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4 - Chapitre 3 - 24 heures
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Chapitre 3 - 24 heures

Avant d'entamer les dernières 24 heures décisives pour notre début en tant qu'internes, Anthony a décidé de tous nous convoquer. Certains tremblent comme des feuilles à l'idée qu'il les vire ou qu'il hausse le ton. Beaucoup d'internes ont fait des erreurs qui l'ont mis hors de lui ; beaucoup n'ont pas conscience qu'ils ont des vies humaines entre les mains. Alors, je partage son énervement envers ces personnes arrogantes, comme le fils Beaumont, qui a enchaîné des bourdes plus grosses que lui, se prenant pour un dieu de la chirurgie.

- Comme je vous l'ai annoncé, plus de la moitié ont quitté mon service. Si vous êtes encore là, c'est que vous êtes capables de rentrer en traumato, dit-il en nous observant. Il lance un regard sombre au fils Beaumont. Ou que je ne peux pas vous virer.

Cette dernière phrase lui était complètement destinée, mais il semble s'en amuser. Pourtant, il n'a aucun talent et va finir par tuer quelqu'un si personne ne le dégage. Dans ce métier, on ne devrait pas avoir de privilège sous prétexte que l'un de nos parents est un grand chirurgien. Une rage bouillonne en moi : j'ai dû travailler dur jour et nuit pour être la meilleure et payer mes études. Alors, voir des prétentieux arrogants et sans talent dans ce service me rend folle. Je ne tiens pas à me faire remarquer, alors je ne dis rien.

- T'es encore là ? Il s'avance vers moi avec arrogance. La pédiatrie t'attend toujours, rigole-t-il tout seul.

- Toi, c'est la prison qui t'attend.

Ma main semble agir toute seule : je lui envoie une violente gifle sur la mâchoire. Ma main pulse sous la brutalité de la claque, et sa joue vire au rouge sang presque immédiatement. Personne ne bouge, même pas Anthony, qui sourit. Je peux lire un « merci » sur ses lèvres fines. Le fils « prodige » me regarde, ahuri par mon geste. Il ne sait plus où se mettre ; personne ne le soutient, ce qui le fait rougir de honte.

- Si tu ne fermes pas ta grande gueule, c'est un brancard qui t'attend, dis-je d'un ton glacial, rempli de menace.

Il se recule dans un sursaut qui me fait sourire. Je reprends place à l'avant du groupe, face au docteur Moreau, amusé par la situation. Il ne me lâche pas du regard, et je sens une gêne monter en moi à cause de son insistance, qui me déstabilise.

- Certains se sont démarqués plus que d'autres, bien évidemment, dit-il d'une voix rauque qui m'est clairement destinée. Allez, c'est reparti.

Il repart en direction des salles d'opération d'un pas assuré, sa posture droite, remplie d'un charisme naturel qui lui va à merveille.

Qu'est ce que je raconte

Cassie me rejoint rapidement après son départ. Elle a assisté à toute la scène, et ses yeux bleus pétillent de bonheur. Elle serre fortement les dossiers entre ses mains pour se contenir.

- Magnifique gifle, dit-elle, un léger rire s'échappant de sa gorge fine.

Je mime une révérence, et nous partons dans un fou rire qui nous tord en deux. Tout le monde nous dévisage, nous juge, et nous scrute sans scrupule. À vrai dire, je m'en fous. J'ai trouvé une très bonne collègue de travail, et les journées ne seront que meilleures avec elle.

Elle attrape ma main et m'entraîne dans un couloir à l'abri des regards indiscrets, comme si elle était prête à me livrer ses plus grands secrets.

- Il a un faible pour toi, meuf ! Sa voix est un murmure enjoué.

- N'importe quoi, t'es folle, dis-je en essuyant une larme de joie au coin de mon œil.

- Fais pas l'innocente, il n'est pas réputé pour sa gentillesse.

Un clin d'œil malicieux, lourd de sous-entendus, la fait sourire de plus belle. Même s'il est charmant, c'est mon supérieur. Ce serait totalement déplacé, ce genre de comportement, et nous le savons tous les deux. Je fais un signe de négation de la tête. Je ne peux pas y croire : il me trouve douée, c'est sûr, mais ça s'arrête là.

Elle hausse les épaules avant de courir vers les urgences, son bipeur sonnant à plusieurs reprises.

