Cher lecteur imprudent,

Te voilà encore là. Vraiment ? Après tout ce que tu as vu, lu, pressenti, ressenti ? Tu es soit un inconscient, soit un masochiste raffiné. Ou peut-être es-tu simplement comme eux : incapable de renoncer à une histoire dont tu sais pourtant, au fond de toi, qu’elle ne finira pas bien.

Mais puisqu’on est entre nous, et que l’heure est propice aux murmures nocturnes… laisse-moi t’en dire un peu plus. Une confidence. Une vérité que les Princes ne savent pas encore. Une chose que personne, pas même Zargua dans sa version la plus démente, n’osera formuler à voix haute.

Ils savaient.

Tous. Kelly, Darrius, Zargua. Depuis le début. Depuis l’avant-Palais, l’avant-Apocalypse, l’avant-arche. Ils savaient que les frères partiraient seuls. Orphelins. Porteurs d’un monde en cendres, avec pour seule lumière celle qu’ils forgeraient eux-mêmes.

Ne fais pas cette tête. Ce n’est pas un twist. C’est pire que ça : c’est un pacte. Un choix consenti dans l’ombre, accepté pour préserver une chance, une faille dans la fatalité.

Tu te souviens… de l’autre Zargua ? Celle sur sa méridienne, peau parcheminée, tordue comme un vieux grimoire oublié ? Tu te rappelles ce moment très précis, quand elle leur a « glissé un petit quelque chose » dans la tête, comme on plante une graine dans un crâne bien tendre ?

« Quand le moment viendra… paf ! »

Ah, voilà que tu tiltes. Oui. Ce moment approche.

Et ce qui viendra avec… oh, mon cher lecteur. Ce ne sera pas joli-joli. Car vois-tu, Zargua n’est pas seulement la Régente de la Création. Elle est aussi… comment dire… la régente de ses propres masques.

Car tu crois peut-être que ce récit est extérieur à toi. Mais rappelle-toi : chaque souvenir qu’on refoule trouve toujours un moyen de revenir. Tu sens ce frisson dans ta nuque ? Moi aussi.

Respectueusement tordu, Le Scribe de l’Obscur

Post-scriptum : On pense souvent que l’oubli est une fuite. Mais en vérité, c’est un pacte tacite passé avec ce qu’on n’est pas prêt à affronter. L’inconscient ne dort jamais : il rumine, il attend. Et parfois, il frappe – pas en hurlant, non. Mais en chuchotant. Souviens-toi. Pas forcément de tout. Juste de ce que tu as fait semblant de ne jamais savoir.