"You're begging me go then making me stay
Why do you hurt me so bad?
It would help me to know, do I stand in your way?"
꒷꒦︶꒦꒷Ⓧ꒷꒦︶꒦꒷
Parti aux États-Unis dans sa prime jeunesse, Charles n'aurait jamais imaginé que les traces de la Seconde Guerre imprégneraient encore autant l'Europe ; à cet égard, malgré les capacités extra-ordinaires de son esprit, il n'avait pas scruté méticuleusement chaque pierre marquant les contours escarpés des falaises.
Raven, sous les traits d'une voluptueuse blonde aux yeux verts, l'avait traîné sur deux kilomètres avant de s'arrêter devant l'une d'entre elles. Sans quitter la moue mi-figue mi-raisin qu'elle arborait depuis leur sortie de l'hôtel, elle se tourna vers son ami d'enfance, lui indiquant une autre pierre à la forme similaire, plus loin sur la côte :
— C'est l'une des entrées. A partir d'ici, tu en as tous les kilomètres à peu près. Le gamin est retenu dans la zone la plus basse, il va falloir qu'on marche un peu là dessous.
Puis, avisant le pantalon de costume couleur crème et la jolie veste à col de fourrure que portait Charles, elle ricana :
— Tu aurais dû mettre des vêtements qui ne craignent pas.
Ses doigts jouèrent un instant sur la mousse et le lichen recouvrant la pierre, révélant une vieille poignée métallique corrodée ; d'un geste ferme, elle tira dessus, révélant les contours d'un soupirail aux murs de basalte, couverts d'humidité et d'algues poisseuses.
Aisément, elle se glissa dans l'ouverture, faisant grimacer Charles qui affichait une expression pincée - il sentait déjà ses genoux protester à la simple idée de se frotter aux roches rugueuses.
— Je n'avais pas prévu que vous viviez encore comme des hommes des cavernes. Il grogna.
Pour seule réponse, Raven pouffa, reprenant son apparence mutante une fois arrivée dans un couloir plus large, de l'autre côté de l'ouverture. Ses yeux luisaient faiblement dans l'obscurité de la casemate.
De mauvaise grâce, le jeune professeur se hâta de la suivre, égratignant - comme prévu - ses jambes encore faibles sur la surface dure. Cette épreuve passée, il se redressa, sentant les ténèbres l'envahir alors qu'il faisait un premier pas dans le couloir obscur. A nouveau, un frisson inquiet le parcourut. Par réflexe, il porta une main à son arme, toujours soigneusement glissée à l'arrière de son pantalon.
A chaque pas, ils s'enfonçaient un peu plus dans les ténèbres.
En pente douce, le couloir ne semblait pas avoir de fin, les lueurs glauques de néons fixés au mur se répétant encore et encore, saturant l'air de leurs bourdonnements désagréables.
Dehors, le vent s'était levé.
Silencieuse, Raven ouvrait la voie, sa silhouette féline se découpant dans la lumière, le boîtier de Charles enfoui dans son poing. Le plan des lieux en tête, elle s'arrêta pour bifurquer dans un nouveau couloir jusque-là tapi dans l'obscurité, les yeux brillants.
Heureusement qu'elle est là. Cet endroit est une véritable souricière. Frissonna Charles alors qu'ils débouchaient sur une étroite cage d'escalier bardée de grands barreaux métalliques qui n'étaient pas sans rappeler les contours d'une prison.
— C'est en bas. Elle chuchota en désignant les marches de basalte poisseuses.
Ils étaient pratiquement sous le niveau de la mer. Depuis combien de temps marchaient-ils ? Un quart d'heure ? Une heure ?
A nouveau, Charles porta une main à son arme. Surprenant son geste, Raven fronça les sourcils :
— Calme-toi. Il faut que tu occupes Erik le temps que je désactive la cellule du gamin. Si tu mets la base en état d'alerte...
— Je-
Elle leva un doigt avant qu'il ne puisse objecter quoi que ce soit :
— Si jamais tu entends l'alarme... fuis. Prends ce couloir et retourne à l'entrée. Cache-toi dans le ressac. Je viendrais te chercher. Promets-moi de fuir Charles et-
Elle ne put finir sa phrase. Il y eut un bruit au loin, comme un sifflement. Posant un doigt sur ses lèvres pour faire signe au jeune professeur de se taire, elle avança tranquillement vers les marches, mains dans le dos. Son pas était si léger qu'on aurait pu penser qu'elle dansait.
