| PDV de Shoto
Aujourd'hui, c’est dans la petite ville s'étendant au pied de la montagne, celle qu’on pouvait apercevoir depuis la maison de son grand-père, que Midoriya proposa de m’emmener. Il était bien décidé à rattraper toutes mes années d’isolement au monde avec ce séjour en me faisant découvrir au maximum le coin. Pas seulement le paysage, aussi les activités.
C’est même avec l’une d’elles que la journée commença. Sur l’idée d’Etsuo, à la fin de la matinée, nous nous rendîmes dans une fruitière, et plus particulièrement dans l’aile où l’on proposait de nous expliquer comment était fabriqué le fromage typique de la région : le comté. Son odeur emplissait la pièce, et si elle me dérangea au début, je m’y habituai assez rapidement. On pouvait facilement trouver plus fort et plus puant.
En ce qui concerne l’activité elle-même, ce ne fut pas la même affaire. Puisque les « maîtres fruitier » – c’est comme ça qu’on les appelle d’après Midoriya – parlaient français, on ne comprenait pas grand chose à ce qu’ils faisaient. Les voir opérer aidait, mais pas autant qu’on avait espéré. Cependant on ne dit rien, du moins jusqu’à ce que l’un d’eux nous pose ce qui avait l’air d’être une question. C’est là que je leur avouai, en anglais, que nous n’étions pas d’ici. Ils prirent patiemment la peine de reprendre leurs explications dans cette langue. Midoriya n’eut pas l’air de mieux les comprendre, alors je l’y aidai en lui faisant une traduction au fur et à mesure. Ils nous offrirent même un morceau à goûter, qui s’avéra franchement bon.
La démonstration terminée, nous retournâmes dans la partie de la fruitière consacrée à la vente des produits. On y trouva plein de sortes de fromage différentes, dont plusieurs qui attisèrent ma curiosité. Je pourrais peut-être en prendre pour ma famille ? J’hésitai, mais dans le doute qu’ils ne survivent pas au trajet en avion, laissai tomber l’idée. À la place, mon ami aux cheveux verts repéra des sandwichs faits maison sur une étagère, et on choisit de les prendre pour déjeuner.
— Alors, tu aimes ? demanda-t-il une fois qu’on eut entamé notre premier, posés dans un petit espace vert offrant une vue à la fois sur l’architecture française des bâtiments et sur les montagnes.
— Le comté est vraiment pas mal, répondis-je, et je mordis une nouvelle fois dedans.
Il m’adressa un de ses jolis sourires, ceux qui lui allaient bien, ceux qui me faisaient me sentir bien. Les seuls sourires, à ma connaissance, à avoir un effet sur moi.
Lui eut l’air d’adorer son deuxième sandwich, fourré au morbier, un autre fromage originaire du département. Il en arracha un bout et me proposa d’y goûter. Ce ne fut pas mauvais, mais je le trouvai un peu trop fort à mon goût. Je lui en tendis un de mon sandwich à la tomme, en échange, qui lui plut beaucoup.
J’avais quand même bien envie de ramener un souvenir à ma famille. À mon retour, Fuyumi me poserait sûrement beaucoup de questions sur ce voyage que j'avais la chance de faire, cet endroit qu’elle n’aurait probablement jamais l’occasion de visiter. Je pouvais leur en faire profiter aussi. Si ça ne pouvait pas être du fromage, ça pouvait être autre chose. Un objet. Où est-ce que je pourrais leur trouver ça ?
— Qu'est-ce qu'on fait après ? questionnai-je Midoriya alors qu’il buvait quelques gorgées d’eau.
Il referma sa gourde de son bouchon.
— Je pensais à deux magasins en particulier. Un sur le thème de l’héroïsme, on y trouve plein de goodies très qualitatifs sur les super-héros français. Chaque fois que je viens ici, je repars toujours avec un souvenir de là-bas ! expliqua-t-il avec une énergie soudaine. Sinon, il y a une boutique de souvenirs un peu plus près. Je me disais que peut-être, tu voudrais acheter quelque chose pour ta mère ?
— C’est ce que je voulais te demander, dis-je, surpris d'une manière agréable qu’il y ait pensé. Mais on peut faire le magasin de super-héros en premier. T’as l’air d’avoir hâte d’y retourner.
— Non ! Enfin, si, j’ai hâte, c’est vrai, mais je risque de passer un moment dans le magasin à tout regarder et à me décider sur quoi prendre, alors il vaudrait mieux commencer par ton souvenir.
