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FubukiANDHylas
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Chapitre 1

(Note des auteurs: Des scènes de violence sont présentes sur ce chapitre)

Une tempête s’abattait sur les rues de Bryminster. La pluie était si forte que l’on pouvait comparer les gouttes à des milliers d’aiguilles prêtes à entailler l’épiderme. Le vent soufflait si fort que l’on pouvait entendre son chant à travers les arbres et les cloisons des maisons. Le tonnerre, quant à lui, émettait tellement de bruit qu’il maintenait éveillés tous les habitants aux alentours. 

Face à ce déluge offert par Mère Nature, aucun villageois ne se risquait à quitter ses appartements. Néanmoins, il était encore possible de discerner, dans cette mélodie orageuse, le hennissement de chevaux, ainsi que les roues d’une calèche sur les pavés mouillés de la ville. En son bord se trouvait une femme, secouée de toute part, suite à l’instabilité du véhicule. Cependant, cela n’avait pas l’air de la déranger. Un petit carnet entouré de cuir était posé sur ses genoux, son encrier posé sur la place à ses côtés ne semblait pas glisser, pas une seule goutte d’encre n’avait quitté son contenant. Tout ça grâce à la magie. S'il y avait bien un moment où il s'avérait possible de l’utiliser en toute discrétion, il s'agissait de celui-ci. 

L’écriture constituait un bon moyen de s’occuper pendant le trajet pour la femme à l’intérieur de la voiture. Elle retranscrivait essentiellement ses rêves. Cela lui permettait de s’évader encore un peu avant de reprendre le travail. Mais ces derniers temps, ses songes prenaient des tournures déconcertantes. Elle y voyait une fille dans une maison en feu. Elle se souvenait l’avoir vue à plusieurs reprises auparavant. A chaque réveil, une sensation étrange ne la quittait pas. Si tout ça avait un sens, les noter noir sur blanc lui permettrait de trouver une explication plus tard. 

Après une bonne heure de route à braver l’intempérie, la calèche s’arrêta devant un manoir. Trempé jusqu’à l’os, le cocher descendit de son siège et ouvrit la porte à la dame avant de lui tendre sa main pour l’aider à descendre. Tel le gentleman qu’il était, l’homme dénommé Ezra retira sa veste pour la mettre au-dessus de la tête de sa passagère avant même que celle-ci ne pose pied à terre. Un grand sourire se dessina sur le visage de la rousse, alors qu’une goutte de pluie se posa sur sa main. Elle aimait le son que pouvaient produire les gouttes sur les vitres, de l’orage qui grondait ou bien même sentir son odeur si particulière. 

— Nous sommes enfin arrivés, annonça Ezra. En espérant que pour le retour, cette tempête se sera calmée. Ce n'est vraiment pas agréable de rouler tout en étant trempé ! 

 — Tu veux plutôt dire que c’est merveilleux ! Sens-moi cet air, cette merveilleuse odeur de pluie..., répondit alors Sotiras, toujours avec un grand sourire. 

Sa main se posa sur l’épaule de l’homme, le regard de celui-ci évitant de croiser le sien. Il pouvait sentir à travers toutes ses couches de vêtements la chaleur de son corps bouillonnant. Si on devait donner une température à l’enfer, c’est elle qu’on désignerait comme la plus similaire. 

— Bon ! Allons-y avant que tout ne disparaisse, reprit-elle. 

— Oui, tu as raison, hâtons-nous avant que le meilleur choix ne soit vendu, répondit le brun avant d’emboîter le pas. 

Si cette soirée-là, les deux comparses se trouvaient face à un gigantesque domaine. Ce n’était pas pour le plaisir de festoyer dans une soirée mondaine avec les invités déjà présents, mais pour participer à une réunion bien plus privée, plus secrète, même clandestine. 

