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Anya
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Chapitre 3 : L'Écho Persistant

La voiture d’Estelle s’avance lentement dans le dédale tranquille des rues qui composent le cœur de la petite ville. C’est une arrivée sans précipitation, empreinte de cette familiarité joyeuse propre aux retrouvailles attendues. Derrière la vitre entrouverte d’une chambre à l’étage, une jeune fille l’observe avec une attention discrète, ses yeux accrochés aux reflets dansants que le soleil de fin d’après-midi fait naître sur la carrosserie bordeaux. Sous cette lumière estivale, la voiture semble vibrer d’une énergie toute particulière, annonciatrice de vie et de chaleur.

Le crissement des pneus sur les gravillons blancs du chemin d’entrée se mêle aux sons étirés de l’été naissant. C’est une musique simple, mais chargée de souvenirs, familière comme un refrain qu’on n’a jamais vraiment oublié. Ce bruit, à lui seul, évoque la promesse d’heures ralenties, de confidences sur la terrasse, de soirées longues comme des soupirs.

Le soleil dore les toits de pierre, glisse sur les murs chauds des maisons aux volets entrouverts, s’attarde sur le feuillage généreux du vieux pommier au centre du jardin. Chaque feuille, illuminée par cette lumière vibrante, semble trembler d’impatience. La brise, légère et encore tiède, emporte des senteurs de fleurs en pleine éclosion, de terre chauffée et d’herbe fraîchement coupée. La vieille balançoire, suspendue à la branche la plus robuste, se balance doucement, grinçant d’un son familier, presque complice.

Dans l’air flotte cette ambiance unique des débuts d’été : une légèreté diffuse, une attente sans nom, une parenthèse où tout semble possible. L’année scolaire s’est refermée comme une porte que l’on n’a pas pris le temps de verrouiller, et devant eux s’ouvre un espace flou, encore vierge. Quelque chose commence. On ne sait pas encore quoi. Mais le monde semble retenir son souffle, prêt à accueillir les éclats de rire, les imprévus et les promesses d’un été qui, déjà, s’écrit.

PDV de Cléa

Derrière moi, dans le reflet du miroir de ma coiffeuse, je perçois les mouvements précis de Maman. Ses doigts agiles naviguent avec une concentration appliquée dans l'enchevêtrement de mes cheveux, domptant une mèche rebelle avec un geste tendre et expert. L'odeur légère de la laque qu'elle utilise habituellement flotte dans l'air, un parfum familier qui accompagne souvent les occasions spéciales ou les visites importantes. Je sens sa présence chaleureuse juste derrière moi, son souffle léger caressant ma nuque.

- Tu vas voir, Estelle est de très bonne humeur aujourd’hui , murmure-t-elle d'une voix douce et pleine d'espoir

. Comme pour conjurer une ombre que je sens planer au-dessus de nous. Ses paroles sont teintées d'une optimisme que je peine parfois à partager, mais je sais qu'elles sont sincères, qu'elles viennent du plus profond de son cœur aimant.

J'acquiesce d'un léger mouvement de tête, un sourire contraint étirant mes lèvres. Mon cœur, lui, demeure étrangement lourd, comme lesté d'une anticipation indéfinissable, un pressentiment diffus qui trouble la surface de ma tranquillité apparente. L'arrivée d'Estelle est habituellement synonyme de joie, une parenthèse lumineuse dans le déroulement parfois monotone de mes journées. Mais cette fois, elle ravive en moi une tension sourde, une appréhension subtile qui se manifeste par une légère oppression au niveau de ma poitrine. Ce n'est en aucun cas un manque de joie à l'idée de la retrouver ; au contraire, son dynamisme est souvent un rayon de soleil dans mes moments les plus sombres. Mais elle incarne aussi, inévitablement, le seuil de ce passage vers une période plus incertaine, plus ardue : les vacances qui s'achèvent avec leur goût de liberté et d'insouciance, les rendez-vous médicaux qui vont reprendre leur litanie de questions et d'examens, le retour au lycée avec son cortège de regards interrogateurs et de murmures étouffés... la réalité, dans toute sa crudité, remonte à la surface et me serre la gorge d'une angoisse muette.

La sonnette de la maison retentit, un carillon bref qui fait bondir légèrement mon cœur déjà fébrile. Ce petit son innocent a le pouvoir de cristalliser toutes mes appréhensions, de les rendre soudainement tangibles. C'est comme si une cloche annonçait la fin d'une trêve, le retour à une routine plus contraignante.

- Va ouvrir, chéri ! lance Maman à Papa, sans interrompre la surveillance méticuleuse de la perfection de ma tresse.

