Je ne connaissais que trop bien cette sensation de fuir mon corps... Elle signifait que mon esprit avait pris d'assaut celui du loup, infiltrant ses pensées. Nos psychés étaient maintenant liées; nous permettant de communiquer par image.
Je possédais cette capacité depuis ma naissance. J'avais passé plusieurs années à percer ses secrets mais dès que j'avais exploré tous ses aspecs, je l'avais abhorrée... Pourquoi ? Car elle me permettait exclusivement de converser avec les loups, ces créatures sans une once d'âme. J'haïssais ce pouvoir qui me faisait voir ces monstres comme des êtres doués d'intelligence et de réflexion. Qui faisait basculer mes convictions quant au fait qu'ils étaient seulement guidés par leur instinct de bête. Cette capacité me permettait de donner une minime part d'humanité à ces animaux qui avaient décimé mon entourage...
De plus, je n'avais jamais eu de contrôle sur ce phénomène. Il intervenait quand bon lui semblait. C'était comme si les abîmes de mon esprit avaient conquis ce dernier, me plaçant au rang de simple spectatrice.
Une estampe s'esquissa alors à l'intérieur de ma tête. Elle représentait le loup roux, assis devant moi, la gueule ouverte, les babines maculées par mon sang.
Habituée à décrypter ces illustrations, je compris le message. Mon subconscient voulait que l'animal libère mon bras de sa prison aiguisée.
Et c'est ce qu'il fit. L'étreinte qui me faisait ployer de douleur disparue, au contraire de ma souffrance. Elle redoubla lorsque l'air fouetta mes chairs exposées. Le flot de mon sang, qui terminait sa vourse sur le sol, s'accéléra, emportant avec elle mes dernières forces.
Une nouvelle image, qui ne venait pas de moi, s'imposa dans mon esprit. Le loup y figurait encore, néanmoins, il avait retrouvé toute sa splendeur macabre. L'hémoglobine qui le souillait avait disparu pour laisser place aux reflets dorés de ses poils roux. Mais dans ses yeux persistait une bluette de folie, aux côtés d'une lueur de curiosité.
Il s'avançait vers moi, la queue cinglant l'air. Ses oreilles étaient droites et tournées vers moi. Sa tête était penchée sur le côté. Ses reniflements, dans l'espoir de découvrir ce que j'étais, résonnaient à l'intérieur de mon crâne.
Je compris rapidement le sous-entendu derrière. Le loup s'intérrogeait à mon propos, se demandant qui était ce bout de femme qui violait ses pensées.
Malheureusement pour lui, il n'obtient jamais sa réponse: une tige de métal s'introduit sous sa peau, instillant dans ses veines le venin de la souffrance, douloureux rappel à la réalité. Il couina en direction du ciel, faisant écho à mes gémissements, puis leva sa patte arrière, là où l'arme s'était logée. Il esquiva quelques pas hésitants, la patte ramenée contre son flanc avant de se retourner vers moi pour me fixer de ses yeux rouilles où tourbillonnait son envie de percer le mystère que j'incarnais.
Puis il disparut, son ombre épousant celle des arbres et ses poils se confondant avec les feuilles qui tapissaient la terre.
Ce fut lorsque je me retrouvai seule, prostrée au milieu d'un océan de cadavres que je me rendis compte que la mort m'avait fuie. Encore...
De nouvelles larmes vinrent alimenter les rivières qui s'écoulaient sur mes joues; ce rejet me condamnait à vivre avec la peur de goûter aux ortures des enfers lovée autour du coeur.
Je relevai la tête, avec le stupide espoir de trouver du réconfort. Mais à travers le rideau de pleurs, je ne vis que mon deuxième cauchemar.
Les vampyyrs étaient juchés sur des chevaux, qui piétinaient le sol. Certains portaient une armure intégrale, d'autres n'étaient vêtus que de leurs habits. Ils regardaient partout autour d'eux, pour évaluer les dégâts, étudiant les environs de leurs yeux carmins. Les rares loups restants gisaient au sol, agonisant, attendant que la mort vienne les cueillir. Les vampyyrs s'esclaffèrent devant ce spectacle macabre.