Ils rejoignirent l’entrée, l’homme récupéra en même temps sa veste, tout en la secouant d’un geste ferme. Il l’enfila avec une fluidité parfaite, passant également une main dans ses cheveux pour replacer les mèches rebelles mouillées par la pluie, puis il tira avec fermeté sur le revers du col du vêtement, accompagné d’un léger mouvement d’épaule. En un instant, celui qui était trempé jusqu’à l’os se retrouva complètement sec, comme s'il n’avait jamais plu. À bien des égards, Ezra non plus n’avait pas grand-chose d’humain. Bien que ses pouvoirs n’étaient pas aussi puissants que ceux de la rousse, ils ne s'avéraient pas moins efficaces au quotidien. 

Il frappa à la porte. Ils ne patientèrent pas très longtemps avant que celle-ci ne s’ouvre. Se retrouvant alors nez à nez avec un majordome dont l’attitude faisait comprendre à n’importe qui qu’il était face à des visages bien connus. 

— Bonsoir, Monsieur, et à vous aussi, Madame, prononça-t-il d’une voix rauque, mais tout de même posée, dont chaque mot était articulé avec une finesse aristocratique. J'espère que la route ne fut pas trop périlleuse ?  

— Nous sommes arrivés en un seul morceau, répondit Ezra d’un ton agacé, faisant comprendre qu’il eut du mal à apprécier le voyage. Nous pouvons en conclure que le trajet s'est plutôt bien déroulé. 

Le majordome savait pertinemment que Sotiras avait horreur de ce genre d'endroits, et qu'une route difficile n’allait pas arranger son humeur. Il fallait expédier cette soirée le plus rapidement possible. 

— Oui, vous avez sans doute raison, lui répondit le majordome. Dans ce cas, si vous voulez bien me suivre, dirigeons-nous vers la salle de vente. 

Les deux amis suivirent le vieil homme à l’extérieur, guidant les deux acolytes vers le sous-sol par un accès plus discret. Sotiras ne disait rien. Elle ne parlait jamais d’ailleurs. Elle voyait tous ces hommes comme des monstres, ce qui était plutôt cocasse venant d’une créature des enfers. Ezra prenait toujours la parole, bien qu’il ne fût que le “cocher”, et que, dans l’idée commune, le rang supérieur devait tout superviser. Les seules fois où les gens de ce cercle privé entendaient le son de sa voix, c’était pendant les enchères et les transactions. C’était plus fort qu’elle, ce genre d’endroit la répugnait au plus profond de son âme. Toutes sortes de choses s’y passaient : achats de viandes douteuses, de drogues de synthèse, de faux papiers et même d'organes humains. On y trouvait aussi des antiquités volées, des armes de guerre et des doses de médicaments contrefaits, destinés à ceux prêts à tout pour un peu plus de pouvoir ou d’argent. La vente de prostituées issues du trafic humain, ou de créatures illégales pour des expériences, était aussi monnaie courante. Chaque transaction, à la fois sordide et déshumanisante, laissait un goût amer dans sa gorge. 

Les bas-fonds de l’humanité se trouvaient à cet endroit. 

Ce soir-là, les deux acolytes avaient fait le déplacement pour une vente aux enchères, mais pas n’importe laquelle : celle-ci visait la vente d’esclaves, des personnes dont on avait oublié l’existence. Des gens sans importance, dont le sort n’importait à quiconque. Homme ou femme, qu’importe ce qu’ils ramenaient au manoir, leur Maître n’en avait que faire ; en réalité, seule l’âme importait, il fallait qu'elle ait l’air appétissante. 

