"Now let your mind do the walking
And let my body do the talking
Let me show you the world in my eyes"
꒷꒦︶꒦꒷Ⓧ꒷꒦︶꒦꒷
— ... et c'est avant tout dans cet esprit de partage, de tolérance et d'humanisme que je vous souhaite à tous et à toutes, un joyeux réveillon et de bonne fêtes de fin d'année !
Bien droit dans son fauteuil, vêtu d'un costume trois-pièces en tweed anglais, Charles prit une gorgée de champagne dans la flûte qu'il venait de lever. Aussitôt, des applaudissements fusèrent dans l'assemblée qui lui faisait face, marquant la fin du toast qu'il venait de porter.
L'humeur était au beau fixe. Quelques heures auparavant, les étudiants avaient tous découvert un joli paquet au pied de leur lit contenant sweats, mugs et autres goodies portant les couleurs de l'école. Certains avaient d'ailleurs revêtu lesdits goodies par-dessus leurs vêtements festifs, tranchant par leur couleur canari avec les pantalons à pince et autre jupes crayons qui semblaient étrangements formels au milieu de cette marrée jaune.
Aux côtés de Hank, Raven s'était elle aussi mêlée à la foule. La belle mutante avait troqué son habituelle nudité pour une superbe robe de cocktail brillante à la couleur azur, si proche de sa carnation qu'elle paraissait toujours nue - et là était l'effet escompté. Le Fauve, en smoking noir, ne la quittait pas des yeux, montrant les crocs à chaque fois qu'une tête brûlée avait le malheur de venir l'aborder.
Depuis l'autre côté de la pièce, Charles pouvait percevoir les marques de la passion qui avait uni les deux mutants, sans doute à peine quelques minutes auparavant. Ils semblaient s'être dit tout ce qu'ils souhaitaient - et même être allés plus loin, mais il n'avait aucune envie de fouiller dans leurs esprits pour y trouver des images qui hanteraient alors ses cauchemars.
Et ils vécurent heureux et eurent plein de petits mutants bleus. Il soupira mentalement, détachant ses yeux du couple pour ne surtout pas percevoir le moindre flash d'ordre sexuel.
Lui aussi aurait voulu pouvoir parader ainsi, pendu au bras de son bel amant, portant les stigmates de leurs étreintes. Mais apparemment, le destin en avait décidé autrement. Était-ce de la jalousie ? Pouvait-il seulement être jaloux du fait que sa meilleure amie ait trouvé le bonheur ?
Son questionnement interne fut interrompu par une main qui se posa sur son épaule, stoppant net la trajectoire de son fauteuil. Une voix aux inflexions masculines lui parvint, par-dessus le brouhaha :
— Vous partez quelque part, Professeur Xavier ?
Une expression de surprise sincère apparut sur le visage de Charles qui se mordit l'intérieur de la joue - aïe, non, il ne rêvait pas. Vêtu d'un costume couleur gris perle assorti d'une chemise blanche du meilleur goût, Erik le dévisageait, sourire en coin. Si le vêtement lui donnait un port plus qu'altier, la canne qu'il tenait fermement serrée dans son poing droit dénotait tout de même d'une certaine fragilité.
— Je te croyais encore alité.
— Ça n'est visiblement plus le cas. Je voulais juste voir comment tu t'en sortais. Beau discours, au fait. Cedant arma togae, concedat laurea linguae. Il l'imita, une étincelle malicieuse illuminant son regard d'acier.
— Cicéron, ignare. Rétorqua Charles, son sourire s'élargissant. Si Hank te voit...
— Il n'est pas obligé. Et si nous allions prendre l'air ?
Un sourcil se leva :
— Il neige Erik.
Le résistant inclina légèrement la tête, chapardant la flûte de champagne du professeur pour la terminer d'une traite. Dans le temps de ce mouvement qui semblait pourtant anodin, ses doigts effleurèrent les siens, prolongeant le contact bien plus que nécessaire. Imperceptiblement, Charles se tassa sur son siège, sentant ses joues s'embraser - et le clin d'œil espiègle que lui adressa Erik n'arrangea en rien sa situation.
Ce dernier, apparemment satisfait de son petit effet, claqua la langue contre son palais, appréciant la légère effervescence du breuvage alcoolisé. Il fallait dire que dans la résistance mutante, le champagne n'était pas tous les jours à la carte - surtout dans le nord de l'Écosse. Il posa la flûte à présent vide sur une desserte, faisant mine d'ajuster son col de chemise, sans quitter son fichu sourire :
— Plus de temps je reste ici, plus vite Hank risque de me repérer et de me renvoyer dans ma chambre...