Ses doigts continuent leur ballet délicat, s'assurant que chaque mèche est à sa place, comme si l'ordre de mes cheveux pouvait conjurer le désordre intérieur qui me submerge parfois. Je l'observe dans le miroir, son visage concentré, ses lèvres légèrement pincées par l'effort. Elle met tant de soin à cette coiffure, un geste simple mais qui témoigne de son amour et de son désir de me voir bien, même si je sais que mon apparence extérieure ne peut masquer complètement la fatigue qui se lit parfois dans mes yeux.

Quelques secondes s'étirent, chargées d'une attente palpable. Puis, j'entends les voix dans l'entrée, un brouhaha chaleureux et enjoué, ponctué d'éclats de rire familiers qui résonnent dans le silence de la maison. Des pas résonnent sur le parquet du couloir, se rapprochant inexorablement de ma porte, porteurs d'une présence que j'attends et que je redoute à la fois. Chaque pas semble amplifier le battement de mon cœur, une anticipation mêlée d'une légère appréhension.

La porte de ma chambre s'entrouvre sur un visage rayonnant, illuminé par un sourire sincère qui dissipe instantanément une partie de mes appréhensions. Les rayons du soleil couchant se reflètent dans ses yeux pétillants, lui donnant une aura presque magique.

- Coucou, ma nièce préférée !

Un sourire véritable illumine mon visage en réponse. La voix d'Estelle est toujours un baume apaisant, une mélodie familière qui a le don d'éloigner les ombres qui dansent parfois autour de moi. Elle entre dans la pièce, virevoltante dans une robe fluide aux motifs floraux chatoyants, les bras chargés d'un grand sac en papier à l'effigie de notre pâtisserie préférée, celle dont les effluves sucrées embaument toute la ville. Elle sent bon le sucre vanillé et l'air frais de la campagne environnante, un mélange réconfortant et profondément familier qui évoque des souvenirs heureux et insouciants, des après-midis passés à jouer dans le jardin et à déguster des gâteaux fraîchement sortis du four.

- Je suis ta seule nièce, tata ! lui répondis-je en riant, sentant le poids sur ma poitrine s'alléger imperceptiblement sous l'effet de sa présence lumineuse et de son humour taquin.

- Justement ! C'est ce qui fait tout ton charme , rétorque-t-elle avec un clin d’œil malicieux, une étincelle de complicité dans le regard. Elle pose délicatement le sac en papier sur ma table de chevet, son attention déjà tournée vers moi.

Elle s'approche de moi et dépose un baiser léger et affectueux sur ma joue. Une vague d'émotion, à la fois douce et poignante, me submerge soudainement. J'ai une envie irrépressible de pleurer, sans vraiment pouvoir identifier la source précise de cette émotion. Peut-être est-ce le soulagement de la retrouver, peut-être la tension accumulée qui se relâche enfin, peut-être simplement la conscience aiguë de son affection inconditionnelle, de ce lien invisible mais si puissant qui nous unit, malgré la distance et les épreuves.

Elle salue Maman avec une effusion chaleureuse, la prenant dans ses bras avec une étreinte forte et sincère, puis la taquinant sur une vieille histoire que toutes deux connaissent par cœur, une anecdote familiale qui revient régulièrement animer nos réunions. Elles se mettent à rire comme des adolescentes complices, leurs voix claires et joyeuses emplissant la pièce d'une vitalité communicative. Il y a entre elles une complicité douce et solide, un lien invisible mais palpable qui me réchauffe toujours le cœur et me rappelle que je ne suis pas seule dans cette épreuve, que j'ai une famille aimante qui m'entoure.

- Je t’ai apporté des chouquettes , me glisse Estelle à l'oreille en chuchotant, un sourire conspirateur illuminant son visage.

- Il paraît que tu en es friande. Son geste discret et sa petite attention me touchent profondément. Elle sait à quel point ces petites douceurs peuvent égayer ma journée.

Un petit rire sincère s'échappe de mes lèvres. Elle se souvient toujours de ces petites choses, de ces détails apparemment insignifiants qui pourtant comptent tant pour moi. Sa mémoire pour mes préférences est une preuve tangible de son attention et de son affection, un témoignage de la profondeur de notre relation.

