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Isabel_Poppy
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Chapitre 4 - Spirale

- Diane - 

Depuis qu'elle était rentrée à Los Angeles, Diane tournait en rond.
Elle avait évité jusque là d'entrer dans la seule pièce de son petit appartement, le seul endroit où elle devrait affronter ses décisions, quitte à dormir sur le canapé. À la place, elle avait rejoint les fêtes et l'insouciance de la résidence où elle vivait, majoritairement étudiante, s'oubliant dans un tourbillon d'alcool et de fumée. L'année universitaire venait de reprendre et les fêtes allaient bon train, tout comme les occasions de nier sa réalité.
Ses finances allaient mal, alors elle se concentrait sur son métier de graphiste indépendant, fournissant à ses clients plaquettes et logos. Des travaux nécessaires à remplir son frigo et payer son loyer, mais tuant sa créativité.
Diane fuyait et elle en avait parfaitement conscience. C'était pour cela qu'elle avait coupé toute forme de communication avec Rei, son agent, Charlotte et Daphne.
Et surtout Adam.
Son téléphone était éteint depuis trois semaines. Au pire, ses amies savaient où la trouver. À moins que Diane ait dépassé les bornes pour la dernière fois. Et dans ce cas-là, Diane serait à nouveau seule. 

Après tout, c'est toi qui l'a voulu. À force de tester...

La musique commerciale trop forte lui vrilla les tympans et Diane sortit de sa torpeur. Elle posa son regard sur son verre vide puis le releva sur des inconnus, visiblement dans le même état d'ébriété qu'elle, s'embrasser sur une chaise longue. Elle les envia. Elle aussi avait besoin de compagnie, de contact, de ressentir quelque chose.
Titubante, Diane s'approcha pour s'asseoir près du couple. 
— Hey pousse-toi ! Tu vois pas qu'on est occupés ! S'écria l'homme en se redressant.
Diane le dévisagea et plissa le nez. Finalement, celui-ci n'était disposé à lui faire passer un bon moment. Tant pis.
— J'ai l'impression que la demoiselle s'ennuyait, provoqua-t-elle.
L'homme vit rouge et se pencha vers Diane.
— Répète un peu ? grinça-t-il.
— Je dis que tu la galoches mais elle n'apprécie pas. Je me trompe ? demanda Diane en se tournant vers la jeune fille qui hocha de la tête pour approuver.
Elle était très belle. Ses yeux verts, ses cheveux blonds...
Non ! Interdit de penser à lui ! se rabroua-t-elle.
— Ah oui ? Et donc, tu veux prendre sa place pour me montrer ? s'enquit-il, plissant la bouche dans une moue qu'il se voulait sexy. 

Effet raté mon pote. Seul Mister Parfait peut faire ça. Et à cause de lui, plus personne ne me fait de l'effet. 

— Je peux faire mieux. Je vais lui faire une petite démo, déclara Diane avant de poser son verre et ses pieds et de se tourner vers l'inconnue dont le regard brillait d'excitation.
— Tu es d'accord, ma jolie ? s'enquit Diane avant de repousser une mèche blonde derrière son oreille. Bien, alors ferme les yeux.

La jeune femme obéit et Diane se pencha pour effleurer ses lèvres avec son souffle. Puis elle déposa un léger baiser au coin de sa bouche tout en glissant sa main sur sa nuque, griffant sa peau du bout de ses ongles. Diane la sentit frissonner et recula pour s'adresser à l'homme qui les dévisager.

— Séduire, ce n'est pas seulement de belles paroles. C'est s'impliquer dans chaque geste. Pour l'autre. Par pour soi.

Diane invita la blonde à venir sur ses genoux, inclina sa tête et plongea sur sa bouche. 
Cela faisait un moment qu'elle n'avait pas été avec une femme. Et pourtant cette fois-ci, elle ne ressentit rien. Son baiser fut automatique, mécanique. À aucun moment, son cœur battit plus vite ou ses doigts se faufilèrent pour une étreinte plus forte. Diane s'était faite prendre à son propre jeu. Elle avait réussit à tuer tout ce qui pouvait susciter en elle autre chose que des émotions toxiques.
Mission accomplie, bravo.
Diane repoussa avec douceur celle qui l'avait sorti des brumes alcoolisées. Ses yeux s'embuèrent en plongeant dans son regard. Elle aurait voulu que le vert de ses yeux appartiennent à quelqu'un d'autre. 

