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Chapitre 1- 72 heures
Chapitre 2 - 48 heures
Chapitre 3 - 24 heures
Chapitre 4- Par balle
Chapitre 5- Soins
Chapitre 6- kidnapping
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Chapitre 5- Soins

J'ai passé la journée suivante à glander dans mon lit. Aujourd'hui, c'est mon jour de repos, alors naturellement j'en ai profité pour me détendre. Je me suis fait livrer mes courses par pure flemmardise. Il est 18 h quand je décide enfin de sortir de ma chambre. Je me dirige sous la douche, l'eau chaude détend mes muscles, et l'odeur du monoï remplit rapidement toute la pièce.

Je me perds dans mes pensées, je revois cet homme, Elio, qui semble avoir élu domicile dans ma tête. Je ne sais pas s'il viendra, mais au fond de moi, je l'espère. Pour soigner sa blessure, bien évidemment, rien de plus. J'enfile un jogging gris avec un t-shirt à manches courtes noir qui colle parfaitement à mon corps. J'applique ma brume au monoï et me dirige vers ma cuisine. Je ne suis pas une très grande cuisinière, mais j'aime les choses simples. Je me fais cuire des pâtes et un steak saignant, sans oublier de sortir le ketchup. La musique de Michele Morrone résonne dans tout mon appartement, je me déhanche au rythme des basses qui font vibrer mon corps. J'égoutte mes pâtes quand la sonnerie retentit, me faisant sursauter. Je pose rapidement ma casserole et cours jusqu'à la porte.

Je suis tellement maladroite que je tombe devant la porte. Mes fesses heurtent violemment le sol froid en carrelage, m'arrachant un cri strident. La sonnette ne cesse de se faire entendre. Je me relève, une main douloureuse sur mon postérieur, et j'ouvre la porte sur Elio et Mike qui rentrent en furie. Il me dévisage intensément.

- On a entendu des cris, s'inquiète Mike.

Elio, lui, semble avoir remarqué la main posée sur mes fesses et la grimace qui étire mes traits fins. Je le vois se marrer en silence. Une lueur perverse traverse son visage au teint hâlé.

- Je... ouais... je me suis cassé la gueule, dis-je, rouge de honte.

Ils rigolent en cœur, pendant que je masse doucement mon derrière en retournant à la cuisine, en boitant légèrement.

- T'as des toilettes ? demande Mike en sautillant sur place.

- Non, je pisse dans un pot de chambre, j'éclate de rire, mais une douleur lancinante me stoppe, leur permettant de se moquer de plus belle. Au fond du couloir.

Pendant que Mike se dirige vers les WC, Elio m'observe, ses iris vertes pétillent d'une connerie qui semble pointer le bout de son nez à une vitesse fulgurante. Il s'approche de moi. Je suis figée par sa présence qui me domine, je voudrais m'éloigner, mais mon corps refuse de m'obéir.

- Besoin d'un massage, doc ? demande-t-il d'une voix rauque, le regard déviant sur la main toujours posée au même endroit.

Mes joues me brûlent et les papillons qui s'agitent dans mon ventre n'arrangent pas les choses, je semble avoir perdu ma langue, aucun mot ne sort. Je commence à avoir très chaud, ses yeux ne cessent de me scruter avec une intensité déroutante, ses épaules saillantes transpercent son t-shirt noir, sa mâchoire qui se contracte à plusieurs reprises me fait frissonner.

La porte des toilettes claque, me faisant revenir à la réalité. D'un geste rapide et maladroit, je me tourne, sentant son regard brûlant dans le bas de mon dos, il me déstabilise. Plus rien n'est naturel dans mes mouvements, je replace les pâtes dans la casserole, faisant tomber la moitié par terre. Je ferme les yeux et souffle pour évacuer le trop-plein de tension. Mais à peine deux secondes plus tard, il est derrière moi, je sens son corps qui frôle le mien, me bloquant contre l'évier. Je suis prise dans un étau, bloquée entre le désir et la peur.

- Je te déstabilise à ce point ? susurre-t-il près de mon oreille.

