ISABELA
Je regarde l'horloge du fond de la salle. Le tic-tac incessant me fait presque oublier le bruit des élèves qui chuchotent, leur murmure devenant un bourdonnement d'arrière-plan. La lumière froide du néon brille sur les bureaux, et je me sens étrangement déconnectée. Le professeur explique quelque chose sur la reproduction des plantes un sujet qui aurait dû m'intéresser, si je ne me sentais pas aussi absente.
Je me perds dans mes pensées, observant les quelques feuilles qui dépassent de mon carnet, sans vraiment les voir. Un mouvement me fait lever la tête. Sienna, Ayla et Tahlia sont assises juste devant, rigolant à voix basse, leurs chuchotements trop bruyants pour être ignorés. Elles n'ont pas remarqué mon regard. Elles sont dans leur bulle, dans leur monde de privilèges, et tout ce qui m'intéresse à cet instant, c'est leur absence de conscience. Ce genre de gens qui ne réalisent jamais vraiment à quel point leurs mots peuvent blesser.
Le prof continue de parler, mais je décroche à nouveau. Mon esprit s'égare, me ramène à Violet. Cela fait quelques semaines qu'on a eu cette conversation... Ou plutôt ce face-à-face dans les toilettes. Elle m'avait regardée avec ce regard que je connaissais bien : une fierté dissimulée sous un voile de calme. Et même si elle n'avait rien dit après, j'avais compris. Elle me testait. Mais à son propre rythme. Elle ne me laissera pas entrer dans son monde aussi facilement.
Un léger sourire se forme sur mes lèvres.
Violet...
Elle est plus forte qu'elle ne veut bien l'admettre. Bien plus rusée. Mais j'aime ça. Et si je dois jouer la même partie qu'elle, je suis prête. Pour le moment, je ne fais que l'observer, mais chaque détail me parle de plus en plus.
Je tourne la tête pour observer un instant Sienna, qui est trop concentrée sur la discussion avec Ayla pour me remarquer. Si seulement elles savaient ce que cachait réellement cette fille. Si elles savaient qu'elles jouaient avec le feu en la provoquant... je ne suis même pas sûre qu'elles réaliseraient à quel point elles se trompent.
Je soupire discrètement et replonge dans mes notes. Les mots du professeur se perdent dans ma tête. Un brouhaha. Mais je n'ai plus envie d'écouter. J'ai ce pressentiment étrange qu'aujourd'hui, quelque chose va changer. Et peut-être que, pour une fois, je serai celle qui ouvrira les yeux sur une vérité cachée derrière une façade.
L'intercours est enfin arrivé. Je me lève lentement, mon corps endormi de cette atmosphère étouffante de la salle de SVT. J'attrape mon sac et m'éloigne de la classe, évitant soigneusement le groupe de filles bruyantes près de la porte. Sienna et ses acolytes me lancent un coup d'œil, mais je les ignore. Ce n'est pas mon combat. Pas aujourd'hui.
Le couloir est plus calme. Il est presque désert, à part quelques élèves qui se pressent pour aller en salle de sport ou se rendre dans d'autres endroits. L'odeur de la peinture fraîche et de la cire sur le sol me parvient, mêlée à celle du papier et des livres qui traînent ici et là. L'atmosphère des lieux me réconforte. C'est comme si l'école elle-même m'acceptait, alors que les autres préfèrent juste m'ignorer.
Je prends le chemin de la bibliothèque. C'est devenu mon refuge, même si ce n'est pas vraiment pour y lire. Je viens ici pour avoir de la distance, pour respirer loin du bruit des autres, des jugements, et des regards.
Je pousse la porte de la bibliothèque avec la même sensation agréable de calme qui m'envahit à chaque fois. L'odeur du papier, du vieux cuir, et l'atmosphère paisible de l'endroit me réconfortent. Ici, je suis seule avec mes pensées, mon carnet et mes idées. J'ai déjà une histoire qui me trotte dans la tête, un nouveau personnage à développer. Les mots dansent dans mon esprit, mais avant de m'installer à ma table habituelle, je laisse mon regard errer un peu sur les autres élèves présents.
Je suis assise dans ma place habituelle, les yeux rivés sur mon carnet. Je suis perdue dans mes pensées, les idées défilent, prêtes à se transformer en mots. La bibliothèque est calme, comme toujours. Je préfère ce silence, il me permet de me concentrer. Mais soudain, un bruit de chaise qui grince, puis des pas légers qui se rapprochent. Je lève les yeux et aperçois un garçon que je n'ai jamais vu auparavant.
Il se tient là, légèrement en retrait, comme s'il hésitait à entrer dans l'espace que je m'étais réservé. Il n'a pas l'air gêné, mais il y a une certaine curiosité dans son regard. Ce qui attire immédiatement mon attention, c'est ses cheveux mis-long. Des cheveux bleus. Ce bleu, éclatant et presque irréel. Ils semblent briller dans la lumière tamisée de la bibliothèque, un bleu électrique qui trahit un côté un peu... sauvage, comme un éclat dans un monde trop ordinaire. C'est étrange, je n'ai pas l'habitude de voir des gens comme lui ici.
