Loading...
Link copied
Loading...
Loading...
Mark all as read
You have no notification
Original
Fanfiction
Trending tags

Log In

or
@
heyceleste
Share the book

Chapitre 6

D'abord timides, les gouttes se mettent à tambouriner avec insistance, créant une mélodie rythmée qui résonne dans la chambre. J'ouvre les yeux. La lueur grise de l'extérieur s'infiltre à travers le rideau. La forêt, généralement animée par les petits animaux sauvages est silencieuse, comme si la pluie avait mis le monde en pause.

Julyanne n'est pas réveillée. Elle est installée sur le côté, ses cheveux sont éparpillés sur l'oreiller et son corps est emmêlé dans le drap. Je constate qu'elle est nue. Ce n'était pas un rêve. J'ai vraiment couché avec elle. Les événements de cette nuit reviennent brutalement dans ma mémoire. Je repense à ses gestes avec sa langue, à ses traits déformés par le plaisir. Une ribambelle de papillons s'envolent dans mon ventre. J'enlève quelques mèches blondes pour que je puisse apercevoir ce visage qui obsède mes pensées. Elle desserre les paupières.

— Salut toi, déclare-t-elle, avec un sourire.

Mon organe rate un battement. J'aime tant son rictus. Je ne peux m'empêcher de lui en faire un à mon tour.

— Tu devrais sourire plus souvent. Il est magnifique.

Je sens mes joues chauffer.

— Tu es adorable quand tu rougis.

Elle s'approche et me tire les pommettes.

— Lâche-moi ! râlé-je.

Nous entendons du bruit de vaisselle, ainsi que des voix. Carolanne et Adam sont levés. On s'habille pour aller les rejoindre. Julyanne doit attendre après moi puisque je n'arrête pas de changer ma tenue. J'ai l'impression que tous les morceaux que j'enfile ne me vont pas et la météo ne me facilite pas la tâche. Il ne faut pas que mes habits soient trop légers étant donné que le temps est frisquet.

J'ai toujours soigné mon apparence, mais quand je suis en présence de la blonde, c'est pire. Je tiens à ce qu'elle n'éprouve pas de dégoût lorsqu'elle me scrute. J'opte finalement pour un crop top avec une veste, ainsi qu'un jean boyfriend. Nos pieds se dirigent dans le couloir.

— Julyanne, s'il te plaît, dis-moi que tu as envie d'une relation sérieuse, chuchoté-je.

— Évidemment ! Les situationships, ce n'est pas trop mon truc, encore moins les plans culs. Je m'attache vite, alors ce n'est pas bon pour mon petit cœur.

— Je suis heureuse de savoir que nous sommes sur la même longueur d'onde.

Le générique de la fin de mon épisode apparaît. Je réprime un rire en repensant à la scène de tout à l'heure. Adam, le visage déformé par la colère, avait glissé son bras sur la table pour jeter les cartes par terre. Il nous avait ensuite accusé de tricher parce qu'il n'arrêtait pas de perdre au Seven Up. Carolanne avait répondu que gagner une partie était le cadet de nos soucis et qu'il se comportait comme un bébé lala.

Ce commentaire l'avait tellement vexé, qu'il s'était enfermé dans sa piaule. Notre amie, quant à elle, avait ressenti le besoin d'être seule. L'averse terminée, elle en avait profité pour marcher dehors. C'est ainsi que notre journée jeux de société a cessé.

Je suis dans la chambre avec Julyanne. Nous sommes assises sur le lit. Elle est en train de dessiner. Ma tête est appuyée contre son épaule qui bouge à chaque fois qu'elle manipule son crayon. Ce mouvement m'apaise. J'observe sa création. Je reconnais la plage que nous avons visitée récemment. Les commissures de ma bouche s'étirent pour former un faible sourire. Elle ferme son cahier.

— Viens, on sort.

C'est avec regret que je claque le capot de mon ordinateur. J'aurais aimé continuer ma série et rester près d'elle. On se prépare puis on quitte la demeure.