Au moment où Mike apparaît dans la cuisine, Elio est assis sur l'une des chaises hautes posées devant mon îlot central. Je ramasse les pâtes qui ont sali mon sol et couvre mon repas. Le regard du blond est dans l'incompréhension, il oscille entre nous deux comme s'il essayait de décrypter ce qui se passe. Je serais dans l'incapacité de le lui dire, même si je le savais. Une alchimie malsaine s'est installée et je m'en délecte.

-Je vais chercher le nécessaire, installe-toi sur le canapé, dis-je à Elio en pointant le petit sofa juste derrière lui.

Sans attendre la moindre réponse, je marche rapidement jusqu'à la salle de bain. Je me passe de l'eau sur le visage pour essayer de reprendre mes esprits, encore embrumés par son charisme diabolique. Quand je me vois dans le miroir, je me trouve pathétique. Mes joues sont rouge tomate, je rigole de moi-même. Je récupère ma petite trousse de secours où j'ai réuni le nécessaire pour changer son pansement et d'autres choses qui pourraient être utiles en cas de complication. Je souffle une dernière fois et passe la porte pour rejoindre le salon la tête haute.

La scène qui me fait face me fait sourire, une simplicité que je n'ai jamais connue. Je reste un moment dans l'encadrement de la porte pour profiter de ce moment que je ne reverrai certainement jamais. Mike s'est servi une assiette de pâtes avec une quantité de ketchup monstrueuse. Bizarrement, ça ne me dérange pas qu'il agisse comme s'il était chez lui. Je n'ai jamais connu ce genre de moment simple, et ça me réchauffe le cœur, même si ce sont deux inconnus. Je dois être sacrément abîmée pour apprécier ce moment. Elio, lui, est plongé dans mon manuel sur les blessures par balles. Il semble réellement lire ce qu'il est écrit, son visage est concentré. Une chaleur de bonne humeur m'envahit, ma gorge se noue tellement ce moment me rend heureuse.

Je ne tourne pas rond

Je m'approche du canapé, voulant m'asseoir à ses côtés pour commencer à soigner sa plaie. Il ferme le manuel après avoir fini de lire sa page et m'observe avec ardeur. Je peux voir les questions défiler dans son esprit. C'est ce même regard que l'on retrouve chez les personnes qui ne comprennent pas qu'une femme comme moi, qui a l'air fragile, veuille devenir chirurgienne en traumato. À la différence, je vois de la fierté dans le sien. Il se décale légèrement, je prends place à ses côtés, ouvre la trousse sur la table basse et sors tout ce dont j'ai besoin avec une précision digne d'un bloc opératoire.

-Tu peux... heu, dis-je en faisant des gestes de mains approximatifs. Relever ton t-shirt.

Mes joues se colorent comme si je venais de lui demander de se déshabiller, je me trouve vraiment pathétique, on dirait une gamine qui ne sait pas gérer ses émotions. Il sourit avec cet habituel rictus joueur et rempli de malice, qui annonce qu'il ne va pas faire ce que je lui demande. Je vois au loin Mike qui mange ses pâtes en nous regardant, comme s'il suivait son émission préférée à la télé.

- Fais-le toi-même, doc , dit-il avec un clin d'œil qui me fait perdre pied.

Je mordille ma lèvre inférieure avec une force démesurée, mais ce geste ne suffit pas à atténuer mon tumulte d'émotions. Il relève ses bras pour les placer derrière son crâne, écarte un peu plus les jambes, qui frôlent dangereusement les miennes. Dans un geste lent, il relève son bassin pour s'installer confortablement. Ce mouvement me fait rouler les yeux de plaisir, me fait imaginer des choses que je ne pensais pas être capable de visualiser. Il a allumé un feu brûlant dans mon ventre qu'il continue d'alimenter avec ce genre d'attitude désinvolte.

Mes doigts nus effleurent ses abdos quand je relève son t-shirt, mais ce que je vois me glace le sang. Je pose une main sur ma bouche.

-C'est si beau que ça ?  me dit-il d'une voix basse.

-Tu te fous de moi ! C'est quoi tout ça ?

Mes doigts effleurent les bleus qui envahissent ses abdos, je relève encore plus son t-shirt et découvre une entaille sur l'un de ses pectoraux saillants. Mes yeux se remplissent d'une douleur silencieuse. Il pose sa main sur la mienne pour m'empêcher de relever davantage le tissu, mes yeux plongent dans les siens avec une tristesse que je ne pensais plus ressentir.

