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KainArgent
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Chapitre 3

Je m’étouffe littéralement. Ma gorge se ferme, ma salive passe de travers, et je me mets à tousser à m’en décrocher les poumons. Mon corps panique pendant que mon cerveau essaie de digérer ce que je viens d’entendre. Mia, sans perdre son air rêveur, me tapote doucement le dos, pendant que Lia, toujours aussi imperturbable, me tend un verre d’eau comme si tout ça était parfaitement normal.

Je prends une gorgée, les mains légèrement tremblantes, puis je me tourne vers Lia, la voix enrouée mais le regard accroché au sien, les yeux écarquillés comme si j’essayais d’y lire une blague de mauvais goût.

— Qu’est-ce que tu viens de dire ? Je souffle, la gorge brûlante, le cœur qui cogne un peu trop fort.

— À propos de quoi ? demande-t-elle, faussement naïve.

— Du gars dont Mia est… amoureuse. C’est bien de lui que tu parles ?

— Ah. Oui. Lui. Le type mystérieux et intense. Tu veux dire… celui qui fréquente des cercles assez obscurs, qui se fait payer pour faire des choses que je préfère même pas imaginer, et qui, selon certaines rumeurs, a déjà fait disparaître des gens ?

Je me fige. Mon estomac se contracte.

— Mia, c’est une blague, hein ? dis-je, la voix plus aiguë que je ne l’aurais voulu. Tu ne vas pas me dire que tu es sérieusement tombée amoureuse d’un… d’un mec qui trempe dans ce genre de trucs ?

Elle ne répond pas tout de suite. Son regard se fait flou, perdu quelque part entre le plafond et ses pensées. Et ça, c’est ce qui m’effraie le plus : cette absence de réaction, ce silence chargé. Comme si elle refusait de voir le problème.

— Il n’est pas que ça, finit-elle par murmurer.

Et cette phrase me glace.

Je reste figée, incapable de savoir si je dois crier, rire nerveusement ou la secouer. Parce que ce n’est plus juste une histoire d’amourette. C’est une chute libre. Et Mia est en train de tomber… les yeux grands ouverts.

— Mhmm.répond Lia d’un ton presque désinvolte, un sourire en coin étirant ses lèvres comme si elle savourait déjà la tempête qu’elle venait de lancer.

Je la regarde avec une forme de perplexité mêlée d’agacement. Elle adore provoquer, jouer avec les nerfs des autres comme si c’était un sport. Et clairement, ce soir, son terrain de jeu, c’est moi.

— Lia, tu pourrais y mettre les formes, quand même… souffle Mia en haussant les épaules. Tu vas finir par traumatiser Millie.

Elle tourne les yeux vers moi et soupire comme si j’étais une enfant trop impressionnable. Comme si c’était moi le problème. Pas elle. Pas lui. Juste moi.

— Et puis franchement, ce ne sont que des rumeurs, non ? ajoute-elle, presque agacée qu’on remette ses choix en question. Comme si la réalité pouvait être pliée à la force de ses sentiments.

— S’il te plaît, Mia. Toi et moi savons très bien que ce ne sont pas juste des rumeurs, lâche Lia, les bras croisés, l’air faussement outré. Tu m’as dit toi-même qu’il bossait dans des trucs pas nets. Tu l’as presque dit avec fierté.

Je prends une grande inspiration. Mon cœur bat un peu trop vite dans ma poitrine. Pas à cause de la colère. Pas exactement. C’est autre chose. Une forme de peur floue. Ce genre de peur qui s’installe quand on sent que quelqu’un qu’on aime commence à s’éloigner de la réalité pour suivre un fantasme.

Je me tourne vers Mia, doucement, sans hausser le ton. Juste assez pour qu’elle m’écoute.

— Mia… Tu sais que je t’adore, hein ?

Elle fronce les sourcils et croise les bras, comme si elle savait exactement où j’allais en venir.

— Tu vas me faire la leçon maintenant ? grogne-t-elle, le regard fuyant.

— Non. Je vais juste te dire ce que je ressens et ce que je pense honnêtement. Tu mérites l’amour. Le vrai. Celui qui t’élève. Qui t’apaise. Pas un truc qui te fait douter ou mentir. Pas quelqu’un qu’on murmure à peine, dont on tait le nom de peur de ce qu’il représente. Et surtout pas un homme qu’on soupçonne de violence. De choses qu’on n’ose même pas nommer clairement.

Elle me regarde sans vraiment me voir, les lèvres pincées. Elle ne répond pas. Et c’est là que je sens que quelque chose se ferme en elle.

— C’est pas un meurtrier, Millie, murmure-t-elle enfin, presque pour elle-même.

— Mais comment peux-tu en être sûre ? Il est entouré de types qu’on ne croise pas à la bibliothèque. Il fait affaire avec des gens dangereux. Des gens qui font disparaître les problèmes, littéralement. Tu l’as dit toi-même : il travaille dans un milieu où on ne pose pas trop de questions. Ça te suffit, toi ? De ne pas savoir ce qu’il fait quand il ne t’écrit pas des messages mignons ?

Lia nous observe en silence, curieusement calme maintenant. Comme si elle savait qu’il fallait me laisser parler. Que ce moment-là ne lui appartenait pas.

Mia se lève. Elle fait quelques pas dans la pièce, comme pour échapper à mes mots, mais je sens qu’elle les porte avec elle.

