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Chapitre 27

Sam étudie un plan de la région, un sac en papier dans une main et une brioche saupoudrée de sucre dans l’autre. Une ligne rouge trace un large cercle autour de la forêt, délimitant une zone d’intérêt. Autour de la carte, des photographies de la dépouille de Hasna témoignent de l’horreur du crime. Sam lèche le sucre collé à ses doigts avant de jeter le reste de sa pâtisserie à la poubelle. Son regard se perd sans entrain dans l’open space. Soller est en pleine discussion avec l’agent Da Costa, une petite brune au teint hâlé qui boit son troisième café de la matinée. Il remarque le siège vide de sa sœur. Elle n’est toujours pas revenue de sa longue conversation avec Coffin. Sam apprécie Mike, à la fois comme collègue et ami. Mais même s’ils se connaissent depuis l’enfance, il se méfie de ce dernier lorsqu’il gravite autour de sa sœur. Il connaît les souffrances causées par un chagrin d'amour et n'a pas envie qu’un autre Greene en fasse les frais.

— Sam ? Les Moore viennent de repartir.

L’adjoint se retourne sur Soller.

— Du nouveau ?

— L’épouse a confirmé sa première déposition et maintient ses soupçons envers son mari. David Moore s’est un peu moins épancher sur le sujet, mais il est d’accord avec sa femme. Lui aussi pense que Bowman aurait pu la tuer.

— De son côté, ses amis maintiennent leur témoignage ?

— Aucun n’a changé de version et toutes concordent.

— Pas moyen qu’ils le couvrent ? demande Sam.

Soller hausse ses épaules.

— La technologie ne ment pas. Son téléphone a borné à Kalispell au moment des faits. Bon… suffit qu’il soit un peu malin et il aurait pu le laisser là-bas en sachant que ça finirait pas nous conduire à lui. 

— On n’est pas plus avancé. Dépose tout ça sur le bureau de Harris. Il ne devrait plus tarder.

— Ça roule… Au fait, Bowman a reçu l’autorisation de rentrer à Kalispell.

— C’est une blague ? s’exclame Greene.

— Son patron commençait à se plaindre et lui en avait marre de se coltiner Beaver, explique Soller, comme on a rien contre lui, ils le laissent partir. En revanche, il a interdiction de quitter le Montana.

Sam regarde son collègue s’éloigner en direction du bureau de leur lieutenant quand une autre voix l’interpelle.

— Hey.

Sam se retourne, un sourire aux lèvres.

— Hey. Alors, comment ça s’est passé ?

— Plutôt bien, répond Raphael en se rapprochant de la carte.

— Tu vois. Je te l’ai dit. Tu t’inquiètes pour rien. Anderson peut se montrer dure quand c’est nécessaire, mais elle est loin de s’énerver comme Harris. Tu as bien fait de lui en parler. C’était l’unique façon d’avancer. Tu ne pouvais pas continuer ta petite enquête en solo, ça pouvait devenir dangereux.

— Je sais.

Sam tend la seconde brioche à Raphael.

— Tu as faim ? Vas-y sers-toi. Tout ça m’a coupé l’appétit.

Il ne se fait pas prier deux fois.

— Toute cette histoire est complètement dingue, enchaîne Sam, tu n’imagines pas tout ce que ça remettrait en cause. L’affaire de l’incendie fait partie de Bellwood. Ça a marqué toute une génération. Quand j’étais ado, le lac était un rendez-vous réputé pour ceux qui souhaitaient s’effrayer. On racontait qu’au cours du mois d’août, Nikita errait dans les bois à la recherche de nouvelles âmes à emporter. C’était notre Michael Myers local, si tu veux. Mais je pense que le pire serait pour la renommée de Duncan Campbell. Ça, c’était son affaire.

— Il est toujours vivant ? s’étonne Raphael.

— Oui. Il ne doit pas être loin des cent ans… Un peu moins. Aux dernières nouvelles, il vit avec les Taylor et est en pleine possession de ses moyens. Mais je te préviens, ton petit numéro de détective privé ne marchera pas avec lui. Pavel et Fawcett t’ont peut-être bien accueilli, mais Campbell est du genre à recevoir les visiteurs inattendus avec son fusil. C’est un coriace. Il fout les jetons à tout le monde.