-Je suis ici pour la balle , dit-il froidement.

-Tu pensais vraiment que je n'allais pas le voir ?

Il hausse les épaules sans répondre, il se fiche éperdument de ses blessures, jugeant qu'elles sont minimes et sans importance. Rien que son entaille mérite le minimum de soins, et c'est au-dessus de mes forces de ne pas le soigner. J'ai signé pour être la meilleure des chirurgiennes, ce serait contraire au code que de ne rien faire pour lui.

-Enlève-le , dis-je en agrippant le tissu qui recouvre son torse musclé.

Malgré tout, il obtempère. Il croise ses mains sur le bas de son t-shirt et commence à l'enlever avec une lenteur volontairement provocante. J'éclate de rire quand Mike, derrière nous, se met à chantonner la musique « You Can Leave Your Hat On » de Joe Cocker. Pour la première fois, je vois Elio rentrer dans son jeu et mimer un strip-tease exagérément nul, bougeant son torse avec frénésie et beaucoup trop rapidement.

Il jette son t-shirt à côté de lui, je reste bloquée devant la vue qu'il m'offre. Chaque parcelle de sa peau est marquée par l'encre noire de ses tatouages. Le premier qui me percute est une date ancrée sur l'une de ses clavicules, en chiffres romains : XV.III.MCMLXX.

J'ignore ce qu'elle représente, mais elle doit être importante pour lui. Sur l'une de ses mains, trois épées toutes simples, tandis que de l'autre côté, il y a gravé un papillon, des barbelés et une clé. L'un de ses bras me fascine ; ses veines apparentes sont d'une beauté qui me fait vibrer, mais les éclairs qui les entourent sont envoûtants, ajoutant de la profondeur à son être meurtri. Son autre bras est entouré d'épines et de branches de rosier, une dague brisée sur son biceps et une dague empoisonnée sur son avant-bras. Son flanc gauche est parsemé de petits oiseaux noirs représentés par de simples V ; à l'opposé, un serpent sillonne autour d'un magnifique sabre. Sur sa magnifique ceinture d'Apollon saillante, une araignée me fait frissonner. Le tatouage situé entre ses deux pectoraux m'envahit de tristesse. Pourtant simple, il représente une autre dague entourée d'une rose, mais c'est ce qu'il y a en dessous qui me glace le sang. Une cicatrice très fine, qui a été parfaitement recousue, mais elle n'est pas le signe d'une opération. Je discerne très clairement qu'elle a été faite avec un objet tranchant, comme une dague. Une énième cicatrice est faussement plantée dans son autre clavicule ; chacune de ses gravures témoigne d'un passé douloureux, un passé rempli de violence, une menace pesante qui l'entoure d'une noirceur atroce.

Mes yeux restent, malgré moi, figés sur le serpent dessiné sur ses côtes. J'ai toujours été fascinée par cet animal. Je penche la tête pour mieux l'observer, les détails sont particulièrement bien faits. Sa langue qui ressort ajoute de la violence. Encore une fois, le sabre en dessous cache une cicatrice invisible, qui part du dessous de son pec jusqu'à l'araignée sur son aine. Un frisson que je n'arrive pas à dissimuler.

-J'espère que tu n'as pas peur des serpents ?  dit-il d'un ton qui laisse sous-entendre qu'il espère une réponse positive.

Je soulève légèrement le côté droit de mon t-shirt pour lui montrer le tatouage d'un serpent sur mes côtes. Il penche la tête à son tour pour l'observer avec attention, sa mâchoire se contracte et un léger sourire étire ses lèvres. Il reste silencieux, plongeant ses pupilles brûlantes dans les miennes. Je me concentre tant bien que mal sur ma mission principale. Outre ses sublimes tatouages, je remarque un nombre abominable de blessures récentes : une entaille sur l'un de ses pectoraux et des bleus un peu partout. Je grimace en imaginant la douleur des coups.