— Ce n’est pas aussi simple, dit-elle d’un ton plus bas. Ce que je ressens pour lui, c’est pas rationnel. C’est viscéral. Je ne contrôle rien. Et même si je voulais… je crois que c’est déjà trop tard. Je suis attachée. Je le vois différemment. Je le vois vraiment.

Je baisse les yeux. Mon estomac se tord.

— Il te fascine, c’est clair. Mais Mia, ce genre de fascination, c’est comme une drogue. Ça t’attire, ça t’enivre, et un jour, ça t’explose en plein cœur.

Elle s’arrête. Puis elle se retourne vers moi avec une expression que je n’arrive pas à lire. C’est du défi, peut-être. De la douleur, sûrement. Mais aussi quelque chose de plus profond. Une peur qui ne veut pas s’avouer.

— Je l’aime bien, Millie. Et je suis prête à le prendre tel qu’il est. Même s’il est abîmé. Même s’il a fait des choses. Parce que moi aussi, je suis loin d’être parfaite. Et peut-être que c’est ça, au fond, qui nous lie.

Je reste figée, incapable de répondre tout de suite. Parce que ce qu’elle vient de dire… ce n’est pas juste de l’entêtement. C’est une confession.

Et moi, je ne sais pas si je dois la sauver… ou simplement rester là, à espérer qu’elle ne coule pas.

— Tu sais que papa ne tolérerait jamais un gars comme lui, hein ? lance Lia, d’un ton plus sec qu’elle ne le voulait peut-être, mais pas assez pour cacher ce fond d’accusation dans sa voix.

Je sens la tension vibrer dans l’air, comme une corde trop tendue. Et bien sûr, Mia ne rate pas l’occasion.

— Ah, voilà. Papa redevient subitement le grand juge moral, ricane-t-elle en roulant des yeux. C’est drôle, quand ça vous arrange, il devient le modèle parfait.

Son sarcasme tombe lourdement entre nous. Et pour une fois, ce n’est pas juste une pique lancée pour gagner un débat. C’est un rappel. Un rappel de tout ce qu’on ne dit jamais vraiment à voix haute.

Le silence s’installe. Plus lourd que d’habitude. Je sens que ça pourrait éclater, alors j’essaie d’intervenir, avec cette petite voix intérieure qui me supplie de désamorcer les choses avant qu’on dise quelque chose qu’on regrettera.

— Mia… ce que je veux dire, c’est que tu n’as pas besoin de te précipiter. Ce n’est pas ta dernière chance d’aimer quelqu’un. Peut-être que tu rencontreras quelqu’un d’autre, quelqu’un de-

— Stop. Temps mort.

Elle lève la main, les sourcils froncés, et me coupe net. C’est dit sans crier, mais il y a une fermeté glaciale dans sa voix.

— Je ne vous dis pas à qui vous avez le droit de penser quand vous êtes seules dans votre lit. Je ne vous demande pas avec qui vous perdez votre virginité ou qui vous accompagne dans vos vendredis soirs bien arrosés. Alors arrêtez de faire comme si vous aviez le droit de décider pour moi.

Ses mots me claquent au visage. Ce n’est pas qu’elle me crie dessus. C’est pire. Elle me met à distance. Elle érige un mur. Et je déteste ça.

Lia ouvre la bouche, comme pour répondre, mais aucun mot ne sort. Elle hésite, puis elle abandonne, refermant les lèvres dans un silence frustré.

Je prends une inspiration, mes pensées en désordre. J’essaie d’atteindre Mia autrement. Sans les reproches. Sans les peurs. Juste avec ce qu’il reste : l’amour.

— Mia… Je veux juste que tu sois en sécurité. Que tu sois aimée pour de vrai. Et qu’on puisse te protéger s’il t’arrive quelque chose.

Je ne parle pas de ce gars explicitement, mais on le sent flotter dans chaque syllabe. Ce type qui bosse dans l’ombre, dont le nom fait chuchoter ceux qui le croisent. Celui qui, selon certaines sources, aurait “fait ce qu’il fallait” pour gravir les échelons d’un réseau qu’aucune de nous ne comprend vraiment. Celui qu’on soupçonne d’avoir du sang sur les mains, même si Mia refuse d’écouter.

Elle lève les yeux vers moi. Il y a de la fatigue dans son regard, mais aussi une sorte de feu triste. Un feu qu’elle essaie de protéger à tout prix.

— Merci pour votre sollicitude, murmure-t-elle, presque avec tendresse. Mais je suis une grande fille. Et je peux prendre soin de moi.

Puis elle tourne les talons et sort de la pièce, son pas rapide et décidé. Elle ne claque pas la porte, mais elle aurait tout aussi bien pu. L’effet est le même.

Je reste là, le souffle un peu court, et je sens Lia s’effondrer doucement à côté de moi. Je pose une main sur son dos, dans un geste d’instinct, et je penche ma tête contre la sienne. Le silence qu’elle laisse derrière elle est trop grand pour qu’on fasse semblant.

— Elle reviendra, soufflé-je avec un sourire qui tremble un peu.

Lia ne répond pas tout de suite. Elle fixe le mur devant nous comme si elle y cherchait une issue.

— On voulait juste la protéger… pas la blesser, dit-elle enfin, sa voix brisée d’un doute qu’on partage toutes les deux.

Je hoche lentement la tête.

— Je sais. Et je crois qu’on n’a rien fait de mal. On l’aime. C’est tout. Peut-être qu’un jour, elle le comprendra.

Mais je ne suis plus aussi sûre de rien. Je sens juste que quelque chose est en train de nous échapper, et que malgré tous nos efforts, on ne pourra peut-être pas la retenir.

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