— D'accord, comme tu veux.
Nous finissâmes notre deuxième sandwich et, après avoir jeté nos emballages à la poubelle, prîmes la direction de la boutique de souvenirs dans cette tranquillité ambiante, avec rien de plus résonnant que le chant des oiseaux postés sur les branches des arbres et les voix de quelques personnes discutant devant les bâtiments. Puis, quelques rues plus loin, elle fut effacée par des voix plus vives, celles d’un petit attroupement de personnes se tenant à l’entrée d’un magasin.
— Mais il est complètement con ou quoi ?! s’exclama en français un homme habillé bizarrement, avant de s’élancer dans la rue principale.
De ce que j’eus le temps de voir, il portait de grosses bottes épaisses et une sorte de jupe en cailloux. Est-ce qu’il y avait une fête ? Était-ce une tradition que je ne connaissais pas ? Largué, je pivotai vers Midoriya au cas où lui saurait ce qui se tramait ici.
Oh ! Ou alors, c’est peut être…
Je n’eus pas le temps de lui poser la question que le grand sourire que sa bouche ouverte avait formé se suivit de :
— C’est le héros des montagnes, The Rock ! C’est lui qui s’occupe de cette ville et ses alentours ! Son Alter, Rocktwist, est très pratique dans les zones montagneuses comme celle-ci, car il lui permet de remodeler la roche qu’il trouve dans son environnement !
…un héros.
Je me disais bien que ce genre de vêtements m’était familier. Un costume de héros. Évidemment.
C’est seulement à ce moment-là que je remarquai qu'un peu plus loin devant lui, un homme semblait s’enfuir à toutes jambes.
— C’est un supervilain qu’il poursuit ? supposai-je.
Midoriya suivit mon regard.
— On dirait bien…
Alors que le héros commençait à le rattraper sérieusement, le vilain se retourna, seulement pour effectuer un geste du bras à l’apparence anodine, mais qui, à ma grande surprise, le fit basculer. Il tomba au sol maladroitement, comme s’il n’avait travaillé aucune technique de réception, d’atterrissage, pas même un simple réflexe.
Est-ce qu’il manquait d’entraînement ? J’avais du mal à croire qu’on puisse affecter un seul super-héros à une zone aussi vaste si ce dernier n’était pas irréprochable.
À une vingtaine de pas de nous, le petit groupe lui criait des mots, sans doute des encouragements.
Mon corps aussi m’en criait. Pour que je me lance moi aussi à ses trousses, que je déploie un assaut de glace jusqu'à lui pour l’y coincer, pour que m’en mêle une nouvelle fois sans qu’on me l'ait demandé.
— Est-ce qu’on ne devrait pas l’aider ? osai-je demander à Midoriya, car je savais que sur ce point-là, nous étions pareils.
Nous n’avions pas encore notre permis provisoire, donc pas le droit d’agir sans permission. La police nous l’avait bien fait comprendre à l'hôpital après l’incident du tueur de héros. Si elle apprenait que ça s'était reproduit, je ne donnais pas cher de notre peau. Ici, nous n’avions personne pour nous sauver la mise, mais quelqu’un sur qui cela risquerait de retomber aussi : le grand-père de Midoriya.
Mon ami me regarda, la tête paraissant aussi remplie de pensées contradictoires que la mienne. Mon pied droit était déjà planté en avant, prêt à entamer une course, et je constatai que le sien également était en position.
Mais le héros se releva, et se remit à courir. D’un mouvement circulaire de la main, il déroula la grange qu’il longeait telle une pelotte de laine et l’amena sous ses pieds sous la forme d’une ligne rocheuse flottante, qui s’allongeait autant que la quantité de pierre dans le bâtiment lui permettait, grâce à quoi il put prendre de la vitesse. Le vilain était loin devant, mais sans doute plus pour longtemps.
— Non, je crois que ça ira, répondit finalement Midoriya devant l’évolution de la situation. Il s’en sortira tout seul. Il en a l’habitude.
Alors nous reprîmes notre chemin, direction la boutique de souvenirs.
— Donc, un cadeau pour ta mère, c’est ça ? voulut-il s’assurer lorsque nous en passâmes la porte d’entrée.
— J’aimerais en faire à mon frère et à ma sœur aussi.