Quand je m'attarde sur ses mains, je découvre qu'il n'a pas fait que recevoir des coups, et la personne qu'il a blessée doit être dans un état lamentable. Ses phalanges sont rougies par le sang et la violence de ses actes. Je saisis ses mains puissantes entre les miennes pour les examiner sous chaque angle et je remarque rapidement la même cicatrice de chaque côté, signe qu'il a été opéré des métacarpes. Tout bon chirurgien sait que cette blessure est celle des hommes qui ne contrôlent ni leur force, ni leur rage. S'il s'est cassé les métacarpes en frappant quelqu'un, alors vous pouvez être sûr que cette personne est morte. Si c'est un mur ou tout autre objet, alors il ne doit pas en rester grand-chose. L'avantage pour lui à présent, c'est que ses mains sont renforcées. Cela ferait de lui un excellent boxeur.

Je commence par changer son pansement en vérifiant qu'il n'a pas abîmé ses points de suture en se battant, comme s'il voulait gâcher mon travail et le temps que je lui ai accordé.

-J'ai fait en sorte de ne pas l'abîmer , me dit-il fièrement.

-Tu aurais tout simplement pu faire en sorte de ne pas te battre , dis-je avec mépris en levant les yeux au ciel.

-Ça, Elio ne sait pas faire , me dit Mike amusé.

Je désinfecte avec douceur, en admirant une nouvelle fois mon travail dont je suis particulièrement fière, puis je place un nouveau pansement. J'imbibe une compresse d'alcool et nettoie l'entaille présente sur son torse. Les muscles de sa poitrine se contractent légèrement, me faisant sursauter. Il affiche un sourire de vainqueur. J'appuie un peu plus fort pour lui faire passer l'envie de rire, ce qui semble fonctionner. Je lui colle quelques steri-strips et passe à ses mains. Je nettoie chacune de ses phalanges, profitant, contre ma volonté, de son toucher chaud.

-Pas d'autres blessures à signaler, Satan ?

- Tu vas blesser son cœur avec ce surnom , annonce Mike dans un fou rire.

-Parce qu'il en a un ?  dis-je d'un ton glacial, mes yeux plantés dans les siens.

-Un quoi ? me dit Elio avec un sérieux alarmant.

Je lève les yeux au ciel et me lève du canapé pour ranger la table basse. Je sens son lourd regard posé sur mon corps, une présence prédominante que je pourrais à présent deviner avec facilité. Il a cette manière de poser ses pupilles vertes dilatées sur moi, cette tension dans ses yeux que je ne saurais décrire.

***

18h45

Le reste de la semaine s'est relativement bien passé. Aujourd'hui est le dernier jour où les garçons viendront chez moi, et une pointe de nostalgie commence à naître en moi. Je m'étais habituée à leur présence, aux blagues lourdes de Mike, et l'humeur désagréable d'Elio était presque devenue rassurante. Je vais retourner à ma petite routine classique, sans personne pour me tenir compagnie. Une vague de tristesse s'immisce, mais je me retiens de la laisser me submerger et m'apprête à me changer pour rentrer chez moi.

J'entends la porte des vestiaires s'ouvrir, puis se refermer rapidement. Cachée derrière les casiers, je ne peux pas voir qui vient d'entrer. Il me semble entendre le verrou de la porte se fermer, mais je trouve ça stupide alors je n'y prête pas attention et me dis que c'est sûrement mon imagination. J'enfile un t-shirt gris assorti à mon habituel jogging et referme mon sac. Avant que je ne le mette sur mon épaule, je suis violemment projetée contre mon casier.

Une main violente me retourne et fait claquer mon épaule contre le métal. Je reconnais immédiatement le fils Beaumont, les yeux injectés de sang, son regard me foudroie. Je sais exactement pourquoi il est là.

Hier, nous avons eu une altercation. Après une énième remarque misogyne de sa part, je lui ai dit ses quatre vérités en face devant tout l'hôpital. Personne ne l'a défendu et, quand il a levé la main sur moi pour tenter de me mettre une gifle que j'ai esquivée, le chef de l'hôpital l'a viré du programme. Il m'a menacé, m'avertissant qu'il me le ferait payer.

Mon épaule me lance, sa main est en train de me broyer. Il approche son visage du mien, je sens immédiatement son haleine empestant l'alcool. Il est bien plus grand que moi. Je relève la tête pour soutenir son regard, il ne me fait pas peur et je tiens à lui montrer. Il pose sa deuxième main sur mon autre épaule et, dans un mouvement rempli de haine, il fait claquer mon dos contre mon casier. Le verrou s'enfonce dans mon omoplate. Je serre ma mâchoire pour ne pas hurler de douleur. Sa prise est si forte que je n'arrive pas à m'en défaire.