J'enviais ces loups car, bientôt, ils seront en paix et ne souffriront plus. La mort est parfois libératrice. Beaucoup de gens la craignent étant donné que celle-ci leur a quelques fois enlevé des êtres chers et qu'ils refusent de quitter l'agréable et cruel monde des vivants. Pourtant, quoiqu'ils en pensent, la mort est une bine triste réalité mais elle est préférable au mensonge qu'est la vie...
Ma vie...
Des cadavres de loups et de vampyyrs décoraient le sol, répandant un liquide rouge partout. La mort était bien la seule chose qui pouvait réunir deux amants comme deux ennemis.
L'herbe et les fleurs baignaient dans cette mare de sang sombre. Les arbres qui m'entouraient étaient rendus encore plus affreux à cause des morceaux de chairs ensanglantés qui pendaient à leurs frêles branches, qui avaient arrêté leur danse compte tenu du poids qu'elles portaient.
Soudain, une ombre embrassa la mienne. Ma respiration s'emmêla quand, surmontant la brume de désespoir, mes pensées associèrent ce spectre à un vampyyr. Je m'empressai de clore mes paupières humides, qui témoignaient encore de mon agonie, pour préserver mon secret. Je gardai mon front, où serpentait de la sueur mélangée à du sang, collé à mes genoux, dans une posture soumise.
— Relève-toi, humaine !
Je grimaçait devant la dureté du ton du vampyyr. Celui-ci n'acceptait aucune désobéissance sous peine de faire connaissance avec ses poings qui, sans entrave, me conduiraient à la mort. Mais n'était-ce pas exactement ce que je désirais : cette douleur familière plutôt qu'imaginaire ? Cependant, mon corps en décida autrement, comme si mon inconscient l'avait repris sous son joug, faisant fi de mon envie.
Des tremblement parcoururent mes jambes tendues, vidées de leurs forces en raison du sang qui s'échappait de mon corps. Toutefois, je m'interdis de tomber, d'embrasser une nouvelle fois le sol. Même si je souffrais le martyre, je refusai que le vampyyr devine la faiblesse qui m'habitait et les cicatrices qui ornaient ma psyché en ruine.
Je restai donc immobile, mes ongles toujours plantés dans la peau de mon avant-bras dextre, vaine tentative pour oublier la souffrance qui s'engouffrait à travers les vestiges de ma morsure. Malheureusement, les trilles de la douleur me chatouillèrent la gorge. Je me mordis la lèvre inférieure pour les empêcher de briser mon masque impavide.
Je sentis le regard du vampyyr courir sur ma peau, faisant hérisser mes poils. Puis un gantelet en cuir s'enroula autour de mon poignet droit pour détacher mon bras meurtri de ma poitrine où il était blotti. Mon cri de douleur – que je n'avais pu retenir – faisant office de sillage, il l'amena vers lui et examina ma blessure avant de me lacher.
— Si pathétique... siffla-t-il. Tu succomberas au bout de deux pauvres nuits. Tu es inutile, autant en finir maintenant.
Le bruit d'une épée se déshabillant de son fourreau retentit alors, éveillant en moi des sentiments contradictoires. D'un côté, je voulais que cette lame m'offre la paix. Pourtant, j'avais l'impression qu'une étincelle de vie subsistait au fond de mon coeur, refusant de s'éteindre.
— Erckhan ! entendis-je soudain.
© 2025 Sélène Rivers
_______________________________
Heyyyy !
Oui, je sais c'est encore le premier chapitre XD
Alors, cette fin !? Une petite idée de la suite ?
N'hésite pas à laisser un petit avis, je serais ravie de discuter avec vous !
N'oubliez pas de voter ⭐
Sélène <3
📚Prochain chapitre: Samedi 19 avril à 10h
👉Pour continuer l'aventure: Instagram (seleneriversauteure)
Threads (seleneriversauteue)
Facebook (seleneriversauteure)