— Oh ! Tu as des frères et sœurs ?
— J’ai une grande sœur qui s’appelle Fuyumi, un grand frère un peu plus jeune qu’elle, Natsuo, et… voilà.
Parler de Toya n’était pas nécessaire dans un moment comme celui-là. Comme avec mes autres problèmes de famille – j'avais l’impression –, ça ne ferait que lui prendre son sourire.
— Je suis sûr qu'ils sont aussi gentils que toi ! réagit-il, et à la vue d’une expression encore plus enthousiaste, je ne regrettai pas de l'avoir préservé.
Je n'avais jamais eu l’impression d'être gentil. En fait, quand j'étais sous l’emprise de ma colère, je n’avais jamais vraiment cherché à l’être. Faire payer mon père était de loin plus important que me faire aimer des autres. Mais si la personne la plus gentille que je connaisse me trouvait cette qualité, alors c’était peut-être le cas, il y avait peut-être un brin de gentillesse en moi. Bien que je hausse les épaules, un sourire fila discrètement sur mes lèvres. Était-ce une habitude pour lui de donner envie de sourire aux autres ? Comme ça, si facilement, par la simple force du sien et de quelques mots ? D'habitude, ce genre de choses ne m’atteignait pas plus que ça.
Il entra dans un premier rayon, dardant des regards sur toutes les étagères, à la recherche d’un souvenir pour ma mère, mon frère et ma sœur. Personne d'autre qu’eux. Je n’avais aucune envie d’offrir quelque chose à mon vieux.
Ou du moins, pas quelque chose qui le rendra heureux, rectifia une petite voix dans ma tête.
— Si j'avais pu, j’aurais ramené un gros fromage qui pue comme cadeau à mon père.
À quelques pas de moi, Midoriya éclata de rire. Quoique, le verbe « éclater » ne ne convient pas tellement, car il n’avait rien à voir avec l’éclatement strident et indésirable d’un ballon ou d’un pneu. Il glissait dans mes oreilles avec une telle fluidité qu’on aurait dit que mes conduits auditifs avaient été aménagés pour l’y laisser passer.
— Je peux essayer de t’aider, lança-t-il après s'être repris. Qu’est-ce qu’ils aiment ?
— Eum… Fuyumi doit aimer les enfants puisqu’elle est institutrice en école primaire. Je crois que cuisiner lui plait bien aussi, ses plats sont toujours délicieux. Quant à Natsuo, je sais qu’il étudie en fac de médecine… et c’est tout. Je ne sais pas grand chose sur eux. On n’a jamais été très proches.
— Mais tu veux quand même leur faire des cadeaux… releva-t-il, l’expression attendrie. Ok, commençons par ta sœur alors.
Il se mit à chercher plus rigoureusement dans le rayon. Je l’imitai, examinant chaque côté, chaque étagère, chaque objet, des mugs aux petits objets artisanaux en bois, lorsque je trouvai celui qu’il me fallait. Midoriya l’aperçut aussi, car il referma sa main dessus en même temps que moi.
Dès lors, une sensation que je ne connaissais pas partit de nos mains appuyées l’une contre l'autre pour s’insinuer dans tout mon corps. Une sensation semblable à celle de l’eau de la cascade d’hier coulant sur ma peau pour la ravir, mais intérieure, et faite de chaleur. Tendre, relaxante, troublante.
Est-ce que c'était lui qui l’avait provoquée ? Avec son Alter ? Dans l’incompréhension, je l'interrogeai du regard, mais je n’eus comme réponse que des yeux grandis comme les miens, des joues rouges et un rire aussi doux qu'elle.
C'était peut-être juste moi. Est-ce que j'avais attrapé un virus en restant trop longtemps sous la tempête hier ? J’espérais que non.
Je replaçai mon attention sur l’objet que j'étais désormais le seul à enserrer, à savoir un livre de recettes de cuisine françaises, à petit format, aux pages articulées par des spirales, et rédigé en anglais. Bien pensé et idéal pour Fuyumi. Sans hésiter, je m’en emparai et informai Midoriya que je le prenais. Et d’un.
Nous entreprîmes ensuite de chercher un cadeau pour Natsuo.
— La fac de médecine, ça doit être quelque chose… s’imagina mon ami aux cheveux verts.
— Il est pas mal stressé, surtout en ce moment, avec ses examens qui approchent.
— Je vois… Dans ce cas, pourquoi ne pas lui offrir quelque chose pour l’aider avec son stress ?