— Vraiment ? s’enquiert Raphael, en reculant pour s’appuyer contre un bureau vacant, affublé d’un sourire provocateur.

Sam le rejoint.

— Je suis sérieux, Raph. Ce type est de la vieille école. Alors ne déconne pas, s’il te plaît. Laisse les vrais flics s’en occuper.

L’adjoint plonge dans les eaux froides de ses yeux. Jamais il n’avait vu pareil regard. Une telle colère. Une telle tristesse.

— Les vrais flics, répète Raphael, contrarié.

— Je veux juste qu'il ne t'arrive rien. Puis on doit agir dans les règles. Sinon, ça n'a aucun intérêt. Des preuves récupérées de la sorte n’auront aucune valeur devant un juré.

— Ça va. Je n'irai pas le voir. Pour le moment, c'est Aaron qui m'intéresse.

— Pour ça, il nous faut une autorisation. On ne peut pas débarquer les mains dans les poches et interroger un patient comme bon nous semble.

Raphael désigne le bureau de Casey, plongé dans le noir.

— Il n'est pas rentré ?

— Son avion s'est posé ce matin, il ne devrait plus tarder.

— Tu sais pourquoi il a été envoyé à Bellwood, toi ?

— Paraît qu'il a pété les plombs un jour à Philadelphie pendant un interrogatoire. Je n'en sais pas plus et à vrai dire, ça ne m'intéresse pas. Ce ne sont pas mes affaires. Tu devrais ne pas t'en mêler non plus. Ils nous l'ont envoyé dans un sale état, il y a huit mois. Il s’en prenait à tout le monde pour un oui et pour un non. Anderson à failli le renvoyer d’où il venait, mais cela pu signer la fin de sa carrière alors elle lui a laissé sa chance. Heureusement que tu n'es pas arrivé en même temps que lui, vous auriez fait des étincelles tous les deux.

— Je voulais simplement savoir ce qui le tracasse autant. C'est tout.

Sam lui bouscule l'épaule.

— Laisse couler. Parfois, il ne faut pas se mêler de la vie des gens. Chacun a le droit à son jardin secret, tu ne penses pas ?

— Tu as sans doute raison.

Il se rapproche du tableau.

— Qu'est-ce que c'est ? demande-t-il en désignant le cercle sur la carte.

— La zone dans laquelle le téléphone de Malek a pingé pour la dernière fois.

Sam suit la ligne rouge avec son doigt.

— Trois kilomètres de diamètre entre le Beaver et Bellwood. Les gars ont déjà ratissé les abords de la route, au cas où on trouverait un indice, n'importe quoi qui pourrait nous amener jusqu'à l'auteur de l'accident.

Il pointe une photographie du parechoc arrière du GMC. Des fines particules vertes, quasi invisibles, parsèment le gris de la voiture.

— Le labo a réussi à extraire des éclats de peintures qui proviennent sans doute du véhicule impliqué.

— Vous pouvez remonter jusqu'à lui à l'aide de ces simples tâches ?

— C'est possible, oui. La scientifique les analyse par spectrométrie infrarouge pour identifier la composition chimique de la peinture utilisée, puis ils comparent les échantillons avec ceux de la Paint Data Query, afin d'identifier la marque, le modèle et même l'année de sa fabrication.

— Vraiment ? Vous pouvez découvrir toutes ces informations à partir de… ça ?

— Bienvenue au vingt-et-unième siècle.

Raphael tape un croc dans sa pâtisserie.

— Et alors, vous avez trouvé quelque chose ?

— On est sur liste d'attente. On va aller rendre une visite à Kenneth Dinsmore, le garagiste du coin pour voir si quelqu'un lui a amené un véhicule endommagé de couleur verte ces derniers jours et se renseigner au niveau des ateliers de carrosserie, ou les boutiques spécialisées en automobile au cas où le propriétaire aurait pris les devants et aurait repeint sa voiture lui-même. Mais on a mieux…

Il désigne un second cliché. Les yeux plissés, Raphael se juche sur la pointe des pieds pour observer un minuscule filament gris.

