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FubukiANDHylas
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Chapitre 4

(Note des auteurs: Ce chapitre parle d’un personnage mort par pen…Si le sujet vous est sensible même dans sa mention, ce chapitre n’est pas pour vous)

Les semaines étaient passées à une allure folle. Eileen avait d’ailleurs bien pris ses marques et ses repères dans le manoir, n’ayant plus besoin de Sotiras ou d’Ezra comme chaperons dans les couloirs. La démone avait trouvé chez la jeune femme une épaule sur laquelle se reposer, pouvant ainsi accomplir davantage de tâches que le Maître lui confiait. Comme pour cette journée, Sotiras était partie avec le cocher en ville, cherchant, à la demande de l’hôte de maison, du tissu pour de nouvelles tenues, car il estimait que les siennes n’étaient plus dans l’air du temps.

La jeune femme, qui était restée à la maison pour s’occuper du jardin, avait appris des choses depuis son arrivée. Comme le fait que les rumeurs concernant le manoir n’étaient pas totalement fausses... Le Maître, dénommé Bartholomew, était le propriétaire, un personnage assez discret qu’elle n’avait finalement vu qu’une fois. Sotiras lui avait avoué qu’il était humain, ou plutôt, qu’il ne l’était plus. Elle lui avait expliqué qu’il était devenu une sorte d’ombre, ne pouvant sortir de l’enceinte du domaine. Quant à la rouquine, eh bien, elle était tout simplement un démon, envoyé par Lucifer lui-même. Elle était devenue le bras droit du Maître. Ezra était un peu moins fier des conséquences de sa venue. Il était à peine tout jeune ange gardien, et puis, “pouf”, c’étaient ses mots, il s’était retrouvé face à Sotiras, sur un sol froid, trempé, nu et le dos ensanglanté.

Tandis qu’elle se dirigeait vers la serre, Eileen réfléchissait à tout ça. Tout était considéré comme étrange, pourtant, elle n’en avait pas le sentiment. Elle se sentait bien. Vraiment bien pour une fois. Jamais elle n’aurait imaginé avoir une seconde chance dans la vie, et encore moins dans une maison où d’autres gens avaient trouvé refuge, bien que ces derniers puissent être verts avec des ailes ou gigantesques avec des cornes.

Parée de ses outils de jardinage, elle regardait, complètement désespérée, l’état des plantes. Bien qu’Ezra s’en occupât tous les jours, les plantes des alentours vivaient leur vie sans demander leur reste. Réfléchissant quelques instants pour savoir par où elle allait commencer, un soupir s’échappa de ses lèvres.

— Bon... Ça ne va pas être de tout repos...

La demoiselle se dirigea vers l’arrière de la maison, un endroit qui semblait plus sauvage, mais qui abritait de belles plantes, notamment autour d’un arbre. Il était imposant, mais les pétales à ses racines attiraient davantage l’attention. Des lycoris rouges y poussaient, leurs tiges fines portant des corolles éclatantes qui semblaient presque irréelles dans l’ombre. Leur couleur vive contrastait avec le reste du jardin, comme une présence étrange et inévitable. Elles étaient si belles qu’Eileen se disait que ce n’était peut-être pas une si mauvaise idée d’en cueillir pour habiller les vases de la maison. Cela faisait un sacré moment qu’ils n’avaient pas été changés ; les fleurs étaient si fanées et poussiéreuses que la jeune femme s’était demandé comment elles tenaient encore debout.

Pendant toute sa contemplation, Eileen ne remarqua pas le détail le plus choquant de tout le domaine. Là, dans cet arbre, se trouvait une personne suspendue. Un spectre, plus exactement. Au vu de sa tenue, la personne devait être là depuis plus longtemps que le Maître. Ses pieds touchaient presque la tête de la jeune femme. D’ailleurs, elle ne devait pas être étrangère à certains bruits troublants qu’il était possible d’entendre la nuit, quand d’autres sons ne couvraient pas les pleurs et les chants de l’âme tourmentée. Sa présence était si familière qu’elle en avait été oubliée par les habitants.

— J’espère que ça leur fera plaisir, un peu de verdure, fit-elle tout en sortant son sécateur du tablier.

