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Elize
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Chapitre 5

Lui

« Et du coup ?
 Elle m’a insulté et s’est barrée. »

Josh a la décence de retenir son rire, ce que Bastien ne fait pas. Il se tient les côtes, plié en deux. Josh boit une gorgée du café de la machine qui voit passer tous les étudiants de la BU, et me regarde.

« Ne te fie pas à ses réactions, elle est vraiment gentille dans le fond.
— Elle me crache dessus dès qu’une occasion se présente, ça commence à me les briser. Pourquoi tu m’as refilé cette tâche ? J’ai pas le temps, j’ai des trucs à réviser aussi.
 Si tu veux qu’on échange, pas de soucis. Occupe toi de ma sœur, fais les allers-retours à l’hosto, aucun problème.

Je roule des yeux.

 Ce que je veux dire, c’est que tu la connais mieux que moi. On dirait un animal sauvage, et je bosse pas à la SPA.
 Justement, tu ne la connais pas. Je lui ai parlé deux ou trois fois dans ma vie, mais je sais beaucoup trop de choses. Quand je lui parle, j’ai peur de dire LE truc qu’il ne faut pas, le détail qui va la blesser. Toi, tu la blesses sans avoir peur. »

Bastien approuve les propos, et je râle.

« J’ai pas forcément envie de la blesser, mais en même temps j’ai pas envie de faire semblant d’être sympa. Et si je fais comme avec les autres meufs, elle va me tuer avant d’écrire son premier chapitre. »

Cette fois-ci, Josh ne se retient pas. Bastien fait semblant de réfléchir.

« Et si t’étais sympa sans arrière-pensées, pour une fois ? Genre, tu discutes avec elle, tu t’intéresses sans forcément vouloir son cul, et ça se passera bien. »

***
Elle

«  Et du coup ?
— C’est un pauvre con. Je pensais que c’était clair. »

Quand Hugo, Héloïse et Abi sont rentrés chez eux, je les ai appelés pour leur raconter ma journée. Hugo lit beaucoup trop de romances, il est donc persuadé que je vais finir avec lui.

« Arrête tes conneries, il est adorable. Il t’aide alors qu’il a pas le temps, alors soit sympa. Si tu veux, je peux m’occuper de lui…

— pitié, je ne veux même pas imaginer ça. »

Il part dans son délire, les filles se rajoutent dedans, et je les écoute en m’occupant de l’appart, en réfléchissant à ce qui s’est passé aujourd’hui. Même si ça me fait chier, ils ont raison : j’ai été trop brusque, trop méchante alors qu’il n’avait rien fait.

Alors le lendemain, avant mon cours, je pars dans le magasin le plus proche pour m’acheter un plat préparé pour le midi, et un paquet de cookies. C’est l’intention qui compte, comme on dit.

À la fin de mes cours, je fonce à la bibliothèque et, sans surprise, il est assis au même endroit que la fois où je lui suis rentrée dedans ; Je n’ai pas rangé mes lunettes, alors le temps que je m’approche, je vois sa tête relevée vers moi mais je ne perçois pas les détails. Je n’ai aucune idée de s’il est content, étonné ou saoulé. En arrivant à sa hauteur, je dirai qu’il est curieux. Je me poste devant lui et ouvre mon sac pour en sortir le paquet de gâteaux, avec un petit mot dessus : « désolée ». Ça semble lui suffire, car il me fait un grand sourire : celui d’un enfant, à qui on vient de faire un compliment. Je crois même que ça me fait aussi sourire.

Pourtant, je prends quand même la fuite, et reste dans la zone littéraire pour travailler mes cours et mon roman.

***
Lui

Je retire ce que j’ai dit, elle peut être gentille si elle veut.

***

Elle

« Alors, Olivia, comment ça va depuis la dernière fois ?

Mercredi matin. Premier rendez-vous chez la psychologue depuis la reprise des cours, je crois que ça m’avait manqué.

— C’est plutôt cool en ce moment, j’essaye de m’avancer pour les cours et j’écris. Pour l’instant, je fais les fiches des personnages, et un garçon va m’aider pour les détails médicaux. Il a l’air sympa...
— Mais ?
— Mais j’ai quand même peur de lui. »

On se dévisage, elle cherche ses mots. Ses cheveux blonds très clairs sont coiffés en un brushing parfait et son maquillage l’embellit sans en faire trop. On voit qu’elle est épanouie.