Comme pour approuver sa suggestion, un objet passant dans mon champ de vision retint mon attention ; une petite boîte en cartonnette de la forme d’un rectangle allongé.
— Ça.
— Qu'est-ce que c’est ?
— De l’ensens. Ce sont des petits bâtons qui laissent échapper un parfum particulier quand tu les brûles. Je trouve ça apaisant, même visuellement. Je sais qu’il en diffuse dans sa chambre des fois, le matin avant de partir en cours. Je n’y avais jamais pensé avant, mais ça doit être un anti-stress pour lui, et pas simplement un moyen de parfumer sa chambre.
— Oh ! Et celui-là, c’est un parfum qu’il a déjà ? Je ne reconnais pas la plante.
« Lavande ». Le nom ne me disait rien, pas plus que la photo qui l’illustrait.
— Moi non plus. Ça doit venir d’ici, supposai-je. Raison de plus pour le prendre, ça lui fera essayer autre chose.
Et de deux.
Nous passâmes les dix minutes suivantes à arpenter les rayons dans le but de dénicher un souvenir pour ma mère à partir de ce que j’avais appris de ses goûts pendant mes premières visites. Nous fîmes le tour du magasin une fois, puis deux, puis trois. Chaque fois qu’un article semblait convenir, je finissais par le remettre à sa place, jugeant qu’il n’était, au bout du compte, pas assez bien, pas assez beau pour elle.
— Je ne trouve rien, finis-je par annoncer, ayant perdu espoir.
Rien qui puisse lui rendre le sourire que mon père lui avait fait perdre.
Je payai les cadeaux de Fuyumi et Natsuo avec l’argent que j’avais fait convertir en euros la semaine dernière et nous sortîmes de la boutique.
C'était pour elle que j’y étais entré, c’était à elle surtout que je tenais à ramener un souvenir. Pour que, d’une certaine manière, de là où elle était, de cette chambre d’hôpital étroite, isolée, vide, où elle ne pouvait que ressasser les horreurs que mon père lui avait fait subir, elle puisse goûter à ce sentiment de… bonheur, que je rencontrais pour la première fois. Je ne supporterais pas de repartir sans rien pour elle, sans rien à lui apporter lors de ma prochaine visite pour accompagner le récit de mes aventures avec Midoriya.
Alors que je marchais les yeux baissés sur le béton du trottoir, ce dernier posa sa main sur mon épaule. Il avait cerné ma déception, à l’évidence, et essayait de me réconforter. Mais à ce moment-là, je n’avais pas envie de réconfort. J’avais envie d’une solution. D'une idée de cadeau pour faire sourire ma mère. C’était pourtant lui qui savait comment faire sourire les gens, non ?
— Midoriya, arrête, je ne veux pas que…
Seulement, quand je levai mes yeux emplis de fermeté sur lui, il ne me regardait pas moi, mais devant nous, dans une rue moins exposée à la lumière du Soleil que les autres, là où un homme encapuchonné jouait avec un objet brillant dans les mains.
Le vilain de tout à l'heure !
— Il lui a échappé… réalisai-je.
— Je pense qu’il est temps qu’on intervienne, déclara Midoriya.
Du regard, il me demanda si je le suivais, même si ça signifiait enfreindre de nouveau la loi, prendre de nouveau des risques.
— On le capture, et on file avant qu’on nous remarque, convins-je.
Il hocha la tête, acceptant ma condition.
Alors nous nous retirâmes de son champ de vision et, tout en vérifiant par des coups d’œil réguliers qu’il était toujours là, réfléchissâmes à un plan.
D’abord, quel était son Alter ? Tout à l'heure, il avait fait tomber le héros qui le poursuivait à la renverse. Nous n’avions perçu aucune onde, aucun son, aucun remuement d’air, seul lui avait été touché. Était-ce un alter qui agissait directement sur le corps ? Pour l’amener au sol ? Pour le déstabiliser ?
— Pour le faire perdre l’équilibre ! supposa Midoriya. J'ai déjà observé cet Alter chez d’autres personnes. J’ai même écrit dessus dans un de mes carnets.
Face à un Alter comme celui-là, qui atteignait imperceptiblement et instantanément sa cible, nous ne pourrions pas attaquer de front. Si l’on voulait l’arrêter vite fait bien fait, il nous faudrait le prendre par surprise, de sorte qu’il n’ait pas le temps de réagir avant d’être attrapé.