Quelques minutes après s’être installés, la vente commença. Les choses s’enchaînèrent rapidement. Bien que Sotiras ne fût attirée par aucune des personnes présentées. Le temps devenait de plus en plus long avant que le commissaire ne tire le bras d’une jeune femme et la jette sur scène comme un vulgaire bout de viande sur un étalage. Le regard du démon ne s’arrêta qu’un instant sur celle qui était présentée : une jeune femme au visage fin, aux traits tirés par la famine et la fatigue, des cheveux roux flamboyants mais complètement emmêlés et sales, ainsi que des yeux jaunes à en faire pâlir l’or. Le temps s’arrêta autour d’elles, quand toutes deux échangèrent un regard, lourd de sens. Le cœur de Sotiras, ou du moins, ce qui en semblait être un, se serra. C’était la première fois qu’elle voyait des yeux similaires aux siens. 

— Voyez, Mesdames et Messieurs, notre dernier lot de la soirée ! N'est-elle pas magnifique ? dit l'homme en saisissant brutalement ses cheveux d’une main pour lui redresser la tête, tandis que l'autre glissait sur son visage, s'attardant avec force sur son menton. Vous ne pourrez pas passer à côté de ce splendide spécimen ! Les enchères démarrent à 200 soverings ! 

La jeune femme, à peine vêtue, eut du mal à supporter la lumière qui émanait des bougies. Cela faisait des heures qu’elle attendait debout avec un bandeau sur les yeux. Il lui fallut un peu de temps pour s’adapter. Puis elle balaya du regard la salle, jugeant et méprisant chaque personne assise à l’observer comme si elle était une bête de foire. Mais quand elle croisa le regard d’une femme, son âme fut transpercée de milliers d’épines, un espoir naquit dans son cœur. Est-ce que ce regard allait lui sauver la vie ? Hélas, seul le temps pourrait répondre à cette question, les prochaines secondes seront les plus décisives pour son destin. 

— 300 soverings ! fit Sotiras, le bras tellement tendu qu’elle risquait de se déboîter l’épaule. 

Un homme leva alors la main. 

— 350 soverings. 

La rousse redressa la tête. Mais qui avait l'audace de vouloir la concurrencer ? 300 soverings étaient déjà bien trop élevés pour une simple esclave qui, de toute façon, finirait morte dans un caniveau ou dans les rues de Bryminster à faire le tapin pour quelques pièces. Avec 300 soverings, elle n'allait pas rapporter grand-chose à cet homme. 

— 400, dit-elle d'un ton froid. On pouvait lire son agacement dans son regard. Mais apparemment, l'homme n'avait pas l'intention de s'arrêter là. 

— J'ai 400 soverings par ici... Qui dit mieux ? Ah ! 500 livres pour l'homme au chapeau ! 

Sotiras serra les poings. L'enchère montait à une vitesse folle, mais la situation commençait à lui échapper. 

— Je m'arrête ici, annonça-t-elle dépitée, prête à se lever pour partir. 

Mais Ezra n'en démordait pas. Il leva le bras de la demoiselle. Elle le regarda sans comprendre. C'était bien la première fois qu'il lui faisait ça. 

— 1000 soverings ! beugla-t-il. 

Tout le monde se tut d'un coup. Le souffle suspendu dans la pièce, l'annonce de cette somme stupéfiait les enchérisseurs. Une telle somme pour un simple repas ? C'était complètement absurde. 

Ezra, tout sourire, fit un clin d'œil à Sotiras. 

— Tu la veux, cette petite, ça crève les yeux. Et il est hors de question qu'on reparte sans rien. Je n’ai pas envie d’entendre le Maître nous passer un savon parce qu’on est rentrés les mains vides. 

Sotiras regrdait son camarade de travers. Elle se sentait piégée. Mais il n’y avait plus de retour possible. 

Après un moment de silence lourd, le maître priseur brisa la tension. 

— Est-ce que l'on a une offre à 1100 soverings ? Non ? Personne ? 1000 soverings, une fois... deux fois... trois fois... adjugée, vendue ! Toutes mes félicitations, mademoiselle. Vous pouvez venir récupérer votre achat 

Le bruit du marteau résonna dans la salle, marquant la fin de l’enchère, et avec elle, la fin de la soirée. Peu à peu, les invités se levèrent pour se diriger vers les comptoirs où l'argent des enchères serait collecté. 

