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Nyxthorne
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Chapitre 2 : Les Cendres de Folk

La porte de l'appartement de Vic claque derrière nous, étouffant le vacarme de Folk. Je retire mes chaussures comme on se libère d’un poids trop longtemps porté. Vic jette son manteau sur le canapé, chez elle, dans son élément, comme si ces trois ans n’avaient été qu’une parenthèse irréelle.

- Bon, installe-toi. Pizza dans trente minutes, glace au congélo, et Damon nous attend sagement sur Netflix, déclare-t-elle avec un clin d'œil.

Elle s'affaire dans la cuisine comme si rien n'avait changé. Mais je sais qu'elle observe, qu'elle guette les silences. Vic n'a jamais été du genre à foncer tête baissée dans les questions, elle attend toujours le bon moment pour frapper juste.

Je me laisse tomber dans le canapé, les jambes ramenées contre moi. C'est étrange comme le silence peut devenir doux quand il est partagé. Ou peut-être que c'est juste moi qui ai oublié ce que c'est d'avoir quelqu'un.

Elle revient avec deux verres d'eau et s’assied à mes côtés, les yeux posés sur moi.

- Alors ? commence-t-elle, le ton léger. Tu comptes m’expliquer un jour ce que t’as foutu pendant trois ans, ou tu préfères qu’on fasse genre « tout va bien, passons aux potins ?»

Je laisse échapper un petit rire sans joie.

- J’ai survécu, Vic. C’est tout ce que j’ai fait pendant trois ans et c’est déjà pas mal dis-je avec un rire sans joie.

Vic fronce les sourcils, mais ne dit rien.

- J’avais réussi l’infiltration. J’avais gagné sa confiance. J’avais même eu ce qu’il fallait pour le faire tomber. Et quand il a été arrêté…

Je m’interromps. Le poids dans ma gorge est presque douloureux.

- T’es partie, murmure-t-elle. Sans rien dire à personne.

J’acquiesce. Lentement.

- J’avais peur, Vic. Pas de lui. De moi. De ce que j’étais devenue en étant avec lui. De ce que j’avais ressenti.

Elle baisse les yeux, joue avec son verre.

- Tu t’es perdue, souffle-t-elle.

- Oui. Et j’ai préféré tout abandonner plutôt que d’avouer à quel point j’étais devenue vulnérable.

Un silence s’installe, plus tendre que pesant. Puis elle me regarde, un sourire fatigué aux lèvres.

- T’es conne, souffle-t-elle.
Pas avec méchanceté. Juste… avec tout ce qu’elle n’a pas su dire depuis trois ans.

- Mais t’es là. Et ce soir, ça me suffit.

Je tends la main, enlace ses doigts dans les miens. Elles sont chaudes, rassurantes. Vivantes.

- Merci d’être encore là.

- Tu peux me remercier en m’évitant un énième drame. Et en partageant la glace.

Elle se lève pour aller chercher deux cuillères et me tend la mienne comme si elle me confiait une arme de destruction massive.

- Règle numéro une : touche pas à la partie chocolat noir. Elle est à moi.

- Et si je prends juste une bouchée ?

- C’est une déclaration de guerre. Et crois-moi, Haley, t’as pas envie de me voir en mode militaire.

- Je t’ai vue pleurer devant un dessin animé de Noël, Vic. Je survivrai.

Elle me lance une cuillère. Littéralement !

- Faux. C'était hormonal. Et triste. Et le pingouin était seul, d’accord ?

Je ris. Vraiment. Et ça me fait un bien fou.

Elle revient s’asseoir, un plaid sur les genoux, son regard toujours rivé à moi malgré ses airs désinvoltes.

- T’as changé, me dit-elle doucement.

Je fais mine de vérifier mes bras.

- J’ai pas de tatouage visible, j’ai pas rasé mes cheveux… j’ai juste un traumatisme affectif mal emballé. Ça compte ?

- Ça compte!Dit-elle en explosant de rire.

- Bon Damon ou Damon ?

- T’as vraiment besoin de poser la question ?

- Non, mais j’aime m’assurer que ton goût pour les beaux ténébreux n’a pas été corrompu par trois ans de solitude.

Elle lève les yeux au ciel, mais je vois le coin de ses lèvres se relever malgré elle.

Plus la soirée avance, plus je redeviens humaine, moins spectre. Vic s'endort sur mon épaule, comme avant. La télé fredonne en fond, mais mon esprit, lui, est ailleurs.