— Tu mérites quelqu'un qui ne voit que toi, ma jolie. Hélas, ce ne sera ni moi, ni lui.
Diane se leva avec difficulté pour tenter de rejoindre son appartement, de l'autre côté de la résidence quand l'inconnu lui barra le passage.
— Tu crois aller où comme ça ? Tu foires mon coup avec l'autre et tu te barres ? J'ai une trique d'enfer.
— Tu as une main, sers-toi en, maintenant dégage de mon chemin, déclara-t-elle avec véhémence.
— Sale gouine ! cracha-t-il.

L'insulte frappèrent brutalement sans sa poitrine, réveillant enfin quelque chose sous la couche épaisse d'indifférence. Une brûlure, vive et douloureuse, malgré le brouillard éthylique. C'était une autre voix, un autre temps mais toujours les mêmes mots, la même douleur. Son palpitant se mit à ruer, lui coupant le souffle un instant.
Enfin, voici une émotion. 
Diane reprit son chemin chaotique vers son appartement. L'air frais nocturne lui donna la nausée, et Diane frissonna malgré elle. Derrière elle, les rires et la musique étouffée accentuaient encore davantage son impression de solitude. Vulnérable et perturbée, les pensées se bousculaient dans sa tête. Pourquoi n'arrivait-elle pas à se sortir de cette spirale ? Elle n'arrivait plus reprendre sa vie. Celle où son art était sa seule normalité et constante. Celle avant Adam.
Même ça, tu arrives à le foirer.
Arrivée devant sa porte, Diane se figea. Daphne l'attendait, visiblement inquiète, son téléphone à la main. 

— Putain ça t'arrive de répondre ! s'écria son amie, d'habitude si calme.
— Daph, que..que fais-tu ici ? bafouilla Diane, confuse.
— Adam m'a appelé, il s'inquiétait pour toi...et visiblement, il avait raison ! Regarde-toi. Tu comptes continuer comme ça longtemps ?
— Adam ? répéta Diane, déboussolée. Comment ?
— Tu lui as laissé un message vocal il y a quelques minutes.
— Je ne l'ai pas contacté, insista Diane, la voix plus hésitante.
Daphne s'approcha pour d'elle pour prendre le téléphone que Diane avait glissé dans la poche arrière de son jean sans s'en apercevoir.
— Si, confirma son amie d'une voix adoucie. Tu n'en souviens pas, n'est-ce pas ?
Diane baissa la tête, submergée par une honte soudaine, prise en faute une nouvelle fois.
Je suis en train de devenir quelqu'un de toxique, pensa-t-elle, la culpabilité enserrant sa gorge.
Sans même s'en apercevoir, ses doigts cherchèrent automatiquement son paquet de cigarettes dans sa poche.
— Tu as du les oublier à l'intérieur, Diane, coupa Daphne en voyant son geste. Rentre, donne-moi tes clés et va prendre une douche, tu ressembles à un raton laveur. Je vais te faire du café, on doit parler.

*****

Diane obéit tel un robot. La modiste était ridiculement petite comparée à Diane mais en cet instant, c'était bien Daphne qui menait la danse.
Sous la douche, elle tenta de s'éclaircir les idées mais les quantités d'alcool et d'herbes fumées eurent raison de ses tentatives de se souvenir du message qu'elle avait envoyé à Adam.
Pauvre petite chose pathétique.
Simplement vêtue d'un tee shirt qui couvrait à peine ses jambes, Diane attrapa la tasse de café que Daphne lui tendit avant de s'installer près de la fenêtre ouverte et d'allumer une cigarette. 

— J'avais oublié à quel point les nuits étaient chaudes à Los Angeles, même en septembre, déclara Diane en scrutant le ciel.
Il n'y avait pas d'étoile en vue pour s'évader d'ici à cause de la pollution lumineuse de la mégapole.
Daphne, à distance des volutes de fumée, croisa les bras en fronçant les sourcils.
— Tu as raison. C'est le moment de parler de la météo. Tu sais où les nuits sont plus fraîches ? À San Francisco. Là où tu avais une vie et un avenir.
Diane tourna la tête pour cracher la fumée dehors.
— Belle entrée en matière. Que veux-tu, Little*, je suis imbattable pour les dramas, ironisa-t-elle en prenant une autre gorgée de café.

Daphne ne répondit pas à la provocation malgré ce surnom qu'elle détestait.
Pardon ma Daph, je deviens méchante avec toi. Je suis bonne à jeter.

