Sa tiédeur l’envoûte. Son odeur l’enivre. S’endormir auprès de quelqu’un lui a manqué plus qu’il ne le pensait. Écouter le souffle régulier de l’autre, sentir son poids sur le matelas. Évidemment, en cinq ans de célibat, il a couché avec d’autres hommes. Pas à Bellwood, où la communauté gay est quasiment inexistante. Pour s’envoyer en l’air, Sam doit sortir de sa cambrousse et se rendre en ville. Et que c’est facile pour lui, là-bas, de trouver quelqu’un avec qui s’amuser le temps d’une soirée. C’est dans la poche à la seconde où il mentionne son métier. Nombre de ses conquêtes fantasment sur l’uniforme. Sans parler des menottes, qui en ravissent plus d’un. Il ne s’éternise néanmoins jamais dans leur lit, leur faisant bien comprendre que ça n’ira pas plus loin qu’une simple aventure. Son coeur a assez donné, a assez subi. Il n’y a donc jamais de mots doux. Jamais de petit-déjeuner et de tendre baiser. Il part à l’aube, ou une fois leur affaire conclue. Terminé. Au revoir et merci. Mais pas ce matin. Ce matin, il ne désertera pas.
C’est Raphael qui lui a proposé de rester, quand, après leur virée nocturne, Sam l’a raccompagné chez lui. Officiellement pour l’empêcher de conduire au milieu de la nuit. Son regard fuyant et ses mots hésitants ont eu raison de lui. Comment refuser ? s’est-il dit. D’autant plus qu’il venait de lui partager une parcelle de son ancienne vie à Juneau. Sam ne voulait pas le laisser seul.
Raphael s’est effondré comme une souche tandis que Sam, les yeux rivés au plafond, a ruminé ses aveux durant plusieurs heures. Cette tentative de suicide avorté, qui, il s’en doute, n’était certainement pas la première. Les lignes blanches qui zèbre la peau de son ventre et de ses bras attestent d’un certain penchant pour l'autodestruction. L’adjoint examine ces cicatrices. Aucune nouvelle entaille ne semble être apparue depuis la première fois qu’il les avait vu au motel.
C’est déjà ça, se rassure-t-il.
L’imaginer s’infliger cette douleur lui laisse un goût amer dans la bouche. Pourtant, Sam a envie de les embrasser, de les guérir avec ses lèvres. Il refoule ce désir brûlant, conscient que ce n’est pas le moment. Ni pour lui ni pour Raphael. Il échappe un rire. Chloe avait raison. Malgré son accoutrement, leur témoin, lui a plus à la seconde où il a croisé son regard devant chez les Taylor. Il a d’abord cru que ce serait qu’une banale attraction physique, facile à freiner. Dorénavant, il sait que c’est plus que ça. L’homme à ses côtés exerce un magnétisme sans pareil et il n’est plus vraiment sûr d’avoir envie de lutter.
Ses doigts se frayent un chemin jusqu’à la médaille suspendue au cou de Raphael. Saint-Joseph, une branche de lys dans une main, porte l’Enfant Jésus dans ses bras. Des traces d’oxydation dévorent le bijou, sans le noircir totalement. Sam repose le pendentif contre sa peau et observe Raphael dormir. Raphael. Rafá El. Dieu guérit, selon son étymologie. Un nom d’archange. Le chef des anges gardiens. L’ange de la providence, protecteur de l’humanité.
— Raphael, chuchote Sam, laissant ces trois syllabes ricocher sur les murs.
Il aime la façon dont ce prénom glisse sur sa langue.
Raphael…
Même plongé dans le sommeil, son visage ne se relâche pas. Sourcils froncés, il bouge ses lèvres sans émettre de son. Ses paupières tremblent par intermittence. Sa main effleure ses cheveux, mais n’ose pas s’y aventurer totalement. Sam hésite à le réveiller, craignant qu’il s’agisse d’un cauchemar. Il se ravise à contrecœur. Cette vision peut contenir des éléments importants. Il roule sur le flanc, récupère son téléphone posé à même le sol. 7 h 48. Un halo timide se fraie un chemin à travers les voilages fins. Il repousse la couverture et frissonne au contact brutal de ses pieds nus sur le sol glacé.