— Regarde ce que j'ai trouvé sur l'îlot de la cuisine !

La blonde me montre fièrement un trousseau de clefs. Il appartient à Adam.

— Veux-tu vraiment qu'il se fâche de nouveau ? Tu sais qu'il déteste que l'on touche à sa voiture !

Elle hausse les épaules.

— Il est constamment de mauvaise humeur, alors une crise de plus ou de moins, ça ne change pas grand-chose, réplique-t-elle.

— Je préfère éviter.

— Ne t'inquiète pas, ce n'est pas de la vraie colère. C'est juste qu'il n'est pas capable de ne pas être grognon au moindre truc qui ne lui plaît pas. C'est plus fort que lui. Ça fait partie de sa personnalité. C'est un peu comme toi qui dois boire un lait au chocolat le matin parce que sinon tu es incapable d'affronter ta journée. D'ailleurs, je trouve ça drôle que tu ne boives pas de café comme tout le monde.

— Je sais, tu n'arrêtes pas de me le signaler, ronchonné-je.

— Sérieusement, je connais bien Adam. Ce n'est pas un jeu de cartes et une voiture qui vont l'enrager. Quand il est vraiment fâché, tu n'as pas le désir de ricaner parce qu'il est effrayant. J'étais présente la journée où il a appris que le copain de sa sœur l'avait trompé. Je te confirme que ce n'était pas beau à voir. Il voulait littéralement tabasser le mec ! De toute façon, si ça peut te rassurer, il ne va rien remarquer.

Elle se met à me supplier pour que je l'accompagne. Je finis par craquer sous son regard de chien battu. C'est impossible de lui résister. Elle est juste trop mignonne.

Le paysage commence à défiler. Un nœud se forme dans mon estomac. Julyanne n'a pas tort. Cela ne change pas le fait que je crains qu'Adam le découvre. Le bruit du moteur ainsi que le vent dans mes cheveux bruns parviennent à me calmer. La lune et les étoiles éclairent la petite route sur laquelle nous roulons.

— J'aime la nuit. Sa beauté et son mystère font taire toutes mes préoccupations. J'ai l'impression d'être invincible.

— Moi c'est l'inverse, elle fait naître toutes mes préoccupations.

— Tu dis ça à cause de tes cauchemars, n'est-ce pas ? Tu veux en parler ?

Je sais qu'elle est fiable et qu'elle ne va pas me juger. C'est ce qui me pousse à me confier, même si je n'en ai pas envie. La blonde comprend que je m'apprête à vider mon sac. Elle arrête le véhicule sur le bord du chemin. Je prends une profonde inspiration pour me donner du courage.

— J'ai toujours été un peu maladroite avec les gens. Pour cette raison, je suis devenue le souffre-douleur de mes camarades de classe. Un jour, une fille a pris ma défense. Plus personne n'a osé m'approcher par la suite. Je me suis liée d'amitié avec elle. Elle traînait tout le temps avec un garçon. Nous sommes, tous les trois, rapidement devenus inséparables. À la longue, la fille est devenue ma copine et le garçon, mon meilleur ami. Trois ans plus tard, ma copine a rompu avec moi, sous prétexte qu'elle ne m'aimait plus. J'ai été anéantie. Mon meilleur ami tentait du mieux qu'il pouvait de me remonter le moral. Il a décidé, une fois, de m'emmener à une fête qu'un étudiant de l'établissement organisait. J'ai beaucoup bu et je n'étais plus en contrôle de mes mouvements. J'ai embrassé mon meilleur ami. Il a répondu à mon baiser. On s'apprêtait à aller plus loin, mais j'ai finalement changé d'avis. Il a décidé de continuer, malgré mes protestations. C'est à la suite de cette soirée que j'ai commencé à avoir un sommeil agité...

Je fixe le sol. J'appréhende sa réaction.

— As-tu porté plainte ?

— J'essaie de me relever, de redevenir celle que j'étais, mais c'est difficile. Je n'ai pas le courage de replonger dans cette histoire. Je sais que si j'entame les démarches, je ne vais plus jamais me retrouver... Quoi qu'il en soit, c'est ma faute. Si je ne l'avais pas embrassé, rien de tout ça ne serait arrivé.