Je me positionnai à côté de l’entrée de la rue où le vilain se tenait toujours, contre l’un des bâtiments qui la bordaient. Midoriya, lui, il sauta sur son toit – maintenant qu’il savait sauter haut, loin, et atterrir agilement, il fallait en tirer avantage.
L’homme se remit à marcher, s’enfonçant dans la rue, d’une lenteur suffisante pour qu’on puisse mettre notre plan à exécution.
Dès qu’il jugea le moment opportun, Midoriya sauta du toit, l’homme inscrit en plein dans sa trajectoire. Utiliser son Alter ne l’aiderait pas à s'en sortir, bien au contraire. Le vert tomberait quoi qu'il arrive sur lui, et l’atterrissage n’en serait que plus violent pour eux deux.
Aussitôt après son saut, je répandis ma glace au sol jusqu'au vilain, créant une sculpture sous ses pieds qui l’éleva droit sur lui. Alerté à la fois par la vue de Midoriya arrivant inévitablement sur lui et le bruit de mon pouvoir retentissant derrière lui, il ne sut plus où donner de la tête. Le vert le plaqua contre la glace, bloquant ses bras au dessus de son crâne et ses pieds avec les siens.
J’accourai vers eux et l’emprisonnai dans une autre couche de glace afin d’être sûr qu’il ne nous échappe pas. Les mains ainsi libérées, mon accolyte lui prit l’objet volé des siennes. Il s’agissait d’un porte-clé en forme de collier, couleur or mais en plastique. Je n’en avais jamais vu de tel. Ça devait avoir de la valeur ici, il fallait croire.
Des mots tout aussi incompréhensibles que ceux que le vilain beuglait en essayant vainement de briser la glace résonnèrent derrière nous. Je me figeai. Déjà ?! Je pensais qu’on aurait plus de temps… The Rock, le héros des montagnes, arrivait dans notre direction. Mon cœur se mit à marteler ma poitrine, mais mes pieds, eux, ne purent que rester immobiles. Était-ce les cris du vilain qui l’avaient interpellé ? Ou le son de ma glace ? Je pensais pourtant avoir fait dans la discrétion. Cela n’annoncait rien de bon.
Toutefois, quand il nous eut atteints, il nous observa avec des yeux et un sourire qui n’avaient rien de suspicieux.
— Nous… ne parlons pas français, l’informai-je en anglais.
D’abord surpris, il se gratta la joue, l’air de chercher ses mots, et traduisit :
— Je… Euh… Je m’étonnais que vous ayez retrouvé et attrapé le vilain. Beau boulot !
— Merci, répondit-on en chœur.
Mais encore ?
— Mais, vous savez, vous n’étiez pas obligés de déployer autant de moyens pour l’arrêter. Personnellement j’ai vite lâché l’affaire. Après tout, il n’a volé qu’un porte-clé à 1,50€.
— Oh.
Tout ça pour ça ? m’étonnai-je en observant Midoriya lui rendre l’objet en question, puis le héros. Il avait une coupe encore plus étrange que celle de Midoriya au réveil, les cheveux séparés en paquets de nœuds. Ils ressemblaient un peu aux saucisses de Morteau qu’Etsuo nous avait fait goûter hier au déjeuner.
Ses yeux, alors qu’il les avaient posés sur mon ami, se plissèrent quelque peu.
— C’est marrant, tu me rappelles un petit garçon qui me suivait partout quand je partais en patrouille, il y a quoi… cinq, six ans ? Il se cachait derrière les maisons ou les buissons pour m’observer en action et écrire dans son petit carnet. La première fois, j’ai cru que c’était un vilain qui m’espionnait !
Il était évident que c'était lui. En cours, j’avais remarqué qu’il écrivait beaucoup, plus que ce que les profs nous dictaient. J’avais entendu ses marmonnements qui s’éloignaient du sujet initial. J’avais aperçu cet autre cahier à côté de celui de la matière concernée sur sa table. Pendant le championnat aussi, il avait tout observé, tout analysé, tout noté.
Je déplaçai mes yeux sur lui pour voir s’il avait compris ce que The Rock venait de dire. Son visage était rouge pivoine et il faisait la même tête qu’un supervilain qui découvrait un héros planté devant lui.
— Enfin, bref… Vous êtes des apprentis-héros, je me trompe ? Vous ferez un bon duo de pros, vous deux, c’est certain !