— Qu'est-ce que c'est ?

— Un cheveu. Retrouvé coincé dans une tige de l'appui-tête. Il est en cours d'analyse, mais nous savons déjà qu'il n'appartient pas à notre victime.

Sourcils froncés, Sam examine le plan.

— Ça ne va pas, s'enquiert Raphael, ce sont plutôt des bonnes nouvelles.

— Thomas Bowman a été autorisé à rentrer chez lui. Ce n'est pas très loin et il a l'interdiction de quitter l’Etat, mais tout de même. Je veux dire… le corps de sa femme se trouve dans notre morgue et son enfant a disparu. Les chiens n'ont flairé aucune piste, le porte-à-porte n'a rien donné. Personne n'a rien vu. Personne n'a rien entendu. D'accord, il a un job et doit conserver sa place, mais… enfin, je sais pas. Quel genre de mari ou de père agit de cette façon ? À sa place, je serais en train de retourner chaque centimètre carré de cette forêt, mais lui décide de rentrer à la maison...

Le corps flasque de Hasna Malek, recroquevillé dans le coffre de la voiture, lui revient en mémoire. Ce n'était pas son premier cadavre. C'est même le troisième depuis le début de l'année après le meurtre du jeune Taylor et le suicide de LeBlanc. Sam se souvient encore de l'odeur de décomposition et du bourdonnement des mouches qui avaient pris plaisir à pondre leurs larves sur le corps. Cette image restera à jamais gravée dans sa mémoire. Il savait que son métier l'amènerait à voir ce genre de scène en s'engageant dans la police, mais on n'est jamais préparé à affronter la mort dans sa forme la plus brute.

— T.J.  est aussi retourné chez lui ? demande Raphael, extirpant Sam de ses pensées noires.

— Il est toujours chez les Taylor. Il refuse de retourner à Seattle sans réponse et sans sa fille.

Raphael ouvre grand les yeux.

— Maya est de lui, ça a été confirmé ?

— Pas encore. J'utilisais ses mots. Bowman a contesté les tests, alors c'est aux avocats de trancher maintenant. Toute cette histoire me donne mal au crâne. On a deux cadavres sous les bras en l'espace de quelques semaines et pas un indice.

— Vous n'avez eu aucun suspect pour Adam, pas un seul ?

— Non. C'était un jeune sans problème et tout son entourage avait un alibi le soir de sa mort. Son téléphone et son portefeuille avec de l'argent liquide se trouvaient dans ses poches. À première vue, il ne manquait rien. Le mobile du vol a vite été écarté. Et puis, ces marques de griffes… C'était forcément prémédité. Qui se promène avec… Avec quoi d'ailleurs ? Des griffes à la Freddy Krueger ? On patauge. Même pour Hasna, nous n'avons rien. Bowman assure qu'il buvait avec des amis la nuit du crime, ça reste à prouver, mais pour le moment aucun ne s'est rétracté. Si Penley était seul et ne dispose d’aucun alibi, une vidéosurveillance le filme le lendemain matin à son bureau. Matériellement, il n'a pas pu faire l'aller-retour en si peu de temps. Il est donc officiellement retiré de notre liste des suspects.

— Le meurtrier pourrait être de Bellwood, avance Raphael.

— Pour quelles raisons l'aurait-on assassinée ? Son mari, je peux comprendre, annonce-t-il, à travers de gros guillemets, elle voulait fuir. Ce ne serait pas le premier type à tuer sa femme pour l'en empêcher. Mais un de nos habitants… Pourquoi ? Il n’y a apparemment aucune motivation sexuelle et l’argent n’est semble-t-il pas le mobile non plus.

— Ce n’était qu'une supposition. C’est toi, le flic. Peut-être que le meurtrier d’Adam et de Hasna ne forme qu’un.

Sam grimace.

— On aurait un tueur en série en ville ? Impossible. Le modus operandi est trop différent.