-Tu vas me le payer, salope, sa voix déraille de rage.

Il attrape mes cheveux, ma tête bascule en arrière sous sa force et il m'assène une violente gifle, m'obligeant à tourner la tête sous la pression. Je tente de me débattre, de le griffer, de le mordre, mais rien à faire, il a trop de force. Il attrape mon poignet si fort que j'ai l'impression qu'il va me le briser, il les place au-dessus de ma tête, bloquant tous mes mouvements. Son corps, qui se colle au mien, me donne envie de vomir. Son autre main me parcourt, un frisson de dégoût m'envahit. Je dois réagir, je ne peux pas le laisser faire, me souiller, m'anéantir, c'est hors de question.

Une rage silencieuse bout en moi, pour une fois je ne la calme pas et la laisse me submerger au point de me noyer dans une colère noire. Mon cerveau est éteint, seul mon corps et la rage guident mes mouvements. Ma main se pose sur mes seins et c'est la goutte de trop, celle qui va faire couler le sang. Mon genou frappe ses parties intimes tellement violemment que je peux entendre un craquement, il s'effondre au sol, je ne suis plus maîtresse de moi-même. Je me penche sur lui rapidement, je bloque ses bras avec mes genoux, un premier poing part dans sa mâchoire, du sang s'écoule lentement de sa lèvre fendue, un deuxième lui casse le nez dans un craquement répugnant. Je lève une troisième fois mon poing, mais sa voix s'élève dans un faible murmure.

-Arrête je t'en suppli, une larme roule sur sa joue rougie par les coups.

Mon poing reste en l'air quelques minutes, je le jauge du regard, finalement je frappe violemment le sol à quelques centimètres de son visage avec la paume de ma main, ce qui le fait sursauter.

-Reste loin, Beaumont, dis-je avec une rage qui me fait trembler.

Je me relève rapidement, déverrouille les vestiaires et sors en courant de l'hôpital. Je ne m'arrête pas de courir jusqu'à arriver chez moi, je monte les escaliers toujours au pas de course et percute un torse posé devant la porte des escaliers. Sans que j'aie le temps de réagir, deux mains agrippent mes épaules avec une douceur qui me déstabilise. Je relève la tête pour apercevoir le visage d'Elio qui scrute mon visage, ou plus précisément mes blessures, son regard s'assombrit, semblable au mien.

Il prend mes clés, qui commencent à me cisailler la paume à force de les serrer, et les jette à Mike qui s'empresse d'ouvrir mon appartement. J'ouvre la trousse de secours que j'avais laissée sur la table basse et m'affale sur le canapé moelleux. Je m'apprête à imbiber une compresse d'alcool, mais Elio la récupère rapidement, il me dévisage, attendant certainement des explications. Les mots ne sortent pas, bloqués dans une boule qui s'est formée au fond de ma gorge, mes tempes pulsent de colère et ma mâchoire est tellement serrée que j'ai l'impression que mes dents vont céder.

-Qui ?

Un seul mot, une seule question, pourtant si simple, mais je suis incapable de parler. Mon poignet me lance, il est violacé par la poigne de ce connard de Beaumont, le regard d'Elio passe de mes joues rougies par la gifle à mes bras qui ont pris la même couleur, puis rejoint mon poignet qui lui fait contracter la mâchoire pour finir sur mes phalanges ensanglantées par mes coups cette fois-ci. Je jugerais d'avoir vu une lueur de fierté dans son regard, mais si brève que je pense l'avoir imaginée, ses pupilles habituellement vertes sont devenues noires. Il se lève d'un coup, jette la compresse dans la main de Mike et, sur le pas de la porte, il se tourne vers celui-ci.

-Soigne-la, ordonne-t-il avant de claquer la porte.

Je m'apprête à lui courir après pour qu'il ne fasse rien de débile, mais la douleur de mon omoplate me fige sur place.

-Putain, sifflais-je entre mes dents.