Durant tout ce temps, le spectre observait, avec curiosité, cette jeune femme au loin qui s’approchait de son arbre. Il cessa de respirer — assez ironique d’ailleurs, car aucun souffle n’émanait de ses poumons. Une pensée le traversa : “Ce n’est pas comme ça que tu vas pousser davantage !” Mais cela faisait bien longtemps que personne n’était venu le voir, qu’il gardait ses blagues pour lui. Tout le monde était bien occupé, c’est à peine si on lui faisait un signe de la main quand on passait près de lui. Depuis qu’il était mort, il avait pris l’habitude de voir le jardin dans cet état. Bien qu’à certaines périodes, la verdure environnante fût régulièrement taillée, grâce aux parents de Bartholomew et, par la suite, grâce à Ezra. Pourtant, la seule chose qui était étrangement entretenue, c’était son arbre et les parterres de fleurs qui l’entouraient. Mais aujourd’hui, quelqu’un avait prêté attention à son petit coin de paradis. Il ne comprenait pas tout de suite pourquoi, mais quand elle sortit son attirail du parfait tueur en série botanique, il se mit à gigoter dans tous les sens. Sa voix perça le silence du vent ; elle était à moitié en colère, mais aussi à moitié paniquée.

— HEYYYY ! Non ! Nooooon ! Psssst !!! Pssssst !!! Pousse-toi, sale bête ! N'arrache pas mes belles fleurs !!!

Surprise par cette voix inattendue, Eileen laissa son outil s’échapper dans les airs, levant enfin les yeux vers les pieds qui flottaient devant son visage. Elle ne put dissimuler une grimace d’horreur en constatant cette personne pendue à l’arbre.

— AAAAAH ! NON MAIS ÇA NE VA PAS DE HURLER COMME ÇA ?! C’est super dangereux, d’autant plus que je suis arm... — la rousse jeta un œil derrière, remarquant le sécateur à terre — enfin, j’étais armée !

La jeune personne la regardait, les sourcils froncés, n’étant pas vraiment contente qu’on touche à ce qu’elle estimait être sa propriété.

— ALLLLLERR ! OUUUUUSSST, BON SANG !!!

Le pendu arrêta de gigoter dans tous les sens. De toute manière, ça ne servait pas vraiment à grand-chose, il ne pouvait pas descendre pour aller l’éloigner.

— Parce que tu penses que ça, dit-il en pointant du doigt le sol, ça va me faire quelque chose ?

Sa voix étant enjouée, le fantôme trouvait amusant le fait qu’elle n’avait pas l’air de comprendre ce qui se passait devant elle. Il était au courant de son arrivée, ayant entendu sa voix à de nombreuses reprises. Il avait même suivi son arrivée, étant au premier rang. Mais dans tout ça, ce qui l’amusait le plus était de voir son visage mi-horrifié, mi-surpris. Une chose était au moins sûre : elle était vraiment surprise. Malgré le temps qu’elle avait passé au manoir, des choses considérées comme étranges, elle en avait vu, mais un mort qui parle ? Pourtant, la pâleur et la légère transparence du visage de celui-ci auraient dû lui mettre la puce à l’oreille sur qui elle avait en face.

— Oui, c’est bon, j’ai compris ! Je m’éloigne ! Je te laisse ta mauvaise herbe !

Elle ramassa l’outil tombé à terre et se dirigea vers l’étrange personne, un peu déconcertée par ce qui se passait. Elle n’avait clairement pas fait attention à qui, ou plutôt à quoi, elle parlait depuis tout à l’heure. Mais une autre chose se mit à trotter dans sa tête : “Comment ça, ‘ça’ ?” se demanda-t-elle. C’est en se rapprochant davantage que la rousse constata enfin… c’était évident maintenant qu’elle voyait le mur du manoir à travers le corps de son interlocuteur. D’ailleurs, il en grimaça.

— Pourquoi ça ne te ferait pas grand-ch… ahhhhhhh ! — Elle hocha la tête — Effectivement, ça allait être compliqué de blesser un mort !

— Très ! Mais ça n’empêche pas que tu peux, encore une fois, le jeter derrière ! COMME ÇA, TU NE COUPES PLUS MES FLEURS !

— Oui, c’est bon ! — s’exclama à nouveau la servante qui rangea définitivement l’instrument dans son panier. — Tu es content ? Je ne toucherai plus ta mauvaise herbe !

Un silence s’installa entre les deux. Ils se regardèrent quelques instants avant qu’un rire s’échappât de la demoiselle.

— Oh pardon ! Mais je ne peux pas m’arrêter ! Si un jour on m’avait dit que j’allais me prendre la tête avec un fantôme, je ne l’aurais pas cru !

Le fantôme, un petit blondinet, se mit à rire avec elle. Elle n’avait pas tort. Il était en train de penser la même chose. Essuyant une larme au coin de son œil, les deux se calmèrent peu à peu.

— Eh bien… Merci pour ce moment, mais il faut que je retourne maltraiter quelques fleurs. Passe un bon après-midi sur ton très joli arbre, avec tes très jolies fleurs, et à une prochaine fois, cher… ?

— Raphaël. Je m’appelle Raphaël.

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