— Mystique. Résonna une voix grave plus bas. Je me disais bien que tu n'étais pas rentrée hier.
Charles se plaqua contre la paroi humide de la casemate, ses yeux s'élargissant en reconnaissant les inflexions d'Erik. Dans le clair-obscur des néons, sa silhouette athlétique apparut, coiffée de son casque métallique.
"Ne joue pas au héros." Mima silencieusement Raven avant de se tourner vers le leader de la résistance, avec un petit rire :
— Je suis allée au village m'amuser. Les nuits ici sont trop ennuyeuses pour moi.
— Voronin te cherchait. Il veut prendre un peu de tes pouvoirs pour s'approcher du gosse. Il n'arrive pas à absorber les siens, ils sont trop instables car il n'est pas en confiance. Ça serait dangereux pour Vortex.
Imperceptiblement, Raven s'était tendue. Hochant silencieusement la tête, elle prit la direction des escaliers, passant devant Magnéto, raide comme un I.
— Qu'est-ce que tu as dans la main ?
Charles retint son souffle en voyant Erik pointer du doigt le poing serré dans lequel elle tenait fermement le petit boîtier explosif qu'il lui avait confié. Il se mordit la lèvre, envoyant une prière silencieuse à sa bonne étoile - qui n'avait pas brillé par sa bienveillance ces derniers temps.
— C'est...
La jeune femme n'eut pas le temps de finir sa phrase ; avec un simple geste du poignet, Magnéto attira le petit boîtier vers lui. Malgré l'obscurité qui régnait dans le bunker, Charles put voir ses traits se durcir en reconnaissant le "X" gravé dans le métal de l'objet.
— Tu es allée au village pour t'amuser hein ?
Sa voix, jusqu'ici calme, avait pris un timbre menaçant. Il leva la main, lentement.
Obéissant à ses pouvoirs, l'une des barres soutenant la structure de la cage d'escalier quitta son poste dans un grincement sinistre, filant à la vitesse de l'éclair vers Raven, à la manière d'une lance. Il la stoppa juste avant qu'elle ne transperce sa poitrine, laissant la jeune mutante figée, le souffle coupé.
Apparemment satisfait de la menace qu'il faisait peser sur son alliée, Magnéto s'approcha lentement, visage fermé, du venin dans la voix :
— Ça vient de l'institut Charles Xavier, je ne suis pas stupide.
Raven recula d'un pas, cherchant dans l'obscurité le regard de Charles. La panique se lisait sur son visage.
— Je... c'est rien du tout. Juste un souvenir de...
Face au leader de la résistance, sa belle assurance avait fondu comme neige au soleil.
— Un souvenir ? Si ça n'est qu'un souvenir, je suppose que je peux l'activer à côté de ta tête, n'est-ce pas ?
Menaçant, le boîtier flotta lentement dans sa direction, un compte à rebours apparaissant sur son petit écran digital. Toujours sous la menace de la barre en métal, Raven ferma les yeux, déglutissant lentement.
— Erik.
La voix calme - quoi qu'un peu tremblante - Charles fit un pas hors de sa cachette. La lueur vacillante des néons illumina un instant ses yeux clairs, les faisant briller dans l'obscurité du couloir.
— Laisse la partir, tu sais qu'elle ne représente aucune menace pour toi. Il murmura, s'avançant lentement vers son rival, tentant de calmer les battements de son cœur qui tambourinait furieusement contre sa poitrine.
Ce dernier le fixait, silencieux, la main encore tendue vers Raven, retenant son geste. Après un court moment qui sembla marquer une phase d'hésitation, la barre de métal tomba au sol avec un tintamarre qui se répercuta en écho contre les parois humides.
La mutante à la peau azur fit un pas en arrière, jetant un regard d'avertissement à Charles.
Ah ! A nouveau. Il jouait au héros.
Du bout du pouce, elle réinitialisa le timer du boîtier explosif, disparaissant dans l'ombre quand Charles lui fit un discret signe de tête.
Il avait retrouvé Erik. Le plan se déroulait presque sans accrocs pour le moment.
A présent seul face à lui, le regard du leader de la résistance mutante était plus froid que les cercles polaires. Fermé, il croisait les bras, bouche pincée, comme pour empêcher le moindre son de franchir ses lèvres. Il fit un pas vers lui, ses bottes claquant contre le sol humide.
