familiale, les rires insouciants qui emplissaient l'habitacle quelques instants avant le drame. Je revois les visages amicaux de mon entraîneur et de sa femme, qui m'accompagnaient à cette compétition régionale, un événement qui aurait dû être une source de joie et de fierté. Puis, le souvenir brutal du choc, le bruit effroyable du métal tordu qui hurle contre le métal, les cris de panique, et finalement, l'engloutissement dans un néant noir et silencieux.

Je serre involontairement la fourchette entre mes doigts. Je m'efforce désespérément de chasser ces images obsédantes de mon esprit, de les repousser dans les recoins sombres de ma mémoire. Mais elles reviennent sans cesse, comme des vagues sombres s'échouant sur le rivage de ma conscience.

De la période confuse qui a suivi, je ne conserve que des bribes fragmentées. Le réveil dans une chambre d'hôpital impersonnelle, d'une blancheur clinique et froide. Des voix indistinctes flottant autour de moi, des murmures inquiets. La douleur lancinante qui irradiait de mes jambes. Et puis, cette phrase, prononcée avec une froideur chirurgicale, qui a tranché ma vie en deux :

- Vous ne remarcherez probablement jamais. Ces mots résonnent encore dans ma tête avec une force destructrice.

Ma mère entre dans la cuisine, les cheveux en bataille, son visage encore marqué par les stigmates d'un sommeil interrompu.

- Bonjour, ma petite danseuse. Son sourire est doux, mais je perçois l'ombre d'une profonde inquiétude dans ses yeux.

Je tente de lui rendre son sourire, mais il ne monte qu’à moitié, une grimace fragile et forcée.

- Coucou maman. Ma voix est faible, éraillée par l'angoisse qui continue de m'étreindre.

- Bien dormi ? Sa question est posée avec une douceur infinie, mais son regard insistant ne me quitte pas.

Je détourne les yeux, incapable de soutenir son regard scrutateur. Je n’ai pas la force de mentir ouvertement, mais la vérité est trop lourde à porter en ce début de journée.

- Plus ou moins…

Elle s’approche de moi, s’agenouille près de mon fauteuil, et prend doucement ma main dans les siennes. Ses doigts chauds et familiers m'apportent un réconfort éphémère. Elle sait. Elle aussi, je le sens, ne dort plus vraiment depuis l'accident. Nos nuits sont hantées par les mêmes spectres, par les mêmes peurs muettes.

- Je suis fière de toi , souffle-t-elle simplement, sa voix empreinte d'une émotion palpable.

Et moi, je me sens incapable de répondre. Les mots restent bloqués dans ma gorge, étouffés par un mélange de gratitude et de désespoir. Alors, je me contente de hocher la tête, les yeux brûlants. Je finis mes crêpes en silence, puis je fais rouler mon fauteuil jusqu’à ma chambre, cherchant refuge dans la solitude de mon espace personnel. Je m’habille lentement, avec des gestes précis qui me rassurent étrangement. Me préparer, accomplir ces tâches quotidiennes, me donne l'illusion fragile de reprendre un semblant de contrôle sur ma vie. Les automatismes sont devenus mes alliés, mes points d'ancrage dans cet océan d'incertitude.

Ma mère me rejoint pour m’aider à fermer ma valise. Elle attrape mes sandales sur l’étagère haute, un geste tendre et habituel. Nous discutons un peu, de choses et d'autres, des banalités du quotidien. Elle essaie, avec une patience infinie, de me distraire de l'échéance imminente. Puis, elle appelle mon père pour qu’il vienne chercher mes affaires.

- Estelle va bientôt arriver, annonce-t-elle, une pointe d'appréhension dans la voix.

Estelle. Ma tante. La grande sœur de ma mère. Celle qui m’a appris à rire quand j’étais petite, celle dont les bras m'ont souvent réconfortée. Je l’aime profondément, mais je redoute ce séjour loin de la sécurité de ma maison, loin de mes repères familiers, avec cette peur lancinante logée au creux de mon ventre, la peur de ce que le médecin va inévitablement annoncer.

- Et n’oublie pas mon sac à dos, papa , je lance, essayant d'alléger l'atmosphère d'une pointe d'humour.

- Reçu cinq sur cinq, madame ! répond-il en souriant, sa bonne humeur habituelle parvenant, malgré tout, à percer mon voile de tristesse.

Je lui souris à mon tour, un sourire sincère cette fois, une brève éclaircie dans le ciel orageux de mes émotions.

