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Elize
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Chapitre 3

Elle

Je ne bouge plus. Un verre et un torchon dans les mains, je regarde ce mec l’enlacer. Ça semble si doux, et si sensuel. Sa main vient se glisser sur les hanches de la fille. Je secoue la tête, abandonne le verre sur le comptoir et traverse la pièce pour ressortir, lançant à Elian le prétexte des tables à replier avant qu’il ne pleuve. L’air gelé me transperce d’un coup, refroidissant toutes mes pensées. Je déteste les marques d’affection en public, cette façon de marquer son territoire sur une personne.

La charnière de la porte grince. Je ne bouge pas. Enfin, je ne peux pas bouger. Mes jambes refusent de faire le moindre mouvement. L’ombre s’approche, mon cœur tambourine dans ma poitrine. Mon corps reprend le contrôle et se retourne, me retrouvant face au garçon. Je le dévisage, lui aussi. Ses cheveux châtains coiffés en une coupe bordélique s’agitent dans tous les sens à cause du vent.

« T’as pas froid, dehors ? »

Ses yeux d’un bleu clair, pur, me détaille dans mon entièreté. J’ai l’impression d’être nue devant lui. Je ne réponds pas. Mon regard passe de ses yeux à sa bouche. Je repense à la fille, et je fronce les sourcils.

« Non », je lui réponds sèchement. Je me recule et plie les tables, toujours en l’ayant dans ma vision périphérique. Il soupire et s’approche légèrement.

« Écoute, je voulais pas que tu soies mal à l’aise. Je… Je sais pas ce que je voulais faire, je crois que je suis un peu trop bourré, explique-t-il en se tenant à la table. Ça t’a tant perturbé que ça ?
Je déteste les gens comme toi, je vocifère. »

Son visage se décompose. Personne ne lui a jamais dit, je pense, mais là, il a dépassé les bornes : peu importe que ce soit à la BU, au resto ou ailleurs, c’est déplacé, tant pour moi que pour elle. Il fait un pas vers moi. Je jette un œil à l’intérieur, Elian m’observe attentivement, prêt à intervenir. Le visage en face de moi commence à flancher sous les émotions. C’est de la colère.

« Comment ça, les gens comme moi ? C’est quoi, quelqu’un comme moi ?
T’es le genre de type qui doit plaire à tout le monde, t’es beau, tu sais que t’es beau et tu en profite, mais au final tu dois sûrement être comme les autres : hideux à l’intérieur, laid par ta moralité et tes agissements, mettant tous ses actes sur le compte de l’alcool, de papa ou maman, ou des études. Et devine quoi ? Tu me l’as prouvé il y a à peine dix minutes en manquant de respect à cette fille ! Tu vis dans un palais en or comparé aux autres, t’as sûrement aucune reconnaissance vis-à-vis de ça. Tu peux être un dieu physiquement, si t’es pourri à l’intérieur, tu... »

Bastien pousse la porte et, comme un animal sauvage, je me tais et me mets en position de fuite. Il sourit et passe son bras sur les épaules de l’arrogant.

« Désolé, j’ai complètement oublié de faire les présentations ! Voici Matthieu, un pote de ma promo. Matthieu, voici Olivia, une pote du lycée, qui est en… Merde, t’es en quelle licence ?
Lettres, merci d’avoir retenu, dis-je en levant les yeux au ciel avec un sourire factice. Si tu veux bien m’excuser, Bastien, j’ai du taff, je dois y retourner. »

Je passe de l’autre côté de la terrasse, et replie une rangée de table avant de me rendre compte que je tremble, autant de froid que de colère. Je me glisse à l’intérieur du restaurant sans daigner jeter un regard aux deux garçons, la chaleur me frappe de plein fouet. J’ignore la frustration qui cogne au fond de mon cœur. Pour ne pas inquiéter Elian, je prends mon plus beau sourire « faux mais qui ne fait pas faux » et retourne au travail. Bas’ et le fameux Matthieu ne rentrent pas avant une bonne quinzaine de minutes.

Bastien est peut-être au courant, si Josh le sait. Et si… Il lui racontait ?

*

Il ne reste plus que quelques étudiants, dont Bastien. Un autre garçon l’accompagne, il me dit vaguement quelque chose. Ils sont accoudés au bar, chacun une bière à la main. Elian se joint à eux et m’en propose une, mais je décline l’invitation, comme toujours. Ashley est déjà partie.

Les garçons discutent ensemble, je finis de nettoyer les verres – ça devient un automatisme, à force. Ils racontent des anecdotes de cours, d’hôpital.

« Dit, Bastien, tu aurais du temps à m’accorder pour m’apprendre des trucs de médecine ? Je veux écrire un roman, et il me faut des connaissances en anatomie surtout. »

Il se pince les lèvres.

« Je t’avoue que ça va être compliqué, on a un diplôme à valider à la fin de l’année et je suis déjà en retard sur mes révisions. Mais je peux demander à ma promo, si tu veux ? Josh, tu penses que certains accepteraient ? »

Je me tourne vers celui dont je viens d’apprendre le nom.

«  Josh ? Josh… Josh Da Silva ?
Exactement, vous vous connaissez ? »

J’ouvre la bouche pour répondre, mais Josh me coupe.

« On avait une connaissance en commun, mais j’ai coupé les ponts avec. Je ne supporte pas les fils de pute, souffle-t-il en se levant. Concernant ton idée de roman, je pense que ça va être chaud de trouver quelqu’un mais c’est pas impossible. On peut prendre ton numéro pour te prévenir si quelqu’un est dispo ? »

Il me tend son téléphone, je rentre mon numéro et j’indique le nom de contact « La future romancière ». Il sourit et m’envoie déjà un message.