— Bon, allons prendre l'air. Capitula Charles, les pommettes roses.
Non, il ne s'était pas figé au simple contact des doigts de son vis-à-vis contre les siens. Non, il n'avait pas dévoré des yeux sa silhouette athlétique parfaitement mise en valeur dans ce costume. Et enfin non, un léger frisson d'excitation ne l'avait pas traversé en remarquant que les premiers boutons de sa chemise étaient défaits, laissant négligemment entrevoir son torse.
Un Charles plus téméraire aurait certainement sondé les pensées de cet homme qu'il désirait tant, curieux de savoir ce qu'il attendait de leur entrevue en extérieur. Mais la perspective de discerner ne serait-ce qu'un tiers des visions torrides auxquelles Erik était coutumier n'était pas une option, surtout alors qu'il se trouvait au beau milieu de son groupe d'étudiants !
Ressaisis toi mon vieux !
Vaincu, il actionna les roues de son fauteuil, suivant la démarche un peu claudicante d'Erik, attrapant au passage un nouveau verre - l'alcool aiderait.
Le vent glacé de décembre l'accueillit alors qu'il franchissait le seuil de la terrasse, dénotant nettement avec l'atmosphère chaleureuse de l'intérieur. Pourtant, malgré le spectacle de désolation glacée qu'il offrait, ce lieu était l'un des endroits favoris de Charles. Son esprit ne pouvait se résoudre à effacer les déjeuners, les longues séances de lectures et autres parties d'échecs dont cette terrasse avait été le théâtre deux ans auparavant.
S'il avait été d'humeur plus poétique - soit avec deux coupes de champagne en moins dans le sang - peut être le jeune professeur se serait-il arrêté sur la neige qui tournoyait dans un ballet gracieux, illuminée par les lumières douces des sapins et autre guirlandes festives qui décoraient la façade. Mais en cet instant, il ne voyait qu'Erik, appuyé négligemment contre la balustrade de pierre du balcon, élégamment penché en avant, lui donnant une vue plus qu'imprenable sur sa chute de reins et sur...
Dieu que ce costume était parfaitement ajusté.
...Il leva sa flûte pour la terminer cul sec, laissant le pétillant des bulles envahir son palais. L'alcool montait peu à peu, donnant l'illusion d'une douce chaleur se répandant dans sa poitrine - et n'aidant en rien à la clarté de ses pensées, surtout.
Etranger aux tourments de son hôte, Erik rompit le silence :
— Je vais partir.
L'annonce était prosaique. Simple. Sans aucune poésie ; la réponse le fut tout autant :
— Je m'en doutais.
Mais je n'ai pas envie que tu partes. aurait voulu ajouter le télépathe. Mais la rancœur l'en empêcha.
Comme s'il avait entendu ses pensées, l'homme au regard d'acier se tourna vers lui. Dans la noirceur de la nuit, son expression était indéchiffrable. Il se mordit la lèvre, avant de murmurer d'une voix douce, s'approchant doucement, toujours appuyé sur sa canne :
— Je suppose que te demander à nouveau de partir avec moi...
Charles évita son regard.
— Ma dernière expérience a tes côtés n'a pas été des plus positives. Il ironisa en fixant le fond de son verre, un sourire amer se dessinant sur ses traits.
Mmh. Il allait avoir besoin de plus de deux coupes de champagne pour digérer ce nouveau départ.
Non pas que le fait de partir avec Erik soit une idée repoussante, bien au contraire. Les mois à ses côtés lui manquaient. Leurs parties d'échecs, leurs longs moments passés à refaire le monde... Le chef de la résistance mutante avait été son ami avant d'être bien plus.
Pouvait-il vivre à ses côtés ? Une vie d'itinérances, certes, mais une vie où il se réveillerait chaque matin dans ses bras, le visage blotti dans son cou, ses mains se promenant au gré de ses envies sur son corps musclé par les années de combat... Une vie où ils joindraient leurs forces pour faire du combat pour la cause mutante une lutte universelle et humaniste, portée par ses idéaux de justice sociale... Une vie où il deviendrait un criminel recherché. Erik ne rechignait jamais devant l'usage de la violence. Il avait trop encaissé. Il ne voulait plus perdre son temps.
