| PDV d'Izuku
J’ouvris les yeux, confrontant enfin la lumière que le Soleil projetait au travers de la baie vitrée. J’aurais dû penser à fermer les rideaux de la chambre avant d’aller me coucher. Elle m’avait réveillé en tapant sur mes paupières fermées depuis un moment déjà, mais je n’avais pas trouvé le courage de me lever pour le faire. Mon corps était trop lourd pour ça. À chaque fois que l’on venait en France, le premier jour était toujours le plus épuisant, entre les longs trajets et le décalage horaire. En plus, je n’avais pas réussi à beaucoup dormir dans l’avion, contrairement à Todoroki.
Je tournai ma tête toujours posée sur l’oreiller vers lui. Il dormait encore, emmitouflé dans sa housse Sailor Moon, à l’autre bout de la chambre. C’était fou cette facilité qu’il avait à s’assoupir même dans des endroits qui ne lui étaient pas familiers. Je l’avais un peu observé dans l’avion et dans la voiture de papi. Todoroki était d’une beauté à couper le souffle, ça, tout le monde dans la classe était d’accord pour le dire, mais pourquoi l’était-il même quand il dormait ?
Je me rendis compte qu’un sourire avait pris place sur mes lèvres. Qu’est-ce qui me prenait ? Si au réveil il me trouvait en train de sourire comme ça en le regardant, il me prendrait pour un psychopathe, et je n’oserais plus croiser son regard du séjour !
Je me redressai dans mon lit, m'exposant davantage à cette lumière aussi brûlante qu’aveuglante. J'espérais qu’elle ne l’avait pas dérangé dans son sommeil, lui. Mais comme son lit était contre le mur opposé à celui de la baie vitrée, ça devait aller. Je passai une main dans mes cheveux que, bizarrement, je ne sentais pas tomber devant mon visage. J’en étais sûr… C'était à nouveau la pagaille. Un énorme nœud, en forme de crête à priori, avait avalé la quasi-totalité de mes cheveux.
— Midoriya… s’éleva à mes côtés une voix à peine réveillée.
J’abandonnai ma tentative de démêlage pour porter mon attention sur son propriétaire :
— Todoroki-kun ! Bien dormi ?
— Oui. Et toi ?
— Tant mieux ! Moi aussi. Je crois même qu’on a un peu trop bien dormi, le Soleil est déjà haut dans le ciel…
Todoroki attrapa son portable sur sa table de nuit.
— Il est presque midi, m’indiqua-t-il.
— Oh. Alors ça va, on a encore l'après-midi pour faire ce que j’ai prévu.
— Parce que tu as déjà prévu quelque chose ?
— Oui, j'ai fait une petite liste avant de partir. Mais s’il y a des choses qui ne te tentent pas, on peut les oublier, bien sûr.
Quelque chose dans son hochement de tête me dit que cette précision avait son importance.
Cette semaine en France, elle n’était pas que pour moi. J’avais envie de lui faire passer un bon séjour à lui aussi, j’étais prêt à faire ce qu'il fallait pour. C’était déjà si gentil de sa part de m’avoir accompagné, et si inespéré, je n’allais pas le lui faire regretter…
— Tu as une drôle de coiffure.
Le voilà qui me reluquait, les sourcils froncés.
— C’est… le signe que la nuit a été bonne, ok ? justifiai-je. Chaque fois que je dors trop, mes cheveux ressemblent à ça.
— Si j’ai droit à ça tous les matins, le réveil aussi va être bon.
— Quoi ?
Il… est en train de faire de l’humour, là ?
J’en avais déjà eu un aperçu à l’hôpital de Hossu, après l’arrestation de Stain, avec sa malédiction de « briseur de main » – à moins que ce n’ait pas été une blague ? –, mais je n’aurais pas imaginé qu’il puisse être un brin moqueur aussi. Je le dévisageai avec des yeux ronds comme des soucoupes et une bouche bée. Sur la sienne s’incrusta un petit sourire qui se voulait sournois, mais les siens étaient si rares qu’il me parût plus mignon qu'autre chose. Cette pensée ne m’aida pas tellement à recouvrer mes esprits.