— Diane, tu réalises ce que tu fais ? Tu te détruis et tu entraînes Adam avec toi. Il a beau faire semblant, il est dévasté, lui aussi.
— Je n'ai jamais voulu lui faire de mal, murmura Diane d'une voix étranglée.
— Mais c'est exactement ce que tu fais. À toi, à lui, à nous tous. Fuir ne règle pas tes problèmes, chérie. Ça les amplifie. Tu ne m'as dit ce qu'il s'est passé pendant l'anniversaire de Charlie...
— Rien ! éclata Diane.
Daphne sursauta et Diane s'en voulut immédiatement.
— Pardon. Je ne voulais pas te crier dessus. C'est que... il a voulu quelque chose de plus sérieux et officiel. Et moi... je ne suis pas faite pour ça. 

Daphne la scruta en silence puis se dirigea vers la table pour prendre le téléphone de Diane qu'elle lui tendit pour qu'elle le déverrouille. Après quelques manipulations, une voix enregistrée retentit. Il fallut un instant à Diane pour comprendre qu'il s'agissait de sa propre voix, rocailleuse, colérique et imprégnée de spiritueux. 

"Mister Parfait. J'ai repris le contrôle de ma vie. Et depuis, tout fout le camp. J'ai perdu mon art, la seule chose qui me faisait tenir. Ma seule soupape à tout ce bordel que j'ai dans ma tête. Ma seule possibilité de faire sortir le laid que j'ai en moi. Tu me l'as pris. Rends-moi mon inspiration !"

Un second message enchaîna dans lequel Diane sanglotait. 

"Pardon Adam. Je ne voulais pas te crier dessus. Je ne veux pas lui ressembler. Je suis perdue. Tu as pris une trop grande place dans ma vie. Je n'arrive plus à penser sans toi à mes côtés. Je ne veux pas dépendre de toi..."

Diane sentit ses joues s'enflammer, prise au piège par sa propre voix. Elle ne reconnaissait pas cette personne désespérée, cette femme perdue qui criait à l'aide. Était-ce réellement ce qu'elle était devenue ? Une boule douloureuse remonta lentement dans sa gorge, accentuant le poids étouffant de sa honte.
Diane lança un regard affolé à Daphne, la sobriété revenue. 

— Je ne peux pas avoir dit ça... souffla-t-elle, honteuse.
— Et pourtant si, confirma Daphne avec douceur. Tu l'as dit, et ça signifie peut-être qu'il est temps d'arrêter de fuir ce que tu ressens vraiment. C'est vrai que tu n'as pas peint depuis que tu es revenue ?
Diane confirma d'un mouvement de tête en désignant la porte close. Sa chambre transformée en atelier dont elle n'avait pas franchit la porte depuis son arrivée. Elle préférait encore dormir sur le sofa trop petit pour sa taille.
Daphne posa la téléphone et vint enlacer Diane. Attendrie, Diane déposa un baiser sur le sommet de son crâne.
— Tu es la voix de la raison. Je ne te mérite pas.
Daphne doucha son élan de tendresse en posant la question interdite :
— Tu ne veux pas ressembler à qui ? Laisse tomber, reprit Daphne en la sentant se raidir. Tu m'en parleras quand tu seras prête. Je vais préparer le canapé. Tu as besoin de dormir. Et va te brosser les dents, l'haleine de fumeur, très peu pour moi.

*****

Le lendemain, Diane se réveilla difficilement, le crâne broyé par des martèlements.
Bien fait pour toi. L'alcool ne résout rien, tu devrais le savoir depuis le temps.
Les souvenirs de la nuit passée finit de lui rendre toute sa lucidité. Une fois la honte passée, une profonde colère monta en elle. Colère d'avoir abandonné Adam, colère d'avoir laissé tomber ses amies, colère de s'être sabotée. Encore une fois.
Elle s'extirpa du sofa et grimaça en sentant des raideurs dans son dos.
Tu es ridicule. Va dormir dans ton lit.
Sur la table traînait un mot que Daphne avait du écrire avant de partir. 

"Prends le temps qu'il te faut. Nous serons toujours là pour toi. D."

Sous les encouragements silencieux de Daphne, Diane ralluma son téléphone pour répondre aux messages importants: Rei, Charlotte, Daphne. Mais le plus important restait Adam. Avec hésitation, elle rédigea un simple SMS :"Je suis désolée. Je n'ai jamais voulu te faire de mal." Elle fixa l'écran, le pouce suspendu au-dessus de la touche « envoyer ». Son cœur battit douloureusement. Enfin, prenant une profonde inspiration, elle appuya sur le bouton, libérant enfin une petite partie de ce poids immense qui lui pesait sur le cœur.

* The Littles est le nom original de l'animé "les Minipouss", qui met en scène une famille de créatures miniatures à l'apparence mi-humaines, mi-souris, les Minipouss, vivant dans les cloisons des maisons des humains. 

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