Nous descendons tous ensemble dans la cuisine, le cœur vibrant de notre maison. Papa a déjà sorti des verres en cristal, disposé des briques de jus de fruits aux couleurs vives et une pile de tasses en porcelaine blanche sur la table en bois clair, prête à accueillir nos conversations animées. Le soleil filtre encore à travers la fenêtre ornée de rideaux à carreaux, projetant des ombres douces et dansantes sur le plan de travail. La pièce embaume un mélange réconfortant de confiture maison aux abricots, dont le parfum sucré flotte dans l'air, et de pain grillé, dont l'odeur chaude et familière évoque les petits déjeuners dominicaux en famille, ces moments de partage et de convivialité où nous nous retrouvons tous ensemble autour de la table.

Pendant qu’Estelle et Maman s'affairent joyeusement à préparer le repas, leurs gestes coordonnés témoignant d'une longue habitude de travailler ensemble, Papa reste à mes côtés. Il m'aide à me placer correctement à table, ajustant les coussins derrière mon dos avec une attention méticuleuse, s'assurant que je suis confortablement installée. Il vérifie également que les roues de mon fauteuil sont parfaitement orientées, me permettant d'avoir une vision claire de tout ce qui se passe autour de moi. Ses gestes sont toujours précis, sans fioritures inutiles, empreints d'une tendresse pudique qu'il exprime rarement par des mots. Mais dans ses yeux bleus clairs, je retrouve ce regard profond et enveloppant, un mélange d'inquiétude contenue et d'amour inconditionnel qui me porte et me garde, comme une ancre invisible qui me relie au monde. Ce regard en dit long sur ses sentiments, sur sa force tranquille et son soutien indéfectible.

- Tu as l'air fatiguée, ma puce , me dit-il d'une voix douce, caressant brièvement ma main de sa paume rugueuse, un contact simple mais tellement réconfortant. Sa préoccupation se lit dans les rides au coin de ses yeux, dans le léger froncement de ses sourcils.

- Un peu. Mauvaise nuit , murmurai-je en détournant légèrement le regard, incapable de soutenir son examen attentif.

Je ne veux pas l'inquiéter davantage, je sais qu'il porte déjà un lourd fardeau.

Je ne lui dis pas que je me suis réveillée en sursaut, le cœur battant la chamade, avec cette sensation lancinante de chute imminente qui me poursuit jusque dans mes rêves. Que j'ai encore revécu en fragments hachés ce jour fatidique qui a basculé ma vie. La route sinueuse sous le soleil d'été, le paysage qui défilait à toute vitesse, les rires insouciants qui emplissaient l'habitacle. Le bruit assourdissant de l'impact, une détonation qui résonne encore dans mes cauchemars, suivie d'un silence assourdissant. Et le vide sidéral qui avait suivi, engloutissant une partie de moi à jamais, me laissant avec un sentiment d'incomplétude permanent, une cicatrice invisible mais profonde. Ces cauchemars sont mes compagnons nocturnes silencieux, des rappels constants d'une réalité que je m'efforce tant bien que mal de contenir dans les marges de ma conscience, de ne pas laisser m'envahir complètement pendant mes heures d'éveil.

Le repas est servi, une symphonie de couleurs et de saveurs qui emplit la pièce d'une atmosphère chaleureuse et conviviale. Les voix s'entremêlent, les rires fusent, légers et contagieux, créant une bulle de bonheur éphémère. Estelle raconte une anecdote amusante sur une cliente excentrique de son salon de massage qui avait insisté pour un massage relaxant avec de la mayonnaise bio, provoquant un fou rire incontrôlable chez Papa qui s'étouffe presque avec son verre d'eau, les yeux brillants de larmes. Maman se moque gentiment de sa réaction excessive, un sourire malicieux illuminant son visage. Et moi, je fais de mon mieux pour donner l'illusion que tout va bien, que je suis pleinement présente dans cet instant de bonheur partagé. Je souris, je hoche la tête aux moments opportuns, je tente de participer aux conversations avec des remarques anodines, m'efforçant de masquer l'angoisse sourde qui me tenaille. Je fais semblant, derrière un masque de normalité fragile, conscient que mon silence prolongé pourrait éveiller leurs inquiétudes.

Mais au fond de moi, une angoisse sourde et tenace rôde, silencieuse et tapie dans l'ombre de mes pensées, attendant son heure. Car je sais que cette parenthèse enchantée a une fin inéluctable. Et que bientôt, il faudra y retourner. Dans le tourbillon froid et impersonnel des hôpitaux, avec leurs couloirs blancs et leurs odeurs désinfectantes, l'écho des pas pressés et les conversations feutrées. Affronter la lumière crue des salles d'examen, le regard clinique des médecins qui scrutent mon corps comme un objet d'étude. Tenter de retrouver une normalité devenue inaccessible, un mirage lointain qui s'éloigne à chaque pas, une chimère que je poursuis sans relâche.