Je prends le risque de l'observer. Elle affiche une expression neutre et je ressens de la gratitude à son égard. Je déteste quand je raconte une mauvaise expérience que j'ai vécue et que je peux apercevoir de la pitié dans les yeux des gens.

— Ce n'est pas ta faute. Nous vivons dans une société patriarcale où on apprend aux hommes depuis l'enfance qu'ils ont tout pouvoir sur le corps des femmes et que le consentement de ces dernières n'a aucune importance. Je trouve ça révoltant. Si tu changes d'avis, n'hésite pas à m'en parler. Je t'aiderai à passer par-dessus cette épreuve.

— Merci, c'est gentil.

— Je suis reconnaissante que tu me fasses suffisamment confiance pour m'en parler. L'endroit où je vais t'emmener va te changer les idées.

Elle pose sa main sur ma cuisse, mais la retire immédiatement pour la mettre sur le volant. Nous reprenons le trajet.

C'est aussi à cause de notre société, si j'ai embrassé Mathis, cette soirée-là. On apprend aux femmes à aimer les hommes. Je me souviens, quand j'ai commencé à expliquer aux individus que j'étais lesbienne, certains d'entre eux me répondaient que c'était une phase et d'autres conneries similaires. Cela s'est produit tant de fois que j'ai fini par douter de ma sexualité. Lorsque je m'étais retrouvée seule avec lui, j'ai pensé que c'était le bon moment de vérifier. C'est après avoir goûté à ses lèvres que j'ai vraiment pris conscience que je n'étais pas attirée par la gent masculine.

Parfois, quand on tient à une personne, notre sentiment n'est pas réciproque. Elle disparaît de ta vie au moment où tu t'y attends le moins et cela te brise le cœur. Sabrina a été mon premier amour et j'étais persuadée qu'il serait le dernier. J'ai eu tellement mal lorsque j'ai appris qu'elle voulait me quitter.

Cependant, ce n'était rien comparé à ce que mon meilleur ami m'a infligé... Je me suis rendu compte qu'une fin d'amitié pouvait autant blesser qu'une rupture amoureuse.

Avant, j'évitais les gens parce que je ne voulais pas subir leur méchanceté. Désormais, c'était parce que je ne voulais pas me faire trahir par ceux que j'aimais. J'étais revenue à la case départ dans mon cheminement.

C'est durant cette période que Megan est apparue dans ma vie. Je lui ai montré la porte à maintes reprises. Néanmoins, elle n'a jamais effectué ses valises. À force de la côtoyer, j'ai fini par m'attacher. J'apprécie son humour et sa gentillesse. Elle illumine mon quotidien. Sa présence me motive à me surpasser, à devenir meilleure. Grâce à elle, je recommence tranquillement à m'ouvrir au monde.

— On est arrivé.

Je sors brusquement de mes pensées et réalise que Julyanne m'a emmené à la fête foraine ! L'excitation s'empare de mon être. Aussitôt que nous sortons de la voiture, je la serre dans mes bras et lui donne un baiser sur la joue.

L'ambiance est vibrante. On entend les cliquetis des manèges, les cris d'excitation des enfants et diverses mélodies. La lumière des attractions ajoute de la couleur dans le décor, tandis que les odeurs de pop-corn, de barbes à papa et des hot-dogs envahissent mes narines. Plusieurs individus se pressent autour des kiosques de jeux. À travers eux, il y a des couples qui se promènent main dans la main, profitant simplement de la vue. Nous partageons, tous ensemble, cet instant magique à notre façon.

Le train s'arrête dans un crissement de frein strident. Je me suis beaucoup amusée dans ce manège. Surtout que c'est la première fois, depuis que nous sommes ici, que nous embarquons dans une attraction qui est extrême. Il s'agit de mon deuxième moment préféré de la soirée.

