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MiraPerry
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5. Envole-toi

Mon pas est beaucoup plus léger que ce matin. Ou peut-être est-ce mon cœur qui s’est libéré d’un poids ? Mes talons battent un rythme enjoué sur les pavés du quai Bourbon et mon sourire ne quitte plus mes lèvres lorsque j’arrive devant chez moi. 

En plus d’être tombée sous le charme de cette librairie antique, la rencontre avec son propriétaire fut des plus divertissante. Je ne crois pas que ma particularité physique ait troublé quelqu’un à ce point. La timidité couplée à la maladresse de cet homme face à mes yeux vairons a vite rendu la situation comique. J’espère ne pas l’avoir heurté en éclatant de rire, mais toute la pression accumulée depuis mes retrouvailles avec Dimitri me rongeait et ne demandait qu’à sortir. Cette rencontre improbable m’a fait un bien fou.

Mon portable annonce un message de Sandro qui m’envoie l’adresse du club ainsi que l’heure où je dois le rejoindre SANS FAUTE, sous peine de devoir affronter son courroux. Il me reste du temps. J’enfile une tenue confortable et m’affale dans mon canapé d’angle face à la Seine en soupirant d’aise. Mon seul regret est de ne jamais avoir vu la flèche de Notre-Dame par la grande baie vitrée qui traverse le salon. La cote de mon appartement s’est effondrée aussi vite qu’elle lors de l’incendie de 2019. Après six mois à chercher la perle rare à acquérir, j’ai sauté sur l’occasion. Un atelier d’artiste sur les berges de l’île Saint-Louis. Cent mètres carrés avec jardin à retaper à ma guise, en plein cœur de Paris. Grâce à mes relations, et compte tenu du prix de l’immobilier dans le quartier, j’ai eu ce petit bijou pour une bouchée de pain. Du pain en or massif, certes, mais quand même !

Jogging, verveine et nouveau roman en main, me voilà prête à affronter le moment de quiétude que j’attendais depuis longtemps. Seule ou presque. Une boule de poils qui patientait tapie dans l’ombre se précipite sur moi, coussinets frétillants, à peine le plaid a-t-il touché mes jambes. 

— Bonsoir, Opale.

Mon sacré de Birmanie est, comme son nom l’indique, tout ce qu’il y a de plus précieux pour moi. Sandro me l’a offert à mes trente ans pour me tenir chaud durant les longues soirées d’hiver. Fidèle à son franc-parler, il avait scandé que c’était la parfaite panoplie de la vieille fille, ajoutant que cela ferait désormais deux chattes à fouetter dans l’appartement. 

Ah, mon Sandro ! Dommage qu’il soit unique, car on devrait tous avoir le sien pour égayer sa vie. 

Je passe mes doigts dans la fourrure soyeuse du greffier et le ronronnement régulier sur mon abdomen donne le départ de ce marathon détente. Je plonge avec hâte dans ce nouveau livre. 

Les mots m’emportent aussitôt. La finesse des phrases, la poésie du rythme me happent au fil des pages. 

J’ai lu une dizaine de chapitres lorsque mon portable sonne à nouveau. Je soupire, persuadée que c’est encore Sandro qui veut s’assurer que je viens toujours. Mon sang se glace dans mes veines en découvrant le message :

[ Tu es en retard. Ne m’oblige pas à venir te chercher. ]

Le numéro est inconnu, mais je reconnais tout de suite qui se cache derrière ces mots, et ce n’est définitivement pas Sandro. J’étais parvenue à oublier les événements de la matinée, et même ce rendez-vous auquel je n’ai jamais eu l’intention de mettre les pieds, et voilà que toutes mes angoisses remontent à la surface. Si je vais le voir, je vais céder, si c’est lui qui vient, je ne résisterai pas. Ne pas le croiser, c’est là ma seule chance de rédemption. 

Je me précipite dans la salle de bains en m’excusant vaguement auprès d’Opale qui feule d’avoir perdu son lit douillet et je pianote rapidement sur mon écran :

[ Mon cœur, c’est mieux si je me prépare directement chez toi. ]

[ Pas de problème, je vais te mettre en bombe bébé ;) ]

Une chaleur humide nous tombe dessus dès notre arrivée au club. Une hôtesse nous accueille chaleureusement et nous propose aussitôt des peignoirs et des paréos aussi sombres que son déshabillé en dentelle. Après une courte réflexion, Sandro et moi les refusons. Nous avons passé beaucoup trop de temps sur notre coiffure pour prendre un tel risque, sans parler du maquillage. Mon ami, qui trépigne d’impatience de me faire découvrir les lieux, m’entraîne vers la piste de danse. 

Une musique électro, des stroboscopes multicolores qui percent l’obscurité, des couples qui ondulent sensuellement. Tout porte à croire que je m’assois au bar d’une discothèque classique. C’est sans compter les plaintes, entre jouissance et douleur, qui s’échappent des alcôves parsemées à chaque coin de la piste. Le dress-code non plus ne laisse pas place au doute, pour ceux qui ont des vêtements. 

Ce nouveau donjon déniché par Sandro semble tenir ses promesses, mais lui est désormais introuvable. Il m’a abandonnée sur la piste au bout de la première chanson pour disparaître dans la foule, et après une danse lascive avec une rousse pulpeuse en topless, j’ai besoin d’un verre.

Je commande mon cocktail fétiche, ajuste la perruque dont les mèches noir corbeau encadrent mon visage, puis détaille les lieux que je découvre pour la première fois. 

J’ai l’habitude de fréquenter ce genre d’endroit, je ne suis donc pas surprise lorsqu’une femme en combinaison de latex promène un homme en laisse à deux pas de moi. J’observe le spectacle un sourire aux lèvres et une pointe d’envie dans l’estomac lorsque le fouet s’abat sur le postérieur du soumis, sans prêter attention à la présence derrière moi.

— Je savais que je te trouverai ici, Alana.

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