— Mais, tu, euh, je… balbutiai-je. On… on devrait s’habiller. Papi va sûrement bientôt venir nous chercher pour déjeuner.
Son expression monotone réenfilée, il acquiesça, nous nous exécutâmes en nous tournant le dos, et rejoignîmes mon grand-père avant qu’il n’ait le temps de nous appeler. À ce premier repas que l’on partagea tous les trois, Todoroki fit la connaissance du couteau et de la fourchette, qu’il essaya d’apprivoiser, sans grand succès. Il peina tellement à couper sa saucisse de Morteau qu’il se résolut à la croquer telle quelle. Enfin, en six jours, il aurait tout le temps d’apprendre ! Non ?
— Qu’est-ce que tu avais en tête pour cet après-midi, du coup ? s’enquit-il au moment où nous retournions dans la chambre.
— Je me suis dit que, pour commencer, ça pourrait être bien de te faire visiter les alentours, expliquai-je. Et pour ça, rien de mieux que le sentier pieds nus qui grimpe la montagne !
— Pieds nus ?
— Oui, il a été conçu pour être parcouru pieds nus. C’est une expérience un peu étrange, mais vraiment amusante ! Ça te dit ? Tu veux essayer ?
— Mmh… pourquoi pas. Mais un peu plus tard, qu’on ait le temps de digérer.
— Entendu !
Arrivés dans la chambre, nous terminâmes de déballer et ranger les affaires dont nous n’avions pas eu le courage de nous occuper hier. Todoroki me tendit un livre, le premier tome du manga qu’il m’avait présenté dans l’avion, en m’indiquant que s’il me plaisait et que je voulais lire la suite, je pourrais la trouver dans le deuxième tiroir de sa table de nuit.
Ainsi, une séance de lecture suivit la fin du rangement, Todoroki saisissant le septième tome, moi le premier. Je lui fis quelques retours au fil des chapitres, des retours qu’il considéra et auxquels il répondit avec un vif intérêt – peut-être même de la passion ? – qui, sur son visage d’ordinaire si atone, était vraiment beau à voir.
C’est quand l’après-midi fut bien entamé que nous décidâmes de nous rendre au sentier.
— C’est là ! annoncai-je lorsqu’on se retrouva devant l’entrée, définie par une arche de pierre gravée de quelques mots et par le début d’un tapis de galets.
— Qu’est-ce qu’il y a d’écrit ? demanda-t-il.
— Je sais pas, je parle pas français.
— Ah.
Je ris. Il s’attendait peut-être à ce que, comme je venais ici tous les étés, je connaisse un peu la langue française. Mais non, même après quinze ans, tout ce que je savais dire était “Bonjour”, “Au revoir” et “Merci”.
— Papi dit que c’est une langue compliquée, repris-je. Même lui a encore du mal avec alors qu’il vit ici depuis plus de vingt ans.
— Il est donc originaire du Japon, comme nous… comprit-il. Ça explique pourquoi il parle très bien japonais et n’a pas d’accent.
— Voilà ! Il parle très bien anglais aussi. C’est principalement avec cette langue qu’il communique avec les gens d’ici.
— Ça doit être quelque chose de savoir parler trois langues différentes.
— Oui, des fois je me demande comment il arrive à jongler avec…
— Et se souvenir aussi bien du japonais alors qu’il ne le parle qu’une fois par an…
— Ce doit être un prodige, je vois pas d'autre explication ! décrétai-je en rigolant, pendant que nous retirions nos chaussures et nos chaussettes et les déposions près d’un arbre. Prêt ?
— Prêt.
En faisant nos premiers pas sur le sentier, nous fîmes aussi nos premiers pas dans la forêt qui l’hébergeait. Les galets, lisses et durs, cessèrent de nous masser les pieds pour que, quelques mètres plus loin, un nouveau revêtement du sol s’offre à nous : des charbons de bois froids. Ça se présentait comme une pataugeoire, avec quatre bâtons de bois ronds pour encadrer la zone au sein de laquelle ils étaient entassés. Pendant notre traversée, je jetai un œil à Todoroki pour voir ce qu’il pensait de ce sol rugueux. Un léger froncement de sourcils ; c’est tout ce que j’obtins comme réaction de sa part.