Sotiras se tourna brusquement vers Ezra, les yeux pleins de colère et de surprise. 

— Ezra ! Tu es malade ! 1000 soverings ! On va se faire tuer ! affirma-t-elle, tout en chuchotant contre son ami, frustrée et inquiète. 

L'angelot haussait les épaules avec assurance et fit un clin d'œil à la démone, lui montrant qu'il avait la situation sous contrôle. 

 

Le reste de la soirée, la jeune femme conserva un teint livide. Elle savait pertinemment les retombées qui les attendraient à leur retour. Il s'agissait de la première fois qu'ils dépensaient autant pour de la nourriture. Mais il était trop tard pour faire marche arrière à présent. Ils essayaient tant bien que mal de se rassurer, en se disant qu'ils ne pouvaient pas se permettre de revenir les mains vides, il valait peut-être mieux dépenser plus que revenir sans rien. 

Tandis que Sotiras s'occupait de la partie « administrative », Ezra alla récupérer la demoiselle encore debout sur l'estrade. Face à elle, il retira sa veste pour la déposer sur ses épaules. Ses vêtements étaient dans un si piteux état qu'à travers les trous, on pouvait tout y deviner. Mais ce geste pourtant si anodin fit faire à la jeune fille un mouvement de recul, alors qu'elle lançait un regard noir au brun. Tout aussi surpris par sa réaction, même s'il comprenait son comportement, il prit alors une voix douce et rassurante : 

— Je ne vous veux aucun mal, permettez-moi de vous prêter ma veste, car le temps dehors n'est vraiment pas clément, lui dit-il avec un tendre sourire. 

La salle étant à présent vide, personne ne pouvait louper les pas pressés de Sotiras. Ses talons claquaient si fort contre le sol qu'un trou semblait prêt à s'y former. 

— On retourne à la voiture, dit-elle d'un ton sec. 

Encore agacée par ce qu'avait fait l'angelot à peine une heure avant, elle ne cessait de répéter durant le trajet à la calèche : 

— 1000...1000 SOVERING ! Mais Ezra, qu'est-ce qu'il t'est passé par la tête ?! Tu te rends compte qu'on va devoir les rembourser ?! Il ne va jamais accepter qu'on ait dépensé autant pour… ça ! continua-t-elle en pointant du doigt l'esclave. 

Ezra répndit à Sotiras avec son petit sourire désinvolte. 

— Ne t'en fais pas, je m'occupe de tout expliquer au maître. Arrête de te tracasser. Et regarde, en plus l'orage a cessé. Nous pourrons rentrer plus rapidement ! Et je serai plus que ravi d'être sec et non aveuglé par des gouttes dans les yeux, fit l'homme avec son grand sourire angélique. 

— N'essaie pas de changer de sujet, Ezra ! Tu le sais autant que moi qu'on va devoir tout rembourser ! Et en plus, tu vas dire quoi au Maître ? Qu'on a craqué parce qu'elle a un joli minois ?! 

La démone le savait pertinemment, le Maître n'avait rien d'un enfant de cœur et dépenser autant d'argent pour un morceau de viande dont il allait n'en faire qu'une bouchée, c'était inimaginable. Ce n'est qu'une fois devant les portes du véhicule que la jeune esclave répondit sur un ton froid. 

— Personne ne vous a forcé à surenchérir, on ne vous a pas mis le couteau sous la gorge que je sache. 

L'homme écarquilla les yeux en entendant enfin la voix de celle qui avait coûté un pesant d'or. Venait-elle vraiment de défier l'autorité de la seconde ? Si elle savait à quel genre de personne elle venait de s'attaquer... Pourtant, loin de le déstabiliser, cela sembla plutôt l'amuser alors qu'il se préparait à ouvrir la portière. 