Toute seule au milieu de ce couloir, je remets tout en question. J'ai travaillé si dur, je ne veux pas que tout soit gâché par un supérieur qui aurait un faible pour moi. Ce n'est pas le genre de relation accepté, et je ne veux pas que ça me distrait de mon objectif principal. Je devrais peut-être changer d'hôpital, mais c'est impossible : c'est le seul où il y a autant de talent. On apprend des meilleurs si l'on veut devenir la meilleure. Alors, tant pis, je vais essayer de l'éviter et de mettre de la distance si ce que m'a dit Cassie est réel.

« BIP »

Couloir 3.

Je plisse les yeux devant mon bipeur. Il n'y a rien dans ce couloir. Quelqu'un s'est trompé ? C'est un piège ? Ou... Anthony ? Non, il faut que j'arrête. Si mon bipeur sonne, c'est qu'il y a quelque chose de grave. Je prends mes jambes à mon cou et traverse les nombreux couloirs et escaliers qui mènent jusqu'au couloir 3.

L'endroit est sombre, les lumières normalement automatiques sont désactivées, faisant accélérer mon palpitant. Une porte de secours se trouve au fond du long couloir étroit. À part elle, une seule porte trône au milieu. Mon sang se glace quand je vois le nom sur la plaque du bureau auquel elle appartient : Docteur Moreau.

Cassie avait raison. Il me fait venir dans son bureau. Je sais que ce n'est pas pour me virer du programme. Je reste figée devant la porte blanche et fine, ne sachant pas quoi faire, tétanisée par ce qui m'attend derrière. Je sors de ma torpeur quand mon bipeur se remet à sonner. Ni une ni deux, je toque à la porte, le stress grandissant en moi à une vitesse que je n'aurais jamais imaginée.

La porte s'entrouvre, et je devine la silhouette d'Anthony. Son bureau est plongé dans une pénombre oppressante, éclairé seulement par une lampe venant du fond de la pièce. Je ne vois rien d'autre, et mes sens sont en alerte. Son visage est froid, mais je décèle de la peur aussi. Mon stress change de bord, passant de la peur qu'il me drague à la peur qu'il se passe quelque chose de grave.

Je ne sais pas ce qu'il se passe, mais les détails de son visage ne me disent rien de bon. Ses sourcils sont froncés, mais pas comme lorsqu'il est en colère. Ses lèvres sont pincées. Il a peur, mais de quoi ? Je l'ignore. Il me scrute, essayant de juger s'il a appelé la bonne personne. Je ne comprends rien. Je suis perdue face à la situation.

- Je... J'ai besoin d'un service... dit-il d'une voix bégayante, une chose que je n'avais jamais entendue venant de lui.

- C'est-à-dire ? demandai-je, la voix imprégnée d'inquiétude.

Il n'ouvre toujours pas la porte. Son visage se rapproche du mien, un peu trop près, mais je comprends que ce n'est pas dans le but de faire quelque chose de déplacé. Il a perdu toute forme de joie ou de bonheur. Il agit comme un détraqueur dans Harry Potter, emportant avec lui la moindre parcelle de plaisir. Je me liquéfie sur place, mon corps semblant comprendre l'urgence de la situation.

Il regarde à droite et à gauche du couloir, s'assurant que personne d'autre que moi ne l'entend. Je triture nerveusement le tissu de ma blouse.

- Tu dois garder le silence, Erynn, dit-il dans un murmure oppressant.

- Je ne comprends pas, dis-je, le regard fuyant.

J'ai peur de ce qu'il va me demander. Bien sûr, je suis capable de garder un secret mieux que personne, mais je ne sais pas si je serai en mesure de l'aider. Je ne sais même pas si sa demande est d'ordre médical ou s'il va me faire des avances, comme l'a suggéré Cassie. Aucun mot ne sort de ma bouche ; je suis emprisonnée par mes émotions.

- Promets-moi, dit-il, son timbre de voix pressé par l'angoisse.

Je ne sais même pas ce que je dois réellement lui promettre. Pourtant, ma loyauté prend le dessus. S'il m'a appelée, c'est qu'il n'avait pas le choix. Je ne suis qu'une interne. Encore une fois, je décide de faire confiance à mon instinct féminin, poussée par ma dévotion envers ce métier et ce chirurgien que j'admire... peut-être un peu trop.

- Promis.