Après quelques minutes de marche, nous rencontrâmes un ruisseau que je connaissais bien, jalonné de pierres plus ou moins grosses, plus ou moins capables d’accueillir la forme et le poids de nos pieds… Mais, surtout, de pierres qui aimaient nous jouer des tours. Je nous mis au défi, comme à chaque fois que je venais ici avec ma mère, de le traverser sans poser un pied dans l’eau, autrement il faudrait le reprendre depuis le début. Il nous fallut le faire plusieurs fois pour y parvenir, plus pour Todoroki que pour moi cependant, car la petitesse et l’instabilité des pierres eurent souvent raison de lui.
Au bout du ruisseau nous attendait un mur composé de gros rochers, que l’on escalada l’un après l’autre. À nouveau, mon ami mit un peu plus de temps que moi, peinant à poser ses pieds aux bons endroits et agitant régulièrement ses mains autour de son visage pour chasser ce qui devait être des petites bêtes.
— Tu n’as pas l’habitude de te promener en nature, Todoroki-kun ? l’interrogeai-je lorsqu’il eût terminé sa grimpade.
— Pas vraiment, non, avoua-t-il. Je dirais même que je n’ai pas l’habitude de la nature tout court.
— Ah bon ?
— Je n’ai jamais trop eu l’occasion de sortir. Mon vieux ne voulait surtout pas qu’il m’arrive quelque chose, donc il me gardait enfermé dans notre maison presque tout le temps.
À sa réponse, un pincement me prit au cœur. Todoroki ne semblait vraiment pas avoir eu une enfance facile…
— Comment est-ce que tu t’occupais, alors ? le questionnai-je.
— Je passais le plus clair de mon temps à lire et à dessiner. Parfois, je retapais ma chambre, aussi, pour qu’elle ait l’air d’un environnement nouveau quand la sensation d’être en prison revenait. Je repeignais les murs, je déplaçais les meubles, je ponçais un peu plus le parquet.
— Je vois… C'était un peu ta manière à toi de voyager… Par contre, je savais pas que tu dessinais !
— Je dessine depuis que je sais à quoi sert un crayon, je crois.
— Depuis si longtemps ? C’est trop bien ! Je… j’aimerais beaucoup voir ce que tu fais. Tu accepterais de me monter quelques-uns de tes dessins ?
— Mmh, ça peut se faire. J’ai emmené ma pochette avec moi. Donc dans les prochains jours, si tu veux.
— Ooh, super !
L’enthousiasme fila dans mon corps à l’idée de pouvoir en apprendre plus sur lui. Qu’il accepte de me partager des choses qu’il aurait très bien pu garder pour lui, ça me touchait, et surtout, ça me rendait heureux.
— Et… et toi ? poursuivit Todoroki. Qu’est-ce que tu faisais quand… tu étais petit ? Des balades comme ça ?
Qu’il s’intéresse à moi aussi.
— Eum… Quand on allait chez mon grand-père, oui, le reste du temps, pas trop. On a toujours vécu en ville, donc… je passais plutôt mes journées à regarder des vidéos sur les super-héros – surtout All Might – et à observer ceux en action depuis la fenêtre de ma chambre avec mes jumelles, pour ensuite remplir mes carnets d'observations.
— Tout pour préparer ta future carrière de héros, hein ? remarqua-t-il. Cette détermination… tu l’as toujours eue, finalement.
Il doit faire allusion au championnat sportif…
— Ça t’étonne ? fis-je, un sourire timide aux lèvres.
— Pas le moins du monde.
Après avoir piétiné plusieurs centaines de mètres de terre sèche et de mousse, nous vîmes arriver…
— Oh non, pas déjà…
…la pataugeoire de pommes de pin.