Mike s'approche doucement de moi, comme s'il avait peur de mes réactions. Je me force à me calmer, je déteste être comme ça, je déteste voir la peur dans le regard des gens que j'apprécie. Bizarrement, il semble avoir l'habitude de ce genre de comportement, ses gestes sont calculés, il sait ce qu'il fait. Sa lenteur m'apaise instantanément, il s'assoit à côté de moi sans rien faire, le bleu de ses yeux me calme.

-Mets-toi en brassière, sa voix est si calme, je me sens en sécurité à ses côtés.

Même si je suis mal à l'aise avec mon corps, pour une raison que j'ignore, je sais qu'il ne me jugera pas, qu'il ne fera rien de déplacé, alors j'obtempère. J'enlève mon t-shirt et il me tend une couverture, avec un regard qui me déstabilise. Son regard ne se pose jamais sur mon corps, il se cantonne à mes blessures. Il les désinfecte toutes, sans jamais avoir les mains baladeuses, l'alcool brûle mes plaies ouvertes. Quand il s'attaque à mon omoplate, je vois son visage se tordre d'une douleur compatissante.

-Le fils de pute, murmure-t-il entre ses dents.

Une fois qu'il a tout désinfecté, il place la couverture sur mon corps, son regard m'ordonne de rester allongée ici. Je ne bronche pas, il part en direction de la cuisine pour préparer un repas simple, des pâtes comme chaque soir cette semaine. Sa simplicité me fait sourire, je l'entends chanter la chanson "Bohemian Rhapsody" de Queen.

Mama, just killed a man

Put a gun against his head, pulled my trigger, now he's dead.

Ces paroles me glacent le sang, résonnant comme la finale de cette soirée pour Beaumont si Elio découvre que c'est lui qui a fait ça, s'il le croise, il le saura tout de suite. Son visage doit porter le résultat de mes coups, malgré tout, je dois en avoir le cœur net.

-Il ne va pas le tuer ? demandai-je sans grande conviction.

Au lieu de me répondre, il continue de chanter, comme si les réponses se trouvaient dans les paroles de cette foutue musique.

Oh, mamma mia, mamma mia

Beelzebub has a devil put aside for me, for me, for me.

Mon sang se glace, un silence vaut mille mots. La porte d'entrée s'ouvre quelques minutes après sur Elio, les mains en aussi mauvais état que les miennes. Je me lève d'un bond, faisant tomber la couverture qui révèle ma poitrine légèrement vêtue de ma brassière de sport. Son regard s'attarde dessus quelques secondes avant de le détourner, je ne sais pas si c'est par respect ou pour se contenir. Je me tourne et m'apprête à remettre mon t-shirt quand ses pas s'approchent trop rapidement de moi et une main se pose non loin de mon omoplate meurtrie.

-J'aurais dû tuer ce fils de pute, son murmure me rassure, il ne l'a pas tué.

Mon t-shirt remis sur mes épaules, je me sens plus à l'aise, nous nous asseyons tous en silence autour du plat de pâtes qu'a préparé le blond qui me dévisage, essayant de savoir comment je me sens.

-Je vais bien, Mike, lui assurai-je pour qu'il me foute la paix.

Son regard me lâche pour s'accrocher à celui du brun qui lève les yeux au ciel. À son tour, il le questionne en silence, cherchant des réponses sur l'état de Beaumont.

-Il était déjà pas mal amoché, dit-il en me jetant un regard furtif avec un sourire narquois. Jolie crochet, Hel.

Je saisis de suite son allusion à Hel, la déesse des enfers, c'est de bonne guerre, s'il est Satan, je veux bien être Hel pour une journée. Le repas se passe dans un silence nécessaire à nous tous, puis je m'occupe de retirer son pansement, les points vont se résorber tout seuls, je n'ai plus besoin de le voir tous les jours. Tous les trois sur le pas de la porte, la tension est étrange, un au revoir qui me paraît illusoire. Mike me fait un signe de main en guise d'adieu tandis qu'Elio se contente de me regarder avec une intensité propre à lui, quand ma porte se referme. La pièce me paraît étrangement calme, le vide qu'ils ont laissé est palpable. Allongée dans mon lit, le sommeil me fausse compagnie.

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❤️❤️ la suite 😍
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Bientôt 🥰🥰
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Bientôt 🥰🥰
❤️❤️❤️
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