Ma voix calme et posée me surprend, une maîtrise que je ne pensais pas avoir.

Il ouvre la porte et me fait entrer rapidement, avant de la refermer à clé dans la précipitation. Une faible lumière provient d'une lampe de fortune sur son bureau, qui ressemble à une table de camping. Je balaie la pièce du regard et sursaute en voyant une deuxième personne.

Assis nonchalamment sur une chaise, les jambes écartées et les mains posées sur son entrejambe, il dégage un charme déroutant. J'aperçois des tatouages indéchiffrables remonter jusqu'à sous les manches de son t-shirt moulant noir. Le reflet des ombres laisse deviner une musculature très impressionnante. Mes joues me chauffent ; son attitude dangereuse m'attire malgré moi.

Il porte un pantalon cargo noir, lui donnant une allure de militaire, mais je sais pertinemment qu'il n'en est pas un. S'il est caché dans un bureau, c'est qu'il n'a rien à faire ici. Mais j'ignore encore pourquoi je suis là, entourée d'hommes bien trop impressionnants.

Je plisse les yeux pour essayer de mieux voir l'homme assis. Je remarque que son t-shirt semble mouillé sur son flanc. Je me rends vite compte qu'il est maculé de sang, de son sang. Mais pourquoi a-t-il l'air tellement détendu ? Personne ne presse sa plaie, et Anthony ne dit pas un mot, il semble tétanisé. Un homme est en sang et il ne bouge pas, c'est quoi leur problème ?

Mes réflexes de chirurgienne me poussent à avancer rapidement vers lui pour presser la plaie et stopper une éventuelle hémorragie, mais Anthony attrape mon avant-bras avec force, stoppant tous mes mouvements.

L'homme, qui jusque-là regardait le plafond, plonge son regard perçant, que je n'arrive pas à percevoir, dans mes pupilles terrifiées. Il passe rapidement sur Anthony. Si j'avais déjà l'impression de voir la mort passer sur son visage, à présent j'ai l'impression que c'est lui, la mort.

La prise du médecin se desserre, il esquive son regard. Il a peur de cet homme, mais pourtant, je vois le respect qu'il lui porte. Il semble l'apprécier malgré tout.

Ses yeux reviennent sur moi, scrutant ma tenue, mon corps et mon âme. Je me sens nue sous son insistance. Ses cheveux bruns tombent partiellement sur son front, plissé par l'intrigue de ma présence. Lui non plus ne semble pas savoir ce que je fais ici, ni qui je suis. Sa mâchoire saillante se contracte à plusieurs reprises, ses poings se resserrent sur le tissu de son pantalon, ses phalanges imposantes et tatouées blanchissent. Mais ce n'est pas de la douleur due à sa blessure, je n'arrive pas à détecter ce qui le rend ainsi.

Il est blessé, mais paraît tellement décontracté. Une arrogance sexy émane de ses pores, tout me captive : son aura sombre, son regard perçant, ses tatouages qui racontent une histoire triste. Le moment est suspendu, nous nous contemplons pendant des minutes qui semblent être des heures. Il y a quelque chose chez lui qui m'hypnotise, mais je n'arrive pas à mettre le doigt dessus. Des papillons virevoltent dans mon bas-ventre, mélange d'excitation et de peur.

- Tu dois le soigner, me dit Anthony, rompant le silence lugubre de son bureau.

- Pourquoi moi ? demandai-je précipitamment.

Soigner son charme naturel, impossible.

- Tu es la plus douée, dit-il en posant une main sur mon épaule, qu'il enlève presque immédiatement quand l'homme mystérieux bouge délicatement.

- Et pourquoi pas toi ? dis-je avec une pointe d'agacement.

- J'ai une opération et je pense que tu es plus compétente pour ce genre de blessures.

Mes yeux s'écarquillent. Comment pourrais-je être plus compétente que lui ? Je ne suis qu'une interne, ça me semble absurde. Il me fait signe d'avancer pour observer par moi-même. L'homme mystérieux reste silencieux, toujours dans la même position. Sa présence m'écrase, m'enivre, mais pourquoi ? La lumière est tellement faible que je ne vois absolument rien. Anthony ne semble pas vouloir bouger, ce qui fait grandir mon irritation. J'ai l'impression de perdre un temps précieux et je déteste ça.

- Tu comptes allumer la lumière, ou je dois jouer à l'inspecteur gadget encore longtemps ? m'agaçai-je, plus que je ne l'aurais voulu.