« J’apprécie sincèrement nos séances, Olivia, parce que tu as une capacité d’introspection qu’on retrouve peu chez les jeunes adultes. C’est plutôt la période où, après l’adolescence, on fait ce qu’on veut – ou peut – sans se remettre en question. Toi, c’est l’inverse et tu sais beaucoup de choses sur toi-même. La seule crainte que j’ai, c’est que tu ailles trop dans cette remise en question à des moments ou ce n’est pas nécessaire. Je tenais à ce que tu le saches. Concernant cette peur, qu’est-ce que tu en penses ?
— Je sais que j’ai peur, mais en même temps je ne veux pas la quitter. C’est une forme de sécurité.
— Est-ce que tu as parfois l’impression qu’elle te protège tellement qu’elle t’empêche aussi de vivre certaines choses ? Par exemple, avec ce garçon dont tu parlais… Si la peur n’était pas là, tu crois que ce serait différent ? »

Je ne sais pas quoi répondre. Sa présence est dérangeante, lorsqu’il est présent je suis secouée émotionnellement. Elle attend toujours ma réponse, alors je hausse les épaules.

« Si par exemple tu vas en soirée, ce sera quoi, la différence avec et sans peur ?

— Avec la peur, je vais rester en retrait, proche de gens que je connais bien et à qui je fais confiance, comme mes collègues. Sans la peur, je vais peut-être danser.

— Et si la peur était un peu moins présente… est-ce que tu t’autoriserais peut-être à boire un verre, comme tu le faisais avant ? »

Mon corps se crispe et je secoue la tête brutalement.

— Jamais. Jamais jamais jamais. Vous savez très bien que non. Et surtout, vous savez pourquoi. On peut arrêter la séance ? »

*

Hugo a un rencard, alors nous sommes trois ce midi. Abi raconte son coup d’un soir désastreux, qu’on juge ouvertement. Héloïse écarquille les yeux.

« Mais, comment ça se fait ? C’est pas si difficile à trouver, le trou !
J’ai l’impression qu’il n’avait aucune expérience, ni aucune connaissance. À un moment, il a voulu retirer mon soutien-gorge et il a galéré pendant au moins cinq minutes. Et évidemment, pas de prélis.
Encore un gosse bercé aux pornos...

Elles approuvent d’un regard.

En parlant de cul, Hélo’, t’as jamais revu le mec de la dernière fois ?
Nan, je connais même pas son nom. Mais c’était incroyable ! Il a fait des trucs avec ses mains, et sa… Bref. C’était vraiment bien.
Pitié, pas tous les détails », je l’implore.

Elle me charrie d’être gênée pour si peu, et en échange je lui propose mon merveilleux doigt d’honneur. Après le repas, on tente de réviser, mais cela dérive très vite sur des sujets divers et variés, et je finis par expliquer la séance de ce matin.

« Donc ta psy, reprend Abi, te propose de boire à une soirée pour oublier les traumatismes que tu as eu à une soirée en étant ivre. Elle a eu son diplôme dans une pochette-surprise ou quoi ?
Elle sait comment je fonctionne, mais pour une fois, je crois qu’elle a voulu me faire avancer trop vite.
Tu penses faire quoi, du coup ? Parce que c’est bien beau, mais dans le fond, ta psy a un peu raison : c’est comme le vélo, si tu remontes pas rapidement sur la selle après être tombée, tu refais pas de vélo. 
J’avoue que j’aimerais bien refaire des soirées, et m’amuser, mais j’ai pas envie de revivre ça. Les boites de nuit, ça craint. »

Héloïse tape sur la table et s’exclame :

« On fait ça chez moi, sans danger ! Dans trois semaines, mes parents partent en Italie, j’aurai la maison pour moi toute seule. Vous avez des préférences pour le jour ? »

Abi hausse les épaules, et je sors mon emploi du temps.

« Le vendredi, samedi et dimanche soirs, je travaille au resto. Le jeudi, ça peut se faire, sauf si Max tombe encore malade, mais ça devrait aller. »

Ce sera donc une soirée en petit comité, avec Hugo s’il peut venir, Abi, Héloïse, et peut-être une autre amie qui n’est pas dans notre licence. Chacun ramènera une bouteille, et peut-être que je me sentirai assez en sécurité pour boire.

Ou trop en danger pour me noyer.

*

La fin de la semaine passe à une vitesse folle. Parfois, j’ai l’impression de ne pas avoir le temps de respirer : Ranger des livres, accueillir les étudiants, servir des verres, des assiettes, manger, dormir. Et ça recommence. Les cours sont rares. Et ce n’est que le début de l’année. 

