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MiraPerry
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3. Promets-moi

C’est avec soulagement que j’invite un Sandro tout en couleur à entrer dans mon appartement :

Hello, ma chérie !

Avec son accent exotique, j’ai toujours l’impression d’inviter Cristina Córdula dans mon salon. Il me serre dans ses bras et me décolle à dix centimètres du sol, comme à son habitude.

— Bonjour mon amour. T’as fait vite ! m’exclamé-je. J’espère que je t’ai pas réveillé. 

— Et encore, je me suis arrêté en chemin. Je suis tombé du lit, ce matin. 

— Tu as donc passé la nuit dans un lit ? Ça m’étonne. 

— Tu me connais par cœur, mon chou.

Il ondule vers la cuisine américaine et sa voix mélodieuse résonne dans la pièce. Sandro ne marche pas, il danse. Sandro ne parle pas, il chante. Sandro ne vit pas, il brille. Il retire ses lunettes à monture dorée, dépose son sac à main rose bonbon sur le bar et ajoute :

— J’ai apporté des sushis pour le déjeuner et… suspense.

Il me sort un sourire extralarge et le blanc de ses dents contraste encore plus avec sa peau ambrée :

— Tadaaaa !

— Des macarons ! claironné-je.

Il me tend la boîte avec autant de ferveur qu’une couronne royale et je me jette sur une gourmandise à la vanille. Le sucre fond sur mes papilles, j’en gémis de bonheur. 

— T’es le meilleur, m’extasié-je, la bouche pleine. Qu’est-ce que je ferais sans toi ?

Sandro s’assoit sur la chaise haute et me montre du doigt :

— Ta vie n’aurait aucun sens.

— À qui le dis-tu !

— Alors, c’est quoi cette urgence ? Un problème avec ce Mister Smith ? Tu sais que je m’inquiétais. Je t’imaginais séquestrée par Brad Pitt. Bien que t’aurais pu apprécier l’idée, taquine-t-il.

— T’as pas tellement tort. 

Le silence lourd de sens qui s’ensuit est assez éloquent pour qu’il s’alarme pour de bon :

— Qu’est-ce qui se passe ? T’as l’air toute chamboulée. C’est qui ce type ?

— Si je te dis milliardaire russe. Du genre, dieu viking. Adepte du fouet et accessoires en tout genre…

Son visage se décompose :

— J’y crois pas. Me dit pas que c’est Dimitri ?

— Il est à Paris quelques semaines pour affaires, acquiescé-je. Et pour moi, par la même occasion. 

— Ton ex va investir dans les bijoux Blue-Tech juste pour se rapprocher de toi ? Il ne lâche vraiment rien, celui-là. Plus collant que mes bolas ¹ un jour de canicule !

— Comment penses-tu qu’il gère sa fortune ? me moqué-je. C’est le pire requin de son espèce. Il me débecte, et pourtant, tu n’imagines pas l’effet qu’il m’a fait. J’ignorais qu’il aurait encore ce genre d’ascendant sur moi après tout ce temps. 

Le sourire plein de défi de Dimitri s’ancre à nouveau dans mes pensées. Ces deux années sans le voir n’ont pas effacé cette attraction qui me pousse vers lui. J’ai réussi à lui résister, cette fois, mais je n’oublie pas sa promesse de ne pas en rester là. En cinq années de relation tumultueuse, j’ai connu à peu près toutes les émotions à ses côtés, de la passion à la destruction, en passant par ruptures et réconciliations, jusqu’à atteindre le point de non-retour. Je pensais avoir fait le deuil de notre couple depuis ces deux ans sans nouvelles. Je n’en suis plus aussi sûre, maintenant qu’il réapparaît dans ma vie. 

Sandro se lève et fouille dans les placards comme s’il était chez lui pour en sortir deux verres à pied. Il débouche la bouteille de Bordeaux posée sur le plan de travail et les remplit.

— Pour affronter ça, il va nous falloir plus fort que du sucre, explique-t-il. Vas-y, raconte-moi. Qu’est-ce qu’il t’a dit ?

— Que je lui manque. Qu’il souhaite reprendre là où l’on s’est arrêté. Et qu’il est capable de tout pour ça. 

— Quelle pourriture !

— C’est son mode de vie. Il veut quelque chose, il l’obtient, peu importe les obstacles. Ça m’a amusé un certain temps d’être son jouet, mais…

— Bébé, t’as les cils qui frisent ! Je t’interdis de replonger.

— Je sais, mais…

— Y a pas de trois mais qui tienne, tranche-t-il, sèchement. Tu oublies que vous avez totalement perdu le contrôle ? Je ne te laisserai pas recommencer, c’est hors de question. 

— Je m’en souviens. C’est moi qui ai failli y rester, je te rappelle. 

— Voilà pourquoi tu ne dois pas y retourner. 

Je baisse les yeux et accuse le coup. Un lourd silence s’installe et les images du drame me reviennent en mémoire. Je secoue la tête et essuie une larme avant que ce souvenir explose à la surface. 