Mais au fond de moi, une question lancinante tambourine sans relâche, une interrogation existentielle qui hante mes nuits et mes jours : est-ce que ma vie pourra un jour redevenir la mienne ? Est-ce que je retrouverai la légèreté, la joie de vivre, la passion qui m'animait autrefois ? Est-ce que je pourrai recommencer à danser, à croire en l'avenir, à aimer sans cette ombre constante planant au-dessus de moi ?

PDV de Dimitri

Le réveil est une secousse brutale, un arrachement violent aux brumes indistinctes du sommeil. Mon cœur bat la chamade dans ma poitrine, un tambour sourd résonnant dans le silence de ma chambre. Une moiteur désagréable colle ma peau au drap, témoin silencieux du cauchemar qui vient de s'estomper, laissant derrière lui une vague persistante d'angoisse. Encore ce rêve. Cette intrusion nocturne, cette projection lancinante qui s'est immiscée dans mes nuits sans crier gare, et qui refuse obstinément de me laisser en paix. La même scène se rejoue inlassablement derrière mes paupières closes : une silhouette fragile, étendue et immobile sur un lit d'hôpital d'une blancheur clinique, presque irréelle. Une jeune fille. Ses traits restent obstinément flous, noyés dans une pénombre cotonneuse qui accentue le mystère de sa présence. Ses lèvres sont scellées par un silence oppressant, ses membres inertes sous la couverture immaculée. Et moi, spectateur impuissant de cette tragédie silencieuse, je reste figé, incapable d'intervenir, rongé par un sentiment d'urgence inexplicable.

Un grognement sourd s'échappe de ma gorge alors que je me redresse lentement, les muscles tendus et douloureux. Mon regard se porte machinalement vers le cadran lumineux de l'horloge digitale posée sur ma table de nuit : 6h37. Une heure barbare pour un jour de vacances. L'été est censé être synonyme de paresse matinale, de grasse matinée prolongée jusqu'à midi passé. Pourtant, depuis ces quelques semaines étranges, ce rêve tenace revient me tirer brutalement des bras de Morphée, m'arrachant à la douce torpeur du sommeil pour me confronter à une réalité matinale que je préférerais de loin ignorer.

Je me laisse retomber lourdement sur l'oreiller, le souffle court. J'essaie de démêler l'écheveau confus de mes pensées. Pourquoi elle ? Pourquoi cette image obsédante qui s'est nichée dans les recoins les plus sombres de mon esprit ? Je ne la connais pas. Du moins, ma conscience rationnelle affirme ne pas la connaître. Et pourtant, une étrange sensation de familiarité émane de cette silhouette fantomatique, une impression troublante d'une connexion invisible, comme si elle avait laissé une empreinte indélébile, une cicatrice invisible sur mon âme.

Avec une lenteur inhabituelle, je me lève et me dirige vers la salle de bain, traînant les pieds comme si une force invisible me retenait. L'eau froide sur mon visage ne parvient qu'à moitié à dissiper la brume persistante de mon sommeil agité. En descendant les escaliers, je m'attends au silence habituel de la maison à cette heure matinale. Mes parents sont généralement déjà partis pour leurs obligations professionnelles, laissant derrière eux un vide que j'ai appris à apprécier à ma manière. Mais en poussant la porte de la cuisine, je suis surpris de les découvrir assis à la table, en pleine conversation matinale. Ensemble. Une configuration si rare qu'elle en est presque déconcertante.

Ma mère, dont la carrière d'actrice autrefois florissante a été mise entre parenthèses pour soutenir la carrière exigeante et souvent itinérante de mon père, producteur de cinéma passionné, est là, échangeant des murmures avec lui autour d'une tasse de café fumant. Ce matin, ils incarnent une image inattendue de normalité familiale, un tableau paisible que je n'ai pas vu depuis longtemps.

- Bonjour, mon lapin, dit ma mère en me voyant apparaître sur le seuil de la porte, un sourire doux et un peu moqueur illuminant son visage.

- Maman, sérieusement… J’ai plus six ans », marmonné-je, une pointe d'agacement feinte dans la voix, mais sans réelle conviction. Cette familiarité enfantine, bien que parfois embarrassante, a quelque chose de réconfortant.

- Bonjour quand même, grogne mon père en retour, un sourire complice étirant ses lèvres. Il comprend, sans que j'aie besoin de m'expliquer, le léger malaise que provoque ce surnom en public.

- Salut. Je m’affale sur une chaise libre, encore engourdi par les vestiges tenaces de mon rêve étrange.

L'atmosphère chaleureuse de la cuisine, l'odeur familière du café, tout cela contraste violemment avec l'image froide et clinique qui hante encore mes pensées.