Ce mardi, je n’ai pas cours, mais je dois travailler à la BU. Alors, j’arrive en début d’après-midi et après avoir fait une heure en tant que vacataire, je redeviens une étudiante et me mets près d’une baie vitrée au premier étage pour écrire. D’abord, je termine la fiche du personnage principal : je la trouve merveilleuse, courageuse. Elle n’a pas peur des autres. Elle sait ce qu’elle fait, pourquoi elle le fait. Mais en même temps, tout ce travail de création, ce façonnage de personnage me prend bien trop de temps, l’impression de faire du sur-place, de ne pas vraiment avancer. 
Quelqu’un s’installe à côté de moi. Pourtant, il y a plusieurs tables libres autour, alors je tourne la tête. Matthieu me sourit et sort ses affaires : un ordinateur portable, un classeur, un stylo et un surligneur. Simple et efficace. Je lève les yeux au ciel et, à mon tour, sors quelque chose de mon sac. Irrité par mon comportement, il m’observe mettre mes écouteurs, les connecter à mon téléphone et démarrer une playlist de musique sans paroles. Une bulle se crée autour de moi, je n’entends plus l’extérieur. 

Une dizaine de musiques plus tard, je le vois se lever, prendre des fiches de révisions. Je le dévisage, mais lui ne me regarde pas. Il s’éloigne en fixant sa feuille. Je me reconcentre, et écris. Mots après mots, phrases après phrases, un début de texte prend forme sous mes yeux, mes mains tapant à un rythme effréné sur le clavier de mon ordinateur portable. Parfois, j’ai cette sensation étrange de ne plus être moi, de n’être qu’une présence tellement je me concentre. Et parfois, le moindre mouvement autour de moi me déconcentre, je rage et me tapote les joues pour me fixer à nouveau sur le texte.

***
Lui

Quand je reviens à ma place après avoir fait plusieurs fois le tour de la BU, elle est toujours au même endroit, mais bien moins concentrée qu’avant. Elle gesticule sur sa chaise. En passant derrière elle pour me rasseoir, je lui tapote l’épaule droite et me glisse à sa gauche. Oui, c’est un gag de gamin. Oui, elle a levé les yeux au ciel. Mais j’ai vu un léger sourire, donc j’ai réussi mon coup. Je pose les fiches sur la table et regarde par dessus son épaule. Je vois qu’elle a écrit “Chapitre 2”, j’en conclus donc qu’elle a fini le premier chapitre.

« Tu me laisses lire ce que tu as écrit ?
— Bah non, y a rien de médical dedans. C’est juste le début.
— T’es pas drôle, tu veux que je comprenne comment si je lis pas le début ?

— Plus tard, alors. »

Je n’insiste pas. J’ai bien compris qu’elle ne voulait pas. C’est bizarre, parce que dans tous les cas, si elle veut être éditée, il faut que des gens lisent son texte, mais bref. Je finis un schéma et repousse le pc, pose ma tête dans mes bras, la tête tournée vers elle. C’est drôle, elle a des tics. Elle a une bague qu’elle fait tourner lorsqu’elle réfléchit, si elle ne met pas les doigts près de sa bouche. Lorsqu’elle prend un gateau, elle ne quitte pas l’écran des yeux et elle galère à l’attraper et le manger. Elle regarde l’heure, puis repose son téléphone et écrit de nouveau. À aucun moment elle ne me regarde, mais elle a les épaules tendues. C’est comme si elle me surveillait sans même me regarder, m’écoutait sans entendre. C’est un peu flippant. Elle est un peu flippante.

Je mets aussi mes écouteurs, lance la playlist des titres aimés, tombe sur du Eminem. Ça fera l’affaire. 

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3 Comments

7 days
Il me tarde à présent de découvrir comment va se passer la soirée. La psy a peut être voulu la « pousser dans ses retranchements » pour débloquer le « bloquage ». Même si c’est risqué, cela pourrait peut être lui permettre d’être « réellement elle » le temps d’une soirée. Puis, peut être qu’IL l’a verrait ainsi autrement. 🤔
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8 days
Petit bilan des 5 chapitres lu en une soirée !

1. J’adore Héloïse
2. Héloïse la Best
3. Héloïse la reine qu’elle pense être (j’espère qu’elle le pense)

Sinon, franchement, j’aime bien. Le premier chapitre est peut-être un chouïa trop descriptif mais on se laisse vite emporter par l’énergie d’Olivia donc ça ne pause pas de problème (du moins pour moi).
Elle est bien entourée et je suis contente pour elle ! Elle le mérite.

Mathieu est franchement drôle et ça, j’apprécie beaucoup. Tout comme Hugo et Abi qui sont aussi pas mal dans leur genre que j’apprécie bien. Tout comme Elian que j’apprécie plutôt bien.
Josh est un goat aussi.

Par contre,la psy... je ne l’apprécie pas du tout.

Voilà. J’ai hâte de lire le chapitre 6 quand tu l’auras fini 🙈
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8 days
Héloïse aura un jour son petit spin-off ! Merci beaucoup pour tous tes retours, je suis contente, même si la psy mérite pas autant de haine 😭 promis je vais travailler dessus 🙏
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