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Mi-rage
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L'assassinat

28 septembre 1943 – Paris occupé, avenue Henri-Martin

Dans cette matinée atrocement calme, la lumière grise de l’aube glissait doucement sur les façades des immeubles parisiens. La ville semblait figée, comme si elle retenait son souffle avant une journée ordinaire. Mais pour nous, ce jour serait tout sauf ordinaire. Je marchais d’un pas rapide le long de l’avenue Henri-Martin, le col de mon manteau relevé et mon sac à main serré contre moi. Mon cœur battait à un rythme effréné, mais mon visage devait rester neutre. Personne ne devait soupçonner ce que j’allais très bientôt accomplir. Les autres se tenaient déjà en place. Clément se trouvait dans une ruelle à gauche du croisement, dissimulé derrière un stand de journaux abandonnés. André, lui, était à droite, caché derrière une voiture garée. Je devais passer devant eux, leur donner le signal, puis disparaître dans une ruelle voisine.

Je pris position près du marchand de journaux, feignant de feuilleter un quotidien jauni par le temps. Mon regard balayait discrètement les environs. L’artère se montrait presque déserte, à l’exception de quelques promeneurs et d’un chien errant qui fouillait une poubelle. À 7 h 28, la porte du 48, avenue Henri-Martin s’écarta. Julius Ritter apparut, impeccable comme à son habitude. Terminant son uniforme parfaitement ajusté, ses bottes brillaient malgré la lumière terne du matin. Le chauffeur de sa Mercedes-Benz 230 noire se précipita pour lui ouvrir la portière, tandis que deux soldats en treillis grimpaient dans un Opel Admiral garé à quelques mètres derrière.

Mon souffle se bloqua. Chaque mouvement de Ritter semblait calculé, presque mécanique. Il descendit lentement les marches, jetant un bref regard autour de lui avant de monter dans la voiture. À 7 h 30 précises, le moteur de la Mercedes ronronna et le convoi démarra. Je laissai tomber mon journal sur le trottoir et me penchai pour le ramasser, un geste anodin en apparence. Mais c’était ça, le signal. J’entendis des bruits d’oiseaux, ils étaient prêts. Je me redressai, tournai les talons et m’engageai dans une ruelle adjacente. Mon rôle était terminé, mais le plus dangereux restait à venir.

La Mercedes approchait du croisement entre la rue de Passy et celle des Eaux. Comme prévu, le conducteur ralentit pour prendre le virage. C’était le moment. Célestino sortit de sa cachette, brandissant son arme. Il visa directement le pare-brise et ouvrit le feu. Les balles fusèrent, brisant les vitres en un éclat assourdissant. Il tua le chauffeur sur le coup, mais blessa Ritter. Il tenta de fuir par la portière passager où Marcel l’attendait pour l’achever. Ritter n’eut même pas le temps de réagir. Son corps se convulsa sous l’impact des projectiles, une traînée de sang éclaboussant l’intérieur de la berline. Simultanément, Léo et Clément surgirent de leur côté. Armé d’un pistolet Luger volé à un soldat allemand, il tira sur l’Opel Admiral, touchant le conducteur et abattant le passager. Le véhicule dévia de sa trajectoire, s’écrasant contre un lampadaire dans un fracas de métal tordu.

Le chaos ne dura que quelques secondes, mais il sembla s’étirer à l’infini. Des marcheurs hurlaient, certains se précipitant pour se cacher, d’autres figés de peur. Clément et André, sans perdre une seconde, se replièrent dans les ruelles adjacentes tandis que je progressai à rythme soutenu vers la planque. J’entendais les échos des tirs se répercuter contre les murs étroits. Des larmes coulaient sur mes joues, mais mes jambes continuaient de me porter. Je pris un virage, puis un second, jusqu’à arriver à une petite porte dérobée. J’aurais préféré abattre moi-même ce chien, mais j’étais trop engagée émotionnellement.

Nous rejoignîmes une cache temporaire dans le XVIIIᵉ arrondissement, où nous attendait chaque camarade avec des vêtements de rechange et des papiers falsifiés. Assise dans un coin, je tentai de calmer mes tremblements. Ce que nous venions de faire n’effaçait rien. Robert restait mort, tout comme des milliers d’autres victimes de ce monstre. Mais Julius Ritter ne ferait plus de mal à personne.

Clément s’approcha, ferma la porte-tour, son visage blême, mais déterminé.

— C’est fait, dit-il d’une voix rauque, posant son arme sur la table.

— Il n’a rien vu venir, murmura André en s’appuyant contre le mur.

Clément hocha la tête.

— On doit faire profil bas.

Il m’aperçut finalement dans un coin de la pièce, il s’avança et se mit à ma hauteur.

— Madeleine, ce n’était qu’un homme, mais c’était aussi un symbole. Grâce à ça, peut-être qu’ils réfléchiront à deux fois avant de se croire invincibles.

Je levai les yeux vers lui et acquiesçai.

— Peut-être.

Mais dans mon cœur, je savais la lutte loin d’être terminée.

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