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Petitefleur707
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CHAPITRE 3

VIOLET

La journée avait commencé comme toutes les autres, avec un bruit sourd de la porte du dortoir qui se refermait derrière moi. Un bruit de fer, lourd, symbolisant la fin d'une nuit et le début d'une autre routine bien huilée, mais étrangement pesante. La lumière du matin filtrait à travers les rideaux, donnant à la pièce une teinte tamisée qui contrastait avec l'agitation qui régnait dans ma tête. Les paroles de la directrice me trottent encore dans la tête. Une punition du lycée, un suivi plus strict... Je suis censée "faire profil bas", comme si je pouvais simplement tout effacer.

En sortant de ma chambre, je croise Lucie dans le couloir. Elle me jette un regard en coin, ses cheveux toujours impeccablement en place, un petit sourire espiègle sur les lèvres.

— Alors, la grande punie, comment tu te sens ? lance-t-elle, sa voix douce mais pleine d'ironie.

Je lui rends son sourire, mais ça ne me fait pas rire. Ça fait trop mal de savoir qu'une simple dispute peut devenir une montagne de conséquences.

— Pas vraiment dans le mood pour des blagues, tu sais, réponds-je en haussant les épaules. J'ai pas le choix maintenant.

Elle hausse les sourcils, m'observant comme si elle pouvait lire dans mes pensées, puis elle soupire.

— T'inquiète, Violet. C'est pas la fin du monde. C'est juste... un petit coup de pression. Tu sais comment ça marche ici. C'est la règle du jeu. Reste calme, tout ça se passera vite.

Je regarde Lucie, une légère touche de cynisme dans le regard. Elle a l'air tellement sûre d'elle, mais en même temps, c'est comme si elle me parlait d'un autre monde, un monde où les règles sont faciles à suivre.

— T'as l'air de vraiment t'en sortir, toi, dis-je. Toujours calme, toujours sûre d'avoir raison...

Lucie sourit, mais cette fois-ci, il y a un éclat dans ses yeux qui me dit qu'elle n'a peut-être pas tout résolu non plus.

— Fais-moi confiance, dit-elle avec un sourire plus franc. C'est juste une question de point de vue. Si tu veux pas finir en victime, t'as intérêt à comprendre que ce système est fait pour te briser un peu. Et pour ça, faut pas te laisser briser, voilà tout.

Avant que je puisse répondre, une silhouette apparaît au bout du couloir, une silhouette que je connais bien : Isabela. Elle marche d'un pas tranquille, mais ses yeux trahissent une certaine inquiétude. Elle s'arrête devant nous, son regard me cherchant.

— Alors, comment ça va ? me demande-t-elle, toujours aussi douce, mais son ton trahit un peu l'anxiété sous-jacente. Ça va aller, n'est-ce pas ?

Je hoche la tête, bien que je ne sois pas convaincue.

— Ça ira, Isabela. C'est juste... un autre obstacle, rien de plus.

Elle me scrute un moment, cherchant visiblement à déchiffrer ce que je ressens. Puis, après un instant, elle me sourit doucement.

— D'accord. Mais on reste ensemble, hein ? On ne se lâche pas.

Lucie intervient alors, coupant un peu la scène de réconfort.

— Si vous avez besoin d'un peu de calme, je vous conseille de ne pas trop vous en faire. C'est là que les choses se compliquent, mais tout ça va vite s'arranger.

Isabela lui jette un regard, un peu perplexe. Lucie ajoute avec un sourire plus détendu, comme si elle venait de faire une blague.

— T'inquiète pas, Isabela, c'est juste que Violet a du mal à accepter qu'elle doive être moins impulsive. Mais je sais que ça va se passer. Elle a plus de force qu'elle ne le pense.

Je lance un regard amusé à Lucie. Son ton a changé, devenu plus amical, presque protecteur envers Isabela. Lucie est là pour apaiser les tensions, mais aussi pour montrer qu'elle tient à ce que tout roule dans cet endroit.

Je me tourne alors vers Isabela, qui semble un peu plus détendue, et je lui dis avec un sourire timide.

— T'inquiète, ça va aller. On fait front ensemble.

Je tourne la tête vers elle. Il y a cette lueur étrange dans ses yeux, un mélange de sagesse et de défiance.

Lucie est l'une des personnes ici qui s'occupe des plus petits, ceux qui ont encore ce regard naïf, sans savoir à quoi ils s'attendent vraiment dans cet endroit. Elle les guide avec une sorte de douceur pragmatique, mais derrière son sourire, il y a toujours cette fermeté qui lui permet de les protéger tout en gardant son propre équilibre. Ça me fait parfois me demander à quel point elle est elle-même brisée pour pouvoir endosser ce rôle si aisément.

Le regard d'Isabela se fixe sur moi, et elle semble comprendre ce que je pense sans que j'aie à dire un mot.

⇋⇋⇋

Isabela m'avait laissée seule pour le dernier cours. Elle avait reçu un mot de la direction, un de ces papiers qu'elle pliait toujours avec un soin étrange, comme si les secrets s'y cachaient entre les lignes.