C’est une journée à rester dans son lit, bien au chaud.
Une journée à rester dormir dans les bras de son amant.
Il pose une main sur le radiateur en face de lui. Bien qu’allumé au maximum, il ne répand aucune chaleur.
— Comment tu fais pour vivre dans un froid pareil ?
Sam se lève, s’habille et écarte les rideaux. Les collines aux sommets enneigés s’offrent à lui, drapées d’une fine brume. Un sublime spectacle malgré les atrocités que ces bois ont pu héberger. Pour rien au monde, l’adjoint Greene ne dirait adieu à ses terres natales. Malgré les ombres, c’est ici qu’il appartient, dans ce lieu à la fois sublime et sinistre.
Il quitte la chambre en se cognant contre la barre de traction, et retient un juron. En cherchant la salle de bain pour se rafraîchir, Sam se trompe de porte. Il fait face à un mur tapissé de notes, de photos et d’articles de presse. Une véritable mosaïque d’indices s’étale devant ses yeux. Sur la carte, le lac, le lieu où le corps d’Adam a été trouvé, le motel, le restaurant des Taylor… Tout est méticuleusement répertorié, comme dans un poste de police.
Un chuintement discret le surprend. Sam se raidit. Ce n’est que Raphael qui se retourne dans le lit. Il sort en refermant derrière lui, et ouvre la seule porte qui reste. Bingo.
Commençant à avoir faim, Sam se penche dans un minuscule frigo, sans trouver grand-chose à se mettre sous la dent. Il fouine dans les placards, mais là encore, rien de bien intéressant. Une idée lui traverse l’esprit. Il attrape un stylo et une facture du mois dernier qui traîne sur le plan de travail. Il la retourne, hésite un instant, sa plume en suspens, puis sourit en y inscrivant ces mots : Merci pour cette soirée divine. Hâte d’observer à nouveau les étoiles en ta compagnie. (PS Parti faire quelques courses, je reviens.) Si Raphael se réveille avant son retour, il trouvera cette semi-déclaration. Sinon, Sam la jettera.
Arrivé dans l’épicerie, Sam a une liste mentale claire des aliments nécessaires pour préparer son petit-déjeuner idéal. Il attrape un chariot, salue Nora Fawcett derrière la caisse et fonce au fond du magasin. De la farine de maïs, du sirop d’airelle, des œufs, du beurre et du lait… Son panier se remplit au fil des rayons. Il a hâte de montrer ses talents culinaires à Raphael et lui faire découvrir des saveurs différentes de ces plats sous vide dénués de goût qu’il s’enfile. Dans la maxime : vivre pour manger ou manger pour vivre, Raphael suit clairement la seconde option.
— Bonjour, Sam, s’exclame Nora Fawcett en scannant les articles, tu es au courant ? Un privé traîne en ville et pose des questions sur le chalet.
— Oui, confirme-t-il, il bosse en partie avec nous.
Elle se stoppe.
— Alors, c’est vrai ? Vous allez rouvrir l’affaire
— Il est trop tôt pour ça, Nora. Nous devons prouver que Nikita n’y est pour rien, ou trouver de quoi relancer les investigations. Après tout ce temps, ça risque d’être compliqué.
— Si tu veux mon avis, déterrer cette histoire est une mauvaise idée. Y a-t-il vraiment un intérêt à remuer le passé ? Les familles de ces pauvres garçons ont foutu le camp, les uns après les autres. Je suis la seule qui soit restée. Moi, et ce Boris. Ils ne voulaient pas vivre dans la même ville que le frère de celui qui leur avait retiré leurs enfants. Andrey et Varvara ont fini par capituler, eux. Ils ont compris que les choses ne seraient plus jamais comme avant entre nous, qu’ils n’étaient plus les bienvenus ici, alors ils sont partis. Boris a refusé de les suivre. Va savoir pourquoi. Tout ça pour te dire que remettre la lumière sur l’incendie risque de rejeter de l’huile sur le feu. Sans mauvais jeu de mots.