— Qu'est ce que c’est ? demanda Todoroki, s’approchant jusqu'à me dépasser pour mieux voir. Oulah.
Je me souvenais très bien des sensations que marcher dessus procurait. Je pris une grande inspiration.
— Bon, quand faut y aller, faut y aller !
Nous débutâmes notre traversée.
— C’est piquant, observa-t-il, les sourcils plus froncés que tout à l’heure. J’aime pas.
— C’est pas le passage le plus long du sentier heureusem…
J’interrompis ma phrase en le sentant tituber à mes côtés et se rattraper de justesse à mon bras. Il s’excusa immédiatement, et lâcha :
— C’est qu’elles roulent en plus ces saloperies.
J’éclatai de rire.
Leur craquèlement me donnait l’impression de leur faire mal. J’aurais peut-être eu pitié d’elles si elles ne s’enfonçaient pas autant dans la plante de nos pieds. Certaines étaient déjà écrasées, sûrement par ceux qui étaient passés dessus avant nous cette année – les éléments du sentier étaient renouvelés tous les ans au début de l’été. J’essayai de marcher le plus possible sur celles-ci, et invitai Todoroki, qui se bagarrait avec les autres, à faire de même.
Passé les pommes de pins, nos pieds maltraités retrouvèrent le sol originel de la forêt, pour une bonne dizaine de minutes au moins. Cette bonne dizaine de minutes, nous la passâmes à discuter, faisant plus ample connaissance.
J’avais craint que Todoroki ne parle pas beaucoup pendant le séjour, pourtant, depuis qu’on s’était rejoints à l’aéroport, c’est tout l’inverse qui se produisait. Il me parlait de lui, de ses opinions, de ses loisirs, de son enfance, s’intéressait aux miens. Les discussions venaient et allaient d’elles même, en bien plus grand nombre qu’espéré, et je les trouvais vraiment agréables.
En à peine deux jours, j’avais le sentiment de m’être plus rapproché de lui qu’en plusieurs mois de cours à Yuei. Peut-être que nous avions juste eu besoin de nous retrouver que tous les deux pour sympathiser réellement ?
Nous dûmes ensuite marcher sur un tapis de sable, le sable clair et fin qu’on trouvait sur les plages, un peu plus humide cependant à cause de la végétation environnante. Ça ne l'empêchait jamais de paraître merveilleux sous nos pieds après l’agressivité des pommes de pin. Puis, il y eut le retour de la terre vêtue de mousse et de l’herbe fraîche.
La prochaine étape, celle-là, je ne l’avais pas oubliée. Je ne pouvais pas. Qu'en penserait Todoroki ? Avant que je ne puisse imaginer toutes les réactions qu’il était susceptible d’avoir, elle arriva.
Arrêté à côté de moi, mon ami fixa le nouveau sol de deux yeux tout juste plissés, l’air de se poser tout un tas de questions.
— Tu y vas en premier, cette fois ? proposai-je, le faisant relever la tête vers moi.
— Si tu veux.
Todoroki plongea alors un pied, puis deux, dans le bassin de boue.
— Alors… c’est comment ? lui demandai-je, incapable de trouver une réponse sur son visage.
— C’est… pas si désagréable, jugea-t-il.
Je le rejoignis. Comme lui, je ne bougeai pas tout de suite, prenant le temps de redécouvrir cette drôle de sensation.
— J’ai toujours trouvé la boue surprenante, dis-je. C’est l’un des passages qu’on redoute le plus, alors qu'en fait, c’est l’un des plus doux.
La boue engloutissait une bonne partie de nos jambes, jusqu’aux genoux pour Todoroki, jusqu'au début des cuisses pour moi. Quoique, plutôt la moitié. Ou… peut-être même mes cuisses entières…
— C’est vrai. C’est rafraîchissant aussi, là est l’avantage, renchérit-il, avant de baisser les yeux sur le bassin. Euh, on est en train de s’enfoncer ou je me fais des idées ?
— Je crois que tu as raison…
Il les releva vers moi.
— Ce sont pas des sables mouvants quand même ? s’alarma-t-il.