« Peu importe ce qu’il s’est passé, je te crois. »

Je le lis et le relis encore. Les larmes commencent à monter, et lorsque je relève la tête, je souris tristement. Je lui murmure un « merci », puis préviens Elian que j’ai terminé mon taff. J’arrive à avoir le dernier train, encore secouée par cette phrase. Je te crois.

Le lendemain, première journée en tant que vacataire. L’avantage principal de ce job, c’est que, lorsque l’on est derrière les postes d’accueil, on peut travailler sur nos ordinateurs, du moment qu’on reste attentif aux étudiants. Lunettes sur le nez, Je vois net mon écran, mais le reste du monde est légèrement flou. Suffisamment pour ne pas reconnaître quelqu’un de loin, mais assez pour tout de même voir s’ils ont des gobelets dans les mains. Il faut sourire, dire bonjour, répondre aux questions. Simple.

Le moment que je préfère, c’est le rangement. On a deux plages différentes de rangement, le midi et le soir. Se balader entre les rayons, prendre l’habitude des différentes couleurs sur les tranches, de la notation. Deux étages de pur plaisir.
Au premier étage, je glisse dans un rayon deux romans de Balzac, et retourne au chariot. Un pull bleu clair passe devant moi. Le garçon qui le porte tourne la tête. Matthieu.
Je lui lâche un sourire factice et continue ma route. Les étages sont silencieux, il ne prend pas le risque de me parler.
Je laisse les livres sur le chariot et prend l’ascenseur pour fuir au deuxième étage. En sortant, je sors mon téléphone et voit un message d’un numéro qui n’est pas enregistré :

Inconnu : Salut, j’ai entendu parler de ton projet d’écriture. Je peux t’aider pour l’anatomie.

Moi : Super, j’espère que je ne te prendrai pas trop de temps. Tu as des jours de disponibilités ?

Inconnu : La semaine prochaine, chaque jour. Choisis celui que tu veux, et on se réserve quelques heures pour ça.

Je regarde mon emploi du temps. J’ai l’après-midi de libre le lundi et jeudi, le vendredi jusqu’à 18h et quelques heures disséminées ailleurs. Va pour le lundi, pour commencer. On verra au fur et à mesure, pour le reste de la semaine. Si c’est quelqu’un que Josh et Bastien ont recruté, je pense pouvoir faire confiance. Je renomme l’inconnu en « le futur médecin », remet mon téléphone dans ma poche et continue ma tournée de rangement, jusqu’à trouver une dizaine de livres de médecine posés dans un rayon qui n’a rien à voir. Je lève les yeux au ciel. Fait chier. Essayons d’être discrète et de faire ça rapidement.

Prendre l’ascenseur. Déambuler dans l’allée. Il n’a pas l’air d’être là, il n’y a que quelques étudiants, des affaires sans propriétaire. Un livre par-ci, deux par-là… Je tourne la tête à chaque mouvement, prête à déguerpir, faisant attention au couloir qui sépare les travées des tables.

Pourtant, c’est de l’autre côté de la travée, du côté du mur, qu’il se trouve, un bouquin de médecine dans ses mains. Je réprime un cri de surprise. On se regarde, c’est tout.

***
Lui

Elle, comme un lapin apeuré par des phares d’une voiture. Et moi, la voiture. Un livre dans la main, je m’approche d’elle. Elle se colle contre l’étagère. Je me rends compte qu’elle n’est pas si petite, son menton atteint ma clavicule. Elle retient sa respiration, tentant de garder la face mais ses yeux écarquillés prouvent le contraire. Je me penche vers elle, elle qui essaye de se fondre dans le bois. Je lève mon bras lentement, range le livre que je tenais dans la main, et m’éloigne sans la regarder.

***
Elle

Je cligne des yeux plusieurs fois, et respire enfin. Mon cœur se calme lentement, je pose les livres et prends quelques minutes pour me reprendre. La scène se rejoue en boucle dans ma tête, son corps qui s’avance, la chaleur qui en émanait. Il reste encore des effluves de son parfum dans l’air, une odeur douce et rassurante.

Je refuse de l’admettre, mais il me plaît. C’est pour cette raison que je dois le tenir éloigné de moi.

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3 Comments

20 days
J’aime beaucoup. L’histoire se déroule naturellement, sans que cela ne soit ni trop rapide ni trop long. Malgré son comportement et son attirance ; elle ne fait pas « naïve » et lui garde un petit côté joueur/taquin qui donne envie d’en savoir davantage. Il est très certainement son professeur particulier à venir aha. Il me tarde d’en découvrir davantage. Seul bémol : les dialogues qui ne sont pas forcément mis en évidence. C’est un détail subjectif ; disons que cela change des histoires dont j’ai l’habitude.
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20 days
Coucou, merci beaucoup pour ton retour ! J'avoue que je suis contente : effectivement, je me représente bien les caractères comme cela. J'avoue que les dialogues sont, actuellement, pas très nombreux, mais cela devrait changer au fur et à mesure (le temps qu'elle accepte de lui parler réellement)
Mais en tout cas, merci beaucoup 🫶
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20 days
Coucou, merci beaucoup pour ton retour ! J'avoue q...
Avec plaisir ! 🥰 et pour les dialogues c’est plus l’aspect « typographique » dont je parlais. Je suis habituée aux tirets et au surlignage en gras. Sinon je trouve qu’ils sont pertinents et aucun souci pour leur nombre :)
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