— Si Nikita est innocent et que le meurtrier de Robert vit toujours à Bellwood. Tu n’aimerais pas savoir de qui il s’agit ?
Nora serre les lèvres. Ses yeux se perdent un instant dans le vide, comme si elle pesait le pour et le contre.
— Bien sûr que j’aimerais savoir, murmure-t-elle enfin, sa voix à peine audible. Mais à quel prix, Sam ? Bellwood et ses habitants ont tellement souffert. Des familles ont été détruites. Regarde autour de toi. Nous vivons avec nos vieilles rancunes, des blessures jamais refermées. Les gens deviennent plus indulgents avec Boris, même s’il ne viendra jamais boire un verre chez les Taylor pour discuter du bon vieux temps. Si une vérité autre que celle que nous connaissons éclate au grand jour. Si on s’est trompé de coupable à l’époque… Que va-t-il se passer d’après toi ? Qu’est-ce que cela voudra dire sur nous tous ? Si Nikita est réellement innocent, alors où est passé ce garçon ? Certainement morts avec les autres, va. Dans ce cas, cela voudra dire que nous nous sommes comportés en monstres envers Andrey et Varvara. Ces gens-là sont peut-être morts en pensant que tout le monde les détestait. Sans doute à tort aujourd’hui. Depuis que ce détective est venu me poser ces questions, je ne peux m’empêcher de dévisager les clients qui ont l’âge qu’aurait Robert de nos jours.
— Je comprends, dit l’adjoint Greene, mais si le véritable coupable court toujours, il mérite d’être jugé et puni pour ses crimes.
L’épicière hoche la tête, ses yeux se posant sur le billet que Sam vient de glisser sur le comptoir. Elle prend la monnaie, ses mains hésitantes.
— Parfois, je me dis qu’il vaut mieux laisser les morts en paix, plutôt que de réveiller des fantômes qui pourraient nous hanter
Il lui adresse un sourire bienveillant, ne sachant quoi répondre. Peut-être a-t-elle raison. Peut-être que le mal est déjà fait. Sam ne peut s’empêcher de penser à l’obsession farouche de Raphael, à son désir de faire éclater la vérité, quelle qu’elle soit. En observant le visage marqué de Nora Fawcett, il se demande si creuser dans le passé ne risque pas d’écraser les derniers vestiges de cette communauté qui se reconstruit à peine.
Quand Sam revient au mobile home, les bras chargés de deux gros sacs en papier, Raphael est assis sur le canapé, la tête inclinée vers l’arrière et un torchon dans lequel se trouve une poche de glace sur le front.
— Tout va bien ? demande-t-il, en déposant les courses sur le bar.
— Simple migraine.
Il jette le chiffon sur la table basse et désigne le plan de travail, un sourire en coin.
— J’ai trouvé ton mot. Alors comme ça, notre soirée était divine ?
— C’est un peu niais, je l’avoue, répond Sam, c’était un clin d’œil à ton prénom… par rapport à l’archange.
— Je ne suis pas très porté sur la religion.
— Et ta médaille ?
— Ça vient de ma mère. Elle me l’a offerte le jour de mon baptême.
Un léger vertige s’empare de Raphael quand il se lève. Sam tend le bras pour le retenir.
— Tu es sûr que ça va ?
— Oui. C’est une affaire de quelques minutes. C’est quoi tout ça ? On passe une nuit ensemble et tu t’installes déjà ?
L’adjoint retourne derrière le comptoir et sort un grand bol du placard.
— Non, merci. Il fait trop froid chez toi. En revanche, j’avais envie de faire des pancakes au sirop d’airelle. Estime-toi chanceux, car peu de personnes y ont droit. Je ne cuisine jamais le premier matin d’habitude, ajoute-t-il d’un ton joueur.
— Au sirop de quoi ? interroge Raphael, les sourcils froncés tant par la douleur que par l’incompréhension.