C’est les lèvres étirées en un grand sourire qu'il nous salua, fit demi-tour et sortit de la rue sans un mot de plus.
Midoriya et moi échangeâmes un regard, étonnés mais surtout soulagés d’avoir évité une fois de plus les problèmes. Il existait donc des héros qui accordaient suffisamment d’importance à l’acte héroïque en lui-même pour ne pas se soucier de sa légalité. Tant mieux.
Reprenant le fil de notre sortie, nous nous rendîmes dans la boutique d’héroïsme, qu’il nous restait encore à faire. Si elle n’avait pas une grande superficie, elle était bien remplie. Figurines, t-shirts, répliques d’équipement… Midoriya observait tout avec attention, me partageant à l’occasion ce qu’il savait sur les héros de qui l’on trouvait les objets promotionnels.
— Ça ne t’intéresse pas, les goodies, toi ? me demanda-t-il à un moment.
— Pas spécialement, répondis-je. Je suis assez minimaliste matériellement. J’aime les héros, mais je ne ressens pas le besoin d’en avoir dans ma chambre ou dans mes affaires.
— Mais alors ça ne te dérange pas que je te parle de tous ces objets ?
— Non, ça ne me dérange pas du tout.
C’était intéressant et toujours utile d’en apprendre plus sur les héros des autres pays. Il n'était pas impossible qu’on soit amenés à combattre avec eux un jour. Et puis, la manière dont Midoriya en parlait aussi avait quelque chose d’attirant. Son énergie qui décuplait à chaque nouvelle explication, ses pupilles qui scintillaient, son sourire qui atteignait ses oreilles en tonifiant ses jolies joues tachetées et en lui dessinant de petites faussettes que je n’avais jamais remarquées.
Quelle ne fut pas ma surprise quand une demi-heure plus tard, reprenant la figurine qu’il avait choisi d’acheter sur le tapis roulant, il répondit à la caissière dans sa langue.
— Tu m’as menti, tu sais parler français en fait, non ? dis-je en passant la porte.
— Haha, mais non, je t'assure ! Je ne connais que quelques mots, ceux de base.
Mouais.
Nous sortîmes de la boutique, Midoriya muni de sa figurine et de cette humeur radieuse qui ne l’avait pas quitté depuis qu’il y était entré. La chaleur tendre de tout à l'heure refit irruption dans mon corps. Naturellement, tandis qu’il nous guidait gaiement jusqu'au parking où son grand-père devait venir nous chercher, sa main libre s’était glissée dans la mienne.
Les paroles du héros sur notre complicité me revinrent en mémoire. C’était vrai, nous trouvions des stratégies rapidement, nous mettions d’accord en peu de temps, savions nous coordonner pour les appliquer aisément. Parfois sans même avoir besoin des mots. Avec Midoriya, les choses étaient plus faciles qu’avec les autres. Alors oui, nous formerions un bon duo de héros, sans aucun doute. Et à mesure que les jours passaient, je commençais à croire qu’il ne s’agissait pas juste d’héroïsme.
— Tu trouves aussi qu’on ferait un bon duo de héros ?
Visiblement, Midoriya réfléchissait à la même chose.
— Oui, répondis-je directement. Tu es innovant, je suis pragmatique. Je me vois bien combattre à tes côtés. Et toi ?
— J’adorerais !
Lorsque sa main se serra davantage autour de la mienne, la sensation de chaleur grandit dans mon être. Nous finîmes notre chemin jusqu'au point de rendez-vous ainsi, à imaginer ce que les choses seraient si l’on devenaient partenaires à l'avenir.
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Oui, je me suis tapé un délire toute seule avec The Rock. Et le voleur qui n'a aucun sens du vol. En fait je suis un enfant 😭
Oui, je suis fan du headcanon que j'ai inventé sur Natsuo.
Et OUI, la dernière phrase du chapitre a plusieurs sens, parce que vive les jeux de mots !! 😼
Si jamais vous voyez des tournures un peu maladroites ou des incohérences, n'hésitez pas à me le dire, parce que j'ai l'impression que mon perfectionnisme me fait écrire n'importe quoi en ce moment (Je suis même pas sûre qu'on reconnaisse la personnalité de Shoto...?).
Je vous dis à bientôt (j'espère) pour le JOUR 4 !
PS : C'est mon préféré.