L'initiale, c'était quand nous avons été dans le palais des glaces. Julyanne voulait que j'entre seule à l'intérieur pour qu'elle puisse partir à ma recherche. C'était excitant de m'aventurer dans ces chemins. Mon organe battait la chamade. Je ne souhaitais pas qu'elle me retrouve. Une fois, je l'avais aperçu à travers les miroirs. Elle m'avait fait une grimace. C'était drôle de voir son visage sous différents angles. Sa présence me réchauffe le cœur. J'ai de la chance qu'elle fasse partie de ma vie.

Néanmoins, je ne crois pas qu'elle ait apprécié son expérience dans la montagne russe. Elle est silencieuse. Je tourne la tête vers elle et découvre qu'elle a le teint verdâtre. J'ai l'impression qu'elle va se mettre à vomir. Je décide de la traîner dans un stand afin qu'elle se prenne un truc à manger. Par la suite, nous choisissons une table à pique-nique pour s'y installer. À mesure qu'elle avale son sandwich, elle récupère ses couleurs, ce qui me soulage.

— En plus des hauteurs, tu ne supportes visiblement pas les sensations fortes. Je me demande bien pourquoi tu m'as emmené ici !

— Parce que je sais que tu aimes ça, alors j'ai décidé que j'allais prendre mon mal en patience.

— Tu prévois m'accompagner dans toutes les attractions que je veux faire ?

— Oui, tu vas t'ennuyer sinon.

Je lève les yeux au ciel à la suite de son propos.

— Même dans la grande roue ?

— Oui, répond-elle, d'une voix mal assurée.

— C'est vraiment adorable, mais ce n'est pas nécessaire.

— J'insiste.

Lorsqu'elle termine son repas, nous quittons l'endroit pour nous diriger dans la file. Nous pénétrons ensuite dans le manège. Plus il monte, plus je sens qu'elle devient tendue. J'enlace ses doigts pour la rassurer. La grande roue s'arrête, alors que nous sommes complètement en haut. Elle commence à paniquer. Je dois trouver un moyen de la calmer. Je saisis son menton et l'embrasse. Elle se détend.

Je me détache d'elle pour reprendre mon souffle. Nos lèvres se touchent de nouveau pour un baiser plus passionné. Je suis éprise d'une chaleur dans le bas de mon ventre quand sa langue rencontre la mienne. Ses mains deviennent baladeuses et se glissent en dessous de ma veste. Mon corps s'empare de frissons.

L'attraction se remet en marche. On se décolle brutalement.

— J'ai presque envie d'y retourner, déclare-t-elle, une fois que nous retrouvons la terre ferme.

En se dirigeant vers la sortie, nous passons devant une machine à toutous. La blonde insère des pièces à quelques reprises, sans parvenir à en attraper un.

— Laisse tomber, tu vas te ruiner, affirmé-je.

— Je tiens à ce que tu en aies un de plus dans ta collection.

Elle remet de l'argent à l'intérieur. Avec la manette, elle guide la pince. Elle fronce les sourcils. Elle est déterminée à en obtenir un. Étonnamment, elle y arrive. Elle lâche un cri de joie. La peluche tombe dans la trappe. Elle la prend avant de me la donner.

C'est un ours avec de grands yeux globuleux, une bouche ouverte qui révèle de grandes dents et un gros nez. Son pelage est rugueux.

— Il est moche !

— Il te ressemble !

Offusquée par sa réplique, je lui donne un coup avec. Un rire parcourt ses lèvres.

Dès que mes fesses se posent sur le siège, la boule de nervosité que j'avais dans mon estomac revient. Julyanne se rend compte que je suis ailleurs. Elle tente de me changer les idées en entamant des discussions, mais je lui donne uniquement des réponses vagues. Le panorama finit par se figer. Les phares du véhicule éclairent le chalet.

— Il n'y a pas de garçon qui affiche un air fâché, qui a les bras croisés sur son torse et qui tape du pied. Il n'a pas remarqué notre absence. Je te l'avais dit que tu paniquais pour rien ! s'exclame-t-elle, avec un rictus victorieux.

Comment this paragraph

Comment

No comment yet