— Ça t’a fait si mal que ça, de le revoir ? 

Sa voix enjouée est descendue dans les graves en prononçant ces mots. Il sait. Il a été témoin de mon malheur toutes ces années. Mon estomac se tord pour toute réponse. Sandro prend les devants :

— Ça va aller, ma vie, je suis là, moi. Je te lâcherai jamais, promis. 

— Merci, t’es un ange. 

C’est vrai, il l’est. 

Depuis que je l’ai rencontré, Sandro est mon ange gardien, la seule personne sur qui je peux compter. Il est constamment présent pour moi, en cas de coup dur, comme pour me remettre à ma place quand, soi-disant, je prends trop la grosse tête. Et pourtant, ce n’était pas gagné entre nous. Une vague de nostalgie m’envahit :

— Tu te souviens de ton premier jour à Blue-Tech ? commencé-je. 

— Et comment ! Mon premier vrai job. Je connaissais absolument rien au Bluetooth. C’est mon coloc de l’époque qui m’avait briefé sur le sujet parce que je voulais me taper un commercial et j’avais appris qu’il avait besoin d’un assistant. J’étais tellement stressé, j’en faisais des caisses.

— Tu m’étonnes, je détestais ton côté m’as-tu-vu. 

— Et moi, je te croyais plus coincée qu’une nonne !

— Il faut se méfier de ce qu’il y a sous la toge.

Sandro me jauge de la tête aux pieds, faisant mine de réfléchir, avant de répliquer :

— Des portes jarretelles de chez Bérénice ?

— Toujours, confirmé-je en soulevant un pan de ma jupe. Je suis contente qu’on soit devenus amis, même si c’était pas gagné. T’es tellement important pour moi.

— Oh, ma vie, arrête, je vais chialer !

Il me sert contre lui. Je me laisse aller au réconfort de ses long bras avant d’ajouter:

— Va falloir que tu m’aides avec Dimitri. Je sais pas comment je vais lui résister. 

— T’inquiète pas, on va lui botter les fesses.

— Surtout pas, ça risque de l’exciter. 

On part tous les deux dans un fou rire qui me ferait presque oublier l’objet de notre hilarité. 

— Alors, ce club, raconte. 

— Franchement, tu sais pas ce que t’as loupé. Sauna, hammam, jacuzzi. Et plein de belles surprises. Mais j’en dirai pas plus, étant donné que tu vas m’accompagner ce soir. Et t’as pas intérêt de te défiler, cette fois.

— Oui, chef ! Et t’as fait des rencontres intéressantes ?

L’œil qui brille et le sourcil qui ondule, j’imagine déjà ce qu’il va me dire :

— Très intéressantes. Figure-toi que j’ai renoué avec une vieille connaissance.

— Ah ! Qui ça ?

— Tu l’as jamais vu. C’est un ex de l’époque de la fac. Je m’attendais pas du tout à le voir là-bas. À le revoir tout court, d’ailleurs. 

— Et…

— Et j’ai pas été déçu. C’est comme les grands crus, il s’est amélioré avec l’âge !

Il passe le quart d’heure suivant à me narrer les exploits de son amant pendant qu’on dévore nos sushis.

L’après-midi touche à sa fin, et malgré notre session comédie romantique où nous avons plus ri et parlé que prêté attention au film, Dimitri occupe toujours mes pensées.

Au moment de partir, Sandro m’enlace tendrement tout en me menaçant à nouveau :

— Promets-moi que tu ne le reverras pas. 

— Comment je fais ? Je vais être obligée, pour le contrat. 

— On va trouver une solution pour le contrat. Je vais m’en occuper, mais ne retombe pas dans ses bras. Tu vaux mieux que ça. 

— Pourquoi suis-je irrémédiablement attirée par les types les plus toxiques ? J’aimerais tomber sur quelqu’un de différent, un jour. Quelqu’un qui m’apprécie pour ce que je suis vraiment. 

— Ça viendra, bébé. Ça viendra.

Je comptais sur ma lecture pour divertir mon esprit, mais l’histoire d’amour insipide ne me passionne absolument pas. À la moitié du roman, je claque l’ouvrage, saisie d’une pulsion. Je me rappelle avoir repéré une librairie de l’autre côté de l’île que je n’ai encore jamais visitée. Moins de trente minutes plus tard, je me retrouve face à la devanture défraîchie de l’échoppe. Le nom est quasiment effacé sur l’enseigne au bleu écaillé, le lambris vermoulu qui encadre l’entrée semble vouloir s’envoler au moindre coup de vent et l’enduit s’effrite, pourtant je ne peux m’empêcher de sourire. Je craque complètement pour ces vieilles boutiques. J’ignore pourquoi je ne suis pas venue plus tôt. L’odeur des livres poussiéreux, voilà ce dont j’ai besoin pour me changer les idées. Je pousse la porte, impatiente de découvrir ce que me réserve l’intérieur. 

Une clochette annonce mon arrivée. 

¹ Bolas : couilles en portugais.

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