Sam balance la farine dans le saladier, puis ajoute du sucre et de la levure.
— D’airelle. Ce sont des baies, un peu comme les myrtilles.
Il bat les œufs et verse le lait dans un second bol. Raphael tire le rideau pour contempler sa Triumph urbaine dont le réservoir aux reflets métalliques oscille entre un noir abyssal et des nuances de violet. Toujours derrière les fourneaux, Sam balance un filet d’huile dans une poêle et l’installe sur le feu. Il verse un peu de pâte à l’intérieur et le temps qu’elle cuise, pose son regard sur le dos fin, mais aux muscles finement dessinés de Raphael. Il sent alors une onde de désir monter en lui, un besoin presque irrépressible de combler la distance qui les sépare.
— Tes pancakes vont cramer, remarque Raphael.
— Merde.
Il retourne la crêpe.
— Comment tu sais que je te regarde ? Tu utilises ton truc sur moi ?
Raphael laisse échapper un rire. Ce son surprend Sam autant qu’il l’embrase.
— Non. J’ai vu ton reflet dans la vitre. Jusqu’à preuve du contraire, je n’ai pas des yeux derrière la tête. Tu devrais faire attention, le prévient-il, en lui faisant face. Si tu persistes à me déshabiller du regard de cette façon, je vais finir par attraper un rhume.
Sam fait un pas en avant.
— Ça me donnera une occasion de prendre soin de toi. Quand est-ce que tu m'invites à faire un tour, demande-t-il en désignant la Triumph. Je ne suis jamais monté sur une moto.
— Pour ça, il faut le mériter. Je ne laisse pas le premier venu grimper derrière moi.
Sam se rapproche davantage, attiré par cette fine ligne de poils sombres sur son ventre plat.
— Votre prix sera le mien. Qu’est-ce que je dois faire pour avoir droit à ce privilège ?
— Papa Greene risque de ne pas être très content.
— Pourquoi ça ? l’interroge Sam, d’une voix suave.
— Il a peur que je te brise le cœur.
Nouveau pas en avant.
— Alors brise-le, susurre-t-il, tu as ma bénédiction.
Un sourire mélancolique se dessine sur les lèvres de Raphael. Le regard terni, il croise les bras sur son torse. Perturbé par ce soudain changement d’ambiance, Sam éteint la plaque de cuisson puis revient vers lui
— Tu trembles… Tu as froid ?
Raphael s’écarte.
— Je dois te montrer quelque chose, avoue-t-il en disparaissant dans la chambre.
Adossé au mur, il désigne la table de chevet.
— C’est dans le tiroir.
— Je dois m’inquiéter ? s’enquiert Sam, face au malaise évident sur le visage de Raphael.
— Ouvre-le.
Il s’exécute, tombe d’abord nez à nez avec des préservatifs. Il en attrape un.
— Si tu voulais passer à l’étape supérieure, il fallait simplement le demander.
Son sourire s’éteint face à sa mine morose.
— Sam, je suis sérieux. Vérifie le fond.
Il enfouit la main dans le meuble en bois et rencontre un sachet en plastique. Il n’a pas besoin de l’interroger pour connaître la nature de cette poudre blanche.
— Je croyais que tu l’avais jeté.
— J’ai dit que je n’avais pu aller jusqu’au bout. Pas que je m’en étais débarrassé.
— Pourquoi l’avoir gardé tout ce temps ?
Raphael hausse les épaules.
— Au cas où je changerais d’avis.
Sam redresse son mètre quatre-vingt-huit, hésite. Que doit-il répondre à ça ?
— Je veux que tu t’en débarrasses pour moi, prit Raphael, devant son silence. Seul, je n’y arriverai pas. Je… Je n’ai pas envie de replonger. Plus maintenant. Mais tant que ça restera là, j’aurais toujours cette voix dans ma tête pour me tenter. Je connais personne ici. Alors, je suis pas prêt d’en racheter de si tôt.