Après le déjeuner, tandis que mes parents s'affairent à ranger la cuisine, leurs gestes méthodiques et coordonnés témoignant d'une routine bien établie, Estelle monte dans ma chambre. Elle s'installe confortablement sur le pouf moelleux placé face à mon lit, ses jambes fines repliées sous elle, ses yeux pétillants d'une douce inquiétude qui trahit sa sensibilité à mon état. Elle prend le temps de créer une atmosphère intime et détendue, consciente que j'ai besoin d'un espace sûr pour m'exprimer.

- Dis-moi tout, ma grande , commence-t-elle d'une voix douce et encourageante, son regard clair et direct ancré dans le mien, m'offrant un espace de confiance où je peux enfin laisser tomber mes défenses, sans craindre d'être jugée ou incomprise. «

- Comment tu te sens vraiment, au plus profond de toi ? Qu'est-ce qui te pèse le plus en ce moment ?

Je baisse les yeux, incapable de soutenir son regard pénétrant qui semble lire au-delà des apparences, qui perçoit les fissures invisibles sous la surface de mon sourire forcé. Mon attention se perd sur mes genoux recouverts d'un plaid en laine douce, la texture familière sous mes doigts devenant soudainement le point focal de mon univers, comme si en me concentrant sur cette sensation tactile, je pouvais échapper un instant à la complexité de mes émotions.

- J’ai peur, tata , murmurai-je finalement, la voix à peine audible, comme si les mots eux-mêmes étaient lourds à porter, chargés de toute l'angoisse qui m'étreint.

- Peur que rien ne redevienne jamais comme avant. Peur d’être toujours celle qu’on regarde avec pitié, celle dont on s'apitoie en silence, dont on murmure le nom avec une tristesse condescendante. Peur de ce que je ressens parfois, ces moments d'étrangeté où je ne me reconnais plus dans le miroir, où mon corps me semble étranger, une enveloppe qui ne correspond plus à l'image que j'avais de moi.

Elle se lève d'un bond et vient s'asseoir à mes côtés sur le bord du lit. Elle prend ma main dans les siennes, ses doigts chauds et réconfortants enserrant les miens avec une douceur infinie, transmettant une force tranquille et rassurante, un lien physique qui me rappelle que je ne suis pas seule dans cette lutte.

- Tu es toujours toi, Cléa , me dit-elle d'une voix calme et assurée, son regard clair et direct ancré dans le mien, dissipant un instant les ombres qui m'assaillent.

- Même avec la peur qui te tenaille, même avec la colère sourde qui gronde parfois en toi, cette révolte intérieure que je perçois dans tes silences et tes regards fuyants. Tu es juste en train d’apprendre une nouvelle façon de vivre, de te reconstruire pas à pas, de trouver un nouvel équilibre dans ce corps différent. Et je suis là, à chaque instant de ce chemin, pour te soutenir, pour être ton roc si tu en as besoin, pour t'aider à porter le poids de tes angoisses.

Je ferme les yeux, laissant ses paroles bienveillantes m'envelopper comme une couverture chaude et protectrice. Son odeur délicate de lavande, si familière et apaisante, me berce doucement, me ramenant à des moments de calme et de sérénité, à une époque où la vie était plus simple et moins douloureuse. Nous restons longtemps ainsi, en silence, nos mains jointes, nos présences mutuelles suffisantes pour combler le vide des mots, pour exprimer une compréhension profonde qui va au-delà des paroles. Juste présentes.

PDV de Dimitri

La lumière artificielle du réveil projette des chiffres rouges sur le mur de ma chambre. Je fixe le plafond, les bras croisés derrière la tête, les muscles tendus par la persistance de ce rêve étrange. Encore elle.

Je ne la connais pas. Je n'ai aucune idée de qui elle est, de ce qui lui est arrivé. Et pourtant, elle s'est immiscée dans le sanctuaire de mes nuits, hantant mes songes avec une régularité déconcertante. Chaque nuit, le même scénario se déroule avec une précision chirurgicale : ce lit d'hôpital impersonnel, cette silhouette fragile et immobile, les machines qui clignotent et bipent dans un silence oppressant.

Quand je me réveille, c'est toujours la même litanie : le souffle court, comme si j'avais couru un marathon dans mon sommeil, le front moite, perlé de sueur froide, et cette sensation lancinante que quelque chose d'essentiel manque à ma vie. C'est comme si un fil invisible me reliait à cette inconnue, un appel muet qui résonne au plus profond de mon être, une attente inexplicable qui teinte mes journées d'une étrange mélancolie.