— Elle a du cran, la p'tite, j'adore ! 

Ne la voyant pas venir, la rousse saisit les cheveux de la jeune effrontée, ses mains semblables à du fer chaud brûlaient doucement le crâne de celle-ci, un mot de plus et le contrôle de Sotiras disparaîtrait. La demoiselle retenait un râle de douleur, il fallait dire qu'elle n'était pas du tout douillette. Son enfance fut un très bon enseignement. 

— Réponds-moi encore une fois, et c'est ta langue que je brûle, je me suis bien fait comprendre ?! 

Si la rousse n'aimait pas une chose, c'était bien que la nourriture se rebelle. 

— Si tu penses qu'on est là pour sauver ton cul, ma fille, tu te trompes ! 

D'un coup sec, elle retira des épaules la veste d’Ezra mais, contrairement à la chevelure du bout de viande, le tissu prit feu d'un coup et, en un claquement de doigt, la veste disparut, ne laissant que des cendres face à eux. 

— Le bétail n'a pas à être traité comme les humains. Dépêche-toi de monter dans la calèche maintenant ! cria-t-elle en montrant du doigt la porte. 

— Je ne savais pas que les bêtes montaient dans les calèches, tout le bétail que j'ai pu voir était attaché à l’arrière. 

Ce fut les paroles de trop, Sotiras n'en démordait pas, d'un simple coup de pied, elle mit à terre la femme face à elle. Se penchant ainsi sur celle-ci, un sourire démoniaque aux lèvres. 

— Même une vache à ce prix, je la fais monter avant qu'elle ne finisse dans mon assiette. Reste maintenant à ta place. Pour la peine... 

Elle arracha sans mal sa robe en ruine, la laissant dans sa tenue la plus singulière, puis elle ajouta, toujours sur un ton glacé : 

— Tu seras nue pour ce voyage. Donc maintenant, monte dans cette calèche, nous avons un long voyage. À moins que tu aies envie de prendre la place d'un des chevaux et que celui-ci monte avec moi ? 

Ne comprenant pas ce qu'il venait de se passer, la demoiselle avait à présent les fesses posées sur la boue froide, regardant avec dédain la femme devant elle. Elle n'en démordait pas, de toute son ardeur, elle se releva, essuyant tant bien que mal ce qui était collé sur elle. 

— Non, ça ira, je vais épargner ce supplice à... 

Bouillonnant depuis le début de l'altercation, le brun ne laissa pas finir la demoiselle, il éclata d'un coup. Lui qui était habituellement si enjoué et calme. 

— Ça suffit maintenant ! On arrête ces enfantillages et on monte dans cette calèche ! Nous avons assez perdu de temps ! dit-il d'un ton ferme. Et Sotiras, tu serais priée de faire plus attention à mes affaires ! Cette veste n'était pas donnée ! Donc fermez-la toutes les deux ! Et montez ! 

Il ouvrit ainsi la porte aux filles, laissant en premier monter la jeune femme qui peinait à retirer la boue de son corps. 

Alors, Sotiras, qui  n'en revenait pas d'avoir vu son ami si en colère, se calma instantanément, voyant au sol la veste, désormais semblable à une fin de cheminée. Elle retira la sienne, la donnant à celui qui allait faire le chemin inverse. 

— Excuse-moi... je... je me suis emportée... dit-elle, honteuse, elle osait à peine la poser sur les épaules du garçon. Je vais t'en acheter une autre. 

Les sourcils toujours froncés, il ne décolérait pas, mais prit la veste placée sur lui. 

— Tu n'as pas l'impression d'être trop dure avec elle ? Au vu du sort qui lui est réservé. 

Ne répondant pas, sachant pertinemment qu'il avait raison, elle regardait simplement de droite à gauche avant de faire apparaître un parapluie. 

— Prends ça. Il va de nouveau pleuvoir. 

