- Kiara, descends de là. Tu vas te...
Je n'ai pas le temps de finir ma phrase qu'elle s'accroche déjà fermement au garde-corps. D'un geste rapide, elle passe sa jambe de l'autre côté, un sourire défiant sur le visage.
- Qu'est-ce que tu attends ? Aller, monte, me lance-t-elle, pleine d'enthousiasme.
Je la vois disparaître - trop rapidement à mon goût - sur le toit. Mon cœur s'emballe un instant. L'adrénaline monte en flèche. À contre-cœur, je monte à mon tour sur le muret, mes mains crispées autour de la pierre froide. Je ferme les yeux un instant, respirant profondément pour calmer l'angoisse qui m'envahit. Puis, dans un mouvement décidé, je me lance, me repliant légèrement pour saisir la rambarde de fer avec une précision presque fébrile.
Le vent effleure ma peau alors que je sens la hauteur me narguer. Je me force à ne pas regarder sur ma droite, là où la rue dévale vers un abîme que je préfère ignorer. Mon ventre se serre, une sensation de vertige me prend, mais la voix de Kiara, pleine d'excitation et de défi, me fait sursauter.
- Léo, dépêche toi, tu vas louper ça !
Je prends une inspiration, m'efforçant de garder mon calme. Lentement, je me hisse sur le toit. Une fois sur la surface plate, mes pieds s'enfoncent légèrement dans le gravier du toit, tandis que mon regard se porte devant moi.
Le panorama qui s'offre à moi me coupe le souffle. D'ici, Paris semble irréelle, figée dans une lumière rosée qui se répand sur les toits, comme un rêve suspendu. La Tour Eiffel, majestueuse, se fond dans l'atmosphère, baignée dans la lumière douce du crépuscule. Les rues s'étendent en un labyrinthe de pierres et de lumière, ponctuées de lueurs chaleureuses.
Je me secoue, revenant à la réalité. Kiara est là, juste de l'autre côté, appuyée contre la barrière, ses cheveux flottant doucement dans la brise du soir.
Je m'avance vers elle, mes pas mesurés, m'efforçant de profiter de la vue tout en restant concentré sur la scène qui se joue devant moi. Le ciel commence à se teinter d'une nuance pourpre, et les lumières de la ville semblent danser au rythme du vent. Kiara, toujours aussi intrépide, regarde Paris avec une intensité presque surnaturelle, comme si la ville entière lui appartenait. Les rues touristiques se bondent un peu plus de passant, tous avançant ensemble tel un ballet soigneusement orchestré. Je m'appui à mon tour sur le métal froid, un mélange d'admiration et d'appréhension, mes yeux fixant le spectacle qui s'étend sous mes pieds. Cette hauteur, cette lumière, cet instant... tout semble suspendu dans le temps. Kiara et moi avions passé notre adolescence sur ces toits à jouer aux héros, sautant d'immeuble en immeuble - de toute évidence, elle est toujours plus à l'aise que moi -, mais jamais je ne me lasserai de ce moment privilégier.
On reste silencieux un moment, subjugués par la scène. Le soleil est passé derrière l'horizon, et les premières étoiles se montrent enfin. Ce soir est possiblement le plus beau de l'année. Car ce soir, les étoiles danseront elles aussi.
- Demain, c'est le grand jour, hein ? Elle tourne son regard vers moi. Tu n'as pas peur de partir seul ?
- Oh, tu ne sais pas à quel point. Nous éclatons tous les deux de rire puis reprenons notre sérieux, laissant quelques secondes silencieuses comme pour retarder nos au revoir. Je ne pars pas pour toujours tu sais. Juste le temps de finir mes études et d'obtenir ce diplôme. Je reviendrais à Paris pour les fêtes.
- Et tu me raconteras tes histoires de garçon. Entre cousins, il n'y a aucun secret. Elle me fait un clin d'œil complice.
- Promis.
- Pinky swear ? Demande-t-elle en me tendant son petit doigt avec un sourire discret.
- Pinky swear.
J'y accroche le mien en serrant doucement pour sceller notre accord, lui rendant son sourir. Soudain, son regard s'illumine à nouveau d'émerveillement et pointa de son index le ciel.
Les étoiles viennent de commencer à danser. La première étoile filante illumina faiblement le ciel obscurci.