Quelques minutes plus tard, ma sœur aînée, Maria, fait son entrée dans la cuisine, son énergie habituelle venant briser la tranquillité matinale. Elle a emménagé ici récemment, cherchant refuge et réconfort au sein du cocon familial après la turbulence émotionnelle d'un divorce difficile. Malgré nos quelques années d'écart, nous avons toujours entretenu une relation privilégiée, faite de taquineries et de confidences.

- Salut, petit frère. Encore fait ton rêve ?

Son regard vif et interrogateur se pose directement sur moi, perçant instantanément mes tentatives maladroites de dissimulation. Elle a cette capacité troublante à lire en moi comme dans un livre ouvert.

Je sursaute légèrement, pris au dépourvu par sa perspicacité. Elle n’a pas besoin d’en dire davantage. Elle semble intuitivement connectée à ce trouble nocturne qui me perturbe tant, comme si une onde invisible reliait nos esprits pendant mes nuits agitées.

- Comment tu sais que c’était le même ?

Ma curiosité, mêlée d'une pointe d'irritation d'être ainsi déchiffré, prend le dessus sur ma surprise initiale.

- Tu te réveilles toujours à la même heure. Tu as le même visage absent, les mêmes cernes sombres qui soulignent ton regard perdu. Et puis, il y a ce silence renfermé qui t'enveloppe au petit déjeuner. C'est devenu une habitude, un rituel matinal que je ne peux plus ignorer.

Son observation, bien que précise et perspicace, me met mal à l'aise. L'idée que mes nuits tourmentées soient si lisibles sur mon visage me déplaît profondément.

Ma mère, dont l'attention a été captivée par notre échange sibyllin, fronce les sourcils, son intérêt piqué par le mystère de ce dialogue à demi-mots. «

- Quel rêve ? De quoi parlez-vous ? Son ton trahit une curiosité grandissante.

Je lance un regard suppliant à Maria, espérant qu'elle garderait pour elle ce secret que je m'efforce de contenir. Mais elle me sourit, un sourire presque malicieux, fière d’avoir soulevé un lièvre et de briser le silence inhabituel de ce matin.

« Il fait des rêves récurrents depuis des semaines », annonce-t-elle nonchalamment, comme si elle parlait de la météo.

- Avec une fille dans le coma. C’est bizarre, non ? Son ton léger contraste violemment avec le malaise croissant qui m'envahit.

Je sens mes joues chauffer sous le regard inquisiteur de mes parents. Je n’ai pas envie qu’ils sachent. C’était mon secret, mon fardeau silencieux, un refuge étrange et personnel dans lequel je me perds chaque nuit. L'idée de le partager, de l'exposer à leur jugement rationnel, me met mal à l'aise.

- Tu aurais pu nous en parler, Dimitri , dit mon père, son ton empreint d'une douce réprimande et d'une pointe d'inquiétude.

- Il n’y a rien à dire , rétorqué-je, ma voix teintée d'une irritation que je peine à masquer.

- C’est juste un rêve. Un fichu rêve qui revient, c’est tout. Et toi, Maria, tu avais promis de ne pas en parler. La trahison de ma sœur me pique plus que je ne veux l'admettre.

Je me lève brusquement de table, le bruit de ma chaise raclant le sol carrelé résonnant dans le silence soudain. J’ai l’impression que tout le monde regarde à l’intérieur de ma tête, scrutant mes pensées les plus intimes, et je déteste cette sensation d'être ainsi exposé.

- Ce n’est pas grave , tente ma mère, sa voix douce et conciliante essayant d'apaiser la tension palpable qui s'est installée dans la pièce.

Mais c’est trop tard. J’ai besoin de silence, de solitude, de me réfugier dans le sanctuaire de ma chambre pour échapper à ces regards curieux. Sans un mot de plus, je monte les escaliers quatre à quatre, refermant la porte de ma chambre derrière moi avec un claquement sec.

Je m’allonge sur mon lit, fixant le plafond d'un air absent. Je ferme les yeux, tentant de retrouver le calme. Et inévitablement, son visage réapparaît dans l'obscurité de mes paupières closes. Son visage flou, son silence oppressant. Cette étrange impression lancinante que je la connais, que quelque chose me pousse à la retrouver, même si la logique me dit le contraire.

Et si ce n’était pas qu’un rêve ? Cette pensée insidieuse, que j'ai tant de fois refoulée, revient me hanter avec une force nouvelle, semant une graine d'inquiétude profonde dans mon esprit.

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