Je pense à ses yeux. À cette cellule. À ce nom que je n'ai pas prononcé depuis trois ans : Silas.

Et dans ce calme fragile, une évidence me gifle : demain, je vais le revoir. Et une part de moi l'attend déjà.

Je ferme les yeux.

Et je retombe trois ans en arrière.

                                                                                                      🝮          🝮             🝮

Flash-back (3 ans auparavant) C’était un soir de pluie. L’orage grondait au loin, étouffé par les murs épais de la planque où il m’avait fait venir. Il n’avait donné aucune explication. Juste une adresse. Juste mon prénom, écrit à l’encre noire sur un morceau de papier glissé dans ma poche.

Quand j’étais arrivée, il m’attendait déjà. Assis sur le rebord d’une vieille table métallique, les mains croisées devant lui, le regard rivé au sol. Il ne leva pas les yeux quand je refermai la porte derrière moi. Il savait que je viendrais. Il savait toujours.

- Il y a une taupe, avait-il dit.

Je n'avais rien répondu. Mon ventre s'était noué. Je m’étais avancée lentement, mes pensées déjà en panique. Il ne fallait pas que je tremble. Pas ici. Pas devant lui.

- Quelqu’un me ment, et j’ai horreur qu’on me prenne pour un con.

Il releva enfin la tête. Son regard me transperça comme une lame froide. Il ne cherchait pas une réponse. Il cherchait un aveu.

- Tu sais ce que ça veut dire, Haley ?

Il s’est levé, lentement. Un silence glacial s’est installé entre nous, juste troublé par le crépitement de la pluie contre les vitres sales.

- Ça veut dire que quelqu’un ici pense pouvoir jouer un double jeu. Et que je vais devoir lui arracher la vérité. Centimètre par centimètre, s’il le faut.

Je crois que j’ai frissonné. Il l’a vu. Ses pupilles se sont légèrement rétractées, comme s’il analysait une donnée. Un doute. Une faille.

- Tu sais ce que j’aime chez toi ?

Il s’était approché, dangereusement près. Je sentais son souffle sur ma peau. Mon cœur battait trop fort. Beaucoup trop fort. Est-ce qu’il pouvait l’entendre ?

- C’est que tu ne trembles jamais. T’es solide. Vraie. T’as ce regard… celui de ceux qui ont déjà vu l’enfer et qui en redemandent.

Un sourire sans chaleur a effleuré ses lèvres.

- Mais même les plus solides peuvent mentir.

Mon sang s’est glacé. Il savait ? Non. Il doutait. Et c’était presque pire.

Je forçai un sourire, un brin provocateur.

- Si je devais te trahir, Silas, tu serais déjà mort.

Il m’a observée, longuement. Puis il a éclaté d’un rire sec, sans joie.

- C’est exactement le genre de phrase qu’une taupe dirait.

Il laisse échapper un souffle sec, presque un rire, mais sans aucune trace d’amusement. Puis, en relevant lentement les yeux vers moi, il murmure :

- T’as beau faire la forte, Butterfly… y a toujours un moment où les ailes brûlent.

Je reste figée. Ce surnom. Il le dit toujours avec cette voix basse, presque tendre. Mais ce soir, il résonne comme une sentence.

- Pourquoi tu m’appelles comme ça ? je demande, plus durement que je ne l’aurais voulu.

Il me jauge, penche légèrement la tête, puis avance d’un pas, comme s’il goûtait le moment.

- Tu es comme eux, belle, fascinante, insaisissable mais également attirée par la lumière, même quand c’est une flamme.

Il marque une pause, ses yeux toujours ancrés dans les miens.

- Et les papillons, Haley, ils finissent toujours par se brûler. Sauf que toi… je sais pas si tu cherches à fuir la chaleur ou à y plonger pour de bon.

Il s’est détourné brusquement, comme si la tension venait de se dissiper. Mais je savais que ce n’était pas fini. Ce n’était jamais fini avec lui.

- Va te reposer. Demain, on fait tomber les masques.

Et moi, je suis restée là, seule dans le silence revenu. À respirer par à-coups. À prier pour ne pas être la prochaine qu’il déciderait de faire disparaître.

Ma couverture tenait encore. Mais je venais de comprendre qu’elle était plus fine qu’un fil de rasoir.

                                                                                                     🝮        🝮          🝮

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