— Non, non ! C’est de la boue… dont on ne connait pas la profondeur.
J’aurais dû me limiter à la première partie de ma phrase... L’alerte transparut encore plus dans ses yeux hétérochromes.
— Ne t’inquiète pas, tentai-je de le rassurer, on l’a traversée des tonnes de fois avec ma mère et il n’y a jamais eu de problème.
— Midoriya, je crois que je sens des vers de terre me chatouiller les pieds.
— Aaah ! Sortons vite !
Je lui empoignai le bras et l’amenai à franchir le bassin avec moi. Ralentissant nos mouvements en son sein, la boue nous força à lever haut nos jambes, giclant sur nous au passage.
Vivement la cascade !
— Ça va ? l’interrogeai-je, craignant un moment que cette mésaventure lui ait coupé toute envie de continuer.
— Ouais, répondit-il plutôt, et le petit souffle caractéristique d’un rire retenu s’échappa de ses lèvres.
Je souris, tout de suite rassuré. Ce serait un bon souvenir pour nous deux alors.
Les pieds boueux, nous dûmes par la suite sillonner un long tronc d’arbre couché dans un virage. Après quoi, une vingtaine de pas, et le sol que j'attendais le plus se révéla enfin sur notre chemin.
— C’est le dernier passage aménagé du sentier, l’informai-je. Des copeaux de bois !
Après moi, il posa les pieds dessus. Je prettai particulièrement attention à sa réaction, cessant toute avancée. Ses yeux s’ouvrirent un peu plus, et il cilla plusieurs fois, comme pour réaliser ce qu’il sentait.
— C’est doux, finit-il par lâcher. Vraiment doux.
Mes lèvres s’étirèrent en un nouveau sourire. J’étais sûr qu’ils lui plairaient aussi !
— C’est le réconfort après l’effort, fis-je.
— Le meilleur pour la fin, renchérit-il.
— Exactement ! C’est même celui qu’on préfère avec ma mère.
— Ça doit être le préféré de beaucoup de monde, non ?
— Je sais pas… Y a des gens qui aiment bien marcher sur des choses insolites.
— Comme… Kaminari ?
— Haha ! Sûrement !
Quelques pas après la fin des copeaux de bois suffirent à ce que je perçoive le bruit de l’eau qui coule. Enfin !
— C’est… commença mon ami, qui devait l’entendre aussi.
— Une petite cascade, terminai-je pour lui, juste avant qu’on puisse distinguer, derrière les arbres, un petit nombre de filets d’eau s’échappant d’un fin espace entre deux rochers hauts comme un toit.
J’ôtai mon t-shirt et me ruai en dessous d’eux, l’eau fraîche rencontrant alors mes cheveux, mon visage, ma poitrine, ainsi que mes derniers vêtements. Todoroki m’y rejoignit instantanément, et je m’écartai pour lui y donner un accès, ne gardant exposé à l’eau que le haut de mon corps.
Tout en savourant ces jets qui, parce que nous étions tachés de boue et que la chaleur générée par nos efforts avait pris le dessus sur la fraîcheur de la forêt, me faisaient un bien fou, je posai les yeux sur mon ami debout en face de moi. Il semblait lui aussi les apprécier, les mèches de ses cheveux désormais trempés s’attachant à son visage comme des décorations et gouttant sur sa peau claire ; sur ses joues roses, sur ses épaules sculptées par ses incroyables efforts quotidiens, sur son torse, solide, puissant, magnifique, qui clamait sa détermination à devenir le héros qu’il voulait être. À cet instant, je n’étais plus sûr que ce soit l’eau rafraîchissante de la cascade qui me faisait de l’effet. Todoroki était vraiment beau, et pas que du visage.
Mais… qu’est-ce que je suis en train de regarder ?! Je relevai illico les yeux vers lui, remarquant alors que les siens… se baladaient sur mon propre torse. Il dut sentir que je les avais surpris, puisqu’il les arrêta aussitôt et les fit croiser les miens. Nous nous observâmes sans rien dire, tandis que dans mon ventre, les gazouillis de l’autre jour avaient fait leur retour.