Je n'avais pas posé de questions. Avec Isabela, on apprend vite à ne pas insister.

Alors, au lieu de traîner dans les couloirs, je m'étais réfugiée dans mon endroit préféré : la bibliothèque. L'air y était toujours frais, et les livres sentaient la poussière rassurante de ceux qui avaient attendu longtemps qu'on les ouvre.

Je marchais doucement entre les rayonnages, mes doigts frôlant les tranches. Je ne cherchais rien en particulier. C'était ça, le luxe : avoir le temps de se perdre.

Et c'est là que je l'ai vu.

Assis par terre, dos contre une étagère, un livre grand ouvert sur les genoux. Un garçon que je n'avais jamais vu. Il avait les cheveux bruns, un peu en bataille, et des écouteurs qu'il n'utilisait visiblement pas , un seul était enfoncé, l'autre pendait, oublié.

Je me suis figée, surprise. Il avait ce genre de présence silencieuse qui attirait l'œil sans chercher à le faire. Et il lisait... un roman de poésie ?

J'ai reculé d'un pas, mais il a levé les yeux au même moment.

Nos regards se sont croisés. Il n'a pas souri. Pas tout de suite. Il m'a juste regardée, calmement, comme s'il savait déjà que j'allais m'arrêter là.

— Tu cherches quelque chose ? a-t-il demandé.

Sa voix était douce, presque grave. Comme un murmure dans une église.

J'ai secoué la tête, un peu embarrassée.

— Non, je... je passais juste.

Il a incliné la tête, amusé, puis a levé son livre.

— Tu devrais lire ça. C'est triste, mais ça fait du bien.

J'ai souri timidement. Mon cœur battait un peu plus vite, sans raison.

— Je croyais être la seule à aimer les livres tristes.

Il a enfin souri. Vraiment.

— On est au moins deux, alors.

Je me suis approchée sans m'en rendre compte, attirée par cette lumière tranquille qu'il dégageait. Mon regard glissa sur son uniforme légèrement froissé, la cravate un peu de travers, comme s'il avait oublié qu'il en portait une. Moi, au contraire, je faisais toujours attention à chaque pli.

Je ne savais pas pourquoi je restais. Je n'avais jamais été ce genre de fille.

— Tu viens souvent ici ? demanda-t-il en refermant doucement son livre, sans me quitter des yeux.

J'haussai les épaules.

— Quand j'ai besoin de silence.

Il sourit encore, mais cette fois, c'était différent. Plus doux. Plus personnel.

— Moi, j'y viens quand j'ai besoin de me souvenir que le monde peut être beau.

Je fronçai légèrement les sourcils, surprise par la sincérité de ses mots. Il ne parlait pas comme les autres garçons. Pas comme ceux qui rient trop fort dans les couloirs ou qui lancent des regards qui glissent.

— Tu lis de la poésie quand tu as besoin de beauté ? demandai-je.

Il hocha la tête, et ses yeux s'assombrirent à peine.

— Et toi ? Tu lis quoi quand tu veux t'échapper ?

Je baissai un peu les yeux. Il ne savait pas à quel point c'était une question dangereuse.

— Des romans où personne ne trahit personne, répondis-je simplement.

Il sembla saisir quelque chose dans mon silence, mais ne chercha pas à en savoir plus. Ça me plut.

— Je m'appelle Aaron, dit-il alors, presque timidement.

J'hésitai une seconde, puis répondis.

— Violet.

Il répéta mon prénom à mi-voix. Juste une fois. Et dans sa bouche, il sonnait différemment. Comme une promesse.

— Ça te va bien. On dirait un prénom écrit en italique dans un poème.

Je sentis mes joues chauffer, malgré moi. J'avais appris à me méfier, à rester seule. Mais lui... il ne forçait rien. Il n'essayait pas de me plaire. Et pourtant, il le faisait déjà.

Je regardai sa cravate de travers.

— T'es nouveau, non ? Je t'ai jamais vu avant.

— Je suis bon pour passer inaperçu. Mais toi, je t'ai vue tout de suite.

Mon cœur manqua un battement. Il détourna les yeux trop vite, comme s'il regrettait ses mots. Comme s'il ne voulait pas m'effrayer.

Je restai là, debout devant lui, les bras croisés sur mon uniforme comme pour me protéger d'un froid qui n'existait pas.

Aaron n'ajouta rien. Il ne bougea pas. Et moi non plus.

C'était étrange — ce silence entre nous n'était pas vide. Il vibrait doucement, comme un fil tendu, invisible, qu'on n'osait pas tirer de peur de le rompre.

Je crois qu'à cet instant, j'ai compris. Que quelque chose venait de commencer. Pas une histoire. Pas encore.

Un frémissement.

Il me regardait comme si j'étais un mystère qu'il avait hâte de comprendre, sans vouloir me brusquer. Et moi, je le regardais comme on regarde un ciel qu'on ne connaît pas, mais qu'on rêve déjà d'apprendre.

J'ai reculé d'un pas. Juste un.

— À plus tard, murmurai-je.