Mais qu'adviendrait-il alors de l'institut ? De ses protégés ? De Steam, Raven et de tant d'autres ? Sans son statut de chercheur, l'école ne serait plus protégée. Tout comme lui, aux côtés de la résistance...
— J'avais sous-évalué le danger que représentait Voronin. Fit Erik, mettant fin aux pensées maussades du professeur qui soupira bruyamment, désabusé.
— Tu parles du kidnapping de mon étudiant, du moment où Vortex a failli tous nous rendre fous, ou de celui où tu t'es fait tirer dessus ?
Erik éclata de rire face à son air blasé. Son timbre grave se répercuta en écho sur la terrasse, brisant le sérieux du moment. Esquissant une petite grimace, il se tint la côte, se retenant à la rambarde.
— Ne ris pas, tu vas te faire mal. Bougonna Charles, pris entre l'envie de sourire et le sérieux de ses réflexions.
— Je suis prêt à souffrir pour tes beaux yeux tu sais.
Le silence retomba entre eux, laissant en suspens le sourire charmeur que venait de lui adresser Erik. Puis, comme le soleil perçant à travers les nuages, le professeur sentit une douce chaleur caresser son esprit. Par instinct, sans doute, car cela n'était aucunement volontaire - rappelons-nous des visions érotiques - il s'était glissé dans l'esprit de son vis-à-vis, son regard tombant dans les tréfonds de ses prunelles d'acier.
S'il ne l'avait pas réalisé tout de suite, c'était parce que les visions fougueuses auxquelles il s'était attendu avait manqué à l'appel. Il n'avait perçu qu'une douce chaleur, une affection tendre et sincère, portée par bien autre chose qu'un simple désir physique.
— Viens. Il murmura, la voix émue. Rentrons à l'intérieur, il commence à faire froid.
Et j'ai faim de ta chaleur.
Il ne savait pas vraiment s'il avait gardé cette pensée pour lui. Peut-être que ça n'était pas plus mal s'il l'avait partagée. Avec un hochement de tête, Erik se dirigea vers lui, glissant les mains sur les poignées de son fauteuil. D'une démarche légèrement instable, il prit les commandes, le guidant vers l'intérieur.
Le visage du professeur s'enflamma, le champagne reprenant le dessus - et pour cause. Appuyé sur son fauteuil, le bassin de son amant effleurait légèrement le dos de son assise, lui faisant ressentir à chaque pas la chaleur de son corps.
Nulle communication ne fut nécessaire, mentale ou verbale, pour que leur route ne les mène naturellement à l'aile ouest du manoir, faussant compagnie à la fête pour s'arrêter devant la chambre d'Erik.
Ce dernier s'immobilisa, glissant ses mains sur les épaules du professeur pour déposer un léger baiser sur le sommet de son crâne.
— J'ai envie de te prendre dans mes bras...
— Tu vas ouvrir tes points... Soupira Charles, se laissant aller en sentant ses bras fermes se refermer autour de lui.
— C'est un risque que je suis prêt à prendre. Ronronna Erik, laissant échapper un nouveau rictus douloureux malgré lui.
Si Charles avait envie d'argumenter, le regard qu'il porta sur lui lui coupa toute envie. Il le dévorait des yeux. Littéralement.
Alors, il ferma les yeux, sentant les muscles de son doux amant se contracter pour l'aider à quitter son fauteuil - et en vue de sa situation physique, ses pouvoirs facilitaient grandement la manœuvre.
Dans le même temps, ses lèvres se posèrent sur les siennes, scellant leur étreinte dans un baiser si doux que le télépathe crut qu'il allait fondre. Ses doigts se glissèrent le long des joues d'Erik, caressant sa peau fraîchement rasée, appréciant les contours virils de sa mâchoire.
Il perdait le contrôle. Et plus il perdait le contrôle, et plus le flux ininterrompu de ses pensées s'ouvrait à son amant.
Je te veux tellement... Il n'y a que toi, il n'y a toujours eu que toi.
— Me déconcentre pas... Gronda Erik, fronçant les sourcils.
Il n'y a que toi qui me fait cet effet-là. A ta simple approche, c'est mon corps tout entier qui se consume. Je n'attends toujours que le moment où nos regards vont se croiser, où nos mains vont s'effleurer. Je veux que tu me touches Erik. Je veux t'appartenir, encore, toujours. Parce que tu es le seul...
Et cette dernière pensée eut raison de la concentration du résistant qui perdit un instant le contrôle de ses pouvoirs, jurant alors qu'ils basculaient tous deux sur le matelas, soumis à la gravité.