Il attend quelques secondes, puis semble prendre une grande inspiration avant de s'avancer doucement. Je m'apprête à retourner à ma tâche, mais il parle avant même que j'aie pu détourner mon regard.
— Salut, tu es viens souvent ici ? demande-t-il, avec une voix basse, mais claire, accompagnée d'un accent.
Je le regarde un instant avant de répondre, un peu surprise. Pourquoi me parle-t-il ? Je n'ai pas l'habitude qu'on vienne me déranger dans cet endroit où je me réfugie.
— Oui, je viens souvent, je réponds sans vraiment sourire, mais je ne veux pas paraître impolie. J'aime travailler ici. C'est calme.
Il hoche la tête, semblant apprécier ma réponse. Puis, après un petit moment de silence, il s'avance un peu plus, comme si sa curiosité l'avait poussé un peu plus près.
— Je suis nouveau ici, en fait. J'ai juste... déménagé, récemment, dit-il en s'installant d'un côté de la table, mais à une distance respectueuse.
Pourquoi tu le récite t'as biographie ?
Je relève légèrement les sourcils. Un nouveau... Je ne le reconnais pas. Pas qu'il soit très différent des autres, mais il y a quelque chose qui le rend un peu plus... présent. Peut-être ses cheveux. Je ne peux pas m'empêcher de les regarder à nouveau. Il semble avoir conscience de cet effet, mais il ne le montre pas.
— D'où viens-tu ? je lui demande, la curiosité me gagnant malgré moi. C'est rare de voir quelqu'un ici qui semble... différent.
Il laisse échapper un léger sourire, presque comme un secret partagé.
— Londres, il répond tout simplement, comme si c'était une évidence. Je n'étais pas vraiment dans un endroit aussi calme avant. C'est un peu étrange, mais... agréable.
Je le regarde un instant, intriguée. Londres, hein ? C'est une ville bruyante, pleine de vie. Et lui, il a ce côté à la fois calme et décalé. Ce contraste m'intéresse plus que je ne le pensais.
— Je vois, je réponds simplement, un peu perdue dans mes pensées. Et tu t'habitues à l'ambiance ici ?
— Pas encore, dit-il en souriant, mais je pense que je vais m'y faire. J'aime bien l'idée de pouvoir me concentrer sans être constamment entouré de bruit. Enfin, je suppose que c'est une question de perspective.
Je hoche la tête, consciente de ne pas être du genre à me laisser entraîner dans une conversation banale. Pourtant, je ne peux m'empêcher de l'observer, à la fois déconcertée et fascinée. Ce garçon avec ses cheveux bleus, son accent anglais, il est... différent. Il a quelque chose d'intrigant, mais je n'arrive pas à mettre le doigt sur quoi exactement.
Je sens son regard se poser sur moi, et je me force à ne pas détourner les yeux. Il ne semble pas agressif, mais il y a un intérêt sincère dans sa manière de m'observer, comme s'il attendait que je lui en dise un peu plus. Pourtant, je garde mes distances, préférant rester mystérieuse.
— Enfaite moi c'est Lukas dit-il, brisant la légère tension qui s'est installée.
— Hm.
Pourquoi il me dit tout ça? Il m'a prise pour sa psy?
-C'est cool comme endroit reprend t'il un peut gêné par mon manque de participation.
Qu'est-ce qu'il me veut à la fin ?
-Oui. C'est mon endroit préféré pour travailler. Il y a quelque chose dans le silence qui me permet de penser, je réponds calmement. Et toi, qu'est-ce que tu fais d'autre à part... visiter les bibliothèques ?
Il rit doucement, presque de manière complice.
— Pour l'instant, j'observe, dit-il avec un sourire en coin. Je suis un peu du genre à me fondre dans le décor avant de faire quoi que ce soit.
Je souris légèrement, intriguée par sa réponse. Il est discret, mais il a l'air d'avoir beaucoup plus à offrir que ce qu'il laisse paraître.
Je ferme mon carnet, me levant, prête à partir.
— Bon, je vais y aller, je lui dis. C'était... intéressant de te parler.
Enfin, dans le genre "conversation qui donne envie de me cogner la tête contre un mur", t'es pas mal.
Il me sourit d'un sourire sincère, mais il ne semble pas insister.
— À bientôt, Isabela.
Je me fige un instant, surprise. Comment connaît-il mon prénom ? Je ne lui ai même pas dit. Mais je n'en fais pas une affaire. Je hoche la tête et sors de la bibliothèque sans un mot de plus, le cœur un peu plus curieux qu'il ne l'était en arrivant.