J'avais commis l'erreur de parler de ces rêves à Maria, ma sœur aînée. Je pensais pouvoir partager ce trouble étrange qui m'habitait, trouver une oreille attentive et compréhensive. Mais elle avait balayé mes confidences d'un revers de la main, les réduisant à de simples divagations nocturnes, des chimères sans importance. Pire encore, elle s'était empressée de tout raconter à nos parents, transformant mon trouble en une source d'inquiétude familiale.

On frappe doucement à la porte, me tirant de mes sombres réflexions. Le bruit discret me rappelle que le monde extérieur continue de tourner, ignorant le tumulte intérieur qui me secoue.

- C'est qui ? grognai-je, la voix encore rauque et pâteuse, imprégnée des vestiges de mon sommeil agité.

- C'est Maman, mon ange. Je peux entrer ? répond une voix douce et inquiète derrière le bois de la porte. Je perçois l'hésitation dans sa voix, la prudence qu'elle emploie désormais en s'adressant à moi.

Je ferme les yeux, laissant échapper un long soupir de résignation. À quoi bon résister ? Ses tentatives de percer le mystère de mes nuits sont aussi régulières que mes rêves eux-mêmes.

- Oui, entre, murmurai-je finalement, résigné à cette inévitable conversation matinale.

Elle s'assoit silencieusement dans le fauteuil en osier près de la fenêtre, son regard doux et scrutateur posé sur moi. Elle attend patiemment, me laissant le temps de rassembler mes pensées éparses et de briser le silence pesant qui s'est installé dans la pièce. L'air est chargé d'une tension palpable, de questions non posées et d'inquiétudes tues.

- Tu veux m’en parler ? demande-t-elle finalement d'une voix posée, empreinte d'une tendresse infinie. Ses yeux clairs cherchent les miens, implorant une once de vérité, une explication à mon trouble.

Je ne réponds pas tout de suite, le regard perdu dans le motif floral fané du papier peint, comme si les réponses que je cherche se cachaient dans les arabesques délavées. Puis, je me redresse lentement, m'appuyant sur mes coudes, sentant le poids de la nuit passée peser sur mes épaules.

- C'était entre Maria et moi , dis-je d'un ton las, essayant de contenir une pointe d'irritation.

- J'étais pas prêt à ce que vous sachiez. Et maintenant, vous extrapolez, vous imaginez des choses qui n'existent pas.

Je sens la frustration monter en moi, le sentiment d'être incompris, d'avoir ma vie privée exposée sans mon consentement.

Elle hocha la tête lentement, ses yeux ne quittant pas les miens. Elle neBronzage pas, elle attend, me laissant l'espace nécessaire pour m'exprimer.

- On s’inquiète pour toi, tu sais , répond-t-elle doucement, sa voix empreinte d'une sincérité désarmante.

- Mais je t'écoute. Raconte-moi ce qui te tracasse vraiment.

Alors, je parle. Je décris le rêve récurrent, cette fille inconnue sur son lit d'hôpital, l'atmosphère étrange et oppressante qui s'en dégage, le silence lourd de non-dits. Je tente d'expliquer cette sensation tenace que ce n'est pas juste un fruit de mon imagination, une simple divagation de mon esprit pendant mon sommeil. Qu’il y a quelque chose de plus profond, de plus réel, tapi derrière ces images nocturnes, une connexion inexplicable que je ne parviens pas à rationaliser.

Elle m’écoute attentivement, sans m'interrompre une seule fois, son visage exprimant une profonde empathie. Ses sourcils se froncent légèrement par moments, signe de son inquiétude, mais elle reste silencieuse, me laissant dérouler le fil de mes étranges nuits. Puis, après un long silence pensif, elle dit d'une voix douce et hésitante :

- Tu devrais peut-être changer d'air, Dimitri. Aller passer quelques jours chez ta grand-mère. Prendre un peu de recul, te vider la tête loin de l'agitation de la ville.

L'idée me surprend. Instinctivement, je la rejette. Je n'ai jamais ressenti d'attirance particulière pour la tranquillité de la campagne, pour le rythme apparemment lent et monotone de la vie rurale. Mais l'insistance douce de ma mère, son regard inquiet et aimant, commence à faire son chemin dans mes défenses.

Et si elle avait raison ? Et si ce changement d'environnement était ce dont j'avais besoin pour chasser ces rêves obsédants ? Et si c'était là-bas, dans cette petite ville où je n’ai jamais mis les pieds, que résidait la clé de tout ça, la réponse à cette énigme nocturne qui trouble mes jours ? La question commence à germer dans mon esprit, une possibilité troublante mais potentiellement libératrice.

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