— J’ai entendu dire que les tueurs en série se cherchaient au début, réplique Raphael, il peut ne pas encore avoir trouver ce qui le fait tripper.

Sam se dirige vers son bureau. Dans un sens, l'idée est possible. Le coupable connaît la région, il sait se repérer dans les bois et l'existence du lac ne lui est pas inconnue. 

— Si on ne parvient pas rapidement à résoudre cette enquête, les journalistes vont nous sauter dessus et ne plus nous lâcher, peste l'adjoint, des têtes vont tomber, je te le dis.

Il songe à la catastrophe médiatique qu'a représentée l'affaire Adam Taylor. Avant cela, les habitants respectaient la police et leur témoignaient une profonde confiance, malgré de légers accrocs de temps à autre. Après le meurtre, la communauté est devenue plus méfiante, la presse ne les ayant pas aidés. Les résidents préfèrent régler leurs problèmes entre eux plutôt que d'appeler des incapables. Ces gens-là ne comprennent pas. Ce commissariat manque déjà cruellement de moyens, et avec si peu de preuves à analyser, une enquête peut prendre des mois, voire des années. Pire. Parfois, tout comme le chalet, elle reste un cold case, et jamais le coupable ne répond de ses actes devant un jury, ce qui, il peut comprendre, peut pousser une personne à faire justice soi-même.

Sam se laisse tomber sur sa chaise. Ses doigts pianotent la surface lisse de son bureau alors que son attention se porte sur un cadre. Sa famille y pose au complet pour sa remise de diplôme de l'académie de police. Chloe, de deux ans sa cadette, recevra le sien l'année d'après. Une grande fierté se lit dans les regards de ses parents. Son père aurait préféré qu'il suive ses pas de soldat du feu — il y a toujours eu cette gentille rivalité entre les deux corps de métier — mais Terry admire son fils et le lui répète souvent.

Sans un bruit, Raphael s'installe à ses côtés, jetant un œil dans le bureau vide du lieutenant. Sam se redresse. Repense-t-il à cette histoire de souvenir lourd à porter ?

— Harris te manque tant que ça ?

Raphael lève les yeux au ciel, et contemple à son tour le souvenir de la remise de diplôme.

— Je tenais à te remercier.

— Pour ?

— Pour n'avoir rien dit à tes parents… à propos des miens.

— J'ai hésité. J'avais peur qu'ils fassent une bourde, mais j'ai pensé que ce n'était pas à moi de leur révéler quelque chose d'aussi intime. Mais, si tu m'en parles, je présume que l'un d'eux a évoqué le sujet.

— Ta mère.

— Mama Greene t'a passé au crible ? plaisante Sam.

— Elle voulait savoir si ce n'était pas dur de vivre aussi loin de ma famille restée en Alaska.

— C'est tout elle, ça. Une vraie mère poule…

— Je voulais m’excuser aussi. Pour la nuit du réveillon.

— Tu l’as déjà fait.

— Je voulais le faire en étant moi-même. Sans être dans le mal à cause de la douleur, ni trop défoncé aux médicaments.

— C’est déjà oublié, assure Sam.

Sans la toucher, Il glisse sa main vers celle de Raphael.

— Dis-moi, ça te dirait d'aller manger un morceau ?

— Maintenant ?

— Ce soir. 

Le voyant hésiter, il ajoute :

— Par pitié, ne me dis pas que tu n'as rien à te mettre. On ira directement après mon service. Tu peux t'y rendre comme ça. C’est très bien. Je devrais juste passer aux vestiaires pour échanger mon uniforme avec une tenue un peu plus décontractée. J'aimerais te montrer un endroit très spécial pour moi.

Il se penche à son oreille pour y  chuchoter :

— J'espère que tu ne crains pas les balades nocturnes.

— C’est mal me connaître, réplique-t-il en repensant à ce rêve dans lequel il pourchassait le renard.

— Sam, s'exclame soudain Mike en se hâtant vers son bureau, une feuille dans la main. Contacte Harris. On a une correspondance ADN pour le cheveu.

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