Elle le lui mit simplement dans la main avant de monter. L'esclave ne quittait pas des yeux la jeune femme, qui, elle, contrairement à son cas, se trouvait encore habillée. 

Le voyage du retour commença dans le silence le plus total, la demoiselle s’accouda au rebord de la fenêtre, profitant du calme et réfléchissant à sa condition. Il fallait dire que passer de la rue à une calèche aussi luxueuse était tout de même étrange, bien qu'elle ignorait où on l'emmenait. Elle constata simplement que le véhicule se penchait de plus en plus, par déduction, elle se disait qu'ils allaient sûrement au point de la montagne le plus haute, il y avait tout un mystère entourant le manoir logé là-haut. On y disait qu'il s'y cachait un monstre tellement immonde que personne n'osait monter, d'autres racontaient que plusieurs personnes avaient disparu alors qu'elles grimpaient pour demander l'aumône à l'hôte des lieux. Enfin... bien des choses étaient dites, mais personne ne connaissait réellement la vérité. 

Ce fut à peine au milieu du voyage que Sotiras s'adressa à nouveau à la jeune femme. Elle qui avait passé auparavant plusieurs minutes à la maltraiter, l'observa ensuite, son visage lui rappelant vaguement quelque chose, mais impossible de savoir d'où. 

— Il faut que je t'énonce les quelques règles avant que tu arrives. 

Croisant les jambes et remettant en place sa jupe, Sotiras regardait la rouquine qui se trouvait encore complètement nue. Elle lui fit réapparaître des vêtements, quelque chose de simple lui permettant de se réchauffer un peu. La démone prit une grande inspiration avant de reprendre la parole : 

— Je suis désolée de m'être énervée, ce n'était pas justifié de te parler ainsi. 

Connaissant le destin tragique qui lui était destiné, elle se disait qu'un peu de compassion ainsi que la présentation d'excuses s'avéraient plus que nécessaires. Bien qu'étant une créature de Lucifer, elle n'en était pas moins dépourvue de pitié et de sympathie. 

Encore accoudée au rebord, la femme sortit de sa rêverie en entendant les raclements de gorge de la démone, lui montrant ainsi toute son attention malgré la tension palpable entre elles. Quelle ne fut pas sa surprise lorsque celle qui l'avait précédemment jetée au sol s'excusa pour ses paroles et ses gestes. Il est vrai que jamais personne ne lui avait adressé d'excuses après lui avoir hurlé dessus ou même bousculé, c'est donc sans rancune qu'elle décida de lui pardonner. 

— Ce sont des choses qui arrivent... ce n'est pas grave. 

Sentant à nouveau le poids et la douceur de vêtements sur son corps, elle fit les yeux ronds en sentant la chaleur du tissu sur sa peau. Elle balaya du regard son corps et palpa par réflexe ses bras et ses cuisses. Mais... comment avait-elle fait ça ?! 

— Donc... je disais, reprit Sotiras qui était ravie que la jeune femme accepte ses excuses, il y a quelques règles que tu dois connaître : 

Premièrement, il t'est strictement interdit de sortir de tes quartiers tant que le Maître ne t'a pas fait appeler. 

Deuxièmement, tu ne recevras ni visites, ni messages, et toute tentative d'entrer en contact avec l'extérieur sera punie. 

Troisièmement, une fois face à lui, interdiction de le regarder dans les yeux et de parler sans y être autorisé. 

Et dernièrement, tu ne dois jamais oublier que son autorité est absolue et qu'aucune erreur n'est tolérée en sa présence. 

C'était très inhabituel de la part du démon, elle qui n'avait pas pour coutume d'adresser la parole aux personnes qui allaient servir de repas au maître. Mais elle avait ce sentiment étrange en elle. Pourtant, elle savait très bien qu'énoncer ces règles était des plus inutiles, si elle restait quelques heures au manoir, ça allait être déjà très bien. 

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