Quand il traverse la chambre, Sam voit Raphael déglutir et éviter tout contact visuel avec l’objet de son addiction. L’ongle de son pouce gratte son index voisin. Lentement, l’adjoint glisse sa main dans la sienne. Sa peau est gelée.
— Hey, je suis là, avec toi, murmure-t-il en accrochant son regard. Ça va bien se passer. Je suis fier de toi. Tu as accompli le plus dur.
Il quitte la pièce en prenant garde cette fois-ci de se baisser pour ne pas heurter la barre de traction, et se dirige droit dans la salle de bain où, sans hésitation, il vide le contenu dans les toilettes. Quand il retourne dans la chambre, Raphael est assis sur le lit, la tête prise entre ses mains. Il se laisse choir à ses côtés.
— Ta migraine n’est pas partie ?
— Si. Ce n’était pas une vraie migraine, mais un résidu de cauchemar.
— Un cauchemar, cauchemar, ou une vision ?
— Une vision de Nikita, précise-t-il en triturant le cordon de son pantalon, il a souffert. Beaucoup. J’ignore les motifs de son assassin, mais il était enragé. C’était… De la torture. Y a pas d’autre mot. On lui a brisé les jambes et… Putain, Sam… Ce gosse s’est littéralement fait massacrer. Tu l’aurais vu. On ne lui a laissé aucune chance.
À mesure que Raphael lui raconte l’agonie de l’adolescent, le sang quitte le visage de Sam. Il repense à sa discussion avec Nora Fawcett. Cette ville va probablement imploser en apprenant la vérité, mais si cet ado se trouve toujours au fond de l’eau, il faut le sortir de là.
— Tu as vu ou entendu un détail qui pourrait nous aider à identifier le coupable ?
— Non. Rien. Enfin… Un petit bateau à moteur se trouvait au bord de l’eau avec énormément de sang à l’intérieur.
Une moue déforme la bouche de l’adjoint.
— Il appartenait sans doute aux Crawford, et après tout ce temps, je ne pense pas qu’on le retrouvera.
— Ça prouve que Nikita est bien dans ce lac. Il a été torturé et on a mis son corps dans ce bateau pour s’en débarrasser plus loin. Les flammes allaient forcément finir par attirer l’attention, son meurtrier ne devait pas traîner dans les parages.
— Il faut en reparler à Anderson. Après, elle a beau être la cheffe de la police, elle ne peut pas forcer les plongeurs à sonder une nouvelle fois le lac. Ces manœuvres demandent du temps et des moyens. Si les personnes au-dessus d’elle refusent de lui fournir les ressources nécessaires, en particulier pour une vieille affaire qui pour la majorité des gens est résolue, on est bloqués. Surtout qu’après quarante ans passés sous l’eau, il n’y aura sûrement plus aucun indice d’exploitable.
— Il y a une autre solution.
— Laquelle ?
— Je dois interroger Aaron Crawford.
— Tu n’obtiendras jamais l’autorisation de le voir. Tu n’es pas de la famille.
— Tu pourrais venir avec moi, envisage Raphael, utiliser ton badge pour nous faire entrer. Il détient les réponses. J’en suis sûr.
Sam reste bouche bée. Il se lève.
— Tu te rends compte de ce que tu me demandes là ? C’est de ma carrière qu’on parle, je pourrais perdre ma place.
— Et tu ne te rends pas compte non plus de ce que c’est qu’être à ma place ! Tous ces rêves. Tous ces morts. Je ressens leur agonie comme si j’y étais. J’ai senti l’eau s’engouffrer dans les poumons de Hasna. J’ai senti chacun des os de Nikita se briser, j’ai senti la colonne vertébrale de Rooney craquer quand cette voiture l’a percuté. J’ai hurlé de douleur comme ils ont hurlé. Pleuré comme ils ont pleuré. Parfois, cette souffrance perdure après mon réveil pendant des minutes, voire des heures. Alors si retrouver l’assassin de Nikita me permet de me débarrasser de lui, j’agirais avec ou sans ton aide. La balle est dans ton camp. À toi de choisir.