Sans réfléchir, je frappai l’eau d’une main pour l’éclabousser. Il ferma les yeux par réflexe, avant de les rouvrir grand, ne s’étant sûrement pas attendu à ce que je l'attaque alors qu’on se rafraichissait tranquillement.
— C’est… pour t’être moqué de ma coupe de cheveux au réveil ! tentai-je de justifier, alors qu'en vérité, je m’étais juste jeté sur le premier moyen de cacher ma gêne.
Il resta un instant à me considérer ; et soudain, il m’aspergea d’eau en retour. Alors Todoroki était comme ça… Je l’éclaboussai une nouvelle fois, lui aussi, et la bataille se poursuivit, mes éclats de rire couvrant le bruit de l’eau coulant et un sourire apparaissant sur son visage quand il commença à m’envoyer plus d'eau que je ne lui en envoyais, jusqu'à ce que je fuis la cascade, récupère nos t-shirts et l’invite à terminer le sentier.
Ce n’est alors plus d’arbres que l’on fut entourés, mais d’un ciel immense, serré autour d’un petit bout de terrain clôturé que l’on pénétra. Au delà de ce dernier, c’est une dizaine, voire une vingtaine de kilomètres de terre du Jura qui se dévoila à nos yeux. Plus que ce que l’on pouvait voir depuis le jardin de Papi, plus haut, plus impressionnant, plus beau encore. Nous avions atteint le sommet de la montagne.
— Qu'est-ce que tu en dis ? lançai-je à Todoroki une fois arrêtés juste devant la clôture en bois, au bord de la falaise.
J’avais beau l’avoir gravie avec ma mère des milliers de fois, je ne me lassais jamais de la vue qu’elle nous offrait.
— J’en dis que c’est très beau… mais, euh, Midoriya, tu as vu le gros nuage au dessus de nous ? dit-il, la tête levée vers le ciel, où j’aperçus une énorme tache noir approchant. Je pense qu’on devrait rentrer.
— Oulah… Oui, fichons le camp avant que la tempête nous tombe dessus…
Un dernier coup d’œil au paysage, et nous entreprîmes de refaire le sentier à l’envers, sans forcément remarcher sur les passages aménagés. Toutefois, à peine fûmes nous arrivés à la hauteur de l’arbre couché que le nuage, dominant maintenant tout le ciel, craqua au dessus de nos têtes. Des cordes se mîrent à pleuvoir sur notre dos, la terre se transforma en boue et, rapidement, nous nous retrouvâmes trempés.
Si l’on voulait vite trouver refuge chez Papi, il allait falloir qu’on se serve de nos Alters. Un regard échangé avec Todoroki suffit à ce que, par un hochement de tête, l’on s’accorde pour le faire. J’activai le One For All, lui son pouvoir de glace, et nous prîmes de la vitesse, tellement que même les gouttes de pluie épaisses et abondantes n’eurent pas le temps de nous tomber dessus.
Ainsi, nous atteignîmes la maison en un rien de temps. Je me précipitai vers l’entrée, sans faire attention aux dalles du chemin désormais mouillées, glissai et me cassai la figure. Todoroki, qui me suivait de près, me rejoignit aussitôt dans ma gamelle. Je ne trouvai rien d'autre à faire que rire, et lui aussi. Parce qu’on était devant notre toit, déchus dans la pelouse, pleins d’eau, de boue et maintenant d’herbe. On se releva, avança plus doucement jusqu'à l’entrée, où je réussis à me ramasser une nouvelle fois à cause de cette satanée marche, et le fou rire reprit.
— Comment tu fais pour la louper à chaque fois ? s’étonna-t-il, d'un ton qui sonnait à la fois amusé et exaspéré. À force de te blesser par sa faute, tu devrais savoir qu’elle est là, et qu’il faut que tu t'en méfies.
— Mmh mmh… Tu feras attention, tu as un peu de boue sur la figure.
— Oh.