Il ne répondit pas. Il se contenta de hocher la tête. Mais son regard resta accroché au mien, une seconde de trop.

Je tournai les talons. Mon cœur battait vite.

Et dans mon dos, j'étais presque certaine qu'il me regardait encore.

Le couloir est presque vide. Le silence n'est plus le même qu'à la bibliothèque, ici, il est plus vaste, plus froid. Les pas de quelques élèves s'éloignent au loin, et mes chaussures font un bruit discret contre le sol lisse.

Je marche lentement. Mon sac bat doucement contre ma hanche, en rythme avec mes pensées.

Aaron.

Un prénom simple, mais il reste accroché à moi, comme une chanson inconnue qu'on fredonne sans réfléchir. Il ne m'a rien demandé. Il ne m'a pas envahie. Il m'a regardée comme si j'étais là. Vraiment là.

Et ça me trouble plus que je ne veux l'admettre.

Je n'aime pas ce genre de choses. Enfin, je crois que je n'aime pas.

Je ne me mélange pas. Pas parce que je suis timide, ni parce que je suis au-dessus de tout ça. Juste... parce que j'ai appris que la solitude, au moins, ne ment jamais.

Mais là, maintenant, quelque chose claque doucement dans ma poitrine.

Ce moment aurait pu glisser. Il aurait dû glisser. Mais non. Il s'est accroché. Il est resté.

J'hésite au détour d'un couloir. Je ne sais même pas où je vais. Je marche juste pour réfléchir, pour respirer autrement.

Et puis... une idée traverse mon esprit.

Isabela.

Est-ce que je pourrais lui en parler ?

Elle voit tout, même quand je ne dis rien. Elle comprend vite. Peut-être qu'elle lirait ce que je ne saurais pas dire. Peut-être qu'elle sourirait, ce petit sourire en coin qu'elle a quand elle devine quelque chose avant moi. Ou peut-être qu'elle trouverait ça idiot.

Je ne sais pas si j'en ai envie.

Parler, ce serait rendre ça réel. Et je ne sais pas si je suis prête à ça.

Mais... peut-être.

Peut-être que ça ferait du bien. De partager un moment doux. Quelque chose qui ne fait pas mal.

Je reprends ma marche, plus lentement.

Et sans m'en rendre compte, j'espère que la bibliothèque sera encore ouverte demain.

⇋⇋⇋

Les néons du couloir clignotent faiblement, comme s'ils allaient céder à tout moment. Mon reflet dans la vitre me semble flou. Peut-être à cause de la lumière. Peut-être parce que je suis fatiguée de jouer à faire semblant.

Je tourne à droite et pousse la porte des toilettes. L'odeur du désinfectant me prend à la gorge. Je ne viens jamais ici sans raison. Aujourd'hui, c'est pour vérifier si le maquillage tient toujours. Mon bleu commence à réapparaître sous la couche fine que j'ai appliquée ce matin.

Je baisse les yeux.

Trop tard.

Elles sont déjà là.

Trois filles, regroupées devant les miroirs, les blazers de l'uniforme à moitié déboutonnés, les ongles parfaits. Elles s'interrompent en me voyant. Un silence glisse dans l'air, juste assez long pour me faire comprendre que je ne suis pas la bienvenue.

— Regarde qui revient d'"exil", lâche Sienna, en m'observant comme une bête curieuse.

Elle parle comme si j'étais une rumeur revenue à la vie.

Ayla, la plus fine des trois, croise les bras.

— Ils t'ont laissée revenir après ce que t'as fait à Dirty? Franchement, j'y croyais pas. Ils auraient dû te virer.

Je ne dis rien.

Tahlia, la troisième, me scrute avec attention. Trop d'attention.

— Elle a du maquillage sur la joue, non ? Elle essaie de cacher quelque chose.

Un sourire glisse sur leurs visages, celui que je connais par cœur : moqueur, cruel, bien rôdé.

Je serre la mâchoire. J'inspire par le nez. Je me répète que je suis ici pour une raison, que m'énerver serait leur donner ce qu'elles veulent.

Mais je sens la chaleur me monter aux joues.

Pas de colère.

Du souvenir.

Le bruit des pneus. Le crissement. Le silence qui a suivi.

Et le vide, après.

— Tu veux qu'on te prête du fond de teint, Violet ? demande Sienna, faussement concernée. Ça pourrait t'éviter de refaire une scène.

Je m'approche du miroir. Je les ignore. Je sors ma poudre. Je tapote doucement sur la peau, sans trembler.

— Non, merci, dis-je calmement. Je préfère le genre de maquillage qu'on enlève. Pas celui qu'on porte pour cacher la méchanceté.

Un silence. Une tension.

Puis je me retourne, les yeux plantés dans ceux de Sienna.

— Dirty aurait dû apprendre à fermer sa bouche. Isabela n'a jamais rien demandé à personne. Elle aurait mieux fait de s'en souvenir.

Elles ne répondent pas.

Je les dépasse sans un mot, le pas tranquille. Mais à l'intérieur, je sens cette vieille part de moi celle née dans l'ombre d'un accident — qui veille toujours. Celle qui sait se défendre.

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