Sans un mot, il allume une lumière semblable à celle des salles d'opération. Je suis éblouie quelques secondes, m'obligeant à fermer les yeux. Quand je les rouvre, je vois très clairement l'homme qui me fait face. Ses yeux verts plongent dans les miens et me séduisent, je ne veux jamais que ça s'arrête. Ses lèvres généreuses gardent une expression neutre, ses bras sont remplis de veines, le paradis sur terre pour les prises de sang.

Malgré moi, mon regard est attiré par ses mains posées délicatement sur son entrejambe. Quand je m'en rends compte, je détourne rapidement le regard, mes joues rougies par la gêne.

Je dirige mon regard vers sa blessure, qui continue de perdre du sang, détrempant son t-shirt qui colle à ses abdos bien dessinés. Il n'est pas un patient comme un autre, je n'ose pas poser mes mains sur lui, appréhendant ses réactions... ou les miennes. Je ne sais plus.

- Je peux ? dis-je d'une voix douce, sans réussir à soutenir son regard vert.

Il hoche la tête, donnant un accord silencieux. J'enfile des gants et récupère le nécessaire posé sur le bureau. Je me munis du ciseau et découpe le tissu fin de son t-shirt. Mon sang se glace quand je vois ses blessures béantes. Je comprends maintenant mieux pourquoi il m'a appelée et pas quelqu'un d'autre.

Avant que je n'aille plus loin, je regarde Anthony, planté devant la porte.

- Merci, Erynn, dit-il en déverrouillant la porte.

Il sort en silence, me laissant seule avec cet homme qui me fait perdre mes moyens. Mes mains ne tremblent pas pour autant ; je me suis entraînée de nombreuses années pour stopper les mauvais tremblements qui trahiraient ma tension et ma peur.

Je m'accroupis devant lui, ma tête à hauteur de ses abdos. Le sang qui s'écoule de sa plaie lui donne un charme que je n'arrive pas à définir. Je lève ma main pour toucher sa blessure, mais il entoure mon poignet avec ses doigts tatoués. Sa poigne n'est pas violente ou écrasante, mais elle est remplie d'une menace silencieuse.

- Je ne dirai rien, dis-je d'une voix douce.

J'ai très bien compris que sa venue ici doit être un secret d'État, et que malgré moi, je suis prisonnière de ce secret. Je suis médecin, alors je ne peux pas le laisser sans le soigner. Quitte à mettre ma carrière en danger, je n'arrive pas à comprendre ce qui me fait tout remettre en cause. Je vais risquer ma place et mes années de travail pour un inconnu.

- Je ne te fais pas confiance, dit-il d'une voix rauque et dure.

- Vous n'avez pas le choix, une pointe d'agacement fait dérailler ma voix. Je vous promets de ne rien dire.

- Que vaut une promesse ? me demande-t-il.

Étonnée par cette question, je m'arrête, lève les yeux pour les ancrer dans les siens. Il attend une réponse. Je replonge inévitablement dans mon passé. Des promesses, j'en fais rarement. J'ai appris à mes dépens que très peu savent les tenir, alors je préfère ne pas en faire que donner de faux espoirs à quelqu'un. La dernière que j'ai faite était à ma mère : « Je te promets, maman, de l'envoyer en taule. »

Je préférais ne pas faire de promesse à cet homme menaçant, mais je refuse de le laisser mourir pour une raison qui m'échappe. Alors je fais ce que ma mère m'a appris : je tends mon petit doigt vers lui. Il semble moqueur sous mon geste, pourtant cet acte a beaucoup de signification pour moi. Ce serait seulement la deuxième fois que je promets ma vie pour quelqu'un.

- Tu fais quoi là ? me dit-il en regardant mon petit doigt toujours pointé vers lui, avec dédain.

- Une promesse, un pacte si vous préférez, dis-je en levant les yeux au ciel.

Les minutes s'étirent sans mouvement. Puis, dans un geste lent et calculé, son petit doigt s'enroule autour du mien, me faisant frissonner. J'ai l'impression d'être en train de sceller un pacte avec le diable en personne. Les démons savent prendre des apparences irrésistibles, nous empêchant de refuser quoi que ce soit. Et je viens de tomber dans un piège, j'en suis certaine. Cette promesse va bien au-delà de ses blessures.

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