Il passa une main sur ses joues, son front, son menton, pendant que je me relevais en essayant de faire abstraction de la douleur presque typique de mes vacances ici dans mon tibia. Si tout se passait comme d’habitude, à la fin de la semaine, le bleu que je m’étais fait hier serait devenu noir. Todoroki ouvrit la bouche pour me demander s’il lui en restait, mais la brusque ouverture de la porte devant notre nez ne lui en laissa pas le temps.
— Vous êtes encore en vie ! Alléluia ! s’écria Papi. J’ai bien cru que vos corps électrocutés allaient devenir le prochain sol du sentier.
Il nous fit entrer, rigolant de notre état juste… misérable. J’en venais à grelotter. Il dut le remarquer, car il partit nous chercher des serviettes. Je n’avais qu’une envie : prendre une douche. Une douche avec de l’eau chaude et du savon.
En parlant de chaleur, en voilà justement une qui se répandait dans mon dos, séchant doucement mes vêtements et calmant petit à petit mes tremblements. Je crus d’abord que mon corps essayait de prendre mon rêve pour une réalité. En tournant la tête, je compris qu’elle venait en fait de mon ami aux cheveux bicolores. Il utilisait son pouvoir de feu juste pour me faire me sentir mieux.
Alors, aussi étonné que touché par son attention, je lui soufflai :
— Merci beaucoup, Todoroki-kun.
En réponse, il me sourit tendrement.
Tendrement.
S'il se révélait taquin, joueur, mais aussi attentionné et tendre, bien sûr qu’on allait s’entendre. Bien sûr que j’allais adorer passer ce séjour à ses côtés, bien sûr qu’il allait nous rapprocher.
Pourquoi est-ce que j'avais eu peur de partir en vacances avec lui, déjà ?
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LE JOUR 2 EST ENFIN LÀ !
Je viens de comprendre pourquoi j’ai l’impression que mon écriture est chelou. C’est prcq j’écris à la 1e personne et au passé. Comme dans les vieux livres. Forcément, ça rend très soutenu 😭
Tiens, Shoto qui dessine, ne serait-ce pas un headcanon qu’Ely adore que nous avons là ?
J’en ai inventé pleeein d’autres pour cette histoire (voir jour 3 et 5 🤭) et je les aime trop ! Dans ce chapitre là, par exemple, pour les occupations d'enfant de Shoto, j’ai parlé de décoration. Ça fait sens avec l’œuvre originale quand on sait que lorsque les élèves se sont installés à l’internat de Yuei (saison 3), il a refait toute sa chambre en une journée à peine !
Aussi, si j’ai eu l’idée du sentier pieds nus, c’est parce que j’en ai déjà fait un, et c’était trop fun. La preuve (attention pitite anecdote) :
Je devais avoir 7-8 ans quand avec mes parents et ma petite sœur on a décidé de faire ça.
À un moment, on est arrivés à la fameuse étape du bassin de boue, qui était couvert jusqu'à la moitié par une longue planche de bois sur laquelle on a d’abord marché. Ma mère tenait à la fois ma main et celle de ma petite sœur qui n’étions pas rassurées.
Telle une parfaite INFJ, j'ai perdu l’équilibre, la forçant à lâcher la main de ma petite sœur pour me rattraper. Au bout de la planche, celle-ci a basculé, trempé un pied dans la boue et s’est mise à crier. Dès que j'ai retrouvé l’équilibre, ma mère est allée l’aider, sans se douter qu'en mettant à son tour son pied dans la boue, c’est sa jambe entière qui s’enfoncerait dedans.
Mon père derrière nous il était comme ça🧍🏻♂️“oh, shit”.
Bref, après avoir foutu la merde, je les ai aidées avec lui à sortir de là et on s’est rués vers la cascade après le bassin pour laver les jambes de ma petite sœur en pleurs 🤣
Maintenant que j'ai bien spammé avec mon texte de fin, je vous dis à… jsp quand pour la suite. Quand j'aurai réussi à la réécrire sans doute, lol.
Désolée.
Kiss, kiss sur vos pieds pleins de boue !