— Merci. Fit Charles.
— Tu marches.
Le professeur baissa les yeux. Brûlure glaciale, le regard de son ancien ami et amant ne le quittait pas, glissant sur ses jambes comme l'on observe un événement particulièrement incongru.
— Oui. J'ai-
— Tu ne devrais pas être ici.
Incisive, la voix était tout aussi froide que le regard.
— Je suis venu pour toi Erik. Tu dois arrêter avant d'aller trop loin.
— Quelle douce sollicitude. J'ai presque envie de pleurer.
Ravalant la réplique cinglante qui lui venait à l'esprit, Charles s'avança, tentant une autre approche.
A la guerre comme à la guerre.
Ses doigts effleurèrent la joue de son rival, ressentant le piquant de sa barbe qui n'avait pas été rasée depuis leur dernière rencontre. Aventureux, ils glissèrent petit à petit le long de sa mâchoire carrée, tendue par des mots qui ne voulaient pas sortir. Peu à peu, la peau se couvrait de frissons, réagissant à son contact.
Erik ferma les yeux - juste un instant, une inspiration profonde venant soulever sa poitrine :
— Charles.
D'un geste sec, il saisit le poignet du professeur avant que ce dernier ne puisse poursuivre sa caresse. Son regard s'était assombri :
— C'était une très mauvaise idée pour toi de venir ici. Tu ne sais pas ce... tu ne comprends pas à quel point ce que je fais va changer le monde.
Et autour de la main de son vis-à-vis, sa poigne était sévère. Tremblant, Charles avait l'étrange sensation d'être un mauvais élève pris la main dans le sac, en pleine infraction d'il ne savait trop quel règlement intérieur.
"Ne pas craquer sur criminel multi-récitiviste". Un truc dans ce genre là.
Erik se pencha sur lui, son souffle venant titiller le creux de son oreille. Frisson délicieux.
— Quand j'en aurais fini Charles, on pourra se retrouver. Promis. Le monde sera prêt pour nous...
— Arrête ta croisade Erik. Le monde a changé. Les mentalités évoluent.
— Trop lentement Charles. Trop lentement. J'ai vu les élèves à l'institut. J'ai vu leur souffrance. Notre souffrance. C'est une question de temps avant qu'ils ne se décident à mettre fin au "problème" que nous représentons. Nous sommes le maillon fort de l'évolution. Tu le sais mieux que quiconque, tu lis leurs désirs. Ce n'est pas nous qui devrions nous cacher, ni même nous soumettre.
Le leader de la résistance parlait de plus en plus vite, serrant de plus en plus fort le bras de celui qu'il voulait à ses côtés :
— Je veux t'offrir ce monde où tu pourras être fier d'être mutant, fier d'utiliser tes pouvoirs pour faire le bien. Et si je dois réduire cette Terre en cendres pour t'offrir ce paradis, je le ferai chaque jour.
Un sourire timide fleurit sur ses lèvres, comme une tentative de faire accepter son discours à Charles qui n'avait pas bougé, pris entre l'envie rationnelle de fuir cette folie guerrière et celle, tentatrice, de se laisser aller à la déraison.
Imperceptiblement, son corps s'était tendu ; contrairement à sa tête, ses jambes avaient pris la décision de fuir dès que Magnéto était apparu.
Cependant, il n'eut pas le loisir de planifier le moindre départ, le moindre bond, le moindre sursaut. Erik le saisit par la taille, l'attirant contre lui dans une étreinte aussi inattendue que délicieuse.
Le monde cessa de tourner.
Les lèvres possessives du résistant s'étaient abattues sur les siennes, les dévorant comme s'il était un loup affamé. Ses mains étaient partout. Elles glissèrent sous sa chemise, froissèrent sa veste, tirèrent ses cheveux.
Pris au dépourvu, Charles laissa échapper une exclamation de surprise, sentant tout à coup le contact froid et rugueux du mur contre son dos. Erik le tenait à sa merci, maltraitant ses lèvres avec hargne, le clamant comme sien, encore.
Un instant - de trop sans doute - le jeune professeur se laissa envahir par la chaleur de ce corps guerrier, rejetant la tête en arrière pour lui offrir sa gorge.
Dans son esprit, tout était trop confus.
Puis tout devint noir.